Adoptez le code de la curation pour standardiser l’attribution

La curation est un sujet sensible que je ne prends pas à la légère. Depuis plus de 9 ans que je rédige mes blogs, je suis quotidiennement confronté au phénomène de pillage et de réattribution de contenus. Agacés au début, j’ai décidé depuis quelques années de ne plus m’énerver à ce sujet, car je suis persuadé que “contenu mal acquis ne profite jamais” (ou un truc dans le genre). Bref, tout ça pour dire que contrôler la bonne prolifération des mes contenus est une tâche titanesque que je n’ai plus le courage de faire. Pourtant il y a du travail, s’il ne subsiste que quelques irréductibles qui s’acharnent à récupérer les articles des autres pour les republier sur leur blog en pensant que personne ne va rien remarquer, le défaut de citation de la source d’un schéma est par contre monnaie courante, surtout en France. Si je reçois quasiment une ou deux demandes par jour d’utilisation de mon panorama des médias sociaux par des auteurs, consultants, conférenciers et universitaires du monde entier, je suis témoin au quotidien du sans gène assumé de mes compatriotes qui exploitent mon schéma sans citer la source (votre serviteur), en la modifiant ou en se l’attribuant.

Mais la curation ne s’applique pas qu’aux producteurs de contenus, elle couvre également celles et ceux qui partagent leur activité de veille et ne sont pas non plus rétribués pour ce dur labeur. Les nombreuses plateformes de curation disponibles sur le marché ne favorisent pas forcément une attribution en bon et due forme. Pinterest, News.me ou encore Twitter ont ainsi privilégié la simplicité d’usage pour ne pas effrayer les utilisateurs.

Heureusement, le Curator’s Code est là pour y remédier avec une standardisation de l’attribution des découvertes. Si l’auteur d’un contenu est ainsi crédité dans la majeure partie des cas (variable en fonction des pays et des cultures), ceux qui ont participé à la propagation de ce contenu sont par contre bien souvent oubliés. Le meilleur exemple que je puisse vous donner est celui d’une infographie qui est publiée par un auteur, repérée par un blog A, relayée par un blog B, citée par Mashable puis reprise par un blog C. Bien souvent, seul l’auteur ou le blog majeur sont crédités, mais les blogs intermédiaires sont oubliés. C’est ce principe d’attribution en chaine des découvertes que le code du curateur veut standardiser.

Visiblement l’idée a germé en début d’année lors du festival SXSW et a été popularisée suite à un défaut d’attribution notable du Huffington Post : A Code of Conduct for Content Aggregators. Un collectif de blogueurs a alors décidé de formaliser ce principe et de lancer une sorte de code de bonne conduite : Introducing The Curator’s Code, A Standard for Honoring Attribution of Discovery Across the Web.

Le code de la curation repose sur trois principes :

  1. Priorité à l’auteur, qui doit systématiquement être cité, quelle que soit la nature du contenu (article, infographie, schéma, tweet, commentaire…) ;
  2. Toujours mettre un lien vers la source (l’auteur ou le curateur) ;
  3. Utiliser les symboles ou abréviationsvia” et “Hat Tip” (HT).

C’est là où ça se complique légèrement, car il y a une différence subtile entre le via, qui désigne une découverte directe que vous republiez tel quelle (sans la modifier) et HT pour une inspiration que vous allez compléter ou interpréter. Pour couronner le tout, les promoteurs du code de la curation proposent deux symboles : pour la découverte directe et pour la découverte indirecte.

Les symboles du code de la curation

Tout ceci est un peu perturbant et peut poser des problèmes d’interprétation. J’ai par exemple l’habitude de placer un lien vers les articles qui ont inspiré ma réflexion au coeur du texte, donc en théorie le code ne s’applique pas (ou alors je n’ai rien compris). De même, je place en fin d’article un “Via xxx” pour attribuer la découverte d’un sujet ou d’une réflexion, mais qui est généralement interprétée, donc je devrais plutôt mettre un “HT“.

Dans tous les cas de figure, je ne peux qu’approuver ce code de la curation qui repose sur les valeurs suivantes :

  • Le respect et la courtoisie envers les auteurs ;
  • L’esprit de générosité, envers ceux qui vous ont aidé à accéder aux contenus ;
  • Le génome de l’information, permettant de comprendre comment cette information (ce savoir) c’est propagé et à été enrichi.

Dans un monde idéal, les plateformes de publication (WordPress, blogger, TumblR…) et de partage (Scoop.it, Twitter, Pinterest…) devraient inclure nativement ce code et permettre de retracer l’origine et les étapes de la propagation d’un contenu. Si je ne dis pas de bêtises, c’est ce que propose Google+ avec les Ripples (Watch How Posts Get Shared with Ripples).

10 commentaires sur “Adoptez le code de la curation pour standardiser l’attribution

  1. Bonjour,
    tout à fait d’accord avec vous. Je m’occupe de curation de nouvelles archéologiques romaines et je m’évertue à respecter les droits d’auteur. Je pousse ce souci jusqu’à ne pas publier la totalité du post originel.

    J’ai pu remarquer que certains sites avaient réussi à protéger leur contenu contre le CTRL+C et même Instapaper.

    Bonne journée.

  2. @JN Tribolo : les dispositifs anti-copie des sites web ne valent souvent pas grand chose et ne permettent de dissuader que les copieurs fainéant. Et si la protection est compliquée, un simple “Impr Ecran” + resaisie ou OCR permet de récupérer quand même le contenu.

  3. C’est très compliqué tout ça, la signalétique est imbitable, Cela ne va pas faciliter l’adoption par le grand public.
    Restons simple, adoptons des règles de conduite dictées par le bon sens (celles que tu cites sont tout à fait appropriées). C’est à mon avis plus payant sur le long terme.

  4. Bonjour,
    Je fais de la curation et ce blog est une excellente ressource à partager. J’utilise la version payante de scoop it, et je prends soin à chaque fois de bien mettre en évidence la source ( en gros et en gras). J’ai une question : Parfois je change le titre quand je publie le début de l’article sur wordpress, car je me dis que reprendre le titre original est dommageable pour l’auteur original ? J’attends vos précisions Frédéric, pour savoir si je dois au contraire bien garder le titre “rescoopé” automatiquement par …scoop it ? En tous cas je respecte trop les auteurs dont je partage les articles pour penser m’attribuer le contenu ! je me demande comment on peut agir de la sorte????
    Valérie

  5. @ Valérie > Si vous ne touchez pas au titre, la citation de la source et l’URL suffisent. Si vous modifiez le titre, mais pas le texte, un un “Via” est conforme au code. si vous résumez le texte, alors il faut utiliser HT. Scoop.it étant une plateforme de curation, et présentée en tant que telle, vous n’avez pas à vous souciez de l’éthique de la curation.

  6. Bonjour,
    J’ai un peu le sentiment qu’on réinvente l’eau chaude pour en plus la faire passer dans une usine à gaz. La presse propose déjà un code de conduite qui me semble tout ce qu’il y a de plus opérationnel pour la curation, la citation des sources. C’est aussi simple que cela.
    Après de mon point de vue, soit le blogueur ou autre apporte un plus à la publication originale et cela peut avoir du sens de le citer, soit il n’apporte rien de plus et ne fait que de la rediffusion et dans ce cas je ne vois vraiment pas l’intérêt de le citer. La notion de “découvreur”, c’est quand même tenter de valoriser quelque chose sans grand intérêt tellement la valeur ajoutée est mineure et hyper complexe dans sa mise en oeuvre. Par ailleurs, sur Twitter le RT assure plus ou moins cette fonction.
    Pour finir, il me semble que la réelle valeur ajoutée d’un curateur/veilleur est plus son flux que les unités de son flux, même si évidemment les unités du flux participent à la qualité générale des publications. Donc réfléchir la curation uniquement par la brique de base sans réfléchir à son travail global, c’est oublier un bout.
    En ce qui me concerne, je cite quasi systématiquement mes sources sur Twitter (sauf lorsque les 140 caractères m’en empêchent) même quand j’ai un lien qui renvoie directement sur l’article car cela permet de qualifier l’information. Au-delà du caractère éthique de cette pratique, j’estime que cela apporte un vrai plus à mes followers de savoir par exemple si c’est un article de la presse traditionnelle, d’un blogueur ou encore d’un universitaire car cela va conditionner son clic sur le lien.
    Xavier

  7. En même temps par rapport au “panorama des médias sociaux”, il est protégé par une licence CreativeCommons BY-NC-SA (du moins c’est ce que j’ai cru voir, la qualité n’est pas excellente).

    Je n’ai jamais eu à le faire, mais si c’était le cas je réutiliserais ce document…
    Ou alors c’est la clause NC (Pas d’Utilisation Commerciale) que les personnes demandent à faire sauter?
    Beaucoup de personnes ont besoin du BY-SA pour pouvoir réutiliser le contenu (conférences, formations, …).

    Bref je trouve CreativeCommons (ou toute autre licence de contenu, comme ce qui peut être proposé sur Wikipedia) déjà bien suffisant pour savoir si on peut réutiliser du contenu ou non.

  8. @ osterx > Oui oui, je trouve le RT très bine conçu sur Twitter. Il me semble qu’il y a quelque chose d’équivalent sur Tumblr.

    @ Jmini > Je ne pense pas que le problème viennent d’une mécompréhension su fonctionnement de la licence CC, surtout pour ceux qui effacent mon nom et la logo CC pour mettre leur nom et un (C).

  9. Bonjour
    Je rejoins Pierre Tran dans sa considération sur le bon sens. Cela a le mérite de faire appel non à une directive s’imposant de l’extérieur mais à notre valeur morale et notre désir d’être honnêtes avec une communauté. D’autre part, c’est effectivement le long terme -donc ce qui est simple- qui paie…

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