Si vous lisez ce blog régulièrement, alors vous savez que je suis un fervent défenseur des interfaces web enrichies. Des nombreux exemples que j’ai cités, la majeure partie ont fait l’objet de commentaires du type désolé mais ce n’est pas accessible
. Au-delà de l’aspect stérile de la critique, je souhaiterais revenir sur 2 ou 3 points qui me semble essentiels pour la compréhension des enjeux dont il est ici question.
C’est quoi l’accessibilité déjà ?
Être accessible ça veut dire apporter un service équivalent aux personnes souffrant de handicaps (visuels, moteurs, cognitifs…). Un service équivalent ne veut pas dire un service identique, et c’est là où réside une grosse confusion. Il est absurde de demander à une application Flash d’être accessible, elle ne le sera jamais. Par contre, c’est l’alternative qui va être proposée qui doit l’être.
Prenons un exemple : l’escalier central du nouvel Airbus A380 n’est à priori pas accessible (on ne peut pas l’emprunter en chaise roulante), est-ce pour autant qu’il faut interdire à cet avion de voler ? Non, il suffit de prévoir des places adaptée aux handicapés au rez-de-chaussée de l’avion. Pour un site web c’est la même chose : la très belle interface riche Diamond Search proposée par Amazon n’est pas accessible, par contre son équivalent HTML l’est (ou pourrait l’être). Idem pour le service de messagerie en ligne de Google (GMail) qui propose une interface riche (basée sur AJAX) et une classique (basée sur HTML).
Mon site n’est pas accessible, est-ce grave ?
Pas forcément, tout dépend de vos priorités. J’ai été récemment impliqué dans un projet de création d’un site web sur le thème des risques professionnels. Ce site dépendant de l’Assurance Maladie (donc de la Sécu), je me suis débattu comme un diable pour le rendre accessible. Manque de chance, ce n’était pas une priorité : les mal et non-voyants ne sont pas dans la cible prioritaire
. Pas dans la cible prioritaire alors que c’est un site du service public qui n’a rien à vendre ? Alors vous imaginez pour un site de marque au sein d’un environnement hyperconcurrentiel, l’accessibilité est encore moins une priorité.
Pensez avant tout à ce que vous souhaitez accomplir
Un projet de site n’est qu’une série de compromis. En fonction de vos objectifs (vente en ligne, génération de leads qualifiés, collecte de données sur des consommateurs potentiels…) abandonner l’accessibilité peut être un compromis pour allouer plus de moyens (ressources, budget, temps…) à d’autres sujets plus prioritaires comme la capacité à se différencier, à être persuasif, à proposer une expérience plus riche que les concurrents… et c’est là où les interfaces riches (Flash ou autre) peuvent vous aider à atteindre ces objectifs.
Est-ce un crime ? Non, n’oubliez as que 99,99% des sites ne sont absolument pas accessibles. A commencer par les poids lourds (Yahoo!, Google, Amazon, eBay) qui s’adressent pourtant à une population-cible très large.
Mais alors, c’est foutu ?
Bien sûr que non, il est tout à fait possible d’intégrer des animations Flash dans un site et de le rendre accessible. Il suffit pour cela de proposer un équivalent textuel qui apporte le même niveau d’information, un peu comme pour la description des images. Chevrolet propose ainsi un site conforme et accessible avec de nombreuses animations Flash. Idem pour le site du planétarium de Montpellier qui a décroché une certification BrailleNet avec une animation Flash en page d’accueil. Encore une fois, les animations et interfaces Flash n’ont pas vocation à être accessibles, elles servent avant tout à proposer une expérience plus riche.
Pourquoi parler d’hypocrisie alors ?
Oui je sais, le mot est dur. Mais il est là pour dénoncer ceux qui cachent leur résistance au changement voir leur ignorance derrière de soi-disant bonnes intentions. Se soucier de l’égalité des chances de tout un chacun devant l’outil informatique est une chose, brandir la bannière de l’accessibilité comme un épouvantail en est une autre. Je suis persuadé que les personnes souffrant de handicap n’ont pas demandé à être impliquées dans le débat Flash / Accessibilité. Pourquoi les enrôler de force ?
Conclusion
Les innovations font peur, ce n’est un secret pour personne. Masquer cette peur en exploitant le handicap des mal et non-voyants ce n’est pas très fair-play. Avant de porter un jugement (voir de condamner) il est toujours bon de se poser les bonnes questions :
- C’est quoi un site accessible ?
- Rendre mon site accessible est-il une priorité ?
- Est-ce prendre un gros risque que de privilégier les biens-voyants (en leur proposant une expérience plus riche) au détriment des mal et non-voyants (au risque de na pas pouvoir se différencier) ?
Une fois que vous aurez répondu à ces questions, alors vous pourrez porter un jugement et prendre votre décision.