Réforme de la formation professionnelle et transformation digitale

2014 a été une année charnière pour la formation professionnelle. La loi sur la réforme publiée le 5 mars dernier pose ainsi les bases de ce que sera une authentique révolution dans le parcours professionnel des salariés. Jusqu’à présent, le dispositif en place était le DIF (Droit Individuel à la Formation). Un dispositif complexe et rigide qui était utilisé à moins de 5% (moins de 5 salariés sur 100 avaient accès à la formation). À compter du 1er janvier 2015, le DIF va être remplacé par le CPF (Compte Personnel de Formation) afin de faciliter l’accès à la formation et d’en faire un outil de compétitivité : Le compte personnel de formation ou comment devenir l’acteur principal de son parcours professionnel.

L’élément fondateur de cette réforme est de placer l’individu au coeur du dispositif. Les grands principes sont les suivants :

  • Le CPF sera rattaché à la personne et non plus au contrat de travail, les parcours initiés et heures accumulées ne seront plus perdus en cas de changement de situation (changement d’employeur, licenciement ou démission) ;
  • Le CPF ne sera plus plafonné à 120h, l’objectif est de cumuler 150h sur 6 ans et de pouvoir les cumuler avec d’autres dispositifs de formation.

Celles et ceux qui ont déjà été confrontés aux méandres administratifs et aux limites des formations conventionnées apprécieront à sa juste valeur cette réforme : proposer aux salariés un dispositif plus ambitieux lui permettant de planifier sur plusieurs années et de sécuriser un parcours de formation. D’ailleurs les promoteurs de cette réforme évoquent un “droit à la formation et à l’évolution professionnelle“.

À votre avis, quelles compétences susceptibles de bouleverser l’économie et les habitudes de travail nécessitent un apprentissage sur la durée ?

Vous ne voyez pas ?

Vraiment rien ?

Le numérique bien sûr ! Si la transformation digitale est un sujet qui préoccupe à ce point les entreprises, c’est parce qu’il n’est pas simple à traiter, du moins à traiter avec les outils de formation traditionnels : une journée de formation par an est en effet très loin d’être suffisant pour aider les salariés à comprendre les impacts et enjeux du numérique et à faire évoluer leur cadre et habitudes de travail (De l’Entreprise 2.0 à la transformation digitale).

La bonne nouvelle est que le CPF vise à donner les moyens aux professionnels d’acquérir “des compétences attestées en lien avec les besoins de l’économie“. Le législateur reconnait ainsi qu’il existe des compétences “en tension” qui sont prioritaires : les langues et l’informatique. Le CPF est donc une opportunité unique pour les professionnels de se faire accompagner dans leur (ré)appropriation du numérique. Le problème est que jusqu’à présent, ils devaient faire une demande auprès de leur employeur pour que celui-ci les laisse choisir une formation dans une liste plus ou moins complète, avec des supports pédagogiques plus ou moins à jour. Un célèbre organisme de formation propose ainsi un cursus intitulé “Les fondamentaux du Web 2.0 et des réseaux sociaux” où l’on enseigne notamment les caractéristiques des sites 2.0 comme Netvibes ainsi que l’essor du web mobile à travers les PDA (véridique !).

Le plus gros défi à relever pour les entreprises est de trouver un dispositif pédagogique pertinent pour leurs salariés. L’idée n’est pas de transformer les collaborateurs en développeurs ou community managers, mais plutôt de leur permettre d’acquérir une vision exhaustive de l’internet et de tous les sujets qui lui sont associés (médias sociaux, mobilité, contenus, commerce en ligne, publicité, référencement, relation-client…). Les sujets sont tellement nombreux que cette montée en compétence ne peut se faire que dans la durée : sur plusieurs mois ou trimestre, et non dans une version condensée sur un ou deux jours. D’autant plus que l’important est de leur transmettre une culture numérique : de nouveaux référentiels et supports, de nouveaux réflexes et habitudes de travail… Cette transmission de la culture numérique ne peut se faire que dans la durée pour pouvoir aborder l’ensemble des sujets liés au numérique et leur permettre de bien appréhender leurs impacts sur les différents métiers (marketing, communication, distribution, fidélisation, RH…).

Je suis en train de monter une digital academy interne pour une grande société qui va mettre en application ce principe de slow learning où les collaborateurs seront exposés au quotidien à des contenus pédagogiques de formats variés pour ne pas les perturber dans leurs journées de travail, et leur dispenser un enseignement exhaustif sans leur presser le citron.

La transformation digitale est un chantier de longue haleine, en témoigne l’imposant rapport de Philippe Lemoine (La transformation numérique de l’économie française). Avec cette réforme de la formation professionnelle, les salariés comme les entreprises disposent enfin d’un outil pertinent pour réussir cette transformation. Espérons que les uns et les autres vont savoir profiter de cette opportunité pour ne pas rater le coche.

Un commentaire sur “Réforme de la formation professionnelle et transformation digitale

  1. Quid des formations courtes?
    Nous dispensions pas mal de formations sur des sujets tels, Adwords, Analytics, SEO, WordPress, Prestashop… Ces formations étant sur des programmes de 1 à 3 jours en général, jusqu’ici elles étaient financé par le DIF ce qui était très pratique pour l’entreprise.
    Ces formations deviendront donc un coût pour l’entreprise qui souhaite former des salariés sur de courte durées afin de comprendre certains enjeux autour d’une activité qui n’est pas encore bien maîtrisée bien que nécessaire…

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