Cette semaine nous assistons à la publication des résultats financiers des sociétés côtés au Nasdaq. Les performances des grands acteurs du web sont passées au peigne fin, les chiffres analysés dans les moindres détails. Cette année Facebook est de la partie et vient de publier ses chiffres pour l’année 2012 : Facebook Reports Fourth Quarter and Full Year 2012 Results. Autant le dire tout de suite : ces chiffres sont très impressionnants et démontrent un niveau d’activité jamais atteint, il convient néanmoins de les remettre en perspective dans un contexte incertain. Le bilan est donc mitigé et les marchés financiers ne s’y trompent pas, car le cours de l’action est en léger repli au moment où j’écris ces lignes.
Une activité au plus haut en progression constante
Si l’on regarde les chiffres présentés dans la nuit, 2012 a été une année faste pour Facebook. Tous les indicateurs d’activité sont au vert, la croissance et le niveau d’activité jamais vus sur le web :
- 1,056 milliard d’utilisateurs en hausse de 25% sur un an, le plus gros de la progression venant de l’Asie ;
- 618 M d’utilisateurs actifs par jour, le nombre d’utilisateurs mobiles dépasse celui des utilisateurs de PC ;
- 680 M d’utilisateurs mobiles, dont 157 n’utilisent que la version mobile de la plateforme.
Comme précisé plus haut, je ne peux que reconnaitre l’incroyable volume d’activité de Facebook qui confirme son statut de poids lourd des plateformes sociales.
Une très bonne rentabilité, mais qui cache des faiblesses
Concernant les résultats financiers :
- 5,09 milliards de $ de CA, en progression de 27% avec un bénéfice de 1,3 milliard de $ (en generally accepted accounting principies) ;
- Des revenus publicitaires en hausse de 41% qui s’élèvent à 1,59MM$ pour le dernier trimestre ;
- Les revenus sont principalement concentrés en Amérique du Nord où l’ARPU (“Average Revenue per User“) est bien supérieur à celui constaté en Europe ou en Asie (Facebook’s Revenue Per User In North America Is Now 3-4X Europe and Nearly 6X Asia).
Là encore, nous constatons que l’activité est en hausse. Pour les détails, je vous recommande Facebook beats analyst expectations, reports $1.58 billion in Q4 revenue et Facebook’s Q4 Revenue Rises 40% To $1.59B, Shares Down Slightly In After-Hours.
Comment se fait-il que le cours de l’action soit en repli avec des résultats aussi impressionnants ? Tout simplement, car il faut lire entre les lignes :
- La publicité sur mobile est en très forte hausse (20% Of Ad Spend On Facebook Now Goes To Mobile Ads), mais nous ne parlons pas de produits publicitaires spécialement conçus pour le mobile, mais de messages sponsorisés au format texte qui sont consultés via les terminaux mobiles (merci à Emmanuel Parodypour cette observation). La hausse est donc mécanique et non structurelle, elle ne correspond pas forcément à une nouvelle politique commerciale.
- La croissance des revenus masque une forte saisonnalité et du déstockage d’inventaire publicitaire (Did Wall Street Get Facebook’s Q4 Estimates Wrong Because Of These 2 Errors?).
Ces chiffres mirifiques sont donc à relativiser, car la réalité est beaucoup plus nuancée que ce qu’ils veulent bien nous présenter. Certes, nous ne pouvons pas leur en vouloir, car toutes les sociétés cotées font la même chose. Ce que ne dis pas le rapport financier publié par Facbeook est que si les usages sur terminaux mobiles explosent, ce n’est pas forcément une bonne chose, car ces supports sont beaucoup plus complexes à monétiser : Facebook is a mobile company, but is that a good business?. Vous noterez que cette mise en garde est également valable pour d’autres acteurs comme Twitter.
Mark Zuckerberg était donc très fier d’annoncer que Facebook est une société d’internet mobile : “Today, there is no argument. Facebook is a mobile company”. Une affirmation qui mériterait des explications, car encore faudrait-il qu’il explique ce que cela représente, surtout pour une société qui se “contente” d’éditer des applications mobiles (pas de terminal ou de système d’exploitation). Certes, il n’est pas le premier à faire ce type de déclaration de complaisance, Steve Jobs et Marissa Meyer l’ont fait avant lui pour faire plaisir aux investisseurs. Ne vous y trompez pas, c’est bien de ça dont il est question. Quels que soient les idéaux ou la vision de Mark Zuckerberg, il ne peut faire autrement que se plier à la loi du marché : chercher à rassurer les marchés financiers, caresser la bête dans le sens du poil. Pour le moment la bête est à peu près rassasiée, mais que va-t-il se passer quand elle aura de nouvelles fringales ? Quelles décisions va-t-il être obligé de prendre pour contenter l’appétit des investisseurs ?
Si les investisseurs sont rassurés sur la capacité de Facebook a déporter son activité sur les terminaux mobiles, la question de la diversification des revenus, et donc des formats publicitaires, est toujours d’actualité. Nous ne savons ainsi pas grand-chose sur la façon dont le nouveau Graph Search va être monétisé et Mark Z. a été visiblement évasif sur les nouveaux formats : Facebook’s Zuckerberg Hints At Bigger, More Media-Rich Ad Formats.
Un taux d’engagement en forte baisse pour les annonceurs
Encore une fois, si les chiffres présentés montrent une forte hausse d’activité, les problèmes structurels de Facebook sont toujours les mêmes, et ils semblent même s’aggraver :
- La revente de Payvment à une société anonyme signifie l’arrêt de mort des initiatives de boutiques encapsulées (F-Commerce not paying out? Payvment sells its 200k users to Ecwid, is acquired by mystery company) ;
- Les conversations souffrent de superficialité et cela ne va pas s’arranger avec le lancement des partages rapides (Facebook Tries Letting You Share Emoticons Of Exactly What You’re Feeling, Reading Or Eating) ;
- Les problèmes liés à la confidentialité ne risquent pas de s’améliorer, surtout avec ce qu’ils préparent (Facebook Just Revealed A Plan To Kill The Tracking Cookie), mais ils espèrent compenser ça avec un effort de lobbying (Facebook Lobbying Spend Up 196% To Try To Sway Privacy, Anti-Trust Legislation).
Outre ces éternelles questions de confidentialité, c’est véritablement l’absence de conversations à valeur ajoutée qui risque de causer le plus de dommages. Ce risque est d’ailleurs bien réel, comme le confirment les résultats de l’étude menée par Recommendly : Facebook Pages Usage Patterns. Cette étude réalisée sur 5,7 millions de pages permet de mettre en évidence une réalité que Mark Zuckerberg essaye de nous cacher : la nouvelle timeline, associée aux offres de visibilité, a eu un impact très néfaste sur le taux d’engagement pour les annonceurs. Vous noterez que cela confirme ce que j’avais prédit il y a plus d’un an (Avec les nouvelles pages et formats publicitaires, Facebook privilégie les marques fortes).
L’étude est très dense, mais voici les principaux enseignements :
- 70% des pages peuvent être considérées comme inactives, car la fréquence des mises à jour est en moyenne très faible, malgré les efforts de restaurateurs ;
- De ce fait, le taux d’engagement moyen a fortement baissé (0,4% pour les pages de marque) ;
- Le taux d’engagement est surtout stimulé par les photos ;
- La richesse des conversations est en moyenne dramatiquement faible.
Le bilen de cette étude est sans appel : il devient de plus en plus dur d’exister sur Facebook et de développer des interactions sociales à valeur ajoutée. Certes, Facebook a l’avantage de toucher les publics les aisés financièrement (Launch of ‘The Worldwired & Wealthy’ study with Facebook), mais force est de constater que les usages de cette plateforme sociale privilégient largement la superficialité et le sensationnel (des blagues, des belles photos et des vidéos qui impressionnent). Difficile dans ces conditions de valoriser sa marque, surtout face à Red Bull…
Je reconnais volontiers avoir toujours un avis très critique sur Facebook. D’autres montrent beaucoup plus d’enthousiasme (Facebook Is Just Getting Started), mais je ne peux m’empêcher de faire preuve de scepticisme, et d’être plutôt inquiet sur le devenir de la plateforme. Est-ce que rajouter 500M d’utilisateurs va améliorer le taux d’engagement moyen ? Est-ce que concentrer les usages sur les terminaux mobiles va permettre aux marques de mieux valoriser leurs produits ? J’en doute… Si vous partagez mes doutes, je vous engage à réfléchir au plus vite aux meilleurs moyens de réduire votre dépendance à Facebook et à définir une architecture de présence plus stable.
Pour apporter mon expérience, le gros soucis me semble être la régie publicitaire de Facebook. Déjà l’offre et les retours sur investissements ne sont pas mirobolants, même avec des objectifs non purement financiers. Mais le service client est nul, même pour des budgets conséquents. J’ai été en contact avec les équipes de Barcelone et Dublin.
Pour la gestion de pages d’entreprises, de communautés, les outils natifs de Facebook sont totalement incomplets, et on doit passer par des plateformes tierces ultra-couteuses, de type Wildfire. Sans compter que Facebook change son algorithme d’affichage, sa structure de pages régulièrement et sans prévenir les annonceurs.
Quand on voit la flexibilité offerte par Google, et les possibilités avec Adwords ou Adwords express, Google places pour les petites entreprises locales, il faudrait à mon avis que Facebook retournent à ses fondamentaux : une régie flexible et réactive, des outils performants pour un maximum d’annonceurs.
J’ai arrêté Facebook tant personnellement que professionnellement :
– Côté Perso :
Je ne trouve plus aucun intérêt sur Facebook, après 1h de surf la seule sensation qu’il me reste c’est d’avoir perdu mon temps. Pas d’info, pas d’échanges avec des amis ou de la famille, même plus de nouvelles postés par les proches. Juste du contenu fun… Chacun partage sa blague Carambar et c’est terriblement vide d’humains.
– Coté Pro :
Je publie régulièrement (5 posts environ par semaine : 4 photos et 1 article). Si Facebook représentait 10 à 20% de mon trafic certains mois (mi 2012) il ne représente aujourd’hui qu’1% environ. Le nombre de personnes inscrites à mon profil ne cesse de progresser mais les facebooknautes ne cliquent plus ne commentent plus et ne partagent plus… Je remettrais volontier la qualité de mes publications en question si je n’observais pas une augmentation importante du volume sur toutes les autres plateformes…
Bref Facebook est pour moi mort personnellement et professionnellement.
Bonjour Fréd,
Comme toujours tes analyses sont extrêmement bien fouillé. Pour notre part, nous ne recommandons Facebook que très occasionnellement à nos clients et toujours dans le cadre d’une plateforme de rediffusion de l’activité du blog.
Le coeur d’une présence sociale doit être de notre point de vue le blog de l’entreprise qui fédère la communication externe sur un support dont l’entreprise est propriétaire et qu’elle maîtrisera toujours. Les réseaux n’étant plus que des vecteurs de diffusion.
Voir notre article sur le sujet: http://www.1min30.com/inbound-marketing/content-marketing-inbound-marketing/le-blog-au-coeur-des-communications-de-lentreprise/
Au plaisir d’en discuter,
Bien cordialement,
Gabriel Dabi-Schwebel
http://www.1min30.com
Merci pour vos commentaires. Loin de moi l’idée de vous faire le coup de la théorie du complot, mais j’ai comme l’impression que la loi du silence s’applique sur Facebook : cette plateforme fait vivre tellement de monde (agences, développeurs, CM…) que personne n’ose critiquer ou commenter une critique (ça serait mordre la main qui les nourrit). Suis-je paranoïaque ?
Bonjour Frédéric,
j’intitulerais mon commentaire “glamour et réalisme”.
Facebook a de toute évidence rattrapé la vague “mobilité”, porteuse auprès des investisseurs, non seulement pour rassurer ceux-ci mais aussi pour assurer ses arrières en termes de revenus publicitaires. On se souvient de leurs investissements dans ce domaine: Instagram, Lightbox Tagtile (spécialisé dans les cartes de fidélité numériques sur mobile), Glancee (Réseau social basé sur la géolocalisation), Karma (Application mobile de social gifting)…On voit que derrière, certains business model sont tout-à-fait connus, voir old-fashion, mais réalistes.
Entre ces revenus là, et ceux générés par son inventaire commercialisé via sa plateforme FBX et ses 12 partenaires d’adexchange, on comprend donc mieux l’augmentation très nette des revenus de facebook sur le 4ème trimestre, et surtout l’ orientation “pragmatique” que prend son business model. A court et moyen terme du moins, pendant lesquels FACEBOOK va rester un média cher pour les annonceurs, et encore incontournable. En tant que conseil, je partage le point de vue de Gabriel: maîtriser son propre contenu en investissant sur son blog, et utiliser facebook comme plateforme de diffusion, au même titre que bien d’autres. Mais comment généraliser quand on connait la diversité des annonceurs et de leurs messages, plus ou moins sociétaux, plus ou moins “hot”, plus ou moins disruptifs, plus ou moins commerciaux…
Bravo pour la qualité et la constance de tes posts.
Très bon billet sur Facebook. La monétisation des contenus par Facebook va à mon avis progresser dans les mois à venir. La partie taux d’engagement pour les annonceurs est très intéressante et je crois qu’il va devenir de plus en plus difficile d’être présent sur Facebook sans dépenser quelques euros. Vous aviez fait un très bon article sur le taux d’engagement et le nombre de fans par page, il complète très bien ce dernier.
Facebook est certes en berne dans le coeurs des Users…
Mais il n’en reste pas moins un outil de viralisation puissant permettant de toucher le public rapidement.
C’est un outil, et comme tout les outils il ne sert que dans certains cas, par rapport à un contexte.
Plus haut on dit qu’avant Facebook rapportais 10% de traffc et maintenant 1 %… Moi je chercherais a comprendre pourquoi !?
La mentalité de l’utilisation à évolution, alors évoluons avec les mentalités et adaptons les publications par le contenu et le rythme.
Bonjour, je crois qu’il y a une coquille dans votre billet (par ailleurs très intéressant), vers la fin, vous avez écrit :
“Facebook a l’avantage de toucher les publics les aisés financièrement”
Vous vouliez dire les plus aisés, ou bien aisés tout court ?
Amicalement,
Merci pour le billet.
C’est devenu très difficile de travailler avec FB qui nous fait payer les Fans et qui après souhaite encore nous faire payer pour leur parler.
Notre communauté compte 1 million de membres environs mais nous n’en tirons presque plus de profit alors que nous avons du investir pour la constituer. De mon point de vu ils ont une attitude injuste et fond une course au profit qui ne permet pas une bonne collaboration. Sans parler des changements radicaux dans leurs interface et autre changement de direction dont nous sommes les victimes. Bref… ils se googelisent !
Merci pour le billet.
C’est devenu très difficile de travailler avec FB qui nous fait payer les Fans et qui après souhaite encore nous faire payer pour leur parler.
Notre communauté compte 1 million de membres environ mais nous n’en tirons presque plus de profit alors que nous avons du investir pour la constituer. De mon point de vu ils ont une attitude injuste et fond une course au profit qui ne permet pas d’envisager une bonne collaboration. Sans parler des changements radicaux dans leurs interfaces et autres changements de directions dont nous sommes les victimes. Bref… ils se googelisent !