Le point de saturation des réseaux sociaux est-il atteint ?

Ces derniers temps, on a beaucoup parlé de la défection des jeunes boudant Facebook pour aller s’encanailler sur d’autres plateformes sociales, notamment sur smartphones, qui favorisent les interactions sociales éphémères (qui ne laissent pas de traces). J’ai tellement lu d’articles et de statistiques que je ne sais plus réellement où nous en sommes dans ce débat. Ce qui est certain, c’est que cette question intéresse surtout les Américains, et notamment les investisseurs de Facebook qui sont inquiets à propos de leurs revenus futurs. Pour le reste du monde, cette question est moins cruciale, car nous ne disposons pas de chiffres aussi précis. Et c’est d’ailleurs un problème récurrent : la plupart des études et statistiques concernent l’Amérique du Nord ou au pire les marchés anglophones.

Heureusement, il existe des organismes qui fournissent régulièrement des chiffres et statistiques sur notre marché. L’Ifop vient ainsi de publier la nouvelle édition de son Observatoire des réseaux sociaux. Et justement, le thème de cette année est : “Vers une lassitude des réseaux sociaux ?“. Je ne sais pas bien si l’on peut déjà parler de lassitude, mais il est certain que le créneau commence à être très encombré.

Petite précision : les chiffres annoncés ont été recueillis au cours du mois de novembre 2013 par questionnaires en ligne auprès d’une population de 2000 personnes (18 ans et plus). Seconde précision : même si je ne suis pas en bonne posture pour critiquer (l’étude est gratuite et existe depuis 2007), je trouve très regrettable que l’on confonde encore réseaux sociaux et médias sociaux : YouTube n’est pas un réseau social, Twitter ou Deezer non plus. (cf. Description des différents types de médias sociaux).

Cette étude nous apporte donc des statistiques très fraîches et particulièrement enrichissantes sur l’état du marché français :

  • En terme de notoriété, Facebook, YouTube et Twitter dominent, mais Google+, Dailymotion et Deezer font une très belle progression (Pinterest et Intagram également, mais ils sont encore en seconde partie de tableau) ;notoriete-rs
  • Facebook est de loin la plateforme la plus populaire avec un taux de pénétration de 63%, Google+ fait encore une fois une très belle progression avec 32% de pénétration ;inscription-rs

     

  • En terme de fréquence de connexion, là encore Facebook est largement au-dessus des autres avec 80% de membres qui se connectent au moins une fois par semaine ;frequence-rs
  • Si l’on compare la fréquence d’utilisation et le taux d’inscription, on arrive à isoler des plateformes sociales de niche qui fonctionnent très bien (Instagram, Tumblr, Pinterest et même Twitter) et des réseaux sociaux “fantômes” (Copains d’avant, Trombi) ;dynamique-rs
  • Sinon l’étude confirme que l’inscription (ou l’utilisation) à au moins une plateforme sociale plafonne à 86% (avec une moyenne de 4,5 par utilisateur).

Statistiquement, je pense ne pas me tromper en disant que nous sommes proches du point de saturation. Par contre, en terme d’usages et de ressenti, cette tendance se confirme puisque près de la moitié des sondés ont le sentiment de moins discuter et de moins publier. Interrogés sur cette baisse d’activité, les raisons invoquées sont la crainte d’un usage détourné des données personnelles (un grand classique), la pression publicitaire, le manque de temps et le besoin d’avoir des contacts directs (physiques). Près de 40% déclarent vouloir se désinscrire de certaines plateformes.

Est-ce la fin des médias sociaux ? Non, bien évidemment que non. Par contre, l’effet de nouveauté est bel et bien passé, tout comme ça a été le cas avec les blogs. Pour le moment, la mode est aux plateformes “visuelles” comme Instagram ou Pinterest, mais attendez-vous à une lassitude similaire dans les prochaines années. La réalité de ces plateformes est qu’elles ne déçoivent pas réellement, mais que la valeur d’usage diminue avec le temps et que les utilisateurs font des arbitrages en fonction de leurs besoins / obligations.

Encore une fois, je trouve étrange que l’on mélange des outils de communication comme Skype avec des plateformes ouvertes comme Twitter ou Youtube (qui ne nécessitent pas d’inscription) et des réseaux fermés comme LinkedIn. Idéalement il faudrait soit restreindre l’étude, soit au contraire l’élargir avec d’autres outils de communication (SMS, email…) et d’autres plateformes (SnatChat, WeChat, Kik…). Je me porte d’ailleurs volontaire pour aider les équipes d’Ifop dans l’élaboration de la prochaine version de cette étude, à titre gratuit bien sûr.

16 commentaires sur “Le point de saturation des réseaux sociaux est-il atteint ?

  1. Merci Frédéric pour ce billet instructif.

    Je suis étonné de ne pas voir apparaître Scoop.it dans cette étude de l’Ifop. J’avais noté que vous étiez pour le moins dubitatif sur la curation (cf. votre article du 18 oct. 2012).

    Certaines entreprises ont décidé de miser 100% sur Scoop.it en lieu et place d’une blog et/ou d’un site. J’y ai moi même créé – à titre perso (non business) – un flux-blog “coups de cœur et état d’âme” pour expérimenter le principe de la curation-blog. Précision : je fais une allergie à Twitter et je cherche à privilégier la qualité des contenus sur le volume (que ce soit en émetteur ou en récepteur). Google+ est aussi une alternative aux outils de curation à considérer … je lirai attentivement l’article que vous pourriez publier à ce sujet ;-)

  2. @Stève Bien sûr, qui d’autre utilise Viadeo ou Copains d’avant ?

  3. @Jean-Philippe : Scoop.It est-il un réseau et/ou un média social ?
    Sur base de la classification de Fred :
    http://fredcavazza.wordpress.com/2011/02/06/description-des-differents-types-de-medias-sociaux/
    (Il me semble qu’une plus récente existe… ?)
    Scoop.It est à la croisée d’un agrégateur, d’un service de partage, d’un média social.
    Quant à la qualité des contenus, apporte-t-il une différence avec Twitter ? Je constate des “re-scoop” “aveugles” aussi nombreux que les “re-tweets”.

  4. Bonjour Fred,

    Je pense aussi qu’en effet certains réseaux sociaux arrivent à un “point de saturation” !

    J’ai lu un bouquin dernièrement qui décrit le monde des médias sociaux comme un “écosystème” d’outils et comme dans tout écosystème, il y a la loi du plus fort. Pour survivre, peut être que certains outils vont disparaitre, d’autres vont émerger et d’autres vont fusionner ce qui va forcément créer de la nouveauté.

    Certains outils ont certainement dépassé le fameux “effet de nouveauté” mais y en aura certainement d’autres qui vont venir relancer la nouveauté. Donc c’est plutôt certains réseaux sociaux qui ont perdu l’effet de nouveauté et non pas les médias sociaux en général.

  5. Curieux comme non réponse à la question de Stève de la part de Mr Fred Cavazza dans les commentaires :
    OUI étude délimitée sur le territoire français / NON, étude non restreinte au périmètre français.

    FC renvoie à l’IFOP “Il serait plus sage de poser la question à l’IFOP”

    Je suis pour ma part très intrigué également, car des éléments me poussent à considérer que la France est bien le cadre de l’enquête (viadeo et surtout copainsdavanat, comme le fait remarquer Dominic), mais d’autres semblent contredire cette hypothèse, notamment les statistiques sur Google +.

    Pourtant dans l’article à plusieurs reprises, FC se mouille nettement plus que dans les commentaires. Le moment le plus net étant : “Cette étude nous apporte donc des statistiques très fraîches et particulièrement enrichissantes sur l’état du marché français”. IFOP organisme français, marché français, copainsdavant et viadeo, OK.

    Cependant, en toute franchise, cela est impossible, ou bien l’IFOP se moque de nous. Je passe mon temps depuis 2 ans et demi à faire l’evang+ autour de moi, répétant sans cesse à ma famille, mes amis, mes relations, mes clients, mes prestataires et fournisseurs :
    qu’est-ce que vous foutez encore sur facebook, ce réseau ringard de chez ringard, alors qu’une plateforme déjà beaucoup plus complète existe maintenant, dont les fonctionnalités vont toujours plus s’enrichissant ?
    Sur plusieurs centaines de personnes, j’en ai convaincu … une seule (!!!) d’essayer. Et bien entendu, l’essayer c’est l’adopter.
    Je passe sur les avantages natifs, pourtant déjà décisifs à eux tous seuls (les cercles obligent à structurer ses contacts comme cela a lieu en réalité dans la vraie vie), et j’insiste sur 2 points :

    1 – la qualité des contenus et des interactions est inédite. Il s’agit effectivement d’un outil de curation, mais pas brute comme un scoop it : il est de bon ton d’ajouter sa vision des choses lorsqu’on y partage une trouvaille ou un point qu’on juge digne d’intérêt. Pour simplifier mon argumentation, je leur résume ainsi la comparaison fb tw g+ :
    fb = tf1 (mainstream, contenus très pauvres)
    tw = canal+ (hype & élite sociale, contenus dans l’air du temps)
    g+ =arte (élite intellectuelle, contenus très riches)

    2 – G+ n’est pas un réseau social (ou du moins pas seulement !), c’est beaucoup plus que cela : c’est la couche sociale censée unifier progressivement l’ensemble des produits et services google. C’est en fait google 2.0 non pas tant au sens de “déclinaison de google dans la tendance 2.0”, mais au sens de deuxième phase, deuxième état, deuxième version de google. Donc pour qui utilise google search, google maps, google docs/drive, youtube, gmail, google chrome, android, et je pourrais continuer la liste, G+ sera absolument incontournable car améliorera sans cesse l’intégration entre ces services tout en les rendant chacun toujours plus sociaux.

    Vous comprenez qu’avec tous ces efforts de’évangélisation google +, et une seule conversion -si je puis m’exprimer ainsi- en 30 mois, j’ai beaucoup, beaucoup de mal à penser que google + dispose en france :
    – d’un taux de pénétration de 32 %
    – 20% de personnes qui l’utilisent quotidiennement, 34% l’utilisent chaque semaine, 24% chaque mois
    – d’une notoriété de 87 % (tant de gens à qui j’en parle me disent ne pas pas connaître le nom !!).

    J’aurais donc vraiment aimé que FC ne fuie pas la question.

    Quant à la distinction réseau social / media social, cela fait 3 ans que les Canadiens en débattent pour préciser les concepts, cette distinction n’est pas cavazziste, elle est utilisée par quiconque considère que les mots ont un sens et qu’il convient de ne pas galvauder ce sens si on veut éviter d’aboutir à un magma informe. Pour autant, ne pas inclure certains services dans une analyse intitulée “réseaux sociaux” serait selon moi une erreur d’appréciation. La méprise porte en effet sur le libellé de l’étude (elle concerne tout service à composante sociale dominante) beaucoup plus que sur le contenu (ce qu’il convient de faire c’est d’ajouter certains services oubliés, plutôt que de supprimer ceux qui ne rentrent pas dans la définition stricte de réseau social”.

    En effet, ce qu’on pourrait dire pour résumer sur la question de la saturation des usages sociaux, c’est que si saturation il y a, elle ne concerne que certains services spécifiques, et notamment les réseaux sociaux, entendus au sens strict.
    Le mouvement va en réalité vers toujours plus de social, mais avec une certaine maturité, en affinant les critères : on ne veut plus de social à tout prix, on veut désormais surtout du social toujours meilleur, toujours mieux, et non pas un “toujours plus” brut et sans autre considération.

  6. Merci Fred une fois de + pour cette analyse rationnelle, pertinente et alimentée (votre blog et vos analyses sont une bouffée d’air qui fait du bien, comparé au bullshit permanent de certains bloggeurs prétendus experts et malheureusement reconnu comme tel… mais je m’égare !).

    Je vous écris pour savoir si vous pourriez enquêtez voire publier qqch sur un sujet dont j’ai une conviction profonde :

    Depuis quelque temps, et alors que dans la vie réelle il y a une désaffection globale de facebook (en même temps logique quand on transforme un réseau social en média publicitaire [comme vous l’avez également discerné]), je constate qu’un nombre incroyable d’annonceurs et de médias tente de propulser leurs pages facebook (alors qu’ils avaient dernièrement plutôt switcher sur la forme twitter du moment) ! Je pense notamment aux pubs nescafé et consort, ainsi que des émissions qui touche la cible 15-25 (type “show le matin”) où facebook est à nouveau cité et incité jusqu’à plus soif.

    Je trouve qu’un décryptage du lobby et des méthodes facebook (pourquoi pas par vous !) seraient vraiment intéressant.

    Je trouve ça en effet intéressant de voir et d’étudier comment une société hégémonique mais sans vision parvient/veut rester “on top” en 1/exerçant une pression sur les fabricants hardware de téléphonie ect pour qu’il propulse/facilite les apps facebook sur leurs terminaux 2/ en exerçant un lobby (des ristournes ou des promesses ?) auprès d’annonceurs tel que Nestlé et son Nescafé pour tenter de continuer à occuper l’espace.

    A vous de voir/jouer si cela vous motive un article. Au plaisir de vous lire en tout cas.

  7. Bonjour,

    Une petite précision : cette étude porte sur un panel d’internautes et non sur l’ensemble de la population française (voir dans la méthodologie de l’étude).
    Merci.

  8. @ Anas > Oui et non, nous assistons à un phénomène cumulé de perte de l’effet nouveauté ET de saturation (en moyenne 4,5 réseaux par personne).

    @ Jerkar > Je n’élude pas la question, simplement ce n’est pas moi qui ai fait l’étude. Je présuppose qu’elle ne concerne que le marché français, mais je ne peux pas l’affirmer à la place des auteurs. Tout comme vous, j’ai été très surpris par le taux de notoriété de Google+, dans la réalité, je constate qu’il est bien plus bas… sauf si l’on considère que Google+ est le nouveau Google et qu’à partir du moment où l’on a un compte Google (ou un terminal Android, ou que l’on commente sur YouTube), alors on est considéré comme membre. J’aime beaucoup la comparaison (risquée) entre les chaines de TV et les plateformes sociales.

    @ SB > Facebook est et restera pendant qq années la plateforme sociale dominante. Les chiffres parlent pour eux, donc inutile de faire du lobbying. Ceci étant dit, et comme je l’ai répété à d’innombrables reprises, ce n’est pas parce que c’est la plateforme la plus populaire qu’il faut impérativement y être, surtout au détriment des autres plateformes. Pour le moment les annonceurs semblent se satisfaire des résultats de leur présence sur Facebook, mais nous verrons comment la situation va évoluer à mesure que la pression pour monétiser l’audience va s’accentuer et que les budgets des annonceurs vont augmenter. Bientôt il ne sera presque plus possible de publier un message ou une photo gratuitement ! Ceci dit, 100% des annonceurs payent la moindre seconde d’apparition à la TV, et ça ne pose de problème à personne. Comme quoi, tout est question de ROI et de coût d’acquisition.

  9. @ Fred : la méthodologie de l’étude est indiquée dans le document “annexe de l’étude” sur le site de l’IFOP : http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=2436 Il s’agit donc bien d’une étude sur le marché français mais comme je l’indiquais plus haut, celle-ci a porté sur un panel d’internautes (à partir de 18 ans) et non sur l’ensemble de la population française. Il s’agit par ailleurs d’un questionnaire auto-administré, ce qui n’est pas sans introduire un certain biais. Cette étude est donc bien française mais n’est pas représentative de l’ensemble de la population française.

    Méthodologie détaillée
    L’Observatoire des réseaux sociaux est une enquête quantitative réalisée chaque année depuis l’automne 2007 par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon représentatif de la population internaute française en âge de voter (18 ans et plus).
    Pour cette nouvelle enquête, l’Ifop a interrogé 2 005 internautes du 21 au 28 novembre 2013.
    Cette année, 56 réseaux ou medias sociaux ont été étudiés, dont 4 sites nouvellement testés, à savoir : Skype, Vine, Pearltrees et Line.
    La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas appliquée aux critères suivants : sexe, âge, profession de la personne interrogée, région et catégorie d’agglomération.
    L’échantillon constitué a fait l’objet d’un redressement sur la base des critères sociodémographiques usuels retenus en quotas et de la fréquence d’utilisation du web. Ce redressement a pu être réalisé à partir de données Ifop issues de son enquête annuelle de profiling de la population internaute française, réalisée par téléphone.

  10. Beaucoup d’études prédisent à plus ou moins long terme la mort de facebook et autres réseaux sociaux. Cependant, j’ai du mal à y croire.
    Certes, l’attrait est moindre qu’il y a quelques années, vu que de nouveaux médias sociaux sont arrivés entre temps.
    Mais Facebook entre autres offre une solutions que je n’ai pas encore vu ailleurs et pour l’instant la majorité des gens y restent.

    Selon moi, le point de saturation est peut-être arrivé,mais les réseaux sociaux restent encore un passage obligé pour qui veut rester en contact avec ses proches.

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