Si le web est aujourd’hui aussi omniprésent dans notre quotidien, c’est parce que c’est un média universel : tout le monde y accède de la même façon (avec un navigateur) et l’exploite de la même façon (des pages avec du texte, des images, des formulaires…). Ceci n’est possible qu’avec l’instauration de standards. Les standards ont permis aux différents acteurs du web de coordonner leurs efforts et d’avancer dans la même direction. Certes, ça se fait parfois dans la douleur et ça prend un peu de retard (HTML5 est un bon exemple), mais le travail de normalisation du W3C est indispensable à la cohésion du web. Sans normalisation, le web ne serait qu’un agrégat de systèmes propriétaires qui cohabiteraient tant bien que mal. Le système d’information de votre entreprise est une bonne illustration de cette cohabitation : les équipes informatiques sont obligées de dépenser d’énormes sommes d’argent et de gros efforts pour harmoniser le fonctionnement de différents sous-systèmes informatiques livrés par des éditeurs surpuissants (IBM, Microsoft, SAP, Oracle…).
Le petit milieu du commerce en ligne n’échappe pas à la règle, puisque les différentes solutions disponibles sur le marché ne sont pas compatibles entre elles. Cette incompatibilité est la garantie pour les éditeurs de solution de conserver leurs clients pour un minimum de temps, car basculer d’un système à un autre coûte cher. Comme partout ailleurs, des tentatives de normalisation existent, mais elles n’ont pas réussi à s’imposer (To Be or Not to Be: The Ideology of E-Commerce Standards). Les premiers travaux de normalisation du commerce électronique remontent au siècle dernier (W3C and Electronic Commerce), des initiatives privées comme ebXML ou cXML existent également depuis de nombreuses années, mais les éditeurs n’y adhèrent toujours pas, il en va de la stabilité de leurs revenus. Parfois, le législateur décide d’imposer se norme (La France se dote d’une norme pour fiabiliser le traitement de tous les avis de e-consommateurs), mais la plupart du temps, se sont les groupes de travail de sociétés privées qui fournissent les meilleurs résultats (cf. Les KPIs des médias sociaux enfin standardisés).
Les choses sont néanmoins en train de bouger avec la création cette année du Customer Experience Digital Data Community Group au sein des W3C Community and Business Groups. Le but de ce groupe de travail est donc de normaliser les données issues du commerce en ligne : Google, Adobe and Best Buy are working on an ecommerce web data standard. Ce groupe de travail est composé d’une cinquantaine de participants issus de sociétés de renom (Google, IBM, Adobe), de marchands (BestBuy), d’agences (NitroSapient, Accenture…) et d’éditeurs (Ctriteo, Qubit…). Le premier draft des spécifications de ce standard a été soumis en mai dernier et vient d’être rendu public : Proposed W3C Standard for e-Commerce Customer Data Moves Forward.
Pour le moment, le document est plutôt abstrait, mais les choix technologiques semblent les bons. Plutôt que de partir sur une standardisation du marquage des pages, ils ont fait le choix d’utiliser un objet javascript. Il existe déjà en effet plusieurs “standards” pour enrichir le code source de marqueurs sémantiques (RDFa, microformats, Schema), mais ils n’ont pas été adoptés par les éditeurs. Le groupe de travail est donc parti sur un objet javascript qui va se charger d’extraire les données de la page HTML. Traduction : puisque les éditeurs ne veulent pas standardiser la façon dont les données sont affichées dans le code HTML, cet objet javascript va le faire pour eux.
Cette standardisation forcée est d’autant plus intéressante, que plusieurs catégories de données sont concernées : les pages, les produits, le panier, les transactions, les utilisateurs… Un produit sera ainsi qualifié par son ID, son nom, sa catégorie, ses attributs… un panier sera caractérisé par son ID, son prix, son nombre d’items… Un utilisateur sera qualifié par son ID, ses coordonnées, ses profils de médias sociaux, ses attributs… Tout ceci peut vous sembler un peu complexe, mais c’est une authentique révolution dans la mesure où ils sont en train de normaliser d’autorité l’ensemble des données et des transactions relatives au commerce en ligne.
Les travaux de ce groupe de travail mettront un certain temps avant d’aboutir, mais je suis surpris que cette nouvelle n’ai pas fait plus de bruit dans la communauté. J’adorerais avoir à ce sujet l’avis des autres spécialistes et surtout des éditeurs de solutions. Faites passer le mot…
Ils ne peuvent pas utiliser les travaux de l’UNECE ?
http://www1.unece.org/cefact/platform/display/ATG/Working+Projects+Summary
Et du côté client, la standardisation des données, qui facilite probablement la vente des données utilisateurs, n’a pas fait plus de bruit que ça?