Il est plus rentable de créer des conversations chez vous que sur Facebook

En ce moment, Facebook est sur le devant de la scène, mais pas forcément pour les bonnes raisons. Certes, il y a la toute dernière version du flux de messages (An Updated News Feed) déjà disponible pour certains utilisateurs français, ainsi que la nouvelle page pour les annonceurs : A Streamlined Look for Pages.

fb_new_pages

Cette nouvelle page est plutôt réussie, le problème est que les contenus ne sont plus affichés que sur une seule colonne et que les statistiques sont affichées en grand sur le côté droit de la page. En d’autres termes : Facebook pousse à la consommation pour augmenter artificiellement ses revenus publicitaires. Vous pourriez me dire que nous commençons à être habitués à de telles pratiques, et je vous répondrais que non, car là ça commence à faire un peu beaucoup. D’une part, la colère monte chez bon nombre de membres qui trouvent que leurs messages sont très peu distribués à leurs amis (Facebook traite tous ses utilisateurs comme des annonceurs), d’autre part, car les taux d’engagement s’effondrent.

L’agence Ogilvy a publié un rapport très alarmant en début de semaine sur la baisse de la portée naturelle des publications : Facebook Zero: Considering Life After the Demise of Organic Reach. Dans ce rapport, où une centaine de pages réparties dans le monde entier ont été analysées, l’auteur nous révèle que la portée naturelle des publications (le taux de reach) est en chute libre :

organic-reach-chart

Non vous ne rêvez pas, le taux de visibilité moyen des messages est de 6% pour les pages de marque et 2% pour les pages avec beaucoup d’activité. En d’autres termes : sur 100 fans, seuls 6 seront exposés de façon naturelle aux publications (seulement 2 fans pour les pages avec plus de 500.000 likes). L’auteur du rapport n’exclut pas un futur proche où les publications ne seront tout simplement plus affichées si les marques ne payent pas (d’où le “Facebook Zero“). Êtes-vous surpris par ces statistiques ? Pas moi, car j’ai déjà eu de nombreuses occasions de vous mettre en garde contre les pratiques de Facebook et ses actionnaires extrêmement cupides.

Certes, on ne pourra pas reprocher à Facebook de ménager ses efforts pour proposer des solutions publicitaires performantes : les options de ciblage sont nombreuses et le modèle de facturation est plutôt souple, notamment le récent OCPM (cf. How Should You Pay For Your Facebook Ad? oCPM, CPM or CPC). Le problème est que la machine s’est emballée et que Facebook abuse carrément de sa position dominante, sans aucune retenue (une situtation que l’on a d’ailleurs un peu de mal à expliquer : The era of Facebook is an anomaly).

Le pire dans cette histoire, est que ce phénomène va s’amplifier, créant ainsi un cercle vicieux (cf. Facebook Brand Updates Take Another Hit, Can You Recover?). À tel point que l’on est légitimement en droit de se demander s’il faut continuer à être présent sur Facebook via une page. Halte au suspense, car fait la réponse est “oui” : il serait dommage de vous débarrasser de votre page Facebook. Par contre, vous devez être parfaitement conscient de la perversité du modèle mis en place et surtout du fait que l’on ne peut pas se bâtir une communauté sur Facebook.

En fait, plus rien n’est pareil depuis le saut de Felix Baumgartner : les marques se livrent à une surenchère de contenus et vidéos toutes plus spectaculaires les unes que les autres afin d’attirer l’attention des internautes (cf. A Man On Fire Jumps Off A Mountain). Cette surenchère rend mécaniquement les publications des autres marques moins intéressantes. L’intensité concurrentielle est à son paroxysme et il serait complètement illusoire de penser que vos photos rigolotes et autres promos peuvent intéresser les utilisateurs de Facebook. À partir de ce constat, tout est question d’objectif : si ce que vous cherchez est de la visibilité payante, alors Facebook et un média comme les autres (il faut payer pour être vu), et doit être géré en tant que tel.

La question est plutôt de savoir si vous souhaitez vous éloigner d’une posture de communication proclamatoire (“mes produits sont trop cools, d’ailleurs je paye pour vous en informer“) pour privilégier une dynamique conversationnelle. La dure réalité que tout le monde refuse d’admettre est que l’on ne dialogue plus sur Facebook : on se contente de liker, de rejoindre un groupe, de relayer un pseudo-article avec un titre sympa ou de déposer un commentaire laconique (“Ha oué tro bien“, “LOL“, “jadore“, …). Très honnêtement, je ne vois pas bien quel est l’intérêt de payer des milliers d’Euros pour que votre blagounette récolte des “C TRO KOOL J KIF“. Un petit tour sur la page Facebook d’une grande marque de boissons fruitées vous donnera une bonne idée du niveau des conversations. Personnellement j’ai une autre idée de ce qu’est l’engagement, mais bon… il faut croire que je suis un indécrottable rabat-joie incapable d’apprécier à sa juste valeur cette “stratégie d’engagement” (Michael Porter doit s’en retourner dans sa tombe) (Ha oups, on me signale qu’il est toujours en vie… désolé !).

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Depuis le temps que j’abord la question sur ce blog, j’ai vraiment l’impression de me répéter, mais la croissance de l’audience de Facebook sème le doute dans la tête des annonceurs : le monde attire le monde, mais est-ce une raison pour être présent à tout prix (littéralement). Pour expliquer toute l’ambiguïté de la situation, j’utilise toujours l’analogie suivante : Facebook est comme un restaurant, inutile de payer pour faire venir des clients si votre menu n’est pas à la hauteur. Dans cette analogie, les community managers sont les serveurs, inutile d’en recruter une armée si vous n’avez pas de chef capable de concevoir des plats de qualités (les contenus) et un menu cohérent (la stratégie d’engagement).

Donc… maintenant que nous avons les chiffres pour nous prouver la chute du taux de visibilité organique, il est grand temps de revoir vos modalités de présence pour éviter d’en subir trop lourdement les conséquences. La première chose à faire est de repositionner le curseur : votre priorité est de soigner vos contenus, pas de soigner les contenus publiés sur Facebook (ne mettez plus la charrue avant les boeufs). Dans un second temps, il va vous falloir structurer la diversification de votre présence et définir une architecture communautaire et sociale.

La finalité de cette “réorientation stratégique” est de réduire votre dépendance à Facebook et de commencer à capitaliser sur vos contenus et votre capacité à générer des conversations à valeur ajoutée dont vous serez le réel bénéficiaire. Pour se faire, suivez l’exemple de marques comme Darty, EDF ou Sephora qui ont monté leur propre plateforme conversationnelle (respectivement 36000 Solutions, MaMaisonBleuCiel et BeautyTalk). Certes, l’audience y est plus restreinte que sur Facebook, mais les interactions sociales sont de bien meilleures qualités.

À votre avis, quelle est l’investissement le plus rentable sur le long terme : un stand parmi d’autres dans les Galeries Lafayette ou une petite boutique sur le bvd Haussmann ?

15 commentaires sur “Il est plus rentable de créer des conversations chez vous que sur Facebook

  1. Je pense que les marques sèment ce qu’elles ont recolté (et FB en profite bien sur). A la base FB avait quand même pour but premier de rester en contact avec tes “amis” voir t’en faire de nouveaux…Auj, c’est un mur à publicité et à sollicitations en tous genres. FB souhaite peut être mettre un peu le hola pour reconquerir les utilisateurs

  2. @ Jean Baptiste > Oui, le génie de Facebook est d’avoir mit en place un système dont il est le (quasi) seul bénéficiaire, car tout le monde paye (les annonceurs avec de la pub, les marques avec du contenu et les utilisateurs avec des données perso). Facebook est maintenant plus un média qu’un réseau social.

  3. Moui je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi Fred (mais tu commences à avoir l’habitude :P). En général, je vais dans ton sens mais j’irais plus loin encore : n’est-ce pas la fin du modèle “social” ou “conversationnel” tout simplement ?

    Perso j’ai plutôt l’impression qu’il n’y a que très peu de professionnels des RP qui comprennent l’intérêt du social/de la conversation. Et au final, ils appliquent aux média sociaux (et au Web en général d’ailleurs) des mécanismes traditionnels de publicité : ils sont donc une majorité à vouloir payer Facebook pour de la visibilité.

    Qui ira donc reprocher à Facebook de profiter de ça ? Après tout, c’est sa raison d’être (générer de l’argent) et qu’on ne se méprenne pas : donner accès au Web partout, lier les gens, tout ça tout ça, c’est du bullshit…

    Au final, je trouve que l’échec c’est le nôtre, nous les soi-disant experts des média sociaux : nous n’avons pas su suffisamment évangéliser autour de nous et démontrer les bénéfices de ces pratiques.

    Après, le côté positif, c’est que les vrais experts média sociaux seront recherchés… et donc que les marques qui s’en sortiront n’auront pas les soucis dont tu parles : “c’est la guerre du contenu, tout le monde veut faire plus impressionnant que son voisin”. Car impressionnant ou pas, ce sera la meilleur conversation qui l’emportera !

  4. @ rémi > Mon précédent article parlait justement du déclin des conversations et de l’avénement de la “communication visuelle”. Je serais un peu plus optimiste en disant qu’il est toujours possible de monter des plateformes conversationnelles à valeur ajoutée, mais pas forcément à très grand échelle (les LOLcats sont l’opium du peuple).

  5. Face à cette situation, il y a aussi une piste qui consiste à transformer les abonnés au newsfeed de marques (aka. fans) en en fans abonnés email (via les apps, les formulaires, des pots qui pointent vers des landing pages avec des CTA bien amenés, le Facebook login), canal au “reach” (aka taux d’ouverture stable (autour de 20%) et qui n’appartient as à une société cotée en bourse. Nous poussons cette approche depuis pas mal d’année chez “nous” (ne citions pas de marque) avec, vu la tendance, de plus en plus de succès, surtout chez les marques qui ont beaucoup plus de fans que d’abonnés.

  6. Moi franchement j’ai rien remarqué sur mes pages… donc pour l’instant ca me dérange pas bcp. Par contre la baisse du reach va pas me pousser à faire de la pub payante avec FB mais plutôt à partir sur G+, Pinterest ou Twitter…

  7. Salut,

    Pour revenir sur les 6%, faut aussi prendre en compte, je pense, que tout le monde n’est pas en permanence devant son facebook et qu’on ne remonte pas forcément notre fil d’actualités jusqu’à aller voir chaque publication de chaque page.

    Donc bon nombre de publications sont naturellement pas vues par de nombreuses personnes.

    Il me semble aussi que ce qui apparaît dans notre fil est filtré en fonction de nos actions, plus on est actif sur une page ou avec un ami et plus on voit leurs contenus, et inversement.

    La faute est peut être aussi celle des utilisateurs, sans vouloir leurs reprocher non plus, mais aimer une page juste par principe et s’en désintéresser, multiplier par le nombre de pages qu’on peut aimer ….. ça fait aussi chuter la pourcentage de visibilité des publications.

    Je ne sais pas si j’ai été très clair, ni même si mon analyse tient la route mais je pense que ce n’est pas à exclure.

  8. # Yann > Effectivement, la baisse du reach est à la fois un phénomène mécanique (plus de pages, donc plus de raison de filtrer les contenus), une conséquence du comportement des membres (ils Likes des pages pour participer à des concours) et des tactiques des marques (qui organisent ces concours et chasses aux clics et se plaignent ensuite de ne pas avoir de fans suffisamment “engagés”). La faute ne revient pas forcément à Facebook, mais au système qu’ils ont mis en place (donc indirectement). Heu… je ne sais pas si j’ai été clair…

  9. La publicité sur Facebook marche vraiment, mais pas toujours pour tout le monde, et pas pour “n’importe quoi”. Certaines actions sont beaucoup plus propices au succès. Que faire ? En premier lieu, passer du temps à mesurer et tenter d’optimiser ses publications. Ensuite, diversifier son approche marketing. Il n’y a pas de plateforme miracle, il n’y a que des plateformes pertinentes pour un objectif donné.

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