Voilà bien longtemps que je n’ai pas parlé des wikis. Il faut dire que le débat est principalement accaparé par les solutions de RSE, que les éditeurs essayent de nous vendre comme les couteaux suisses de la collaboration. J’ai déjà eu l’occasion de vous décrire l’ensemble des blocs fonctionnels couvrant les différentes facettes de la collaboration (cf. Panorama des l’Entreprise 2.0), aussi je pense ne rien vous apprendre en disant qu’un réseau social d’entreprise est avant tout destiné à mettre en relation des personnes qui ne se connaissent pas. Pour le reste, il existe quantité de solutions technologiques répondant à des besoins diverses (co-création, diffusion d’information, veille partagée…). Dans cette logique, les wikis ont toujours occupé un territoire bien identifié, celui de la gestion des connaissances. Pour résumer : les wikis ne sont ni meilleurs ni moins bons que les RSE, ce sont simplement deux outils différents répondant à des besoins différents.

La semaine dernière, Yann Gourvennec a eu la bonne idée de publier une longue interview de Ludovic Dubost, le fondateur de XWiki : Les wikis, loin d’être morts, sont l’avenir de la collaboration en entreprise et Les wikis sont l’avenir de la collaboration en entreprise : les usages du wiki. Cette interview très riche est l’occasion de rappeler les points forts des wikis :
- Les wikis reposent sur la philosophie du travail en commun, à l’opposée de la “culture Powerpoint” où la connaissance est piégée dans des gros fichiers sur lesquels seul l’auteur à la main ;
- Le wiki est le support idéal pour les contenus métier, il permet de matérialiser et de partager la connaissance, surtout à une époque où l’on ne jure plus que par les data !
- Au contraire des répertoires de fichiers, les wikis sont constitués de pages avec des liens, ils permettent de structurer l’information et de la rendre dynamique (sinon, l’information n’est qu’une très longue chaîne de caractères)
- Un wiki structuré est comme une base de données, il permet de greffer par dessus des applications et de proposer des services à plus forte valeur ajoutée ;
- L’objectif des wikis d’entreprise n’est pas de créer des encyclopédies, mais des référentiels de données métiers qui servent au quotidien.
Ludovic Dubost nous livre également une vision réaliste des challenges auxquels ils sont confrontés :
- Les wikis subissent une forte concurrence des services de partage de fichiers comme Dropbox ou Drive, qui semblent beaucoup plus simples aux yeux des utilisateurs, mais ne font qu’enterrer la connaissance ;
- Pour gagner un public plus large, un enjeu majeur pour les wikis est de devenir plus convivial et surtout plus agréable à utiliser (cf. la syntaxe particulière des wikis qui peut en rebuter plus d’un) ;
- Un impératif pour faciliter leur adoption dans le monde de l’entreprise est de proposer une interface simple pour structurer l’information ;
- Les meilleures entreprises sont celles où les gens travaillent le mieux ensemble, et pas forcément celles où il y a les meilleures individualités ; il faut donc penser à la productivité collective et expliquer l’intérêt de la collaboration et du partage des savoirs (d’où le rôle primordial des coachs).
Il existe de nombreuses solutions de wiki d’entreprise en open source (TWiki, BrainKeeper…), mais XWiki est une des plus ancienne et légitime, car elle existe depuis presque 10 ans. Disponible en téléchargement ou en mode hébergé dans le Cloud, son fondateur profite de l’interview pour nous livrer ses principaux atouts :
- XWiki offre la possibilité de mélanger des contenus et des données (une solution concrète pour s’extraire de la tyrannie d’Excel) ;
- XWiki permet de créer des modèles de page et de modèles de structuration pour encadrer la saisie (idéal pour mettre les débutants à l’aise) ;
- Injecter des flux d’informations ou de données dans XWiki permet d’actualiser automatiquement l’information et d’inciter les collaborateurs à revenir régulièrement, donc à enrichir les contenus… (c’est un cercle vertueux) ;
- Les utilisateurs peuvent importer des fichiers Office pour les transformer en page, puis de les exporter en PDF, HTML, XAR…
- La solution est extrêmement modulaire grâce aux extensions et à l’environnement de création simplifié Application Within Minutes.

Plusieurs cas d’usage sont détaillés dans l’interview :
- EMC, où les experts nourrissent la base de connaissances et l’enrichissent selon les retours des commerciaux qui font des demandes de précision en fonction des appels d’offres et des demandes des clients (retours terrain) ;
- Meetic, où des bases de support qui sont exploitées par les opérateurs qui l’enrichissent et font également des demandes de complétion au fil des conversations téléphoniques avec les clients ;
- Curriki, une gigantesque base de connaissance libre pour le monde de l’éducation.

L’interview est conclue par deux enseignements très importants. Le premier concerne le rôle de la DSI, qui doit avant tout fournir des plateformes plutôt que des applications. Dans cette logique, le choix des solutions et leur implémentation sont confiés aux utilisateurs (j’imagine avec l’aide de la MOA). Le second concerne les mentalités avec la nécessité pour les collaborateurs de prendre conscience que le document en lui-même n’est pas très important, ce qui compte, c’est la connaissance et sa capacité à être enrichie et partagée.
Les wikis nous sauveront-ils de notre terrible dépendance aux fichiers bureautiques ? Oui, j’en suis convaincu.
Merci de ce relais Frédéric. Oui, l’interview de Ludovic était passionnante. Ce sujet est vraiment au coeur de la VRAIE collaboration en entreprise, je suis 100% d’accord avec lui.
Merci Fred ! Et re-merci Yann pour cette interview.
Effectivement, je n’ai de cesse de répéter qu’il y a de multiples formes de collaboration et différents types d’outils pour le stimuler.
Merci Yann pour l’interview et Fréd pour cette synthèse.
Je ne vais pas m’épancher sur le sujet des wikis car vous avez déjà dit l’essentiel et je suis à 200% en phase avec vous.
Bonjour Frederic et merci pour cet excellent article (comme bien souvent).
Je me permets de repondre a l’un de vos sujets pour la premiere fois car nous sommes en train d’etudier le positionnement des outils en entreprise et il n’est pas simple comme vous le soulignez de trouver une information claire et precise a communiquer aupres de nos utilisateurs.
Aujourd’hui avec les RSE, Wikis, Blogs, Intranet… Difficile d’y voir clair et bien plus encore pour nos utilisateurs.
D’ou ma question, au-dela de la partie Knowledge Management, qu’est-ce qui fait qu’une entreprise va pouvoir tirer pleinement partie d’un Wiki?
Le change management etant difficile a mettre en place et vous soulignez tres jutement un point tres vrai:
“Les wikis reposent sur la philosophie du travail en commun, à l’opposée de la “culture Powerpoint” où la connaissance est piégée dans des gros fichiers sur lesquels seul l’auteur à la main”
> Aujourd’hui encore les fichiers Powerpoint sont legion et utilises a tort pour illustrer du contenu ou partager de la connaissance (processus, documentation…)
D’autre part nous sommes egalement regulierement confronte a la question: “Pourquoi avoir un Wiki alors que nous pouvons utiliser Google Drive” et la encore j’appuie le point de vue de Ludovic Dubost
“Les wikis subissent une forte concurrence des services de partage de fichiers comme Dropbox ou Drive, qui semblent beaucoup plus simples aux yeux des utilisateurs, mais ne font qu’enterrer la connaissance” > Selon vous, pourquoi Drive enterre la connaissance ?
Par avance merci pour vos commentaires, au plaisir de vous lire
PS: Desole pour les fautes je suis sur un clavier QWERTY.
Bonjour,
Merci Frédéric pour cet article très instructif et qui conforte certains des choix explictés ci-dessous. !
Je me permet de vous citer l’exemple du wiki de GeoRezo, portail francophone de la géomatique, géré par des bénévoles, au service d’une “communauté” de professionnels (mais pas que, puisque ouvert à tous publics).
Un wiki comme mode de capitalisation de l’information et partage des connaissances a très tôt été identifié par l’équipe de bénévoles qui animent le portail GeoRezo, dédié à la géomatique. Le wiki, relié à des blogs et des forums généralistes, thématiques ou “métiers” est un des piliers du portail.
Mais il souffre aussi de ses avantages : les contributions se heurtent à son mode d’édition, un peu frustre, par rapport aux blogs et autres réseaux sociaux. Du coup par rapport à l’audience du portail, le nombre de contributeurs reste très réduit, même si l’info capitalisée depuis environ 10 ans a une réelle consistance et une pérennité assurée.
Bref, un outil indispensable aujourd’hui dans cette communauté, mais à associer à d’autres supports (blogs, forums, etc…)
Jetez un oeil au portail : http://georezo.net
ou accédez directement au wiki http://georezo.net/wiki/main:start
Cordialement
Jean-Michel
bénévole sur GeoRezo
Entièrement convaincu de l’intérêt des solutions collaboratives (et le wiki est fondamental), je n’ai jamais (ou si peu) détecté une réelle volonté, traduite par des actions concrètes achevées, en entreprise… Au mieux, des “plans” abandonnés ; au pire, une forte réticence à la philosophie de partage / collaboration / capitalisation, souvent pour préserver une position dominante.
Connaissez-vous des entités professionnelles favorables à ce domaine ? Quels sont les “bons élèves” ?
Je plussoie un des commentaires qui pointe le manque d’ergonomie de la plupart des solutions Wiki dès qu’il s’agit d’écrire, ou surtout de modifier, l’article de quelqu’un d’autre.
Est-ce qu’on pourrait imaginer qu’Evernote vienne là encore apporter une solution simple ? Pour les clients Premium, le partage de note et la possilbilité d’éditer celles des autres est extrêmement simplifié, et on peut y mettre également des documents (qui ont de plus l’avantage d’être OCRisés). Il manque peut-être la souplesse de l’hypertexte pour les renvois, mais ça peut se faire. Je connais plusieurs sociétés qui partagent leur savoir ainsi (par ex. un organisme de formation a édité tous ces exercices, tagés suivant le domaine, et les autres formateurs peuvent à loisir compléter ces “fiches”).