A quoi ressemble le commerce en ligne en 2011 ?

Le commerce en ligne est un sujet que j’aborde régulièrement sur ce blog (quoi que pas assez). Par contre, je me rends compte que je n’ai jamais eu la tentation de faire dans le sensationnalisme avec un article du type “La révolution du E-commerce 2.0“. Pourquoi ? Tout simplement parce que le commerce en ligne est une discipline très complexe qui a mis des années à atteindre le niveau de maturité que nous connaissons et qu’il ne peut pas y avoir de rupture dans les pratiques de vente en ligne. Au mieux, il y a des évolutions progressives dans les tendances de consommation, mais pas de changement de paradigme (cf. mes réflexions sur ce sujet en 2010 et 2009). Voilà pourquoi je voudrais au travers de cet article faire le point sur la réalité du commerce en ligne en 2011.

Ce qui a changé

Beaucoup de choses ont changé la donne ces deux dernières années… mais finalement pas grand-chose. J’attire ainsi votre attention sur le fait qu’au siècle dernier Amazon et Ebay pratiquaient déjà le commerce en ligne avec une forte dimension communautaire, qu’il était possible de payer avec son téléphone mobile, qu’acheter à plusieurs sur Clust faisait baisser les prix et que Ciao employait déjà plusieurs animateurs de communautés pour gérer les avis client.

Ceci étant dit, plusieurs facteurs sont en train de reconfigurer progressivement les réflexes et habitudes d’achat en ligne :

  • Les médias sociaux. Pour résumer une longue histoire, nous pouvons dire qu’avec les médias sociaux, de nombreuses nouvelles pratiques ce sont développées (cf. Tour d’horizon du social commerce) et que Facebook est devenuune destination privilégiée pour y faire la promotion ou la vente de produits et services (cf. Les pratiques de commerce en ligne sur Facebook gagnent en maturité). Après plusieurs mois d’observation, les premiers retours d’expérience sont plus mitigés (cf. Les pratiques de commerce en ligne sur Facebook ou F-commerce gagnent-elles vraiment en maturité ? et Social shopping : «Il faut arrêter de se focaliser sur les boutiques Facebook»). Nous sommes tous d’accord pour dire que les plateformes sociales offrent de nombreuses opportunités pour les marques (feedback, discussions, co-création…) mais qu’elles ne sont pas le support idéal pour du e-commerce. Malgré tout ce qui a été dit, je reste tout de même persuadé que la vente en ligne peut se faire dans de bonnes conditions sur Facebook (sur la base d’une construction communautaire avec une sélection saisonnière et contextuelle des produits). Je ne m’enliserais pas plus loin dans ce débat, car cela risquerait de polluer la discussion. Toujours est-il que mes convictions sont aujourd’hui plus tournées vers des systèmes experts de recommandations fondés sur l’intérêt déclaré des utilisateurs (de type Hunch ou Pandora) plutôt que sur le graph social (une notion qui commence à prendre du plomb dans l’aile).
  • Les terminaux mobiles. Là encore, je ne vais pas vous refaire un topo sur la montée en puissance de l’iPhone (cf. De la place des smartphones dans notre quotidien), mais plutôt constater que les terminaux mobiles contribuent fortement à modifier nos habitudes en facilitant le partage et la sollicitation de ses amis (envoie de la photo d’un produit), les achats impulsifs (recherche d’un point de vente proche avec disponibilité immédiate) et la comparaison de prix. Bien évidemment, le m-commerce n’ambitionne pas de remplacer le commerce en ligne traditionnel, mais de le compléter. Plusieurs innovations technologiques sont ainsi là pour nous faciliter l’acte d’achat (micro-paiement, réalité augmentée, code à barres 2D…) mais les terminaux mobiles sont aussi des canaux de communication très efficaces pour améliorer le service et la relation client après l’acte d’achat (infos livraison et points de retrait, SAV, conseils d’installation…). Nous n’en sommes qu’au tout début de ce que les terminaux mobiles peuvent apporter dans la vente en ligne et je suis persuadé qu’il existe d’innombrables leviers d’innovation avec les autres terminaux alternatifs (touchbooks, TV connectées…).
  • Les local deals. Normalement je ne devrais pas avoir besoin de vous présenter Groupon, LE phénomène de l’année 2010 qui remet au goût du jour les achats groupés avec une dimension locale et une petite touche de sociale. Avec le recul, nous savons maintenant qu’il y a anguille sous roche (cf. J’ai failli acheter chez Groupon) et quel a concurrence comme a être sacrément rude : Facebook Deals, Google Offers et LivingSocial racheté récemment par Amazon.
  • Les nouvelles contraintes auxquelles doivent faire face les e-commerçants : Il y a tout d’abord cette projet d’harmonisation vis à vis de la législation européenne (cf. Quand l’Europe menace le ecommerce et La mort du ecommerce ? Pas de panique !). Il y a ensuite l’encadrement d’affichage des mentions légales (la police de caractère utilisée doit être de la même taille que celle de description de l’offre). Bref, le législateur est en train d’encadrer de plus en plus fortement le commerce en ligne avec pour ambition de mieux protéger le consommateur. Etant moi-même gros consommateur, je ne prendra is pas parti.
  • Les innovations diverses que l’on commence à voir se généraliser : Retargeting, gamification, 3D… les dernières trouvailles sont nombreuses et la tendance est grande de les implémenter pour compenser un site web en voie de banalisation. Résistez !

Tout ceci est très stimulant, mais ne perdez pas de vue que le commerce en ligne se perfectionne depuis plus de 10 ans et qu’il ne suffit pas d’ouvrir une boutique sur Facebook ou lancer une application iPhone pour démultiplier votre potentiel de vente. Loin de là, la vente en ligne reste un secteur ultra-compétitif où l’expérience et la pertinence de l’offre priment sur l’effet wow.

Ce qui n’a pas changé

Intéressons-nous maintenant aux fondamentaux du commerce en ligne, ce qui fait qu’une boutique en viable sur le long terme. Plus j’y réfléchis, et plus je trouve que les recettes sont les mêmes depuis plus de 10 ans :

  • La marque. Avoir une bonne image de marque est le meilleur moyen de vous différencier de vos concurrents. C’est également le moyen le plus efficace de compenser l’effet néfaste des comparateurs de prix. Amazon et Zappos n’ont pas attendu Facebook ou l’iPhone pour construire une marque solide reposant sur un service infaillible et une confiance inébranlable de leurs clients (ce n’est d’ailleurs pa un hasard si le premier a racheté le deuxième). Ceci est d’autant plus vrai qu’une promotion ne compensera jamais une relation-client défaillante. Rectification : Les promotions vous permettront de prolonger artificiellement la fidélité de vos clients mais biaiseront irrémédiablement la relation.
  • Le référencement. Il est primordial d’avoir une bonne visibilité sur la toile. Les techniques de SEM sont de plus en plus redoutables et la barrière à l’entrée est très élevée. Soit, à vous de faire preuve d’imagination pour ne pas vous attaquer à une niche où l’intensité concurrentielle est trop forte. Dernièrement nous avons pu voir de nombreux services se lancer sur le créneau des gestionnaires de flux vers les marketplaces et comparateurs. Vous pouvez également vous servir des médias sociaux comme d’un bon canal d’apport de trafic et de récurrence (oui ça fonctionne pour celles et ceux qui savent faire preuve de subtilité dans leur approche communautaire). Vous pouvez enfin miser sur le référencement naturel. Oui je sais, avec le temps c’est devenu une notion surannée (euphémisme), mais je tiens néanmoins à vous encourager à investir dans des actions privilégiant le référencement durable (ça me fait une transition pour le point suivant).
  • Les contenus. Que ce soit les descriptions de vos produits, les contenus éditoriaux saisonniers ou les contenus utilisés pour l’animation de vos communautés… le rédactionnel est et sera toujours une valeur sûre. Miser sur les médias sociaux est une démarche intéressante, mais ne vous laissez pas éblouir (Recommandation produits, la blogosphère loin devant Facebook et Twitter).
  • La valorisation des produits. Peut-on envisager une boutique où les clients ne pourrait pas approcher et toucher les vêtements ? Sur le web c’est la même chose : la sensation tactile peux parfaitement être reproduite avec des photos de suffisamment bonne qualité et grande taille (il n’y a pas de limite), de même que des vidéos ou des vues à 360°. Pour mémoire, j’ai commencé à parler de rich commerce il y a près de 8 ans (cf. Après le Rich Media, voici le Rich Commerce), nous sommes en 2011 et la majorité des sites de commerce en ligne proposent encore des visuels d’à peine 300 pixels de large. Une honte !
  • L’utilisabilité. Là encore, il y a beaucoup de progrès à faire : réassurance, persuasion, optimisation du parcours-client… Pourtant les règles sont simples et connues de tous. Il suffit juste de se motiver et d’essayer de relever le niveau (il ne suffit plus de faire au moins aussi bien que votre concurrent direct). Optimiser la lisibilité et le guidage des pages critiques de votre boutique n’est pas un si gros chantier, il faut juste commencer par les améliorations les plus évidentes et lutter contre la fatalité (ex : De l’intérêt de soigner votre page de paiement).

Ouvrir (et animer) une boutique en ligne représente beaucoup de travail, mais je vois encore beaucoup trop de commerçants se perdre en chemin et ne plus savoir gérer les bonnes priorités (“Vite, il faut que je recrute un community manager !“). Ouvrir et animer une boutique en ligne représente un travail considérable, mais tout est une question de planification et de définir une offre cohérente. Après tout, une boutique en ligne performante se construit dans la durée par améliorations successives, pas sur un coup d’éclat. Certes, les modifications récentes des habitudes des internautes (médias sociaux, mobilité…) forcent les commerçants à accélérer le rythme d’évolution, mais il ne faut pas pour autant négliger les fondamentaux.

24 commentaires sur “A quoi ressemble le commerce en ligne en 2011 ?

  1. Bel article. Cela-dit, je ne comprends pas bien pourquoi tu considères le SEO comme surannée ? Pourtant le SEO est tout ce qu’il y a de plus actuel.

    Sinon, personnellement, je mettrais l’accent sur le contenu, le netlinking et le SMO. Tout ces sujets sont aujourd’hui très importants.

    Je m’en vai lire ton article sur Groupon.

  2. Amazon a investit 150 million de dollars dans living social mais ne l’a pas (encore) racheté.

  3. Bonjour,

    Je rajouterais 2 points complémentaires dans votre liste des fondamentaux :

    – L’importance de la logistique : je rencontre des e-commerçants qui ont mal évalué l’importance de ce poste et qui se retrouvent avec des conflits clients, des retours de produits, de retard de livraison, …

    – L’importance du marketing en ligne: étude de marché préalable (souvent zappée), utilisation ponctuelle et mesurée des Adwords, e-mailing ciblé, promotion (pourquoi pas), analyse des stats du site et des ventes (et réajustement) … bref, faire vivre son site après son lancement (comme dans la vraie vie quoi !)

    Ce que je dis paraîtra évident pour un grand nombre d’entre vous, mais pour croiser régulièrement des e-commerçants débutants en formation , je pense qu’il est utile de rappeler ces quelques bases.

    Bonne journée.

    Vincent Pereira

  4. @ Acheter engins > Non c’est la notion de référencement naturelle que je trouve surannée. La compétition est tellement rude qu’il n’y a plus rien de “naturel”.

    @ Matthieu > Merci pour la précision. Sais-tu quel % du capital ils détiennent ?

  5. Bonjour,

    Très bon article . Je le note déjà dans les futures sources pour mon mémoire sur l’influence du web 2.0 sur les stratégies e-commerce ( et le blog aussi) .

    Pour ce qui est du “f-commerce” je pense que cette pratique va mettre quelque temps à émerger. A mon sens l’utilisation de Facebook pour le e-commerce doit plutôt se faire comme sur Amazon qui présente les dates anniversaires de vos amis ainsi que les ouvrages qu’ils ont déclaré aimer sur FB . La recommandation social jouera aussi certainement un rôle essentiel dans la vente en ligne d’ici peu .

    Ces avis sont évidement personnels et ne seront certainement pas partagés par tous .

    Merci pour l’article

    Jean-Baptiste

  6. “référencement naturel” : en 2005 on avait 10 000 boutiques en France, aujourd’hui près de 90 000 sans doute, et toujours 10 places sur la première page de Google…

    Et pour compléter les remarques de Vincent, j’ajouterais un élément : le sourcing, la bonne gestion de ses approvisionnements… c’est un point souvent négligé et dont on peut vite constater l’importance au coeur d’un projet e-commerce

  7. Les règles fondamentales du e-commerce évoluent peu. Mais les outils à disposition des e-commercants évoluent vite, il y a 10 ans, nous n’avions pas de webanalytics avancés (tunnel de conversions, test A/B ou multivariables), l’eye-tracking, le “searchandising” et tous les outils qui permettent de mieux connaitre l’internaute et de mieux personnaliser les services. Ce n’est pas si simple de faire simple ;)

    Sinon, sur ta partie référencement tu commences par “Il est primordial d’avoir une bonne visibilité sur la toile. Les techniques de SEO sont de plus en plus redoutables et la barrière à l’entrée est très élevée.” et fini par “Vous pouvez enfin miser sur le référencement naturel”. Quelle différence fais-tu entre le SEO et le référencement naturel ??? :D

  8. Je vis depuis 18 mois le lancement d’un site de e-commerce, en pure player, suis-je fou ? Et en plus sur un secteur concurrencé. Résultat d’une passion.

    J’apporte simplement mon témoignage. Tout ce qui est dis, je l’ai vécu. En résumé, les médias sociaux, incontournables pour l’image, l’interactivité, l’information, du clic, très peu pour les ventes. L’impotance d’être avant tout un commerçant et soigner l’offre, les visuels, le marketing, la logistique. Sans compter que le coût du port est trop souvent bradé auprès du client, alors qu’il ne cessera d’augmenter. Mais mon constat est qu’il faut de plus en plus de moyens car tout se compléxifie et se professionnalise : community manager, rédactionnel, graphisme, plan médias, technique SEO, et on ne peut pas être efficace partout. Faire appel à des pros coûte pour un niveau de CA loin d’être au rdv. Important aussi : la veille économique, numérique sur les évolutions, et la veille concurrentielle sont primordiales. Ma conclusion : commercer aussi dans l’économie réelle et physique.
    Témoignage d’un e-commerçant

  9. @ Alex > SEM, c’est de SEM dont je voulais parler. Maintenant je comprend mieux les commentaires plus haut, c’était clair dans ma tête mais pas dans l’article !

  10. “nous sommes en 2011 et la majorité des sites de commerce en ligne proposent encore des visuels d’à peine 300 pixels de large. Une honte !”

    C’est vrai et c’est assez incroyable. Heureusement, ça s’améliore bien depuis quelques temps. Mais franchement, le visuel, est essentiel et ça reste encore trop souvent très largement insuffisant.

    Je vais parler uniquement du domaine de la vente de vêtements (vu que j’ai fait des achats en ligne récemment). Quand il n’y a qu’une petit photo sur un site de vêtements, souvent je n’achète tout simplement pas, parce qu’il est impossible de se faire une idée de la qualité du produit. S’il n’y a pas non plus de photo en plan très rapproché du tissus, j’hésite, parce qu’on ne peut alors pas se faire une idée de la texture réel du tissu (très important).

    Un autre truc que je trouve assez lamentable aussi, sur les sites de vêtements, ce sont les produits qui ne sont pas en stock ou alors, dans une seule taille. Autant je peux comprendre ça pour une boutique physique, qui est limitée par la taille de son magasin, autant pour une boutique en ligne, qui n’a qu’un énorme entrepôt à gérer, ça craint quand même pas mal. Ca fait vraiment amateur. Là, je suis allé sur un magasin en ligne pour acheter une chemise. 3 m’intéressaient, mais 2 n’étaient plus disponibles qu’en taille xxl. Bon ben, 2 achats en moins. Et mauvaise image du site. Parce que là, ce n’était pas une taille qui manquait, mais carrément 3 sur 4. Et c’était le cas sur pas mal d’articles. On n’est pas en fin de saison en plus, donc on ne peut pas évoquer le fait de se débarrasser des stocks.

    Ce qui fait cheap aussi, c’est l’absence de mannequins (en chair et en os) pour présenter le produit. Le nombre de fois où il n’y a que le visuel du vêtement seul… Moi j’aimerais bien voir aussi quel style a quelqu’un qui porte le produit en question. Je suis allé il y a quelques jours sur le site des galeries Lafayettes ; pour plein de vêtements c’est comme ça. Ce ne sont quand même pas des pauvres. Ils peuvent se payer des mannequins. Ben non, pas de mannequin. Et pour plein de sites de moyenne importance qui n’ont quand même pas l’air de crier famine, c’est comme ça aussi.

    Et franchement, ça peut faire la différence. Parce que je vais souvent me demander quel style je vais vraiment avoir avec une chemise qui a l’air sympa mais qui est présentée telle quelle. Et souvent, je ne vais pas l’acheter parce que je ne suis pas sur du résultat. Alors qu’avec un mannequin, je pourrais me dire que le résultat est plutôt sympa et passer à l’acte d’achat.

    Bref, souvent les éléments les plus basiques ne sont même pas assurés.

  11. Ce qui à vraiement changé ces dernières années ?

    Nous sommes passé d’une problématique à une autre.

    Se lancer dans le e-commerce n’est plus une difficulté technique (avoir un site catalogue/paiement sécurisé) mais une difficulté commerciale : réussir à vendre

  12. Bonjour,

    Effectivement ces éléments sont pertinents et me semble relativement assimilés par les acteurs du marché car il s’agit d’élément assez concrets.

    Au regard des forces concurrentielles du secteur, l’expérience globale devient un élément fondamentale. Tu parles de Zappos et Amazon pour mettre en avant l’importance de la marque qui s’est construite dans ces 2 cas avec une proposition d’expérience consommateur bien supérieur au standard du marché : Personnalisation, facilité d’utilisation, qualité des contenus et des produits et gestion des exceptions ont fait de ces marques ce qu’elle sont aujourd’hui.

    L’image de marque est ici une conséquence d’une vision centrée sur le consommateur et c’est là qu’à mon avis, il y a un gros manque chez les e-commerçants.

  13. Avoir une bonne image de marque est le meilleur moyen de vous différencier de vos concurrents. C’est également le moyen le plus efficace de compenser l’effet néfaste des comparateurs de prix. Amazon et Zappos n’ont pas attendu Facebook ou l’iPhone pour construire une marque solide reposant sur un service infaillible et une confiance inébranlable de leurs clients

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