Tour d’horizon des social games

J’ai déjà eu de nombreuses occasions de vous parler des social games et de leur impact sur le secteur des jeux en ligne (la valorisation d’un éditeur comme Zynga dépasse ainsi celle d’Electronic Arts). En un mot : les social games ont complètement volés la vedette aux jeux traditionnels qui pourtant font toujours largement recettes (des gros titres comme Call of Duty Black Ops, Starcraft 2 ou Gran Tourismo 5 se vendent par dizaines de millions d’exemplaires).

Le formidable dynamisme du secteur pousse ainsi les acteurs en périphérie (jeux sur mobile ou sur console, casual games…) à se reconvertir ou du moins à intégrer la dimension sociale dans leur modèle. Le monde des social games est aujourd’hui dominé par deux acteurs sur-puissants (Facebook et Zynga) mais je ne saurais pas vous dire lequel a le plus participé au succès de l’autre. Se limiter à ces deux acteurs serait par contre une grave erreur, car le secteur est extrêmement dense et complexe et car il est loin d’être figé. Je vous propose donc de faire le point sur ce phénomène.

CityVille, le dernier succès de Zynga

Définitions

Avant toute chose, je vais me lancer dans le délicat mais indispensable exercice des définitions. Il existe déjà différents articles très intéressants (What Exactly are Social Games?, What Is Social Gaming, Social gaming is a tactic not a category et Qu’est-ce qu’un Social game ?) mais les définitions proposées ne me conviennent pas.

Je vous propose donc la définition suivante : “Les social games sont des jeux vidéo multijoueurs reposant sur des plateformes sociales afin d’intégrer une forte dynamique communautaire dans leur gameplay (quêtes collectives, tableaux des meilleurs scores et accomplissements…) et de proposer une expérience de jeux exploitant le graphe social des joueurs (envoie d’invitations et de cadeaux, notifications sur le profil…)“.

J’ai lu également une définition en anglais qui est plus courte et percutante, mais c’est toujours plus simple en anglais : “Games that run on a social network and use that network to enhance gameplay between players“.

Cette définition est importante, car les social games sont souvent comparés au casual games qui y ressemblent mais proposent néanmoins une mécanique ludique bien spécifique (Qu’est-ce qu’un Casual game ? et Définition des casual games). En synthèse : “Les casual games sont des jeux relaxants à prise en main immédiate qui ne nécessitent aucune compétence ou expertise particulière pour y jouer“.

Genèse

Je serais bien incapable de vous donner la date de naissance ou le premier social game publié, mais ce qui est certain c’est qu’ils sont apparus peu de temps après les réseaux sociaux. J’ai déjà eu l’occasion de vous en parler depuis maintenant plus de deux ans (L’invasion des nouvelles plateformes sociales, Réseau social + univers virtuel + jeu en ligne = $, Social Networks + Casual Games = Social Games) et avec le recul je constate que les social games représentent l’évolution logique des jeux en ligne vers un modèle exploitant le meilleur des réseaux sociaux et des univers virtuels.

Pour bien appréhender l’origine des social games il faudrait élargir le spectre de recherche à l’ensemble des jeux en ligne et peut-être s’intéresser aux premiers MMORPG (non je ne fais pas référence à WoW mais plutôt à LambdaMOO).

LambdaMOO, le premier social game de l'histoire ?

Marché

Il existe de nombreuses études et statistiques sur les social games et il serait bien trop long de les synthétiser, aussi je vous propose ces quelques éléments pour vous donner des repères (source : Le marché des Social games) :

  • Le volume total du marché est évalué à 500M d’€ pour l’Europe (1,6 MM$ pour les Etats-Unis et 5 MM$ pour l’Asie) ;
  • CityVille est le plus gros succès depuis l’apparition des social games avec plus de 80M de joueurs (CityVille Now More Than 25 Percent Bigger Than FarmVille) ;
  • Il y aurait plus de 13,5 M de joueurs de social games en France ;
  • 58% des utilisateurs de réseaux sociaux jouent à des social games ;
  • Les micro-transactions représentent 80% des revenus mais seulement 2 à 4% des joueurs dépensent de l’argent ;
  • Un social game coûte en moyenne moins d’1M$ à développer contre 3 à 7 M$ pour un jeu vidéo traditionnel.

Ne considérez pas ces chiffres comme viables car le marché est extrêmement chaud et les données sont constamment réévaluées.

Cartographie des acteurs

Comme précisé un peu plus haut, les social games génèrent une telle attraction qu’un grand nombre d’acteurs tentent de s’imposer sur le créneau. Je vous propose donc cette cartographie des acteurs en présence pour vous y retrouver. Elle est orchestrée en 3 cercles concentriques : les plateformes au centre (car c’est là que tout se passe), les éditeurs répartis en différentes catégories et les acteurs en périphérie.

Vue d'ensemble des acteurs du social gaming

Sont listées dans cette cartographie les sociétés suivantes :

Comme vous pouvez le constater, ce schéma est bien rempli (une preuve du dynamisme du secteur). Cet engouement des éditeurs et fournisseurs de solution s’explique par les volumes (Zynga totalise près de 300M de joueurs actifs : Social Games Developer Leaderboard) et par le potentiel de marge (l’ARPPU moyen est supérieur à 10$).

La suite à lire ici : Les solutions de monétisation des social games.

32 commentaires sur “Tour d’horizon des social games

  1. Je ne l’ai pas précisé dans l’article mais le seul éditeur traditionnel qui ne lorgne pas sur les social games est Activision. D’ailleurs ils ne croient pas non plus aux jeux mobiles. L’avenir nous dira s’ils ont raison, mais de ce que je connais du secteur, le choc culturel entre jeux tradis et social games est visiblement enorme, ce qui peut expliquer les réticences.

  2. Activision est un acteur un peu à part. Premièrement parce qu’il se concentre quasi exclusivement sur des licences à très gros volume de vente. En ce moment ce sont Call of Duty et Guitar Hero. Deuxièmement parce qu’Activision constitue avec Blizzard Entertainment la branche jeux vidéo de Vivendi. D’ailleurs pour faire simple, l’entité est appelée Activision Blizzard. Ainsi, quelque part Activision est un acteur du jeu communautaire.
    Ainsi je ne me fais pas trop de soucis pour Activision. Ils possèdent déjà les ressources financières et peuvent acquérir sans difficulté les compétences (par le biais de Blizzard) pour entrer dans ce marché quand la situation leur paraîtra opportune. Et ceci avec le luxe ultime de pouvoir choisir la façon qui leur sied. (développement interne ou acquisition)

    Par ailleurs, j’aurais aussi ajouté 2 autres acteurs :

    Valve avec sa plateforme Steam.
    Profil, liste d’amis, discussions, succès (achievements), recommandations d’achat, etc. Tout y est. La scène du jeu vidéo indépendant y est très active et l’on y retrouve quelques-uns des jeux à succès de la plateforme iOS.

    Apple et son Game Center.
    Qui dans un futur plus ou moins proche risque d’ailleurs de rentrer en confrontation frontale avec Steam avec l’arrivée du Mac App Store.

  3. Merci pour ce résumé plus que complet ! Voici le lien vers mon pitch au Web2Connect sur le marché des social games, quelques chiffres qui complèteront ton article : http://www.slideshare.net/NadyaJahan1/le-march-des-social-games
    Concernant la définition d’un social game, de mon point de vue on parle là uniquement d’une plateforme et non d’une typologie ou d’une cible. Un social game peut revêtir la forme d’un casual game ou se destiner à un public de core gamers (Warstorm par exemple).
    Concernant Zynga, la société ne totalise pas 300M de joueurs uniques. En effet, ce chiffre représente le nombre de joueurs cumulés sur tous leurs jeux. Or de nombreux utilisateurs jouent à plusieurs jeux en même temps : http://www.appdata.com/devs/10-zynga

  4. Dans les acteurs des “Social Games”, il manque sans doute ceux qui assurent la logistique (support, localisation, gestion de communauté…), comme Alchemic Dream. Nous travaillons avec au moins 6 sociétés listées dans la cartographie ;)

    Je ne vois pas Ludia et Owlient dans les éditeurs indépendants.

  5. @ PandaPacha > Attention il ne faut pas confondre communautaire et social, ce sont deux logiques différentes. Concernant l’acquisition de compétences pour développer des social games, la tâches n’est pas si simple, demandez donc à Ubisoft qui s’y casse les dents depuis 1 an.

    Valve est une plateforme sociale pour hardore gamers, elle est à mon sens hors du périmètre. Si je rajoute Valve il faut aussi que j’ajoute RaptR et cie.

    Idem pour le Game Center d’Apple, dans ce cas il faudrait qua j’ajoute aussi Open Feint, Crystal, Plus+…

    @ Bohemind > Je ne connaissais pas cette catégorie, où trouver plus d’infos ?

  6. Les éditeurs qui ont créé leur propre réseau social multi-jeux font-ils des “social games”, ou pas ? Je pense à Motion Twin et son réseau Muxxu.

  7. En fait, je me réponds à moi-même : Motion Twin n’exploite pas les liens sociaux créés dans Muxxu dans ses jeux, ce qui fait que chacun des jeux n’est pas un social game. On a juste un système d’achievements dans le réseau de joueurs.

    Remarque su “forte dynamique communautaire dans leur gameplay (quêtes collectives, tableaux des meilleurs scores et accomplissements…)” : on voit malheureusement très peu de quêtes réellement collectives dans les jeux, et étonnamment peu de tableaux de scores. Ces aspects sont complètement sous-exploités au niveau ludique, uniquement utilisés à des fins de viralité (invitations, cadeaux) ou de simple comparaison primaire (on voit le niveau de ses amis). Des jeux comme Kingdon of Camelot ont de vraies alliances de joueurs et de vrais tableaux de scores, mais ce n’est pas le cas des plus gros jeux (comme Citycille, pourtant jeu très récent).

    (NB : je suis en train d’écrire dans une police totalement illisible, minuscule et grise, sur mon FF, je ne peux presque pas me relire !)

  8. @ Oelita > Effectivement les jeux de Motion Twin ne reposent pas sur une plateforme sociale donc ne rentre pas réellement dans cette catégorie. Concernant les quêtes collectives, la spécialité de Zynga est de conditionner la réussite d’un quête par l’enrôlement d’un voisin. C’est limité mais plutôt efficace.

    @ F Charron > Le graphe social = les amis qui sont dans mon réseau + les membres qui visitent mon profil.

  9. Hello Fred,

    Excellent article, superbe effort de synthèse comme d’habitude.
    Je n’apercois pas nos leaders francais WEKA Entertainment et Kobojo, ne font-ils pas partie de cette catégorie ? Plus une petite pub pour mes amis de Chugulu Games ;-)

    Amaury

  10. Vivement le deuxième article !

    Petite question : Empire of Sports du studio F4 peut-il être considéré comme du social gaming ?

  11. Bonne synthèse ! On pourrait ajouter cependant une petite couche historique car beaucoup l ‘ignore mais les jeux sociaux ont commencé à explosé en France et dans le monde bien avant l’aire Facebook dans les années 2002-2004.
    A cette époque on parlait essentiellement de jeux d’élevage bien que cela englobait des jeux aux gameplay non animalier ^^
    De nombreux sites francophones ont ainsi été précurseurs tels que http://www.monchval.com/ dont je suis l’actuel community manager ont compté jusqu’à 800 000 membres actifs.
    D’ailleurs des acteurs francophones sont toujours bien positionnés comme le rappelle adebuche dans le domaine de l’édition.

  12. Carto sympa au niveau international, il serait intéressant d’en faire une au niveau français qui est assez dynamique dans le secteur avec des sociétés comme Motion-Twin, Weka, Kobojo, RoyalCactus, Prizee, etc… qui font de bons produits également

  13. @ Raoul99 > Non, je classe Empire of Sport à cheval entre deux catégories : Univers virtuel et MMO (le tout avec une forte coloration pour le sport). De plus, EoS (dont j’ai déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog) ne repose pas sur un réseau social.

    @ Romm1 > MonCheval.com tout comme les jeux proposés par Motion-Twin ne reposent pas sur une plateforme sociale, ils vivent à côté. De ce fait je ne les inclus pas dans la définition des social games.

  14. Hum oui, c’était dans la définition, un jeu social repose sur un réseau social préexistant. Pour un MMO le réseau social est la conséquence des mécanismes du jeu, c’est un réseau souvent limité à la dimension ludique et aux nécessités du gameplay.

  15. Pour faire suite aux commentaires liés aux browsers games comme Monchval, les jeux de Motion-Twin ou Equideow pour en citer un que je connais bien, je dirai que la principale différence entre les social games et les browser games indépendants de plateforme, c’est que là où les premiers exploitent effectivement un graphe social existant, les seconds le créent de toute pièce du fait des fonctionnalités du jeu qui créent de nouveaux liens sociaux. Dans le premier cas, vous jouez avec vos amis existants. Dans le second vous rencontrez effectivement de nouveaux amis par le jeu. Les seconds ne sont donc pas moins sociaux, c’est juste une approche communautaire différente à mon sens.

  16. Très bonne synthèse!
    Je trouve que nos définitions respectives des social games sont assez proches en fait…

    Étrange exemple que CityVille car les gros éditeurs commençaient à perdre des joueurs en fin d’année dernière (-8% d’utilisateur actifs pour Zynga entre septembre et décembre 2010 et -30% pour Electronic Arts durant la même période).
    Grâce à CityVille, Zynga à fait un bon de 100 millions d’utilisateurs en un mois (+45%).

    On peut dire qu’ils l’ont lancé au bon moment, mais je me demande si cela ne prouve pas simplement l’hégémonie du modèle de Zynga sur ce marché (http://jeuxvideo.fluctuat.net/blog/46765-zynga-n-est-pas-un-studio-de-jeux-mais-une-entreprise-web.html) et l’échec de celui des acteurs classiques du jeu vidéo qui n’arrivent pas à proposer un modèle alternatif crédible…

    La question est : combien de temps peut résister le gameplay Zynga (CityVille / FrontierVille / FarmVille) à la lassitude des joueurs et quel sera son remplaçant?

    (Je ne suis pas sûr que Warstorm puisse être une alternative même si les aspects collection/tactique sont des ressorts efficaces (cf. Pokemon).)

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