Avec les nouvelles pages et formats publicitaires, Facebook privilégie les marques fortes

La semaine dernière s’est tenu à New-York la première édition de la Facebook Marketing Conference. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils ont fait les choses en grand et que la distance se creuse entre Facebook et les autres médias sociaux. Beaucoup de choses ont été annoncées lors de cet évènement, autant dire tout de suite que l’impact sur les marques présentes va être énorme. Je pense ne pas me tromper en disant que d’un point de vue marketing, la plateforme évolue dans le bon sens, mais que tous ne pourront pas en profiter.

Timeline pour les marques, nouveaux formats publicitaires et statistiques en (quasi) temps réel

Avant de nous lancer dans une analyse plus poussée, commençons par récapituler les annonces :

  • Basculement de toutes les pages au format Timeline. Ce nouveau format impose un large visuel en haut de page, un reformatage des applications et des contributions réparties de chaque côté de l’échelle de temps. Certaines publications peuvent être épinglées en haut de liste pendant 7 jours ou affichées en pleine largeur. Les marques sont fortement encouragées à exploiter les milestones pour raconter leur histoire.FB_Page_Timeline
  • Lancement d’un nouveau modèle d’engagement (Reach Generator). C’est maintenant officiel : la visibilité naturelle de vos publications ne peut pas excéder 16% (le Edge rankest ainsi réglé). De ce fait, si vous ne voulez pas diviser par cinq la portée de vos actions, il va falloir payer. La formule proposée par Facebook repose sur une intégration complète des contenus sponsorisés et un engagement de visibilité (75% de vos fans sur un mois et 50% par semaine).FB_Reach_Generator
  • Lancement de nouveaux formats publicitaires (Premium Ads). Dans la mesure où la mise en page est complètement modifiée, de nouveaux formats publicitaires font donc leur apparition : directement dans le news feed, dans le ticker, sur la page de déconnexion et sur les mobiles. Pour résumer une longue histoire, disons que votre marque ne sera visible qu’au travers des mentions des membres. L’idée avec ces nouveaux formats publicitaires est de donner un maximum de flexibilité aux annonceurs.FB_Premium_Ads
  • De nouveaux indicateurs de succès et des statistiques en temps réel. La mesure de la performance de vos actions sur Facebook sera ainsi exprimée en termes de portée (Reach), d’amplification (Brand Resonance), d’impact sur les ventes (Reaction) et de retours (Consumer Insights). Ces indicateurs seront disponibles sur le tableau de bord et rafraichis très régulièrement (Facebook Rolls Out Real-Time Insights: Business Data Reporting In 5-10 Minutes, Not Days).

Comme précisé plus haut, les changements induits par ces nouveautés sont nombreux et très impactants. Pour les accompagner, ils proposent d’ailleurs un centre de ressources plutôt bien fait : Best Practices for your Pages and Media Strategy et Best Practices by Verticals. Je ne m’attarde pas trop sur la description détaillée des changements, car d’autres l’ont déjà fait : Facebook Brand Timelines: 6 Big Changes Every Marketer Needs to UnderstandKey Takeaways From The Facebook Marketing Conference et Key Takeaways from the Facebook Marketing Conference: Timeline, Stories, & Marketing Products.

Quels impacts pour les annonceurs déjà présents ?

Autant vous prévenir tout de suite : avec ces changements et nouveautés, plus rien ne sera comme avant. Les principales contraintes déjà identifiées sont les suivantes :

  • Impossible de choisir l’onglet de démarrage sur vos pages. Jusqu’à présent vous aviez la possibilité d’afficher votre propre page de démarrage, c’est maintenant de l’histoire ancienne puisque la timeline est imposée. Cette imposition forcera les marques à se creuser la tête et à éviter de se contenter d’un “Devenez fan et vous aurez des réductions“. Vous conviendrez que c’est une très bonne chose, car ces onglets de démarrage étaient extrêmement frustrants.
  • Moins de visibilité pour les applications, mais plus de place en largeur. Avec le nouveau format de page, la liste d’onglets sur la gauche de la page disparait au profit d’une pleine largeur de page. Une bonne chose, car les applications vont maintenant pouvoir exploiter un cadre de 810 px de large. Par contre, cette nouvelle mise en page ne laisse de la place qu’à quatre vignettes pour présenter les applications disponibles, il va donc falloir choisir quelles applications seront visibles. Un choix cruel pour les marques qui avaient pris l’habitude d’aligner 6 voir 8 onglets.
  • Disparition des bannières et publicités au profit des messages sponsorisés. Il ne sera plus possible de “simplement” afficher une bannière ou un message publicitaire, votre marque ne sera visible qu’au travers des citations des membres, citations qui pourront être amplifiées par les nouveaux formats publicitaires. C’est à mon sens le plus gros impact induit par les changements, celui qui va redéfinir votre modèle d’engagement.

Force est de constater qu’avec ces changements Facebook cherche avant tout à améliorer et enrichir l’expérience des membres. Ceci étant dit, le plus dur reste à faire pour les annonceurs : bien appréhender l’impact de ces changements et adapter en conséquence leur présence et leur organisation (vous noterez que je ne vous ai pas fait l’affront d’appeler ça “stratégie“).

Comment interpréter les changements ?

Comme il est de coutume avec Facebook, une fois les nouveautés annoncées il n’y a pas de retour en arrière. Les annonceurs sont donc contraints de se plier aux changements. Nous en venons tout naturellement à nous demander pourquoi les équipes de Facebook procèdent à des changements aussi importants, et surtout dans quel objectif  :

  • Un focus sur les contenus et l’animation des pages. Avec la nouvelle timeline pour les marques, Facebook force les marques à s’exprimer au travers des contenus qu’elles vont publier et des campagnes pour les promouvoir (What Facebook Timeline For Brands Means For MarketersThe Facebook Page Becomes Your Campaign in Real Time et Facebook Relaunches Its Advertising Platform, Puts Pages at Center). L’Objectif de cette posture est visiblement de tirer la qualité vers le haut. J’ai déjà eu de nombreuses occasions de vous expliquer que le contenu est le point faible de Facebook (De la qualité des contenus sur Facebook et Recommandation produits, la blogosphère loin devant Facebook et Twitter), vont-ils redresser la barre avec ces changements ? Difficile de le dire pour le moment, car l’emphase est avant tout portée sur les marques et non les produits. La conséquence directe de ce recentrage sur les contenus est une moindre importance donnée aux jeux. Est-ce pour celà que Zynga commence à prendre ses distances (Zynga Finally Launches Zynga.com) ? Il y a de fortes chances…
  • Facebook se construit son propre créneau. Des pratiques spécifiques, des KPIs spécifiques, un modèle de tarification unique… J’ai comme l’impression que Facebook est en train de se bâtir un créneau sur lequel il serait le seul acteur, un peu comme Google l’a fait à l’époque. Au vu de la taille de créneau (nombre de membres et de visites, densité de l’écosystème, croissance du montant des investissements…), ça fait sens.
  • Une destination de premier ordre pour le marketing, mais quid du CRM ? Tous les changements et nouveautés convergent dans une seule direction : faire de Facebook  LA plateforme de prédilection pour le social marketing. Je ne doute pas qu’ils y parviennent. Par contre, on ne peut pas dire de même en ce qui concerne le social CRM. À par la possibilité d’envoyer des messages privés (des fans à l’admin et inversement), les changements ne vont pas forcément arranger les initiatives en faveur de la relation client (plutôt les coups médiatiques). Du coup, les marques risquent de se tourner vers des plateformes plus versatiles comme Twitter et pourquoi pas Google+.
  • Augmenter les revenus publicitaires pour contenter les actionnaires. J’imagine que vous aviez compris que le but inavoué de ces changements est de s’assurer des revenus récurrents. Ça tombe bien, la croissance des revenus était justement la grande interrogation des investisseurs potentiels (je vous rappelle que l’IPO est toute proche).
  • Nourrir l’écosystème. Avec tous ces changements, les marques vont nécessairement devoir s’appuyer sur des prestataires externes pour reformater leur modèle de présence. C’est donc une formidable opportunité pour des centaines d’agences qui sont positionnées sur le créneau. Des agences qui vont se charger d’évangéliser le marché et de se rendre indispensables aux yeux des annonceurs (souvenez de l’adage : “Quand on vend des marteaux, on s’arrange pour que les problèmes des autres ressemblent à des clous“).

Il y a bien évidemment autant d’interprétations que d’observateurs, mais je pense ne pas prendre trop de risque avec ce qui est écrit au-dessus.

Présence renforcée pour les marques fortes, diminuée pour les plus faibles

Avec tous ces changements, Facebook impose donc la narration et la marche avant toute forcée aux annonceurs. Des nouveautés qui font le bonheur des marques déjà installées (Burberrys, Starbucks, Coca-Cola…), mais qui vont compliquer la tâche des marques moins aspirationnelles. Autant la timeline et le Reach Generator vont encore augmenter la visibilité des marques sont en capacité à produire beaucoup de contenu (ex: Red Bull) ou de celles qui ont une belle histoire à raconter (ex: Michelin), autant les marques “utilitaires” vont avoir beaucoup de mal à s’adapter à ce nouveau modèle d’engagement.

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Quand je parle de marques aspirationnelles, je parle de marques qui le sont naturellement et de façon légitime. Pour le reste, c’est à dire pour 99% des marques, le changement va être brutal (Facebook Timeline for the 99 percent). Un pari risqué pour Facebook, car la plus grosse part des revenus provient des petits annonceurs (62% of Facebook ads come from small advertisers). Cette nouvelle approche du social marketing et de l’engagement des membres me conforte dans l’idée que je défends depuis longtemps : toutes les marques ne peuvent pas performer sur Facebook (seules les meilleures y arrivent), et ça sera encore plus vrai avec le nouveau Facebook.

Deux options possibles : intensifier votre présence ou vous diversifier

Que ces changements vous arrangent ou non, vous voici en face d’un choix crucial à faire : investir plus pour vous conformer au nouveau modèle d’engagement de Facebook, ou vous diversifier pour compenser la baisse de visibilité. Il est important à ce stade de bien clarifier les choses : sous couvert d’une amélioration de l’expérience des membres, les changements imposés par Facebook ne sont que la première phase d’une opération de rentabilisation à grande échelle (les Américains disent “Milk the cow“, et la vache, c’est vous). Ces changements peuvent-ils être interprétés comme du racket ? Je ne me prononcerais pas, à vous de vous faire votre opinion.

Toujours est-il que le maintien de la présence de votre marque sur Facebook n’est viable que si elle se conforme à leur nouveau modèle d’engagement. En d’autres termes : investir plus pour garantir le ROI de votre présence. Une présence qui repose sur des contenus et l’animation d’une base de fans… qui ne vous appartiennent pas. C’est là toute l’ambigüité de la situation : Facebook veut imposer aux marques de doper leur marketing avec du contenu, mais édite des CGU qui ne vont pas dans le bon sens (Peut-on réellement construire une communauté sur Facebook ?).

Ma principale recommandation sera donc la suivante : quitte à revoir votre organisation et votre modèle d’engagement, autant le faire avec plus d’ambition et construire un modèle d’exploitation des médias sociaux qui va plus loin que Facebook. Je ne suis pas devin, mais je suis intimement persuadé que pour tenir les engagements faits aux marchés financiers, les équipes de Facebook vont s’arranger pour rendre les marques de plus en plus dépendantes afin de mieux les traire. L’utilisation de l’Open Graph sera-t-il un jour facturé aux marques ? C’est une possibilité. De toute façon c’est une question de bon sens : pour accroitre la marge opérationnelle, Facebook va nécessairement devoir intensifier la monétisation de sa base d’utilisateurs.

En dehors de ces considérations à tendances paranoïaques, je suis persuadé que les changements imposés par Facebook vont condamner les pratiques de community management à la petite semaine. La présence d’une marque sur Facebook ne pourra plus être improvisée ou sous-traitée sans encadrement, elle devra être structurée et planifiée. Il ne sera plus question de chasse aux fans, mais de gestion de l’image de marque. Une gestion qui va demander des moyens et un engagement sans faille des marques. Le problème est que ces moyens et cet engagement ne peuvent décemment pas se faire sur une plateforme dont o ne sait pas comment elle va évoluer l’année prochaine. En effet le rythme d’évolution de Facebook est tel, qu’il n’est pas possible de planifier sur le moyen terme (2 à 3 ans). Vous allez donc vous retrouvez dans une situation très inconfortable de fuite en avant : acheter toujours plus de visibilité pour rentabiliser la production de contenu.

Le meilleur moyen pour votre marque de ne pas vous retrouver dans cette situation délicate va donc être de vous organiser pour limiter votre dépendance à Facebook. Ceci passera par :

  • La production de contenus à valeur ajoutée, de préférence publiés sur un support qui vous appartient et que vous maitrisez ;
  • La mise en place de pratiques conversationnelles plus poussées que des “Like” ou des commentaires, de préférence sur un support où vous pourrez les encadrer ;
  • La constitution d’une communauté de clients et prospects que vous pourrez animer à votre rythme et selon vos méthodes, pas celles formatées pour des grandes marques internationales ;
  • La diffusion des pratiques sociales au sein des différents métiers (marketing, communication, ventes, RH, relation client… cf. Les trois étapes de l’évolution digitale de votre entreprise)

Au final, est-ce que les changements annoncés par Facebook sont une bonne chose ? Oui, résolument oui, car ils vont permettre d’accélérer la maturation des usages autour des médias sociaux et surtout faire rentrer les marques dans un schéma de pensé plus industriel qu’expérimental. Mais nous aurons largement l’occasion d’en reparler…

17 commentaires sur “Avec les nouvelles pages et formats publicitaires, Facebook privilégie les marques fortes

  1. Bel article Fred, complet et juste.
    Pas complétement aligné avec toi avec cette notion de quête de non-dépendance à Facebook. Le sujet pour beaucoup d’entreprises n’est pas forcément d’être dépendant ou pas à tel ou tel moyen marketing, mais bien de pouvoir industrialiser le ROI sur le digital.
    Je suis de ceux qui pensent que cette évolution de Facebook offre de belles opportunités en ce sens. Il va falloir investir plus, mais on s’éloigne de l’amateurisme qui régnait jusqu’ici. C’est donc un mal pour un bien.

  2. Ou alors cela peut générer une envie plus pressente des marques à créer leur propre média social (Lego, Lady Gaga…) ?

    C’est bête, mais cette maturation, nécessaire je suis d’accord, ne risque t-elle pas d’en frustrer plus d’un car moins d’expérimentation pourrait sous-entendre moins de créativité, moins d’ouverture. Non ?

  3. Bel article, très détaillé, bravo!

    Par contre, je ne sais pas d’où vous tirez l’information que Facebook a maintenant bloqué son Edgerank à 16% des fans.
    Facebook communique sur une MOYENNE à 16% en fonction des performances des posts de la page, (https://www.facebook.com/business/fmc/guides/reach?campaign_id=250393211715997&creative=reach), moyenne qui provient d’une étude réalisée en collaboration avec Comscore il y a tout juste un an.

    Il n’y a donc rien de nouveau. Le edgerank était sélectif, il le sera encore, mais rien ne dit qu’il le sera plus. Les marques performantes en terme d’engagement dépasseront encore ce score. Les autres auront intérêt à acheter du “Reach generator”.

  4. @ Branislav > Oui il y a de très belles opportunités àà saisir avec ce nouveau Facebook pour les marques, mais nous sommes dans un mode “Fly or Die” dans le sens où ces changements ne vont pas bénéficier à toutes les marques. Mais je suis bien d’accord avec toi que l’amateurisme, ou plutôt de le court-termisme, est un fléau contre lequel il fallait lutter, et le nouveau Facebook va grandement y contribuer.

    @ Mr Jojo > Oui tout à fait, cette remis en question du modèle d’engagement risque de pousser les marques à passer à l’étape suivante et voir au-delà de Facebook (lancer sa propre communauté est une option qui va dans ce sens).

  5. Pourrait-il y avoir plusieurs messages sponsorisés en simultané sur le mur d’un utilisateur ?
    Ne s’orientetons-nous pas vers un matraquage publicitaire trop intrusif ?

  6. Merci pour cet article foisonnant mais… Je suis d’accord avec Stéphane Allard ! On confond :
    les fans
    les personnes atteintes
    les personnes engagées
    Les personnes qui en parlent
    En bref, un bon edge touche tout autant les fans que les non fans
    Alors quand on parle de 16% des fans, on parle d’une moyenne et rien d’autre.
    J’ai des edges qui touchent le double du nombre de personnes indiquées comme étant des fans
    L’EdgeRank n’est pas bridé mais il y a des subtilités quant aux mécanismes de publication de certain type d’edges.

  7. @ Jean-Noël > Précisons que le Edge Rank est voué à disparaitre au profit du Graph Rank dont on ne connait pas grand chose, ou alors mes sources ne sont pas fiables…

  8. Merci Fred pour cet article très complet.
    Je suis entièrement d’accord avec “quitte à revoir votre organisation et votre modèle d’engagement, autant le faire avec plus d’ambition et construire un modèle d’exploitation des médias sociaux qui va plus loin que Facebook”
    quoi que devienne FB, mettre tous ses “oeufs” dans le même panier n’a jamais été une solution pérenne.
    Effectivement, autant profiter de ces modifications de l’offre FB pour se diversifier, si ce n’est pas déjà fait !

  9. Effectivement le score de 16% est une moyenne. Confirmé par l’équipe Facebook hier : cet edgerank n’est pas bridé mais en moyenne les marques touchent 16% de leur base de fans par semaine. Si vous proposez du contenu vraiment engageant et de qualité, vous pourrez toucher 20-30%. Le Reach generator permettra de garantir une plus large couverture pour les marques pouvant payer.

    Par rapport au edgerank / graphrank, il s’agit de la même chose, l’un étant lié aux objets partagés sur Facebook (photo, news etc..) l’autre aux applis de l’écosystème Facebook.

  10. Oui !
    EdgeRank : relations qu’entretiennent, entre elles, les entités qui composent le Graph Facebook (J’aime cette page et cette recette de bûche de Noël)
    GraphRank : interactions sociales, et ce en temps réel, entre les entités et le Graph Facebook (Je cuisine une recette de bûche de Noël grâce à l’appli. 750g.)

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