Après plusieurs jours de spéculations et de démentis, Microsoft vient enfin de confirmer officiellement le rachat de Yammer : Microsoft Acquires Yammer to Accelerate Enterprise Social Network. Le montant de la transaction s’élève à 1,2 MM$, une sacrée belle somme quand on sait que la firme de Redmond édite déjà depuis plusieurs années sa propre solution de collaboration, mais une acquisition parfaitement cohérente tant les deux produits sont complémentaires. Pour schématiser : Sharepoint est un outil de gestion de contenu qui n’a jamais su intégrer la dimension sociale et Yammer est un outil conversationnel qui n’a jamais su correctement gérer les contenus.
Certes, ces deux affirmations ne font pas honneur aux produits, mais ils résument bien leur positionnement. Malgré une base de clients plutôt étendue, Sharepoint est ainsi perçu comme une solution très perfectible sur le plan de la collaboration, un outil généralement adopté à regret par les utilisateurs qui n’ont pas d’autres choix. Vendue à l’origine comme une solution de création et de gestion d’intranet, Sharepoint brillait surtout par ses capacités de personnalisation des pages et de gestion avancée des documents. De gros progrès ont été réalisés avec la version 2010 pour transformer la solution en RSE (profils enrichis, groupes, notifications…), mais c’est avant tout l’intégration avec les autres produits de la gamme qui faisait sa force (Outlook, Office…).

Considérée comme une solution plutôt “lourde”, la version 2013 est censée apporter plus de légèreté avec une prise en charge plus performante des terminaux mobiles, en adoptant notamment l’interface Metro. Signalons que les lacunes de la solution pouvaient être compensées grâce à l’utilisation de Newsgator, une surcouche de collaboration proposée par un éditeur indépendant.
Conçu initialement comme un outil de microblogging pour l’entreprise, Yammer a longtemps souffert d’un déficit de visibilité vis-à-vis des autres outils de collaboration en ligne (notamment Jive, Socialtext ou son grand rival : Chatter). Une sous-exposition injustifiée, car la solution a beaucoup progressé ces derniers temps avec l’ajout de nombreuses fonctionnalités : profils enrichis, groupes…
Avec la rachat de Yammer, Microsoft comble donc un trou important dans sa gamme et propose maintenant une couverture fonctionnelle très large :
- Sharepoint pour la création des espaces de publication et la gestion documentaire ;
- Office365 pour la création de documents en ligne et la co-rédaction ;
- Outlook et Skype pour la communication ;
- Yammer pour la collaboration et la gestion des communautés…
Cette palette d’outils semble donc être la combinaison gagnante puisqu’elle couvre tous les aspects de la collaboration : du 1.0 (emails et fichiers bureautiques) jusqu’au 2.0 (RSE). Une offre combinée qui a toutes les chances de remporter un grand succès, d’autant plus qu’elle sera portée par la très puissante force de frappe commerciale de Microsoft auprès de sa gigantesque base de clients (existe-t-il des entreprises qui ne sont pas cliente de Microsoft ?).
Mais tout ceci n’est évidemment possible que si l’intégration de Yammer se fait en douceur et s’ils ne perpétuent pas leur très désagréable habitude de tuer les produits qu’ils absorbent. Vu le montant de la transaction, c’est peu probable, mais rien n’est vraiment sûr (Huddle CEO: ‘It’s Pretty Obvious’ Microsoft ‘Will Destroy Yammer’).
Au final, nous allons donc nous retrouver avec un marché schématiquement scindé entre deux mastodontes (Microsoft / IBM) et deux challengers (SalesForce / Jive). La question qui reste en suspens est de savoir où Google va se positionner dans ce paysage, car force est de constater qu’ils sont particulièrement discrets ces derniers temps.
Je pense ne pas me tromper en disant qu’avec les offres actuellement sur le marché, nous avons atteint un plateau fonctionnel en matière de collaboration “générique”. La prochaine étape sera donc de proposer des offres de collaboration directement intégrée aux outils métier. Oui je sais, ça fait des années que l’on vous rabâche les oreilles avec cette fameuse intégration des processus au RSE (ou l’inverse), mais je suis persuadé que le marché est enfin près pour voir émerger des offres hébergées proposant des solutions verticales intégrant nativement la collaboration et les communautés. Le prochain éditeur à percer sera donc celui qui sera en mesure de proposer le SalesForce des pharmaciens, des agents immobiliers, des artisans… Attendons et observons.
Si vous avez des études de cas plus complètes à me proposer sur Sharepoint ou Yammer, je suis preneur, n’hésitez pas à publier les liens dans les commentaires.
Pour faire simple, Yammer héberge et administre les réseaux sociaux internes privés de grandes entreprises clientes et détient ainsi des informations sensibles et confidentielles.
Au travers de cette annonce, ce qui me semble plus préoccupant dans ce type de transaction, c’est la part de confidentialité à laquelle on doit s’attendre lorsque l’on confie des données de son entreprise à une compagnie externe.
Pour des solutions nuagiques comme en propose Yammer, on pense en premier lieu, aux pirates qui pourraient s’introduire dans les serveurs des compagnies qui stockent les informations de notre entreprise, mais on pense rarement au changement de mains de ces compagnies.
La tentation serait alors grande pour le repreneur, de modifier la politique de confidentialité lui permettant ainsi l’accès aux informations contenues dans les intranets des entreprises clientes.
Cet accès pourrait-il ouvrir la porte à des conflits d’intérêts et de déontologie entre les différentes sphères d’activités d’un repreneur comme Microsoft ?