La nouvelle est tombée la semaine dernière : Linden Lab, l’éditeur de Second Life, va procéder à une restructuration et licencier 1/3 de son personnel (soit une centaine de personnes) : A Restructuring For Linden Lab. Les raisons invoquées sont une rationalisation des coûts (pour éviter un retour à une situation d’endettement) et une concentration des efforts sur les résidents. Plus intéressant, le CEO s’est avancé sur deux promesses : Transformer l’expérience de Second Life en quelque chose de plus social et fournir une version web du player qui permet d’accéder au monde (cf. Second Life cuts staff, promises Web viewer).
Voilà deux annonces tout à fait intéressantes et surtout très structurantes pour l’avenir de Second Life. Depuis l’arrivée de Mark Kingdom, de très gros efforts avaient été déployés pour stabiliser la plateforme (aussi bien du point de vue technique que des contenus : Usages stables et croissance économique pour Second Life), pour sortir un nouveau viewer et viabiliser l’offre dédiée aux entreprises. Si ces chantiers ont été menés avec brio, la croissance fulgurante de ces dernières années de plateformes sociales comme Facebook ou Twitter ont semble-t-il donné envie aux actionnaires de bénéficier du raz-de-marée social.
Suite à ces annonces, des perturbations se sont fait ressentir sur le LindenX et ont incitées l’éditeur à dévaluer sa monnaie virtuelle (An Update on the Linden Dollar) provoquant ainsi un mini vent de panique (Virtual worlds crisis develops into virtual currency upheaval) mais qui est retombé depuis (Linden Dollars: where’s the panic?).
Maintenant que la communauté a digéré ces annonces, que reste-t-il ? Une plateforme technique viable, un écosystème stabilisé… et une marque en train de tomber dans le travers du générique. Comprenez par là que Linden Lab a investi énormément et fournit des efforts considérables pour évangéliser un concept et des pratiques qui sont petit à petit en train de se diluer sur des plateformes alternatives comme les OpenSim. Problème, gros-gros problème pour l’éditeur qui doit impérativement revoir sa copie pour s’extraire de ce piège et développer de nouveaux leviers de différentiation. L’option retenue semble donc de rééquilibrer les efforts vers les résidents (le coeur de la communauté) et de renforcer la couche sociale de la plateforme qui passera nécessairement par une version web (par opposition à l’utilisation exclusive d’un player comme actuellement).
Il y a donc fort à parier qu’une bonne partie de ce que l’on fait actuellement dans le viewer sera visible directement sur le web, j’anticipe ainsi un enrichissement des dashboards avec des listes d’amis et des espaces persos de type lifestream. Pour ce qui est de la partie in-world, cela va beaucoup dépendre de la technologie 3D employée (Flash ? Unity3D ? 3DVia ?) et de la dégradation envisagée par l’éditeur (car il est impensable d’avoir un rendu 3D et une couverture fonctionnelle aussi large que le viewer dans le navigateur. J’aime beaucoup la liste dressée par le blog Hypergrid Business (Web viewer a potential turning point for SL) mais je serais bine incapable de prédire les attentes (ou le refus) de la communauté.
Cette stratégie de repositionnement va-t-elle réussir à Second Life ? Impossible à prédire tant que l’on n’en sait pas plus sur leurs plans. Toujours est-il que je partage entièrement l’analyse de Serge Soudoplatoff quand au potentiel des univers virtuels : A propos de second life, et des mondes virtuels. En quelques mots : Les univers virtuels conservent un potentiel toujours intact avec des niches de croissance extrêmement fortes comme les plateformes destinées aux pré-ados, ou des industries fortement consommatrices comme le monde de l’éducation et de la recherche ou encore l’initative vGov de l’administration US.
Je conclurais rapidement là-dessus (car ce n’est pas le thème de cet article) : Les univers virtuels à la Second Life sont un formidable terrain d’expérimentation avec un horizon de maturation se situant dans les 5 à 10 ans. Ils vont petit à petit s’installer dans notre quotidien professionnel (serious games, v-meeting…) et enfin démontrer leur véritable valeur ajoutée tout en restant un produit de niche qui n’a pas pour finalité de remplacer des médias de masse comme la télévision ou le web.
MàJ (01/07/2010) : Suite à cette restructuration, Mark Kingdon a annoncé son départ, laissant la place à… Philip Rosedale en tant que CEO intérimaire. Plus d’infos ici : Mark Kingdon Leaves Linden Lab, Philip Steps in.
Concernant la concurrence des open sims, je n’avancerais pas cet argument, en l’absence de statistiques fiables. En avez-vous ? Cela m’intéresserait car j’étudie le modèle économique de Second Life.
Sinon j’adhère au reste de l’analyse, même si je pense que la version web enlèvera le côté magique de Second Life. Deux mondes s’entrechoquent sur Second Life : les “réalistes” et les “originaux” (mes propres définitions…), ce qui fait que certains se fuient. Je crois plus à la création d’open sims pour les premiers, les seconds (dont je suis) restants dans leur monde imaginaire.
Qu’en pensez-vous ?
je cite : “si ces chantiers ont été menés avec brio…”. Avis purement subjectif, il ne faut pas oublier l’énorme vague de mécontentement à propos de ce viewer 2.0 qui est perçu par les utilisateurs comme un échec, de nombreuses fonctionnalités ont disparues (où sont vos coordonnées par exemple?) et d’autres deviennent quasiment inutilisable de par la nouvelle interface (combien de clics maintenant pour donner un landmark à qqun sur sa liste d’amis?).
Si les OpenSim ont connu un essor considérable, c’est aussi parceque Linden Lab ne tient aucun compte des nombreuses critiques publiées même sur ses propres blogs, leur seules réponses étant de l’autosatisfaction pure. quid des bugs signalés mais jamais corrigés? Le sentiment que je trouve partagé autour de moi est celui d’un mépris considérable de Linden Lab envers ses utilisateurs qui, il faut le rappeler, payent très cher la location d’un terrain. Beaucoup d’entre nous sont choqués de l’éviction des seuls personnes qui auraient été capable de redresser le tir (principalement des développeurs, les seuls capables de comprendre le fonctionnement complet du soft).
quand au reste de votre analyse, je suis d’accord, il y a effectivement encore beaucoup de potentiel dans les univers virtuels et je suis très heureux de découvrir aujourd’hui (seulement! honte à moi^^) votre site.
Après quatre années assidues et passionnées sur Second Life, avec une expérience vécue sur les plans personnel et professionnel, je continue à penser que les mondes virtuels (dommage qu’on ne dise pas plutôt plateformes 3D temps réel) seront bien davantage que des produits de niche.
Il y a encore peu de temps, la télé en relief faisait sourire. Aujourd’hui, elle est là. Elle pourrait bien devenir la norme, non pas parce qu’elle est très événementielle, mais au contraire parce qu’elle fait converger la technologie et la vraie vie. Si, si, regardez autour de vous, la vraie vie est en relief, tout simplement.
Même chose pour les mondes virtuels. Seul mode de communication totalement synchrone où en plus de dialoguer « en direct », on vit, on marche, on danse, on rit, on pleure, comme dans la vraie vie. Ce que n’admettent pas les non pratiquants de ce genre d’expérience, juste parce qu’ils ne l’ont jamais vécu.
Alors, pourquoi ne pas imaginer qu’à terme, une interface à la Facebook prenne un sacré coup de vieux face à un Second Life ? Il paraît clair qu’il sera plus facile à Linden Lab d’intégrer les « valeurs » d’un Facebook que l’inverse. Les contraintes techniques sont, selon moi, les seuls freins objectifs à une croissance exponentielle des mondes virtuels. Le reste n’est que question de médiatisation, de création d’une valeur d’usage, de buzz, et, effectivement, de la possibilité d’emprunter aux réseaux sociaux leur capacité à se construire une friendslist plus « voulue » et non dictée par le seul hasard d’une rencontre au détour d’un sim ou d’un autre. Ce qui, d’ailleurs, cassera le rêve. Nul doute que ce jour là, nous aurons tous (si ne n’est pas déjà le cas) un avatar officiel lié à notre vie réelle, et un « alt » (ou plusieurs) pour l’imagination et le rêve.
Dans tous les cas, ce sont ces mondes là qui convergent le mieux avec l’essence de la vraie vie, effet kiss cool compris (le rêve en plus).
Mon discours peut paraître un peu « radical ». J’aurai l’humilité de dire que je ne suis pas plus visionnaire que d’autres et sûrement moins informé que toi, cher Frédéric. Je pense juste qu’au bout du bout la logique a toujours raison et que l’avenir de la communication humaine est autant synchrone qu’ asynchrone. Et puis… j’ai envie d’y croire, tout simplement. Je ne vois donc rien de mieux que la 3D temps réel avant de pouvoir goûter aux joies de l’holographie grandeur nature, à distance.
C’est toujours un plaisir et un réel enrichissement de te lire, Frédéric. J’espère ne pas avoir été trop hors sujet.
@ Pierre Ceriano > Effectivement, dire que les OpenSims font de la concurrence à SL est un raccourci dangereux. Cet article n’est néanmoins pas l’endroit pour clarifier cette distinction. Si j’avais le courage, je me lancerais dans un article dédié à ce sujet sur le champ !
@ Barbidule > Je pense que ce changement de cap de la part de Linden Lab est justement le moyen pour eux d’adopter une posture d’écoute active des résidents (et clients). La situation va donc je pense s’améliorer. En tout cas je le souhaite sinon c’est tout l’écosystème qui va s’effondrer.
@ JM Danna > Je pense qu’il est tout à fiat possible d’envisager un SL à deux vitesses : D’un côté les résidents “casual” qui pourraient se contenter d’un viewer simplifié (sans fonction d’édition) et d’un profil visible sur le web avec des fonctions sociales avancées ; et de l’autre des résidents plus immergés qui utiliseraient un viewer / builder plus traditionnel. Ces deux populations (caricaturales) ne peuvent-elles pas cohabiter ?
@ Barbidule > Sujet polémique s’il en est que le viewer 2. N’oublions pas la force de l’habitude. Hier c’était comme ça ; aujourd’hui c’est différent, donc moins bien. Et si je vous disais que je fais moi-même amende honorable ! Mes “tickets” enflammés à Linden Lab (sur l’absence de coordonnées ou autres points) ont tous fait l’objet de réponses claires et simples. Tout cela et bien plus encore est bel et bien sur viewer 2. Il suffit de savoir où l’activer ; et c’est vrai, les explications de base ont oublié de tout nous dire simplement en nous prenant par la main. Aujourd’hui, pour ma part, exit Emerald qui est probablement la plus belle idée symbole de “liberté” face à “l’officiel” et la pire des choses pour faire évoluer notre SL chéri. Non, la concurrence n’a pas que du bon. Les viewers alternatifs et Emerald en particulier, n’apportent rien de neuf, à part des capacités en RLV (chacun son truc !)et des ombres qui ne permettent pas deux minutes de machinima pour Kirstens, même avec un ordi “bête de course”. Le drame, c’est d’être en V2 et d’être seul à visionner son streaming video en live sur prim parce que tous les amis sont restés sur Emerald. Je ne trouve pas Linden Lab aussi inconséquent qu’on le dit. J’adhère à un service, et paie (parce que j’ai un compte premium uniquement)et ne pense avoir aucune légitimité à dire que Second Life “m’appartient” comme je l’entends chaque jour inworld de bon nombre de proprios.
@ Frédéric Cavazza > Un SL à deux vitesses . Oui Frédéric, je suis d’accord avec ton analyse. Ce principe existe d’ailleurs dans bien d’autres domaines. Mais j’aimerais croire que cela ne serait que passager. Charger un viewer n’est pas la mort du petit cheval. Pour utiliser Photoshop, In design, Word, Powerpoint et les autres, j’ai dû “charger” des suites Adobe et Office, et je ne parle pas de Monsieur Windows 7 qui me colle des mises à jour quotidiennes qui ne sont pas de la tarte. Mais là, on est habitué ; on est “obligé” ; on ne dit rien ! Toujours ce fameux problème “d’usage” et de notoriété des produits qui fait qu’on courbe l’échine sans commenter ou que l’on hausse la voix en commentant plus que de raison. Je resterai têtu sur un point : La 3D temps réel est la plus naturelle des évolutions et j’espère que nos petits enfants ne rigoleront pas trop en lisant un jour ce que nous écrivons aujourd’hui.
@ JM Danna > Non rassurez-vous, nos enfants ne rigoleront pas en lisant cet article et les commentaires. Par contre se sont tous les publicitaires, marketeux et analystes du dimanche (qui me servent du “Ha bon, Second Life n’est pas mort”) qui vont pleurer dans 5 ans car ils se retrouveront avec un autre média qu’ils ne comprendront pas.
Bonjour,
Les plate forme 3D comme Second Life resteront toujours un endroit privilégié pour les joueurs avide de nouvelles “vie” ( chat 3D, sim’s, … ) et les compagnie de marketing l’ont bien compris.
Il y aura toujours de la place sur un marché aussi prometteur pour les années à venir !
C’est vrai que les choses évoluent vite mais de là à penser que second life soit mort ;)