De l’intérêt des animateurs de communautés en interne

Dans l’inconscient collectif, l’Entreprise 2.0 désigne le Web 2.0 dans le monde de l’entreprise. Un raccourci bien pratique pour vous épargner une longue explication, mais une définition hasardeuse et largement incomplète (cf. Quelle définition pour l’Entreprise 2.0 ?). Pourquoi parler du Web 2.0 ? Pour aborder une composante essentielle du web participatif et des médias sociaux : la gestion des communautés. Même si le terme est le même, j’attire votre attention sur le fait que les communautés grand public et les communautés internes sont régies par des dynamiques sociales et communautaires très différentes. La principale raison de cette différence est que les conversations et interactions sociales publiques peuvent se faire sous couvert de l’anonymat (ou du pseudo anonymat). Dans le monde de l’entreprise, toutes vos contributions sont nominatives, et elles vous suivent tout au long de votre carrière, un facteur extrêmement inhibiteur.

J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur les outils et pratiques “sociales” au sein de l’entreprise, mais je n’ai jamais pris la parole au sujet des communautés internes. Le terme “communauté” est utilisé au pluriel, car il n’y a pas une, mais une infinité de communautés (thématiques, corporatistes, géographiques…) et de micro-communautés (par projet, par évènements…) qui co-existent au sein d’une entreprise. Ces communautés ont des origines et des finalités très différentes : certaines regroupent des membres volontaires (ex : apprentissage du chinois), d’autres sont plus ou moins imposées (notamment les communautés autour de projet). Certaines sont éphémères (car liées à un projet ou un évènement), d’autres sont amenées à être pérennisées (les communautés de veille). Bref, les pratiques communautaires sont très diversifiées.

Autant des discussions peuvent naître spontanément, autant les communautés doivent être fédérées de façon formelle pour pouvoir être exploitées. Par “exploitation“, j’entends “échanges de bonnes pratiques, capitalisation de savoir…“. Si les bavardages ne sont pas structurés, ils ne pourront pas servir à grand-chose (sinon il suffit de placer un micro près de la machine à café et de faire de la reconnaissance vocale). C’est là où les gestionnaires de communautés démontrent leur intérêt : pour stimuler les conversations et non les modérer (comme il n’y a pas d’échanges anonymes, le travail de modération est minimisé, sauf dans le cas bien particulier d’une discussion avec une connotation sociale / syndicale).

Le rôle des gestionnaires de communauté va donc être de détecter les potentiels communautaires, de fédérer les premiers membres et de les stimuler pour maintenir un certain niveau de contributions. Encore une fois, comme nous sommes dans un cadre professionnel, les contributeurs potentiels sont inhibés par la peur de mal faire (publier la mauvaise information) ou de perdre son temps (après tout, il a un travail à assumer). Toute la difficulté va donc être de motiver les collaborateurs à partager leurs savoirs (sur des plateformes de capitalisation comme les wikis), à documenter leur quotidien (avec des outils de micro-blogging) et à réduire leur utilisation de l’email (au profit des outils de conversations et des systèmes de notifications). Nous parlons bien de contraintes culturelles et non techniques, les gestionnaires de communautés internes se positionnent donc plus comme des coaches, des facilitateurs, plutôt que des contributeurs (comme ça peut être le cas dans le monde rand public).

Idéalement, les gestionnaires de communauté ne doivent pas être employés à plein temps, mais impliqués dans le quotidien de l’entreprise. Comprenez par là qu’il ne sert à rien de recruter spécifiquement un djeunz de la génération Y pour former les “vieux” de la génération X eu au-delà. Idéalement, le community management interne ne devrait pas être un intitulé de poste, mais un rôle assumé par le middle-management, ceux qui sont en contact avec le plus de collaborateurs et qui sont parfaitement impliqués dans les dossiers et processus internes. Faire évoluer la fonction des middle-managers est ainsi le meilleur moyen de diluer les pratiques, voire de les imposer (un manager a la pouvoir nécessaire pour interdire à un collaborateur de noyer ses collègues sous les emails et le forcer à changer ses habitudes).

Enfin, si vous souhaitez voir les choses en grand, il va falloir faire remonter ces pratiques à niveau de la Direction Générale et planifier le développement de vos communautés internes. C’est le rôle du Chief Network Officer, qui va définir les grandes lignes de la politique communautaire interne afin d’optimiser les échanges et avoir des interactions plus productives. Par “productive”, je fais référence à un développement de pratiques communautaires structurées (et non anarchiques) dont l’objectif est de faciliter la circulation de l’information, la collaboration, la capitalisation des savoirs… et non le bavardage “stérile”. N’oubliez pas que nous parlons du monde professionnel, il est toléré de passez du temps à ma machine à café ou à bavarder en début de réunion, mais chaque collaborateur a un minimum d’obligations de productivité / créativité. C’est dans ce cadre qu’interviennent ces nouveaux rôles (Chief Network Officer, Community Managers…) dont nous allons de plus en plus entendre parler.

Si le sujet vous intéresse, je vous rappelle qu’il ne vous reste plus que quelques jours pour bénéficier d’une inscription à tarif préférentiel pour assister à l’Enterprise 2.0 Summit à Paris les 7 et 8 février prochains où un track Project Excellence sera dédié à la gestion des communautés, à la transformation des habitudes et aux stratégies d’adoption.

4 commentaires sur “De l’intérêt des animateurs de communautés en interne

  1. Ce n’est toujours vari que « Dans le monde de l’entreprise, toutes vos contributions sont nominatives » cela dépend du contexte de chaque entreprise. Certaines entreprises permettent à leurs collaborateurs de s’exprimer via un pseudo pour faire sauter les barrières de la hiérarchie et doper ainsi les contributions (cf. le cas de Simply Market).

    Pour donner des sens aux bavardages, les entreprises devraient recruter des personnels qualifiés en KM pour structurer et capitaliser les échanges (ex. FAQ) sur des bases de connaissance.

    En plus de son rôle très important dans la conduite du changement tel que montré ici, je pense que le rôle du management consiste à être un exemple pour les collaborateurs.

    Au lieu du poste CNO (Chief Network Officer) je préfère celui de CKO (Chief Knowledge Officer), véritable directeur de connaissance qui va cadrer la politique de partage des connaissances au sein de l’entreprise puisque c’est l’enjeu majeur derrière le lancement des communautés tant en interne qu’externe.

    Au plaisir de vous lire

  2. Je suis assez mitigé Frédéric sur le fait de confier au middle management le rôle d’animateur de communauté et ai encore tendance à préférer au contraire un CM dédié ou une équipe de CM si la taille le nécessite.

    C’est en effet un job à temps plein peu compatible avec les autres missions du middle management, sauf à les revoir comme tu le préconises mais je crains que le principe de réalité ne finisse par les conduire à prioriser leurs autres missions, sauf à ce que le top management et la DG se sentent investis également..

    Par ailleurs, la relation hiérarchique peut être un frein à la participation. Les employés auront ils envie de s’exprimer sans s’auto-censurer si le modérateur de leur communauté est leur responsable hiérarchique ?

    CM dédié ou CM “middle management”, les deux pistes ont des avantages et des inconvénients tant à court terme qu’à long terme. En tout état de cause, compte tenu de la diversité des société, il y a fort à parier que chacune de ses stratégie puisse convenir !

  3. article très intéressant et très proche de mon vécu sur beaucoup de points. Je rejoins Fabien Grenet sur le fait qu’il n’est pas évident du tout que le middle management soit les meilleurs CM.

    Dans mon job, j’anime une communauté dans le domaine de l’innovation. Les pratiques que j’essaye de faire prendre (projets temps libre, conception innovante, réflexions sur les produits et services en ruptures) sont naturellement assez orthogonales avec les contraintes du middle management. Donc je crois que DANS CE CAS il est préférable d’avoir un CM dédié. Par ailleurs, je suis légitime car je connais le domaine (j’en suis issu, j’étais ingénieur de recherche avant). Peut-être que cette légitimité manquerait à un CM débarqué fraichement, et que du coup le middle management serait plus pertinent. A voir.

    Je pense aussi que la personnalité du CM est centrale dans tous ces cas de figure. Certaines personnalités collent pour certains types de communautés, pour certains types de problématiques.

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