Vous ai-je déjà dit que les social games sont un sujet très chaud ? En ce moment le marché est ultra-tendu car l’acteur leader de ce créneau est en train de finaliser une introduction en bourse : Zynga Files for a $1 Billion IPO. Le segment des social games est donc très rentable, principalement au travers de la vente d’objets virtuels (“virtual items“) et les analystes estiment que ce marché pourrait dépasser les 2 milliards de $ en 2011. Autant vous dire que la compétition est très rude et que chacun essaye de tirer la couverture à lui.
Dans ce contexte, Facebook occupe une position dominante car il concentre bien plus d’audience que les autres plateformes sociales proposant des jeux sociaux (Myspace, Netlog, Hi5…). Jusqu’à présent, les éditeurs étaient libres de monétiser comme ils le souhaitent leurs jeux, en utilisant notamment leur propre monnaie virtuelle. Mais les choses en début d’année lorsque Facebook a annoncé l’entrée en vigueur prochaine de nouvelles conditions d’utilisations des jeux sociaux et des Facebook Credits (annonce passée inaperçue).
Depuis le 1er juillet, la monétisation des jeux sociaux sur Facebook est encadrée selon les règles suivantes :
- Obligation d’utiliser les Facebook Credits comme monnaie virtuelle et de reverser 30% de commission ;
- Interdiction de vendre des Facebook Credits en dehors de Facebook ;
- Interdiction de vendre des objets virtuels moins cher en dehors de Facebook (sur le site web de l’éditeur ou sur une autre plateforme).
Comme vous pouvez le constater, ces CGU sont donc très clairement à l’avantage de Facebook qui interdit aux éditeurs d’utiliser leur monnaie et fige les prix de vente.
Vu la position ultra-dominante de Facebook sur le segment des social games, les éditeurs n’ont pas eu d’autre choix que de se plier à ses nouvelles règles. Le seul éditeur à avoir grincé des dents est le fameux Zynga : Zynga pourrait lancer sa propre plateforme virtuelle et divorcer de Facebook. Mais les choses se sont curieusement arrangées et tout est rentré dans l’ordre le mois suivant : Un pas en arrière et deux pas sur le côté pour Zynga. Totu le monde s’accorde à dire qu’il y a donc eu une négociation secrète entre Facebook et Zynga qui ne bénéficie visiblement pas des mêmes conditions que les petits éditeurs.
Lorsque vous êtes dans un jeu social de Zynga, vous avez effectivement la possibilité d’acheter une monnaie virtuelle spécifique au jeu (ici les City Cash et les City Coins) :
Mais une fois que vous passez à l’écran de paiement, les City Cash affichés en $ sont convertis en Facebook Credits :
Cette astuce ne rentre pas réellement en contradiction avec les CGU de Facebook, mais on sent bien qu’ils bénéficient d’un traitement de faveur (d’autant avec leur programme de fidélité RewardVille qui contourne les Facebook Credits).
Il n’en fallait pas plus pour le Consumer Watchdog (un groupe de pression US) pour déposer une plainte antitrust auprès de la Federal Trade Commission (l’équivalent de la DGCCRF en France) : Consumer Watchdog Says Facebook Credits Used In Online Games Violate Antitrust Law, Asks Federal Trade Commission To Intervene. Cette plainte explique dans le détail que Facebook abuse de sa position dominante pour imposer ses conditions aux éditeurs, tout en favorisant Zynga, son plus gros client : Facebook Credits violate antitrust law.
Suite au dépôt de cette plainte, Facebook a apporté des modifications mineures à ses CGU pour calmer le jeu : Facebook Tweaks Terms For Using Its Virtual Money After Antitrust Complaint. Les modifications portent sur l’encadrement de la vente d’objets virtuels : Les éditeurs n’ont pas le droit de vendre un objet virtuel plus cher sur Facebook pour un utilisateur loggé que sur une autre plateforme. Traduction : les éditeurs peuvent vendre leurs objets virtuels moins cher ailleurs que sur Facebook, sauf si l’utilisateur qui les achète a une session active.
Dans la mesure où les sessions Facebook restent active très longtemps pour pouvoir notamment faire de l’instant personalization au travers des social plugins. Donc autant dire que cette modification ne change pas grand chose, Facebook continue d’imposer ses conditions et de réguler les prix. Le consumer Watchdog met d’ailleurs en garde le marché contre une éventuellement prochaine modification des CGU pour accroitre encore la pression sur les petits éditeurs (la spécialité de Facebook).
Encore une fois Facebook s’illustre sur le sujet des jeux sociaux (Scamville, ou pourquoi les social games ne sont pas la poule aux oeufs d’or), et encore une fois le marché reste étonnamment silencieux (je crois être le seul blogueur français à en parler).
En tout cas cette plainte antitrust illustre la position très fragile que Facebook occupe actuellement : Une exposition médiatique très forte qui génère de la jalousie. Le problème est que Facebook n’a pas beaucoup d’alliés (éventuellement Microsoft, mais ils sont largement en retrait). J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le déficit de partenariats industriels de Facebook qui n’a commencé à faire du lobbying qu’en fin d’année dernière. Le jour où l’UE s’intéressera à la position dominante de Facebook, les choses risquent de très mal se passer. Voilà pourquoi il est impératif de ne pas miser uniquement sur Facebook (à l’inverse de marques comme Kiabi). Une présence diversifiée vous garantit des solutions de repli si la situation se détériore.
Excellent article tres detaille merci. Pour ma part je m’etonne aussi que les nombreux commentateurs tombent regulierement sur facebook qui pourtant est plutot suiveur en matiere de business modele et d’abus de position dominante. Le reseau social n’a rien à envier à google en matiere d’atteinte a la vie privée et d’utilisation de ces données a des fins marketing et les 30% de partage de revenu n’est rien d’autre qu’une reprise à la virgule pret du modele appstore. Facebook derange un peu plus, mais je ne crois absolument pas qu’il merite plus de malveillance que d’autres géants du web + puissants
Je découvre cet article très intéressant (comme d’habitude Fred)
AMHA Fb /G+..bref les grandes plateformes globales de réseautage n’en sont qu’au début de leurs déboires avec l’antitrust et les pouvoirs politiques…et c’est normal, comme j’ai essayé de le présenter dans cet article qui peut t’intéresser peut t’intéresser :http://digital-inn.blogspot.com/2011/07/penser-levolution-des-medias-sociaux.html
Article tres intéressant…. néanmoins, que Facebook ait comme ambition de faire de l’argent ne me choque pas vraiment.. c’est le but ultime de tous les services web actuellement proposés. 30% n’est pas si grand, je ne vous rappellerai pas les marges en vigueur dans l’industrie de la distribution….
30% c’est énorme quand on fait des micro transactions et que l’on fait dans du virtuel..
oui facebook crédit est vraiment quelques choses de délicat pour les éditeurs de jeux, et bon nombre de revenus s’effondre à cause de cela..