Compte-rendu de la Connected Conference (jour 1)

Cette semaine se tient la première conférence dédiée aux objets connectés : la Connected Conference. Le (pour le moment) petit monde de l’internet des objets s’est donc donné rendez-vous à la Halle Freyssinnet pour discuter de l’état du marché et surtout de son avenir.

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Je n’ai pas pu assister à la Keynote d’ouverture, mais je me suis heureusement rattrapé sur les autres interventions qui étaient particulièrement enrichissantes.

The Connected Hardware Revolution

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Une intervention de Kate Drane sur l’évolution du marché et les défis que doivent relever les concepteurs et fabricants d’objets connectés :

  • Avant, les technologies étaient complexes et les processus de fabrication très lourds, maintenant les technologies sont plus accessibles, les logiciels plus performants, et surtout les étapes de prototype et mise en production sont grandement simplifiées ;
  • Les investisseurs sont particulièrement friands des startups positionnées sur le créneau des objets connectés (848 M$ investis en 2013), heureusement car les besoins en financements sont bien plus importants que dans le software (“Cash is King“) ;
  • On distingue quatre nouveaux modèles : le hardware-as-a-service, où les produits sont (quasi)gratuits et les utilisateurs payent un abonnement (ex : Space Monkey) ; le Hardium, où le produit est facturé, mais pas le service (ex : Paper 53) ; le hardware-as-a-platform, où les revenus sont générés par l’écosystème (ex : Leap Motion) ; le hard data, où la monétisation se fait au travers des données (ex : Nest ? Fitbit ?) ;
  • Pour réussir à dégager les marges nécessaires au financement de la croissance, il faut pratiquer un modèle de tarification particulièrement complexe (“smart pricing“) où de nombreux paramètres sont à prendre en compte (sourcing, distribution, SAV…) ;
  • Les plateformes de crowdfouding du type Kickstater ou Indiegogo sont essentielles pour tester l’appétence du marché et valider le potentiel d’un produit avec les précommandes ;
  • Il est très rare de réussir à lever des fonds avant une campagne de crowdfounding, car les VC veulent s’assurer de la viabilité de l’offre, et il est également très dur de se faire financer après une campagne de crowdfunding, car la phase d’industrialisation est critique (les ventes sont généralement divisées par 20 par rapport à une campagne Kickstater).

Suite à cette présentation, nous avons eu droit à une table ronde avec des intervenants très intéressants, car représentant des sociétés et projets de tailles variées (Fred Porter de Netatmo, Severin Marcombre de Lima, Madelynn Martinière de Spark Plug Labs).

3D’s role in the Future of Connected Hardware

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Un panel consacré à la 3D et à toutes les opportunités que la troisième dimension offre :

  • Les usages se diversifient autour du scan, de l’impression et du prototypage 3D, notamment dans l’industrie de niche (ex : santé) ;
  • Le prototypage reste de loin l’usage le plus populaire, même si l’on commence à voir de la production en petite série ou personnalisée (colliers, bracelets, boucles d’oreille…) ;
  • Les imprimantes 3D “grand public” sont intéressantes pour faire des expériences, mais elles ne remplaceront en aucun cas les imprimantes 3D professionnelles qui offrent des performances et un niveau de coût incomparables (attendez-vous à un retour de bâton où les imprimantes d’entrée de gamme vont être fortement critiquées) ;
  • L’impression 3D permet de raccourcir considérablement la chaine de production et de pouvoir vérifier la viabilité d’un produit avec une production “locale” avant de passer à une échelle industrielle (passer commande à des usines en Chine et se faire expédier des conteneurs entiers de produits qui risquent de ne jamais être vendus), d’où des cycles itératifs beaucoup plus courts ;
  • Les grandes marques commencent à s’intéresser de près à des modèles de production intermédiaires pour pouvoir satisfaire des demandes locales et éventuellement adapter facilement des produits selon le principe du glocal (global + local) ;
  • Le secteur industriel accuse un gros retard dans l’appropriation de ces nouvelles méthodes de prototypage et devra faire de gros efforts pour prendre le relais de production locale “légères” ;
  • La promesse du prototypage rapide est largement sur-vendue par rapport à la réalité du marché et les compétences nécessaires pour concevoir et perfectionner un produit ;
  • La modélisation 3D est la prochaine grande fonctionnalité qui sera offerte par les smartphones (Google avec le projet Tango ou Apple qui rachète PrimeSense) ;
  • Le plus simple est de commencer avec un logiciel de création comme 123DApp de Autodesk ;
  • Le créneau de la prothèse va être fortement perturbé, de même que les loisirs créatifs ;
  • Le secteur automobile pourrait potentiellement être complètement bouleversé par l’impression 3D avec de la production de pièces de rechange, mais les autorités de régulation et les compagnies d’assurance ne les autoriseront probablement pas avant de nombreuses années ;
  • Le protoypage rapide et les chaines de production locales vont permettre d’améliorer grandement la qualité des produits, ou plutôt leur adéquation aux besoins “locaux” des consommateurs (ex : les scandinaves sont en moyenne plus grands que les consommateurs d’Europe du Sud, pourtant les meubles IKEA sont les mêmes) ;
  • La contre-façon risque d’être un énorme problème avec les technologies de scan et d’impression 3D, la sécurité des consommateur sera alors en jeu.

Une table ronde très intéressante, avec la participation de Alban Denoyel (Sketchfab), Kegan Schouwenburg de Sols, Bram de Zwart de 3D Hubs, car elle a permis de faire tomber des mythes et de présenter le potentiel réel du marché.

Who’s Buying Connected Harware?

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Katia Hersard de la FNAC nous livre les conclusions d’une étude sur les usages des objets connectés :

  • La FNAC bénéficie d’une base de clients très geeks et urbains, une chance pour cette étude menée auprès de 2.000 personnes ;
  • 94% des clients sont familiers avec le concept d’objet connecté, 60% se disent bien informés sur le sujet ;
  • Les attentes tournent essentiellement autour de l’amélioration du quotidien (à travers la collecte de données pour améliorer sa condition physique ou réaliser des économies d’énergie) et la simplification d’usage (commander les appareils ménagers avec son smartphone) ;
  • Les objets connectés sont considérés comme modernes (93%), chers (92%), pratiques (81%) et utiles (69%) ;
  • Seulement 25% des clients pensent que le sur-coût est justifié, mais ils ont une perception assez juste des prix pratiqués ;
  • Les produits les plus populaires sont les montres connectées, les bracelets connectés, et les imprimantes connectées ;
  • Les objets connectés en rapport avec la domestique et la santé sont considérés comme les plus utiles (les chaussures et e-cigarettes sont en dernier) ;
  • 60% des utilisateurs d’objets connectés possèdent un smartphone Apple, 33% pour Android et 3% pour Windows Phone ;
  • L’achat est fortement conditionné par la lecture de tests sur les sites spécialisés (55%) ainsi que les avis d’utilisateurs (48%) ;
  • Le prix n’est pas le critère de décision le plus important, plutôt la simplicité d’utilisation, le design et la compatibilité avec le smarpthone ;
  • 96% des utilisateurs disent être satisfaits avec leur(s) objet(s) connecté(s), mais les fonctions communautaires sont encore largement perfectibles ;
  • Les intentions d’achat sont les plus élevées pour les montres connectées (56%) et les bracelets (52%) ;
  • Samsung et Sony sont les marques les plus visibles (respectivement 94% et 85% de notoriété spontanée), les marques françaises spécialisées ne sont étrangement pas très connues (Whithings, Fitbit, Parrot).

Enfin des chiffres sur le marché français !

Retail in the Connected World

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Une table ronde sur les usages des objets connectés dans la distribution avec Dimitri Carbonnelle (Livosphere), Alexis Thobellem (Danone), Olivier Binet (Paypal) et Charlotte Pelletier (FNAC) :

  • La FNAC ambitionne d’être le distributeur de référence pour les objets connectés pour maintenir son image d’agitateur et pour prolonger son rôle de conseil relatif aux produits technologiques ;
  • Paypal déploie beaucoup d’énergie pour populariser son Paypal Beacon auprès des commerçants afin de développer les usages de paiement sans contact ;
  • Déjà deux ans depuis le lancement de SmartDrop, initialement conçu pour faire du buzz et augmenter la visibilité du service EvianChezVous (distribution directe), pour le moment disponible en France et en Angleterre ;
  • Les balises de type beacon ne sont qu’un outil pour aider les commerçants à faire évoluer l’expérience d’achat, ce ne sont en aucun cas des technologies magiques, elles ne sont que la partie visible de l’iceberg ;
  • Les équipes de Danone ont étudié avec précision les derniers avancements en matière d’impression 3D d’aliments, mais ils ne sont pas (encore) convaincus ;
  • Le débat autour de la confidentialité est biaisé, il est surtout question de confiance (les commerçants de votre quartier connaissent beaucoup de choses sur votre quotidien et vos habitudes, ce qui ne pose aucun problème, ça sera la même chose avec les balises de proximité).

Je reste sur ma faim, car les participants étaient visiblement sur la réserve (chacun s’observe, mais ne veut pas dévoiler son jeu).

The rise of the Industrial Internet

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Intervention de Jean-Michel Malbransq, le responsable de l’offre santé de General Electrics en Europe, pour nous parler des applications industrielles :

  • Le marché de la santé change considérablement avec l’avènement des pays en développement (auparavant, 90% des soins étaient réservés à 10% de la population mondiale) ;
  • Le principal défi de GE est de pouvoir personnaliser les soins apportés à chaque patient ;
  • Les pays scandinaves envisagent un modèle de rémunération des professionnels de santé en fonction des résultats (l’amélioration de la santé des patients) et non sur les dépenses réalisées ;
  • L’expérience de santé est très différente avec le développement de la santé ambulatoire (la durée des séjours en hôpital est réduite au minimum) ;
  • La médecine de précision (micro-dosage) requiert des données de très grande qualité, notamment grâce aux diagnostics et aux thérapies appliqués au niveau moléculaire ;
  • Nous avons connu une révolution industrielle, puis une révolution de l’internet, la prochaine révolution sera celle de l’internet industriel (M2M, predictive analytics…) qui nous permettra de prendre de meilleures décisions (plus rapides, mieux anticipées et évaluées) ;
  • Les trois piliers de l’internet industriel sont les machines intelligentes, l’analyse de performance intelligente et des collaborateurs mieux informés / connectés ;
  • Le domaine de la radiologie a été entièrement numérisé, le prochain domaine sera celui de la pathologie (une majorité de praticiens se servent encore de microscopes et ne peuvent donc pas collaborer en réseau) ;
  • Les big data sont très importantes pour valider et standardiser les nouveaux protocoles médicaux ;
  • La collecte et l’exploitation de données médicales n’a d’intérêt que si elle est partagée et discutée entre les professionnels de santé, d’où l’intérêt de déployer des plateformes collaboratives verticales (par spécialité).

Une intervention très intéressante, car les enjeux sont gigantesques et les challenges particulièrement élevés (notamment en ce qui concerne la ré-informatisation des hôpitaux).

Comment l’internet des objets facilite les services de proximité

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Dernière intervention de la journée avec Ludovic Le Moan et Anne Lauvergeon de Sigfox :

  • Démonstration vidéo de Lysbox pour illustrer la transformation des services publics, notamment pour les personnes à faible autonomie dans le Loiret (en test dans une centaine de foyers avec une prévision à 10.000) ;cen-lysbox-loiret
  • L’enjeu est d’optimiser le temps effectif de service en minimisant les traitements administratifs (les intervenants sont identifiés grâce à des badges NFC) ;
  • La Poste va être un acteur-clé dans la chaine de services de proximité, ils seront notamment en charge de l’installation de la Lysbox et de son bon fonctionnement (mise à contribution de la relation de proximité que les postiers ont avec les administrés) ;
  • La Lysbox n’est qu’une première étape vers le déploiement d’un ensemble de capteurs et objets connectés dans des zones rurales, et pas seulement pour les personnes dépendantes (ex : les facteurs ne se déplacent que s’il y a du courrier dans une boîte aux lettres) ;
  • Les achats innovants dans les dépenses publiques sont ultra-minoritaires, les différents fournisseurs de service se contentent de reproduire les mêmes gestes et procédures (beaucoup de paperasse), d’où un beau gâchis de temps et d’argent ;
  • La technologie de communication longue-distance bas-débit de Sigfox libère les constructeurs de contraintes techniques (très faible consommation électrique, pas besoin de réseau WiFi ou cellulaire) ;
  • La promesse du réseau Sigfox est de pouvoir déployer des services qui seront accessibles au plus grand nombre de personnes en abaissant les contraintes de coût et d’autonomie énergétique ;
  • Le réseau est en cours de déploiement en Espagne et dans la Silicon Valley (ex : le collier Whisle).

La suite demain…