Dans le monde de l’édition, les thèmes récurrents que l’on nous ressort tous les ans sont appelés des marronniers (ex : les prix de l’immobilier, le salaire des cadres…). Dans le monde de l’internet, nous avons aussi nos marronniers : machin-truc est le nouveau Google, les jeunes abandonnent Facebook, le virus truc-chose menace 20% des sites web de la planète… Mais la palme revient à un sujet que l’on nous ressort de plus en plus en ce moment : le web est mort.
À l’origine de cette affirmation, il y a un article publié par le magazine Wired en 2010 : The Web Is Dead. Long Live the Internet. L’auteur nous expliquait qu’avec la montée en puissance de la vidéo et du P2P, le web “traditionnel” (les pages HTML) était en voie d’extinction. Plus récemment, on nous ressort à peu près la même conclusion (les pages HTML sont condamnées), mais avec une argumentation reposant sur la montée en puissance des smartphones et la suprématie des applications mobiles : The Web Is Dying, Apps Are Killing It. J’ai déjà eu de nombreuses occasions de m’exprimer à ce sujet (En finir avec le débat application vs. site mobile et Les applications mobiles coûtent trop cher, misez plutôt sur le web) et j’espère vous avoir convaincu de l’ineptie de cette affirmation (Les applications mobiles sont des outils de fidélisation, pas de conquête).
Pour clore ce débat (qui n’aurait jamais dû être ouvert), je vous invite à découvrir cet article publié chez O’Reilly : Web by default, you’re using the web even when you don’t think you are. L’auteur y explique que les applications mobiles reposent en grande partie sur des technologies web pour transporter des données et pour afficher des contenus, notamment avec les webviews (Hybrid Mobile Apps: Providing A Native Experience With Web Technologies). Ceci est également expliqué dans un autre article publié sur RWW : HTML5’s Dirty Little Secret: It’s Already Everywhere, Even In Mobile.
Je pense ne pas me tromper en disant que le but initial des applications natives n’a jamais été de remplacer le web ou les pages HTML, mais de permettre à Apple de sécuriser ses revenus, à savoir les commissions qu’ils touchent chaque fois qu’un utilisateur d’iPhone télécharge une application payante sur iTunes. Certes, il y a le cas particulier des jeux mobiles, où la recherche de performances justifie pleinement l’emploi de technologies natives. Mais à part cette exception, l’utilisation de technologies natives est un choix contestable : c’est comme si vous développiez un logiciel que les utilisateurs devraient installer sur leur ordinateur pou consulter votre contenu ou accéder à vos services. Les navigateurs de “nouvelle génération” sont justement conçus pour leur permettre de le faire dans de très bonnes conditions. L’auteur de l’article résume assez bien la situation en disant que le web est comme une plateforme pour les données : les applications mobiles ne sont que des interfaces, les middle office et back office sont encore motorisés par des technologies web.
Ceci étant dit, nous en revenons au sempiternel débat sur les applications natives en tant que substituts aux interfaces web. Là encore, l’auteur apporte des éléments de réponse en précisant que HTML autorise l’accès à des technologies qui évoluent très rapidement et se révèlent de plus en plus intéressantes. Les interfaces web offrent maintenant :
- Une structure sémantique robuste et de la modularité avec HTML qui vient d’entériner les spécifications de sa cinquième version (HTML5 est enfin officialisé, l’avenir du web ouvert n’est pas assuré pour autant) ;
- de la souplesse avec l’approche déclarative des feuilles de styles (How CSS Selectors Work) ;
- de l’évolutivité avec des briques technologiques comme WebRTC (pour la communication en temps réel) ou WebGL (pour la 3D) ;
- de la rapidité avec les architectures javascript de bout en bout (“full stack” en anglais) proposées par Node.js (Understanding Node.js et Node.js, mais à quoi ça sert ?) ;
- de la robustesse avec les applications isomorphiques qui tournent à la fois côté client et côté serveur grâce à des solutions comme Meteor (Isomorphic JavaScript: The Future of Web Apps) ;
- de la vélocité avec des frameworks comme Foundation, Angular.js ou les web components (Comment les composants web ambitionnent de révolutionner les applications en ligne)…
Comme vous l’aurez compris, je peux difficilement cacher mon attachement aux technologies web, car elles sont garantes de contenus et services universellement accessibles. Dans le doute, misez toujours sur le web. C’est d’ailleurs ce raisonnement que les équipes de WhatsApp ont dû suivre, car elles préparent visiblement une version web du service : WhatsApp Might Be Working On A Web Version Of Its Popular Messaging App.
Bien sûr il existera toujours des cas particuliers ou des contre-exemples, mais je reste persuadé que non, le web n’est pas en train de mourir. Au contraire, il évolue plus vite qu’il ne l’a jamais fait auparavant.
Non l’idée initiale du SDK iOS n’était pas de vérouiller les dev/utilisateur. La solution proposée par Apple était au contraire de faire des applications HTML!
C’est sous la pression de la demande des développeurs qu’Apple a introduit cette solution d’AppStore.
Oui, le web avec HTML5 et toutes les techno modernes est vraiment taillé pour construire des applications… mais développer pour le web, mobile en particulier, c’est encore faire de l’assembleur quand on compare le niveau de maturité des API et des environnement de dev.
Le web a un bel avenir devant lui, mais son problème c’est que nous vivons dans le présent…
Effectivement, nous n’en sommes qu’au tout début d’HTML5 en tant que plateforme de dev pour les applications en ligne, mais j’ai vraiment l’impression que les choses progressent très vite, non ?
Sur un marché de la création ou un site web est 10 fois moins couteux qu’une application, ça m’étonnerait que le web soit en train de mourir. Par contre, oui, ça évolue vite, de plus en plus vite ! N’est-ce pas justement un signe de vigueur ?
Une application mobile n’est pas forcément 10 fois plus coûteuse qu’un site web. on peut aujourd’hui avoir une application mobile correcte pour 2 à 3000 euros.
Tout dépend du type d’application que l’on souhaite. Un site web peut aussi coûter très cher selon ce qu’on veut.
Je pense que la théorie des apps mobiles qui prennent le traffic web n’est pas que technologique, ni farfelue. Moi je ne consulte plus le site du Monde mais uniquement l’appli mobile : plus pratique, immédiate, offline. Une webapp n’est pas aussi véloce et surtout est sans cesse interrompue par des coupures de connexions. Donc oui, les apps, même pour du contenu non enrichi, concurrencent fortement le navigateur. On devient accroc à une app en quelque sorte.
Mais ce qui est inquiétant, c’est que Apple et Google vont encore plus contrôler le contenu numérique. Il faudrait des stores d’apps open source. Il y a des projets déjà.
@ Dimitri > donc l’appli du Monde est ta seule source d’information ? N’est-ce pas un peu triste de se dire que le rédacteur en chef t’impose sont point de vue sur l’actualité ? Je préfère utiliser Google News qui me renvoie sur l’ensemble des sites (mobiles) de presse ou des portails spécialisés comme Techmeme (qui propose une version mobile pour smartphones et une autre version mobile pour les feature phones). Je précise au passage que l’application du Monde n’est qu’une coquille servant à afficher des contenus web, et qu’il est tout à fait possible de lire des contenus hors ligne sur un navigateur mobile.
@ Marko1964 > Malheureusement je doute qu’une application native “correcte” parvienne à séduire des utilisateurs devenus beaucoup plus exigeants et regardant sur ce qu’ils installent (chiffres à l’appui). De plus, le coût total d’une application native doit intégrer les frais lier au référencement et à la maintenance (notamment les sauts de version majeure des OS mobiles). Mieux vaut investir 3.000 Euros pour rendre compatibles les templates d’un site web en responsive design (un bon compromis pour débuter dans la mobilité).