Cette semaine l’actualité est décidément très chaude, car juste après le rachat d’Instagram, Google nous dévoile une révision majeure de Google+ : Toward a simpler, more beautiful Google. Au programme des nouveautés : nouvelle barre de navigation, nouveaux profils, nouvelles pages d’exploration… Si ces changements sont les bienvenus, ils masquent cependant des mutations bien plus impactantes pour Google et initient un chantier bien plus ambitieux. La preuve en est avec la première phrase de l’annonce : “More than 170 million people have upgraded to Google+“. Je ne m’attarde pas sur le chiffre de 170 M (il doit s’agir de comptes ouverts et non d’utilisateurs actifs), mais sur la terminologie : ces personnes ne se sont pas inscrites (have registered), mais elles ont procédé à une mise à jour (have upgraded). La nuance est subtile, mais elle témoigne de la posture de Google vis-à-vis de sa plateforme sociale.
Mais commençons par le commencement avec une synthèse de ce qui a été présenté.
Une nouvelle mise en page pour faire de la place aux futurs nouveaux services
Cette nouvelle version est donc caractérisée par une nouvelle mise en page qui redistribue les icônes sur le côté gauche :

Cette modification offre plus d’espace aux contenus additionnels sur la droite de la page, notamment les sujets chauds et autres pages de marque. Dans les faits, ce choix laisse beaucoup d’espace blanc sur la page (sujet de nombreuses railleries sur la toile aujourd’hui, et même d’une extension pour y remédier : Whitespace Remover for Google Plus Cleans Up the New Google+ Layout on Chrome and Firefox).
D’autres modifications sont également proposées sur les différentes rubriques :
- Des nouveaux profils, assez proches de la timelinede Facebook (qui semble être le modèle de référence) ;
- Une nouvelle page Explore qui permet de consulter en un coup d’oeil les contenus chauds ;
- Une nouvelle page Hangouts pour décomplexer les plus réticents au vidéo tchat.
Même si les modifications ne sont pas révolutionnaires, elles augurent tout de même une volonté de Google d’enrichir la plateforme de nouveaux services (ce n’est ainsi pas un hasard si la nouvelle barre de navigation verticale est configurable). Si l’on fait le décompte de ce que propose Google+, ça commence à faire une liste plutôt bien remplie :
- Publication et partage de contenus (comme Tumblr, ou Posterous récemment racheté par Twitter) ;
- Mur des publications de vos contacts (comme sur Twitter) ;
- Cercles de vos amis et contacts (comme sur Facebook) ;
- Jeux sociaux (comme sur Facebook, Hi5…) ;
- Découverte de nouveaux contenus (comme sur Delicious, WordPress ou Pinterest) ;
- Partage de photos (comme sur Flickr ou Instagram) ;
- Pages pour les marques (comme sur Facebook ou Twitter) ;
- Tchat vidéo (comme Skype).
Toutes ces fonctionnalités forment une plateforme sociale très complète qui ne demande qu’à être encore enrichie. Attendez-vous donc à l’implémentation de nouvelles fonctionnalités ou de services externes (Google+ Refresh: Just Like Facebook, It’s All About the Apps). D’autant plus que Google a accueilli très récemment dans ses équipes une star du Web 2.0 : Kevin Rose has reportedly been hired by Google.
Le potentiel réel est dans les synergies avec les autres produits
Les différentes fonctionnalités proposées sont en effet fort sympathiques, mais pas réellement différenciante de ce que nous connaissions déjà. Là où Google+ peut par contre faire une vraie différence, c’est en exploitant les synergies avec les autres services, ceux utilisés par des milliards d’utilisateurs :
- La recherche, le métier originel de Google a ainsi été connecté à G+ au travers de l’initiative Search, plus Your World ;
- La messagerie Gmail, un service très populaire que l’on a tendance à sous-estimer (Gmail closes in on Hotmail with 350 M active users) ;
- Android, le smartphone pourrait ainsi être le lien entre votre quotidien “physique” et vos activités en ligne ;
- Maps, en donnant plus de visibilité aux avis et recommandations ainsi qu’aux pages des commerçants (associées aux local deals)
- Chrome, en intégrant une couche sociale native au navigateur ou à l’OS…
Vous l’aurez compris, le réel potentiel de Google+ réside dans sa capacité à unir les différents services de Google. Mais pour cela, il fallait faire évoluer les conditions générales d’utilisation, et c’est précisément ce qui a été fait en début d’année : Google Updates Privacy Policy, Tracks Users’ History Across Sites. En procédant à une unification des CGU de ses différents services, Google a donné un cadre juridique plus sain et plus propice à une consolidation des données des utilisateurs pour enrichir leur profil et mieux les qualifier. Cette unification était prévue de longue date, ils ont d’ailleurs fait un gros effort de vulgarisation avec le mini-site Good to Know, mais tout s’est plutôt bien déroulé (cf. Conditions Générales de Mystification).
La finalité de ce vaste chantier est selon moi plutôt limpide : humaniser le web en reliant tous les contenus à des auteurs et toutes les interactions sociales à des utilisateurs identifiés. La bataille qui est donc en train de se jouer est bien celle de la maitrise de l’identité numérique de l’ensemble des internautes. Et pour se faire, Google semble plus déterminé que jamais et commence à petit à petit forcer la main de ses utilisateurs pour les convertir à Google+ (les “mettre à jour“). Selon cette optique, Google+ ne compte pas 170 M de membres, mais potentiellement 1,5 milliard d’utilisateurs, ceux des différents services (recherche, Gmail, YouTube…) qui sont en attente de basculement.
L’offensive ne fait que commencer
Outre ce qui a été évoqué plus haut, maintenant que Google a unifié ses CGU et adopté une mise en page évolutive pour Google+, de nombreux axes de développement me semblent intéressants à travailler :
- L’actualité, en exploitant le potentiel de Google News et de la toute récente application mobile (Google Currents goes international) ;
- Le divertissement, en exploitant les contenus commercialisés sur Google Play ou la Google TV (sur le même principe que Getglue) ;
- Le voyage, en exploitant la tonne d’avis sur les hôtels et restaurant (notamment grâce aux critiques du guide Zagat) et en reliant le tout aux moteurs de recherche de vols et d’hôtels ;
- Les RSE, en offrant des fonctionnalités plus appropriées au monde de l’entreprise et en capitalisant sur Google Docs.
Au final, je reste persuadé que Google+ ne nous a pas encore dévoilé son réel potentiel. Les progrès réalisés sur la page Explore nous prouvent ainsi que Google a l’ambition d’en faire une véritable destination et non un simple outil de connexion façon Orkut. Les prochains mois risquent d’être passionnants, car si elle a mit un peu de temps à réagir, la machine Google est maintenant lancée à plein régime et va venir petit à petit grignoter des parts d’audience aux autres plateformes sociales. Raison de plus pour que les annonceurs s’y intéressent de plus près (Why Ford Believes in Google Plus).
Dans cette histoire, même si je suis un fan de la première heure, Twitter me semble être un concurrent de bien petite taille face aux deux mastodontes que sont Google et Facebook… Attendons et observons.
Analyse intéressante, comme souvent, merci !
Il me semble qu’il y a toujours un problème avec l’affichage des accents (je suis sur Chrome 18 pour Mac).
Article très intéressant autrement, qui rejoint totalement ma conviction sur la plateforme sociale de Google.
“En procédant à une unification des CGU de ses différents services, Google a donné un cadre juridique plus sain et plus propice à une consolidation des données des utilisateurs pour enrichir leur profil et mieux les qualifier.”
MERCI.
Tu dois bien être le seul à écrire quelque chose de vrai au sujet de ces règles, les autres sites préférant parler juste d’exploitation et n’y voir que le mal.
@ Gribemont > Effectivement, le moteur de rendu des polices de Chrome sous Mac a un léger problème avec les caractères accentués. Vivement une amélioration…
@ oopszz > Heu… je ne vois pas non plus ces nouvelles CUG comme une bonne chose. Une très bonne chose pour Google, c’est certain, pas forcément une mauvaise chose pour les utilisateurs car Google est soumis à la loi du marché (s’ils déconnent ils se font sanctionner). Disons qu’il faut savoir être raisonnable et accepter de se faire profiler pour bénéficier de tous ces services gratuits.
Discours et analyse intéressants. Cela semble fort “pro-Google”, à mon avis.
Oui, l’interface est une réussite visuelle (si on fait abstraction du #whitespace qui sera sans nul doute corrigé par Google). L’utilisateur des premier jours ne sera pas trop perdu, et surtout les nouveaux utilisateurs curieux ou forcés d’y venir ne devraient pas être dégoutés ou effrayés (quoi que).
Oui, le potentiel d’interaction avec l’écosystème Google est important. Le bras de levier est réel. C’est d’ailleurs le seul intérêt de Google+ à mon sens.
Oui, l’offensive ne fait que commencer. Non pas à l’encontre de Facebook, non, pas vraiment mais plutôt à notre encontre, oui, assurément.
Il n’en reste pas moins que les articles intéressants ou plutôt les liens vers les articles intéressants (Google n’est pas la source et ne doit pas le devenir, il ne joue *QUE* le rôle de relais) sont noyés dans le flux des photos et vidéos kikoulol qui encombrent (en volume, espace) la TimeLine. Si aux moins il y avait moyen de ne pas avoir l’affichage automatique des médias mais simplement des “expendable links” dans la TL! Cela pourrait devenir intéressant.
Pour le kikoulol et le contenu sans intérêt, il y a FB et cela ne m’intéresse pas.
Pour les liens *vers* du contenu à valeurs ajoutée, il y a Twitter et les flux RSS qui restent malgré leur âge encore très utile dans certains contexte.
Pour les publicités et autres liens promotionels, il y a … euh, en fait je ne sais pas et tant mieux, merci Adblock et assimilés.
Il n’en reste pas moins que la 3ième colonne occupe une place fort centrale et trop importante et sur laquelle l’utilisateur n’a aucun moyen d’action (modifier/customiser le contenu). Cela deviendra à très court terme l’endroit rêvé pour y placarder des annonces (promotion interne à google en tout genre ou, encore pire, des publicités de tiers. Je me réjouis d’avoir un filtre Adblock pour éluder cette 3ième colonne et enfin respirer dans un environnement qui se concentre à restituer ma TL et non pas me servir aux forceps la vision Google de ce que devrait être ma pensée, mon horizon et mes décisions.
L’avenir de Google+ est encore à faire. Il est illusoire de croire qu’il nous servira. Il ne servira que Google et ces utilisateurs : les annonceurs.
”Ash nazg durbatulûk,
Ash nazg gimbatul,
Ash nazg thrakatulûk
Agh burzum-ishi krimpatul.” (noir-parler)
Excellentissime article comme à chaque fois… !
Merci !
Un article vraiment intéressant (comme d’hab !).
Google+ pessimiste initialement, tu commences sérieusement à me faire douter.
J’ajouterais à ton argumentation la carte mobile qui devient un atout de poids vs Facebook dans le pays émergents (un enjeu fort avec l’arrivée de new users qui pourrait changer la donne) et sur laquelle Google mise beaucoup au delà même d’Android avec des services dédiés dont SMS gratuits, etc… (au Ghana Google font même de la pub sur Facebook pour ces services- ironique non ?).
Le seul hic pour moi reste l’aspect “stand alone” qui fait qu’aujourd’hui il n’y a pas vraiment de passerelles Google+ / autres réseaux. Ce qui oblige à faire de Google + une “profession de foi” pour les diffuseurs de contenus (vs ajouter un réseau de plus dans son Hootsuite). D’où la problématique contenus, une des principales problématiques de Google+ aujourd’hui…
Bref, on attends de voir….
Dans l’attente de tes prochaines analyses sur le sujet ;)
@ Gaetan Dhont > Il y a effectivement une ambiance kikouLOL sur Google+ qui m’amène à penser que le public est beaucoup plus “casual” (utilisateurs lambda) que sur Twitter où l’on retrouve bcp de pros et de journalistes. Je pense par contre que tu te trompes si tu penses que G+ est un moyen d’accéder au contenu, je l’envisage plus comme un lecteur de contenus hébergés sur d’autres plateforme Google (YouTube, Picasa, News…).
@Fred Cavazza :
“casual” est un excellent qualificatif, en effet.
G+ comme contenus hébergés d’autres plateformes Google: oui clairement, c’est là que Google voudrait canaliser l’usage. Et cela amène à des post « casual » basé sur YouTube, Picasa et News comme tu le fais justement remarquer. Cependant, j’ai l’impression que l’usage réel dépasse largement ce périmètre limité, privilégié par Google. L’usage de sources externes semble courantes pour amener à la lecture du contenu. De là ma référence à G+ comme relais à l’accès au contenu sur le site original. Il est clair que Google tente de nous faire rester dans son écosystème pour nous abreuver d’une dose de publicité la plus affinée possible ; ce qui reste leur objectif premier.
A mon sens la valeur d’un réseau social (pour l'”utilisateur final”) réside dans la valeur donnée et réçue à et par son réseau d'”amis” sur du contenus d’origine variées. Si c’est pour rester englué dans un sous-système de données, ce n’est guère intéressant.
Un système contenant un import de contenus externes pourquoi pas, mais là, on se heurte au problème d’appropriation de contenu qui ne passera pas auprès des créateurs de contenu.
article enrichissant sans jargonnage technologique. merci pour cet eclairage. je suis d’accord avec vous. La convergence est une des forces les plus puissances. G est plus stratege que F
Merci pour cet article très complet. Il est vrai qu’à première vue, les pages paraissent très peu garnies et cette situation va changer rapidement : Au-delà des services cités qui pourront être rajoutés, je mentionnerais également Google-Docs et Google-Wallet.
Il est probable que Google puisse également consolider une version entreprise de cette plateforme en y rajoutant des apps type “Expenses”, “Recruit”, ….
@gaetan: Google est un outil gratuit aussi il faut s’attendre à payer le prix quelque part. Soit donc en ce cas 30% de l’espace de la page Google+ : La 3eme colonne. There is no such thing like a free lunch :-)