MSPOG + microblog = Micro social RPG

J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la façon dont les plateforme sociales sont en train de révolutionner les plateformes de jeux en ligne (Social Networks + Casual Games = Social Games). J’ai également abordé le succès des jeux portés sur les grands réseaux sociaux (Social Games, une mine d’or pour les plateformes sociales). La prochaine étape dans cette dynamique de transformation semble être déjà atteinte avec l’apparition de nouveaux types de jeux en ligne : les social games qui exploitent Twitter et les mobile social games qui commencent à cartonner sur l’iPhone.

Le paradoxe des jeux en ligne massivement mono-joueurs

Dans mon précédent article traitant des social games, j’avais fait l’impasse sur les alternative games pour ne pas trop vous embrouiller avec des termes jargonnants. Il va malheureusement falloir que je m’y plonge un peu. Vous connaissez déjà les jeux de plateau qui se jouent au tour à tour (Monopoly…), vous connaissez les jeux de rôle massivement multijoueurs (World of Warcraft…) alors vous ne devriez pas avoir de mal à saisir le principe des jeux en ligne massivement mono-joueurs (MSPOG ou MSO pour les intimes) qui se situent à mi-chemin. Le principe est de proposer un jeu en ligne avec une réalisation très sobre (texte + images) qui se joue de façon asynchrone (chacun son tour), à la fois individuelle (vous êtes seul devant votre écran) et collectif (vous intégrez des guildes pour accomplir des quêtes).

Il existe de nombreux termes pour décrire ce type de jeux (“Text-base online RPG“, “alternative games“…) et il se déclinent en de nombreux thèmes (heroic fantasy, anticipation, vampires…). Du fait des mécanismes de jeux et des limitations, le gameplay de ces jeux repose donc beaucoup sur la gestion de l’inventaire et des points d’énergie : faire des missions vous rapporte de l’argent (pour acheter des armes, des potions et de l’équipement) mais vous coûte des points d’énergie (en fonction de la difficulté des missions). Le modèle économique des éditeurs repose sur ces deux variables : ils proposent du micro-paiement pour convertir vos euros en monnaie locale ou acheter des points d’énergie.

Assez peu connus du grand public, les jeux alternatifs en ligne ont cependant connu un grand essor avec leur portage sur les plateformes sociales comme Facebook (lire à ce sujet un précédent article sur Elven Blood). La spécificité du portage de ces jeux est de parfaitement exploiter le levier viral et d’utiliser le public wall pour recruter d’autres joueurs. Les jeux les plus populaires comme Mob Wars ou Mafia Wars comptent plus de 12 millions de joueurs actifs.

MafiaWars

Mafia Wars sur Facebook

Micro Social RPG : les jeux alternatifs à l’heure des microblogs

Dans les exemples précédemment cités, Facebook est utilisé à la fois comme plateforme d’hébergement (vous y jouez au travers de l’interface Facebook) mais également comme canal de diffusion : vos faits d’armes sont relayés sur le public wall, vous recrutez d’autres joueurs directement depuis votre liste d’amis, vous êtes alertés via le système de messagerie interne… Mais rien ne vous empêche d’utiliser une autre plateforme sociale.

C’est là que Spymaster entre en scène avec un gameplay quasi similaire (accomplissement de missions, gestion de l’inventaire et des points d’énergie…) mais reposant sur Twitter. Concrêtement vous vous inscrivez sur le site PlaySpymaster avec vos identifiants Twitter, vous recrutez d’autres joueurs dans votre liste de followers et vous enchaînez les missions. Toutes vos actions sont alors relayées par des tweets. Vous pourriez me dire que cela génère une pollution terrible dans le flux et que la première chose à faire est de désactiver ce système de notification mais c’est sans compter l’ingéniosité des éditeurs du jeux : plus vous relayez vos actions dans votre flux Twitter et plus vous gagnez d’argent ou de points d’énergie. Ce principe est redoutable car un joueur ayant bien accroché au jeu aura besoin de plus d’argent / points donc va relayer le jeu de façon plus intensive.

Spymaster

Le tableau de bord de Spymaster

Le jeu est également très bien conçu d’un point de vue viral car la puissance d’un joueur est fonction du nombre d’autres joueurs qu’il a réussi à recruter. Description complète ici : Spymaster Twitter Game, The Complete Guide.

Pour le moment il n’est pas possible d’acheter des points ou de l’équipement mais j’imagine bien que c’est la prochaine étape du développement de ce Micro Social RPG. Et il n’est pas le seul puisque d’autres commencent à faire leur apparition comme 140Mafia (cf. The Mob Comes to Twitter), attendez-vous donc à une déferlante de jeux alternatifs sur Twitter dans les prochaines semaines. Les mois d’été seront-ils prétexte à des parties endiablées ? Sûrement.

Vers des adver-micro-social-games ?

Tout ceci est très bien, mais existe-t-il des applications commerciales de ces jeux ? Oui, avec notamment cette campagne réalisée pour la sortie du quatrième volet de Terminator : Resistance 2018. Le principe est assez simple : la résistance s’organise contre les machines et vous incite à la rejoindre en ajoutant le compte @Resistance2018 à votre liste de following pour pouvoir être impliqué dans des opérations. Il y a également un certain nombre d’instructions qui sont diffusées via le blog “officiel” de la résistance.

Resistance2018

Le flux Twitter de Resistance 2018

Tout l’intérêt de cette campagne ne réside pas dans le gameplay assez simple mais plutôt dans l’immersion de l’univers de la franchise Terminator et dans le potentiel viral du dispositif (recrutement viral, système de leaderboard…). Un cas d’école très intéressant qui pourrait tout à fait être réutilisé dans un autre contexte et pour une autre marque (souvenez-vous qu’il s’agit avant tout de jeux textuels). Plus d’infos ici : Terminator Salvation plays “with” Twitter.

Et cela ne risque pas de s’arrêter là puisque ces social games vont bientôt débarquer sur nos consoles de jeux pour compléter un gameplay riche avec une expérience sociale intégrée : XBox 360 to support Twitter and Facebook.

Ne vous laissez pas leurrer par ce côté vidéo-gadgeto-geek, les jeux vidéos représentent un marché colossale et sont surtout durablement ancrés dans les habitudes des consommateurs : Les américains jouent plus qu’ils ne vont au cinéma. Voilà pourquoi ils sont un support de choix pour les annonceurs souhaitant toucher leurs cibles au travers d’un dispositif à engagement plus fort que la TV, la radio ou les bannières.

La ruée vers l’iPhone pour les social games

Autre tendance lourde pour le marché des jeux en ligne : l’explosion du nombre d’iPhone et le portage de ces social games rendu possible avec des technologies comme Facebook Connect for iPhone. Les grands éditeurs se sont ainsi rués sur cette niche avec des versions mobiles de leurs titres phares (Mafia Wars, Vampires BloodLust, AgencyWars…) : SGN Launches Agency Wars & Adds Facebook Connect to iBowl.

MafiaWars_iPhone

 

Encore une fois, le côté asynchrone facilite grandement la tâche du portage de ces jeux sur un terminal mobile. Ces derniers deviennent alors un moyen idéal pour une expérience de jeux fragmentée (quelques minutes plusieurs fois dans la journée) mais répétée. Le marché est d’ailleurs en train de se structurer avec des plateformes de mobile social games comme Aurora Feint qui permet d’avoir une gestion centralisée des crédits, du personnage… Tous les détails sont ici : Aurora Feint To Roll Out OpenFeint 2.0, A Social Gaming Platform For The iPhone.

AuroraFeint

 

Là aussi, les applications commerciales ou “marketing” sont évidentes : sponsoring, placement de produits, lancement d’un jeu lié à un univers de marque… Les barrières à l’entrée sont plutôt basses et le public en demande, donc comment y résister ?

Prochaine étape : les alterned reality games à la sauce micro-social ?

Tout ceci nous amène à nous interroger sur la suite, à savoir la prochaine étape. Hé bien figurez-vous que la prochaine étape naturelle semble être toute trouvée avec les jeux en réalité alternée (alterned reality games ou ARG). Pour faire simple, les ARG sont des jeux de fiction qui se jouent dans la vie réelle (au travers des canaux traditionnels) mais exploitant une trame narrative et des informations alternatives. Si mes sources sont exactes, la première expérience commerciale à grande échelle remonte à 2001 avec un ARG pour la promotion du film AI (plus d’infos ici : Retour sur les Alternate Reality Game). Mais les exemples plus récents sont nombreux avec notamment CanYouStopIt lancé par SFR (SFR se lance dans le jeu en réalité alternée) et d’autres exemples aux US (Le créateur de Heroes prépare une expérience immersive mobile).

CanYouStopIt

Le jeu en réalité alternée de SFR

Mélangez les ARG avec la puissance virale de Facebook, la proximité / instantanéité de Twitter, les capacités de géolocalistation de l’iPhone et vous obtenez un ticket gagnant. En fait c’est plus que ça, c’est le nirvana du story-telling et de l’immersion au service d’une expérience de jeu unique (qui se situe à la frontière des Mobile Multiplayer Trans-Reality Game).

Donc pour faire simple ça donne : Social Games + ARG + MMTRG = Micro-Géo-Social-Mixed-Alterned Reality Games. Simple, non ?

14 commentaires sur “MSPOG + microblog = Micro social RPG

  1. Bravo pour l’article.

    Au géo-social-mixed-alterned reality games, je rajouterai la réalité augmentée. On ne peut pas ignorer l’apport que pourrait avoir cette technologique sur à peu près tout les types de jeux et à plus forte raison sur les MMTRG.

    Je verrai bien dans un avenir proche se développer des mmorp, mmtrg en réalité augmentée. Dans l’esprit on pourrait avoir toutes les informations d’un joueur en le filmant avec son portable, plutôt pratique par rapport aux interfaces graphiques de bases. En prime on pourrait y rajouter de l’adsence ou de la pub géolocalisée pour le business model.

    J’avais aussi parlé de spymaster, néanmoins je ne vois pas ou pourrait s’intégrer le business model, si tu as une réponse à cela je suis tout ouïe.

    Inversement on voit tout de suite l’intérêt des “adver-micro-social-games” qui sont probablement le futur des advergames. Ceci parce qu’ils captent des communautés ultra ciblées et utilisent les systèmes de communication des plateformes pour doper leur propre viralité.

  2. @ Grégoire > Très juste, la réalité augmentée est un éléemnt de plus dans ce “mix” pour faire du Micro-Géo-Social-Mixe-Alterned-Augmented Reality Game.

    Cocnernant Spymaster, le modèle économique est tout trouvé : vente de crédits et de points d’énergie.

    /Fred

  3. Merci pour avoir osé un premier plongeon dans les jeux en ligne alternatifs ! Du coup, je découvre ce terme de MSO, qui est assez savoureux :-) et correspond bien à la majorité des jeux en ligne de simulation et d’élevage, et pas mal d’aventure-RPG.

    Sur notre forum, nous avons justement lancé un débat sur la signification du “massively” des MMO par rapport aux jeux alternatifs. Notre réponse est qu’un MMO n’a pas de limite théorique de nombre de joueurs (uniquement des limites techniques de serveurs), tandis que les jeux alternatifs multijoueurs fonctionnent par “parties” comportant des nombres limités de joueurs. Mais où on peut créer plusieurs parties en parallèle, pour être quand même Massive au final.
    On aurait donc les MSO, les MMO, et les MLO (L pour Limité) ? :-)

    J’ai testé Spymaster, attirée par le concept du jeu en ligne via Twitter. Le fonctionnement ludique est beaucoup trop limité : actions très répétitives, peu de choix tactique. Le rechargement des points d’énergie est trop rapide, favorisant les joueurs hyper-connectés, et au final le multi-clic basique. Mais on devrait voir apparaître des concurrents assez vite, plus amusants et plus liés à la réalité, en effet !

  4. Merci Fred pour cet article.
    Je suis content de lire que tu vois les ARG comme la continuité des jeux sociaux que l’on voit toujours plus nombreux. Comme je l’ai expliqué dans un billet sur Spymaster, l’utilisation de Facebook et Twitter, est très efficace en matière d’engagement. J’espère que la possibilité offerte de jouer avec sa propre communauté va ouvrir la voie à des productions plus encréent dans la vraie vie même si paradoxalement ils se déroulent dans un univers fictif.
    Grégoire, je n’ai nul doute que la réalité augmentée suivra cette tendance. Tous les webaddicts que nous sommes ne rêvent-ils pas de se rencontrer et de jouer avec la ville ?
    Par soucis d’être compris de tous sur Fais Moi jouer, nous qualifions les ARG, expériences étendues (séries, films, livres) et geo-location games d’aventures interactives.

  5. Social Games + ARG + MMTRG = $$ pour ceux qui le mettront bien en œuvre.
    Sinon combien de temps passes-tu pour rédiger un article aussi riche que celui-ci ?

  6. @ Yann > Un article comme celui-ci demande 2 à 3 heures de rédaction mais plusieures semaiens de documentation et de nombreuses heures de réflexion “passive”.

    /Fred

  7. Merci pour cet intéressant article.

    Un autre aspect qui m’intéresse est la prise en compte de ces possibilités de liens entre les sites de réseaux sociaux (Twitter, Facebook, etc.) et les MMORPG. Le dernier gros MMORPG, World of Warcraft, a été conçu avant la grosse vague du web 2.0, et donc utilise peu les mécanismes qui sont présentés ici pour les jeux comme SpyMaster, alors qu’il serait tout à fait possible de faire des choses similaires.
    Je serai intéressé de voir ce que vont faire ElectronicArts/Bioware/LucasArts avec le prochain MMO Star Wars (The Old Republic), notamment. On voit déjà dans le marketing une utilisation assez importante de Facebook, Twitter et Youtube. Est-ce que des liens seront créés entre le jeu et ces différentes plateformes, pour permettre par exemple à un joueur de voir son fil Twitter actualisé automatiquement au fur et à mesure qu’il accomplit des choses dans le jeu ?

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