Une remise en question du modèle de viralité fondée sur les influenceurs

Le magasine Fast Company a publié un article très intéressant sur réel potentiel viral des influenceurs : Is the Tipping Point Toast?. A l’origine de cet article, les travaux de Duncan Watts, un chercheur spécialisé dans la théorie des réseaux qui travaille maintenant pour le Yahoo! Research.

Les résultats de ces travaux mènent ainsi la vie dure aux théories selon lesquelles la prolifération virale repose sur quelques influenceurs qui ont la faculté d’amorcer des tendances et d’initier des phénomènes de propagation au sein de populations beaucoup plus larges (ex. le livre The Tipping Point de Malcolm Gladwell).

Selon Duncan Watts, les phénomènes de propagation virale seraient le fruit du pur hasard et ne pourraient pas être amorcés à la demande. Illustration avec le schéma suivant :

FastCompany_Order_chaos

 

A gauche, le schéma de propagation virale par cercles concentriques : les influenceurs sont les premiers destinataires et assurent un rôle de relais. Tandis qu’à droite, la propagation est anarchique.

Pour illustrer ses propos, l’auteur utilise la métaphore du feu de forêt : c’est la combinaison de nombreux paramètres aléatoires (pluviométrie, type de bois et de sous-bois, temps de réaction des équipes de pompiers…) qui déterminent l’ampleur de la catastrophe. Comprenez par là que si les conditions sont réunies, une simple allumette suffit à provoquer un incendie gigantesque. Et inversement : s’il vient de pleuvoir, même une bombe incendiaire au phosphore ne pourra pas provoquer grand chose.

Pour celles et ceux qui travaillent dans le domaine du buzz marketing, ces travaux sont lourds de conséquences : ils remettent en question le marketing communautaire reposant sur les influenceurs. Pire : Duncan Watts précise que le meilleur moyen d’améliorer les chances d’une campagne virale est de multiplier le nombre de points d’amorçage. En d’autres termes : le marketing de masse viendrait au secours du marketing de niche. Gloups !

J’avoue nourrir des sentiments ambivalents vis à vis de cet article. En fait je ne sais pas trop où me situer… En tout cas je suis persuadé d’une chose : le temps est un facteur critique. Plus vous voulez aller vite et plus vous avez de chances d’échouer. A contrario : si vous avez le temps de bien observer le marché et d’attendre que les conditions soient réunies alors vous augmentez considérablement les chances de succès.

Heu… suis-je le seul à avoir l’impression d’enfoncer des portes ouvertes ?

45 commentaires sur “Une remise en question du modèle de viralité fondée sur les influenceurs

  1. Il serai peut-être temps de mettre du bon sens dans tout ça ! Il y avait sérieusement des gens qui pensait que le marketing viral fonctionnait aussi parfaitement ?

  2. Je n’ai pas lu encore dans les détails l’étude de Watts toutefois, à la lumière de ce que tu mentionne, il y a certaines choses à dire.
    Les influenceurs sont des accellérateurs de propagation. Je suis absolument d’accord avec toi sur le fait qu’il est indispensable de bien observer le millieu avant. Rien n’est plus puissant qu’un relai d’opinion bien choisi dans une niche bien ciblée (quand c’est possible). Je pense qu’une fois de plus il est bon de se rapprocher de ce que disait Seth Godin sur les différents types de leader (promiscious leader, powerfull leaders, etc…) qui éclaire bien les choses. De plus, je pense que réfléchir sur une simple propagation mécanique est une erreur, ce n’est pas qu’en se basant sur quelques lois que l’on peut anticiper.
    Les schémas ci-dessous résonnent de facon plus “mécaniques”. Je suis d’accord avec l’un et l’autre, toutefois je tempererais cela. Notamment sur la multiplication des leaders d’ammorcages. Je m’inscris donc en faux sur ce que dit Watts a ce propos. Il faut a mon avis viser moins mais mieux. L’observation et une étude approfondie sont necessaires. J’aime assez l’exemple du feu de foret.
    Je pense qu’il est necessaire de ne pas baser toute sa campagne sur des influenceurs, c’est je pense une lourde erreur. Il faut intelligement associer les deux. De bons leaders bien choisis et apres on laisse faire la progression plus anarchique.
    Je suis d’accord également avec toi sur le fait de vouloir aller trop vite à lancer une campagne de viral est une erreur.
    Pour finir, et je le disais encore récement dans un de mes cours que je dispense sur le sujet, dans “marketing viral”, il y a “marketing”. Ne fait pas du viral qui veut, c’est je pense un point important. En effet, on a eu trop l’impression ces derniers temps que le marketing viral, c’était la facilité. Il est fondamental de faire une étude préalable, et de résonner de facon marketing en n’oubliant pas les fondamentaux. Repensez aux campagnes de viral qui ont vraiment fait un raz de marée, vous verrez que d’un point de vue purement marketing, elles sont bien montée. A cela, vous ajoutez des techniques spécifiques au viral et on multiplie les chances de réussites. J’ai en effet, comme toi Fred, l’impression d’enfoncer des portes ouvertes, mais j’ai trop vu de mauvaises campagnes de viral tomber à l’eau pour des choses betes…

  3. Je ne assez d’accord avec cette nouvelle théorie qui s’accorde mieux avec ce que l’on observe dans la blogosphère par rapport à l’ancienne : tous les buzz qui court dans les mêmes sphères (donc avec grosso modo le même pouvoir “buzzant”) ne parviennent pas toujours à mobiliser les foules avec la même intensité.

  4. Ce n’est guère étonnant. J’ai aussi eu l’impression que 2007 était l’année du viral, on a vu les blogs de “viral” foisonner à toutes les sauces, des bouquins sont sortis, les marketeurs se sont enflammés…

    Finalement c’est un concept vieux comme le monde et je ne me lasserai jamais de le répêter. Pourquoi ça marche? Parce qu’il y a bouche à oreille. Et le bouche à oreille restera je pense, en tout temps, la meilleure des techniques marketing! Alors oui l’humour et un concept fort, ça marchera toujours…

    Je pense aussi qu’une bonne campagne virale est une campagne qui a été: pas ou peu orchestrée. Rien de tel que le buzz spontané. Le buzz que l’on a envie de propager.

    Par contre si on cherche à influencer les relais, là ça coince. Tout simplement parce que ces gens sont des passionnés, qui voient venir les marketeurs de loin et qui ont en général des à priori sur ces procédés mercantiles.

    En tant que marketeur je me mets à la place de ces boites qui se lancent dans le buzz mais en tant que membre de plusieurs communautés qui apparaissent bien souvent comme prescripteurs dans des domaines différents, je comprends aussi la position de ces groupes qui en voient défiler des “buzzers” en tout genre.

    Trop de buzz tue le buzz!
    A part 118 218 et 2/3 autres, personnellement, rien ne m’a marqué en 2007

  5. J’ai moi aussi l’impression que le viral a un peu moins la cote. Et caché derrière cette idée, la conscience que le coeur de la réussite est qu’il faut surtout une super idée. Les influenceurs ne sont en fait qu’un moyen (parmi d’autres) d’adresser l’audience qu’ils ont. Il ne faut pas oublier qu’un des intéret n’était pas que cela influence, mais ce que ce n’était pas cher. Que cela ne soit pas une garantie de succès est donc plutôt rassurant !

  6. @ GT > Tout à fait, dans “marketing viral” il y a “marketing”. si la proposition de valeur de l’offre est trop faible alors la campagne est vouée à l’échec.

    /Fred

  7. « Pire : Duncan Watts précise que le meilleur moyen d’améliorer les chances d’une campagne virale est de multiplier le nombre de points d’amorçage. »

    Ouaip mais dans ce cas, on revient exactement au schéma publicitaire traditionnel, non ?
    Pour moi, ce qui différencie le buzz viral de la pub traditionnelle, c’est justement le fait qu’il y ait peu de points d’amorçage (voire même l’unicité d’une source). Pour les blogueurs et autres webmasters, je pense qu’il est intéressant de participer au « buzz » lorsqu’il n’est pas encore reconnu comme buzz justement. À moins d’être payé, faire tourner une vidéo ou je ne sais quoi lorsqu’on sait qu’elle a déjà été publiée sur 250 supports auparavant a beaucoup moins d’intérêt.

    Sans être spécialiste de la question, je suis plus volontiers d’accord avec le dernier paragraphe du billet : « si vous avez le temps de bien observer le marché et d’attendre que les conditions soient réunies alors vous augmentez considérablement les chances de succès. » ;-)

  8. “le marketing de masse viendrait au secours du marketing de niche”

    Je suis tout à fait d’accord sur le principe de multiplier les points d’amorçage pour multiplier les chances de “viralité” d’un projet. Mais j’ai du mal à concevoir que le marketing viral soit un marché de niche, et que faire appel aux médias de masse soit obligatoire pour multiplier les points d'”amorçage”.

    Je suis un fervent défenseur de la théorie de Seth Godin (encore lui?!) qui disait que faire en sorte qu’un projet devienne viral, c’est comme gagner à la lotterie…

  9. C’est tout à fait normal que la viralité ne se répande pas au maximum de ses possibilités (le nombre de liens de chaque noeuds, cf le premier schéma). Car même si on peut propager de l’information, encore faut-il qu’on le veuille.
    Le deuxième schéma que tu montres correspond à cette situation :
    – j’ai une info
    – je ne la relaie pas dans un premier temps (pourquoi ? plein de raisons (pas le temps, source pas fiable, pas compris…), comme pour l’incendie)
    – j’ai à nouveau l’info ou j’y pense à nouveau (par une autre source, quand j’ai plus de temps, etc.)
    – je le relaie
    – mes contacts font de même.

    Il faut donc distinguer la possibilité d’influence et la volonté d’influencer.
    La première se mesure, la deuxième dépend entre autres du message.

    Ce qui fait que l’amorçage de la communication virale est très important, que ce soit pour bien définir son message, ou pour multiplier les points d’entrée de personnes qui auront envie de le relayer.
    Mais ça, on le sait tous, la communication virale demande des efforts !

    Plus d’infos sur http://www.alenty.com/xwiki/bin/view/Blog/MesurerLInfluenceSociale

  10. Nous défendons toujours l’idée qu’utiliser uniquement des influenceurs dans une campagne est une grosse prise de risque.
    Chaque fois que nous conseillons un client, nous lui recommandons d’avoir une vraie stratégie multicanal ou les supports pub traditionnels ont leur rôle à jouer, à minima, faire savoir que la marque lance une campagne virale.
    “Les influenceurs” sont un media supplémentaire qui ne remplacent pas les autres, mais s’y ajoute pour apporter une dose de recommandation (à travers une réelle expérience) et de bouche à oreille que n’apportent pas les médias traditionnels.
    Je finirais mon com par une phrase intelligente mais qui n’est pas de moi : “votre marque n’est pas ce que vous en dîtes, mais ce que Google en dit” Chris Anderson Editeur de Wired magazine.

  11. En tout cas, ça montre que certains concepts du Web2.0 sont encore à vérifier. Peut être il faudra attendre l’explosion d’une nouvelle bulle financière comme celle qui a apparue vers la fin des années 90 pour mettre les points sur les i.

  12. Je pense que le viral est un mix des deux schémas. Une campagne démarre avec des points d’amorçage avant de se développer de manière anarchique et non de façon structurée comme le premier schéma le laisse penser.
    Il y a le bouche à oreille spontané, qui échappe à son auteur. C’est le schéma habituel des buzz négatifs mais cela peut aussi s’appliquer aux buzz positifs. Le second schéma correspond à cette situation : l’émetteur n’a rien fait pour créer le buzz (on le voit bien par le fait qu’aucune flèche ne part de l’écran TV).
    Il y a ensuite le véritable marketing viral, qui va forcément s’appuyer sur des cibles prioritaires. En multipliant les cibles, on a en effet plus de chances d’atteindre les “influenceurs”. Sauf que les influenceurs aiment bien être “les premiers” à transmettre l’info. EN fait, je ne comparerais pas ça à un feu de forêt mais à une dynamite. Au début, le feu suit une ligne déterminée (la mèche) et si le buzz prend, le feu se développe de façon anarchique (l’explosion)…

  13. Il me semble que le facteur clé de succès est avant tout la qualité du contenu (vs. modèle media classique ou ce qui compte, c’est avant tout la pression media : puissance / répétition sur la cible). Un très bon film, drôle, bien réalisé, circulera quoi qu’il en soit – même si celà ne dépassera peut-être pas le cadre des “geeks” qui n’achètent pas le produit :-). A l’inverse, un contenu mal fichu même poussé par une multiplication des “points d’amorçage” fera flop.

    Par ailleurs, que la chance joue un rôle prépondérant est une évidence : l’actualité (de la marque, mais pas seulement !), le timing, etc. peuvent peser lourd dans un sens comme dans l’autre.

    L.

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