À une époque pas si lointaine, le seul moyen de toucher un consommateurs via internet était de mettre en ligne un site web. Certes, il y a bien eu des tentatives pour moderniser les sites (cf. 10 ans d’évolution des interfaces web au service de l’expérience utilisateur), mais l’essentiel des efforts à fournir par un annonceur était concentré sur son site web, le reste étant dépensé dans la création de bannières. Depuis, les smartphones ont envahi le monde, de même que les bloqueurs de bannières, les plateformes (Facebook en tête), les chatbots, les casques de réalité virtuelle, les intelligences artificielles… Le paysage numérique d’aujourd’hui ne ressemble plus du tout à ce qu’il était il y a 15 ans, car les usages sont complètement différents. De ce fait, une marque ou un distributeur ne peut plus se contenter d’un schéma de présence où son site web occupe une position centrale.
Des sites web perdus dans un brouhaha numérique
Comme expliqué dans l’introduction, jusqu’à récemment, le meilleur moyen d’exister sur internet était d’avoir un site web. Cela reste toujours un excellent moyen, mais ce n’est plus le seul, et surtout, ce n’est plus forcément celui qui vous permettra d’atteindre vos objectifs dans les meilleures conditions.
Le problème est que la compétition n’a jamais été aussi forte pour exister sur internet et pour attirer des visiteurs vers un site web. D’une part, nous avons assisté à la multiplication des terminaux (ordinateurs, tablettes, smartphones, smartwatches…), mais également à la multiplication des canaux (médias sociaux, applications de messagerie, applications mobiles…) qui ont participé à une fragmentation sans précédent de l’audience. Face à un tel chamboulement, comment espérer obtenir les mêmes résultats avec la même approche ?
Pour bien faire c’est tout votre écosystème numérique qui devrait être à revoir. Pour vous en convaincre, il suffit de lister les différents supports numériques aujourd’hui accessibles :
- Les médias sociaux à travers un compte officiel (Facebook, YouTube, Twitter, Instagram, Snapchat…)
- Les grandes plateformes qui hébergent maintenant des articles (Facebook, Google, Apple, LinkedIn…)
- Les services de diffusion de vidéos en live (Periscope, Twitch…)
- Les places de marché de produits (Amazon, Fnac…)
- Les applications mobiles (iOS, Android…)
- Les systèmes de messagerie et leurs chatbots (Facebook Messenger, Kik, Skype…)
- Les assistants personnels (Siri, Google Assistant, Alexa, Cortana…)
La liste est longue, et elle est loin d’être complète avec l’avènement de l’ère post-smartphone. Vous noterez à ce sujet que le thème de cet article n’est ni plus ni moins qu’une prise de hauteur par rapport à ce qui se passe sur les smartphones (Pourquoi les applications natives ne doivent plus être votre priorité). Non, je ne suis pas en train de vous expliquer que votre site web n’est plus une priorité, mais qu’il est l’une de nombreuses pièces qui compose votre écosystème numérique. Ceci étant dit, de nombreux annonceurs pourraient témoigner du fait que les contenus partagés sur les médias sociaux bénéficient d’une bien plus forte audience que ceux hébergés sur le site officiel. Nous assistons donc à un déplacement du centre de gravité de l’écosystème numérique : depuis le site web vers les supports apportant le plus d’audience.
Si sur le papier, l’explication tient la route, dans la pratique, les choses se corsent. Car outre la diversification des supports, c’est surtout le morcèlement des formats qui génère de la complexité. Avant, pour diffuser un contenu ou service, il suffisait de le mettre dans une page web et de la faire référencer. Aujourd’hui, il existe une multitude de façon et de formats pour distribuer un contenu ou exposer un service :
- un article à la mise en forme allégée (flux RSS, Instant Articles sur Facebook ou Accelerated Mobile Page chez Google) ;
- un message avec du texte et une image (Facebook ou Twitter) ;
- une image (Instagram) ;
- une vidéo (YouTube ou Facebook) ;
- une vidéo courte (Instagram ou Snapchat) ;
- une fiche dans Google Maps ;
- une notification sur smartphone ou une montre connectée ;
- une conversation textuelle avec un chatbot (via SMS ou application de messagerie) ;
- une conversation vocale avec un assistant personnel (via votre smartphone ou une enceinte connectée) ;
- un environnement 3D visionné dans un casque de réalité virtuelle…
Mis bout à bout, tous les contenus publiés sur ces supports “alternatifs” représentent un volume parfois supérieur à ce qui est publié sur le site officiel d’un annonceur.
De plus, les évolutions récentes de certains de ces supports en font maintenant des alternatives plus que crédibles. La preuve avec les nouveaux menus persistants disponibles sur Facebook Messenger :
Maitriser l’ensemble de ces supports et formats est devenu un authentique casse-tête, car une présence étendue nécessite le recours à de nombreux outils et prestataires spécialisés qui ne fonctionnent pas forcément de la même façon, ne se conforment pas aux mêmes normes et contraintes…
Vers des outils de gestion de contenu découplés
Jusqu’à présent, pour gérer votre présence en ligne, en gros votre site web et quelques mini-sites, vous utilisiez un outil de gestion de contenu, un CMS pour les intimes (“Content Management System” en anglais). Avec la montée en puissance des médias sociaux et des applications mobiles, les choses se sont complexifiées puisqu’il fallait également avoir recours à un outil de gestion des médias sociaux (un SCMS pour “Social Content Management System“) et un système de synchronisation des contenus partagés avec les différentes versions d’applications mobiles (iOS, Android, Windows Phone…).
Aujourd’hui, la situation est devenue carrément ingérable. Voilà pourquoi nous entendons de plus en plus parler d’outils de gestion de contenu découplés (Headless and decoupled CMS: the essential guide, Why 2017 Is the Year of Cloud-First Headless CMS). L’idée est la suivante : plutôt que d’avoir un système qui gère à la fois les contenus et leur publication (leur matérialisation sous forme de pages web), les headless CMS ne prennent en charge que la gestion des contenus et délèguent la publication à d’autres systèmes.
Le schéma suivant résume bien le principe du Content-as-a-Service :
Schéma récupéré chez EZ
Oui je sais, ce schéma est un peu complexe, avec des termes barbares, mais l’approche est la bonne : recentrer les efforts sur l’intégrité des contenus / messages et s’affranchir la distribution pour un maximum de flexibilité. Dans cette approche, le site web n’est qu’un canal de distribution du contenu parmi d’autres. Nous pourrions même le considérer comme une “base arrière”, l’essentiel de la visibilité étant assuré par les médias sociaux ou autres supports.
Vous pourriez me dire qu’il y a un réel danger de perte de contrôle au profit des grandes plateformes d’audience (qui fixent leurs règles et imposent leur taux de commission), mais cette bataille est déjà perdue. Autant se faire à cette idée, car il n’y a aucune raison pour que la situation redevienne comme elle était avant.
Donc, si votre site web reste le coeur de votre écosystème, dans la mesure où il ne contribue qu’à une petite partie de la visibilité de vos contenus et services, il ne doit plus être le point d’attention principal de votre stratégie web. Traduction : l’important n’est plus d’avoir un bon site web, mais du bon contenu ou des services pertinents. La difficulté à laquelle vous allez être très rapidement confrontée est que ce contenu ou service sera distribué sur des supports avec des formats et interfaces très disparates.
Illustration avec le schéma suivant qui modélise l’arbre de décision pour envoyer une notification dans Slack :
C’est effectivement plus complexe que de publier une page web. Mais le pire dans cette histoire, c’est que nous n’avons pas encore mentionné les intelligences artificielles, LE gros sujet dont tout le monde parle et qui représente une énorme inconnue. Tout comme les robots de Google parcourent votre site web pour en indexer les contenus et les restituer à travers des résultats de recherche, j’envisage à court terme des robots d’indexation de nouvelle génération qui vont analyser et extraire les contenus / services d’un site pour les restituer à travers un assistant personnel et son interface vocale.
Ce scénario peut vous paraitre improbable ou lointain, pourtant Google ou Amazon possèdent toutes les briques pour le mettre en oeuvre (cf. Du SoLoMo au VoCloAI). La question n’est plus de savoir si cela va arriver, mais plutôt quand cela va arriver. Autant vous préparer dès maintenant à ce scénario, car le passage du SEO (“Search Engine Optimization“) au AIO (“Artificial Intelligence Optimization“) ne se fera pas tout seul. Pour cela, il vous faudra entièrement repenser votre écosystème numérique autour des contenus / services et non plus autour des supports.
Il vaut mieux anticiper l’avenir, en préparant “un coup d’avance”, que de subir et de se laisser surprendre par lui dans quelques mois…. Mais les fondamentaux restent vrais, et les leaders de la bonne communication web le montrent. Il faut donc bien préparer le contenu central et bien engager la diversification des medias.
;le passage du SEO (« Search Engine Optimization« ) au AIO (« Artificial Intelligence Optimization« ) ne se fera pas tout seul. Pour cela, il vous faudra entièrement repenser votre écosystème numérique autour des contenus / services et non plus autour des supports.”
Et il faudra aussi repenser ‘encore une fois’ le système de rémunération des éditeurs de ces contenus.
Oui tout à fait, mais ça a déjà commencé il me semble avec le partage des revenus pour les Instant Articles de Facebook et les AMP de Google (du moins pour les gros éditeurs). Nous pourrions même envisager un système où l’article serait gratuit sur son site d’origine (ex : ce blog) et monétisé s’il est lu sur une plateforme comme Facebook, Google, LinkedIn…
La question de la “pertinence” d’avoir son propre site se pose de plus en plus…sachant que l’audience n’est pas sur votre site, mais sur facebook, linkedin…etc…
J’ai déjà répondu à cette question dans l’article : oui, il faut un site pour centraliser / archiver les contenus. Mais en tant que “base arrière” et non en tant que vitrine, car effectivement, le gros de l’audience et de l’exposition se fait et se fera de plus en plus sur d’autres supports et via d’autres canaux.
Bonjour,
“(…) le gros de l’audience et de l’exposition se fait et se fera de plus en plus sur d’autres supports et via d’autres canaux.”
Je n’en suis pas persuadé. Il existe encore une part non négligeable de lecteurs qui remonte directement à la source plutôt que de subir l’infotainment de masse.
Inutile d’avoir des convictions, il suffit de compter : le nombre de V.U. sur le site (ou une info/page en particulier) vs. le reach sur les supports extérieurs.
je suis à 100% d’accord avec toi sur l’approche et le constat, par contre tu ne peux pas comparer un chargement de page sur un site web et une vue sur un tweet ou post facebook car même si cela concerne la même info, le niveau d’info n’est pas le même (plus le détail sur la page web, car comme tu le dis le site web est la base arrière du système).
Quand on a la vision data des choses et que l’on est en capacité d’oublier le support il n’y a aucune difficulté à s’affranchir intellectuellement du site web. Pour ceux qui sont passés de la logique du multicanal à l’omnicanal la question s’est déjà posée de virtualiser les supports et de se concentrer sur la donnée pour servir une multitude de services. Quand on voit Google annoncer la fin des moteurs de recherche et le passage à un mode d’assistance… je me dis que c’est tout l’éco système digital qui naturellement bascule sur une notion de service et se positionne au delà des supports d’information.
Quand à dire que l’audience n’est pas sur les sites… il faut mesurer ses propos et dire qu’elle n’est pas QUE sur les sites (je fais référence à l’un des commentaires). La régulation de l’utilisation de la data va devenir une donnée essentielle de ce débat, car aujourd’hui les pilleurs sont aussi bien voir mieux “récompensés” que les producteurs de contenus. L’autre sujet est l’uniformisation ou la normalisation des données et des services associés… très vaste sujet mais sur lequel les avancées sont très grandes avec le développement de l’IA. A tout dire, je trouve le moment propice pour que tout ceci évolue très vite… les sites de e-commerce se transforment déjà et sont déjà des services où après quelques questions des produits sont proposés au client… C’est l’initiative Watson d’IBM avec The North Face : https://www.thenorthface.com/xps
Bref aujourd’hui comme hier les difficultés sont plus dans les esprits que dans la technologie
“c’est tout l’éco système digital qui naturellement bascule sur une notion de service” > oui carrément, les marques doivent passer d’une logique d’éditeur de site web à fournisseurs de contenus et services
“les pilleurs sont aussi bien voir mieux récompensés que les producteurs de contenus” > oui aussi, là nous atteignons les limites du système. La solution a ce problème ne peut venir des plateformes (GAFAM, BAT…) et leur capacité à lutter contre les pilleurs en aidant les internautes à identifier la bonne source (les IA peuvent sûrement aider à détecter l’origine d’un contenu, même s’il a été retravaillé)
“uniformisation ou la normalisation des données et des services associés” > Là on y vient petit à petit avec les APIs et les assistants personnels comme Alexa, Siri, Google Assistant, Cortana…
Parfait. Merci.
Je trouve que plus on respecte les balises enoncées par Googles et les autres moteurs de recherche, plus on a la chance de se positionner en première page, mais les outils comme les réseaux socieux sont égaleemnt à consieller en matière de SEO.
Heu… ça fait 10 ans que Google récompense ceux qui suivent les recommandations en matière de balisage, non ? Là où ça devient très intéressant, c’est quand Baidu adopte le principe d’AMP de Google. Une sorte d’uniformisation des indexes ?
Super, comme d’hab. Mais je vous trouve un peu trop généraliste en restant sur « une marque ou un distributeur », comme s’il n’y avait qu’un seul modèle de business. Par exemple, vous n’abordez pas le cas des médias (CNN, Les Echos, la PQR…), qui sont pourtant des acteurs et fournisseurs majeurs de contenus. Dans ce secteur, les stratégies ne peuvent être comparées à celles des entreprises qui vendent des produits ou services « classiques ». N’est-ce pas ?
Bonjour Fred,
Très bel article sur ce sujet que nous connaissons bien.
En revanche, il aurait été élégant de joindre un lien vers notre site (www.ez.no/fr) en dessous de notre schéma, puisqu’il s’agit d’un élément récupéré de nos pages.
Bien cordialement,
C’est fait !
Avec l’arrivée des nouveaux médias et l’évolution de l’équipement, de nouveaux comportements en mobilité sont apparus en effet. Pour moi le site web aura toujours sa place en termes de contenu, d’e-commerce et d’institutionnel. Par contre, nous avons développé un outil plusieurs fois primé qui répond parfaitement à ces nouveaux besoins… A découvrir sur http://www.mobeefox.fr ;)
Les sites web agonisent, la preuve je suis le dernier survivant de mon secteur et je pense que je ne tiendrais pas une année de plus. sur notre site principal https://www.tutsps.com Passer de 150k visiteur / jour à 2k sur une durée de 3 ans, je pense que la majorité des internautes se détournent des sites web en gros “video killed the radio” ou plutôt “video killed textual content”.
Tout à fait, je confirme également avoir divisé mon audience par 20 en 7 ans. La “mode” est aujourd’hui à la vidéo, le web (sous l’influence de Facebook / Instagram) se transforme petit à petit en TV. Les internautes sont de plus en plus passifs et se transforment en téléspectateurs.