Pourquoi les pratiques de RP doivent évoluer

J’ai déjà eu l’occasion de vous expliquer que les métiers des RP et du CRM sont culturellement mieux adaptés aux pratiques des médias sociaux que ceux du marketing ou de la communication. Autant les marques (en règle général) appréhendent de mieux en mieux l’évolution de la relation client au travers des médias sociaux, autant pour les relations presses, j’ai l’impression que rien n’a changé. Pourtant le débat autour des communiqués de presse et de l’ancienne école des RP remonte à plus de 5 ans : Die Press release, Die! Die! Die! et Arrêtez de prendre les bloggeurs pour des journalistes.

Le fond de ce débat est le suivant : à l’heure des médias sociaux et de l’information en temps réel, les pratiques de RP reposant sur l’envoie en masse de communiqués de presse par email semble éculées. Et pourtant, ce type de pratique semble encore être largement la norme. Certains se sont alors mobilisés pour faire évoluer les choses avec notamment le premier gabarit de Social Media Release publié en 2006 : The “Social Media Press Release” Debuts, Download the Template Today.

SMR

Depuis 2006, les choses ont beaucoup changé (Facebook, Twitter…), mais les pratiques restent les mêmes. Je sais bien qu’il est toujours difficile de se débarrasser des vieilles habitudes de même que de se remettre en question… mais bon, ça fait quand même 5 ans, donc il serait temps de faire évoluer durablement les pratiques de RP pour deux raisons : les journalistes ne travaillent plus de la même façon, les cibles ne se limitent pas aux journalistes. La bonne nouvelle est que vous (agences de RP) avez tous les éléments en main pour faire évoluer vos méthodes de travail. Il existe à ce sujet de nombreux articles (ainsi que des référents comme Brian Solis, entre autres) :

Sur cette idée, de nombreux services se sont lancés sur le créneau et proposent des plateformes de Social Media Release 2.0 (qui ne sont volontairement pas cités) :

Social_Media_Release_2.0

Ne vous laissez pas leurrer par ces beaux discours, la transformation des pratiques de RP ne passe pas que par le remplacement du support (le communiqué de presse au format PDF envoyé par email). Il y a certes un gros problème avec les CP (j’y reviendrais plus bas), mais ce n’est (presque qu’un détail).

De l’envoi d’emails en masse au ciblage intelligent

Loin de moi l’idée de jouer les snobs, mais quand je reçois un communiqué de presse m’annonçant l’ouverture d’une agence de location de voiture en banlieue parisienne, je me dis qu’il y a comme un problème de ciblage. Je ne connais pas grand-chose au métier des RP, par contre je suis diplômé en marketing et la première que l’on nous apprend est l’importance du ciblage : rien ne sert de dépenser de l’argent et de l’énergie pour essayer de toucher tout le monde, l’important est de toucher les bonnes personnes, les plus pertinentes.

J’ai l’affreux sentiment de passer pour un enfonceur de portes ouvertes, mais vous seriez extrêmement surpris du nombre d’email non sollicités que je reçois par jour (une dizaine en moyenne) contenant des annonces et CP qui n’ont absolument rien à voir avec les sujets que je traite sur mes blogs. Je sais bien que le but d’une action de RP est d’avoir un maximum de couverture, mais ce n’est pas en inondant les “gros poissons” que vous allez décrocher un article. Je suis persuadé qu’il est de la responsabilité des professionnels du secteur d’éduquer les clients et de la convaincre que les blogueurs ne fonctionnent pas comme des journalistes : ils n’ont pas d’obligation de publication.

Autre élément important : plus un blogueur a de l’audience et plus il est sollicité. Concentrer vos efforts sur les blogueurs ayant le plus de lecteurs est donc contre-productif. À moins que vous soyez rémunéré au nombre de CP envoyés, auquel cas laissez-moi vous informer que vous êtes hors-la-loi (ça s’appelle du spam). Pour information, j’ai défini des règles dans ma messagerie pour automatiquement filtrer les messages incluant certains mots-clés, j’imagine que je ne suis pas le seul à faire ça. Il ne faut qu’une minute pour programmer un envoie en masse, mais il ne me faut qu’1 à 2 secondes pour parcourir le titre d’un email et le supprimer. Pire : les mécanismes anti-spams sont maintenant mutualisés, si tous les destinataires d’un communiqués le déclarent en tant que spam, l’expéditeur sera ajouté à une liste noire au niveau du serveur de messagerie (la punition ultime pour un professionnel).

Un peu plus de subtilité dans l’approche

Second axe d’amélioration : la façon dont vous allez approcher vos cibles et engager une “relation” avec elles. Pour schématiser, il existe deux types d’approches :

  • Bonjour, je suis … de l’agence …, souhaitez-vous recevoir des communiqués sur … ?
  • Bonjour, je suis … de l’agence … qui est spécialisée en VIP blogueur Relationship Management, souhaitez-vous recevoir des communiqués ciblés sur …” ?

Dans les deux cas la réponse est “Non“. Durant mes études, j’ai travaillé dans une boutique d’une célèbre marque de jeans pour me faire de l’argent de poche, la première chose que l’on m’a interdit de faire est d’aborder les clients avec des questions fermées : “Je peux vous aider ?” ou “Vous cherchez quelque chose en particulier ?” mènent invariablement à une réponse négative. Par contre, laisser fouiner les clients et les aborder avec des questions ouvertes comme “Vous cherchez du 38 ?” ou “Avec quoi souhaitez-vous l’assortir ?” permettent d’engager la discussion et de placer d’autres produits. Ce qui fonctionne pour les jeans est également valable pour n’importe quel autre sujet, c’est une simple règle d’engagement.

De même, je doute de l’efficacité des relances trop insistantes :

  • C’est le deuxième message que je vous envoie sans réponse de votre part
  • J’aimerais comprendre pourquoi vous ne répondez pas à mon message envoyé il y a 3 jours
  • Je vous signale que machin et truc ont déjà publié un article sur ce sujet, comment se fait-il que vous ne l’ayez pas fait ?

Vous devez sûrement penser que j’affabule, pourtant c’est ce que je reçois régulièrement dans ma messagerie. Pire, certains n’hésitent pas à jouer la corde sentimentale (“Pourtant nous sommes amis sur Facebook“) voir l’intimidation (“Avez-vous quelque chose à reprocher à mon client ?“). Ma motivation n’est pas de révolutionner la profession (Brian solis et ses confrères le font bien mieux que moi), mais je prêche pour des approches plus subtiles et surtout moins intrusives.

Là encore, il en va de la responsabilité des professionnels du secteur de ne pas jouer les mercenaires et de faire correctement les choses (pas de harcèlement, désabonnement des listes sur demande…) pour ne pas envenimer la situation.

Un support adapté aux médias sociaux

Dernier point à travailler : le support. Envoyer des communiqués de presse par email présente plusieurs inconvénients :

  • Les CP sont plus longs à lire (car il faut charger le fichier) et encombrent la bande passante ;
  • Un email peut être envoyé par erreur sans son CP (ce qui génère un deuxième envoie) ;
  • Vous ne pouvez pas faire de modifications sur un CP déjà envoyé
  • Les CP ne peuvent pas être référencés dans Google…

La chose la plus gênante à mon sens est l’absence de source : un document PDF envoyé par email est un support qui véhicule une information, mais ça n’en fait pas une source vers laquelle un article peut pointer. J’ai ainsi l’habitude de systématiquement ajouter un lien vers la source, comment ajouter un lien vers un ficher PDF contenu dans un email ? J’ai récemment reçu un CP annonçant le lancement d’une nouvelle génération de vélos électriques par Matra. Une info intéressante que j’aurais bien tweetée, mais je n’avais pas de source, donc aucun intérêt. Et il en va de même pour un internaute lambda qui  ne possède pas de blog : quel est l’intérêt de relayer une info sur Twitter ou Facebook s’il n’y a pas de lien ?

Pourtant il n’est pas très compliqué de monter une offre reposant sur une plateforme de blog open source avec un système de génération de PDF à partir des articles pour les irréductibles. Mais encore une fois, souvenez-vous que changer le support ne fait pas tout.

En poussant le raisonnement un peu plus loin, nous pourrions théoriser sur l’évolution des métiers des RP vers le community management, mais c’est un autre débat qui risque de polluer la discussion. Quelle discussion ? Celle qui concerne l’urgence de faire évoluer les pratiques de RP, non pas du point de vue des outils, mais des mentalités (“Je suis trop vieux pour changer“, “Je ne sais pas travailler autrement“, “C’est ce que les clients veulent“, “Embauchons des jeunes pour faire ça“…).

26 commentaires sur “Pourquoi les pratiques de RP doivent évoluer

  1. Bonjour à tous,

    Nous en convenons tous, notre métier change. RP “old school” et 2.0 se mêlent, les pratiques et outils aussi. Pas toujours évident de s’y retrouver, et pourtant, une règle devrait nous guider dans nos actions: celle du bon sens.

    Dans la vraie vie, qui appelle ou contacte quelqu’un par e-mail ou téléphone sans savoir à qui il parle? Et bien, pourquoi ne pas s’appliquer cette règle dans notre métier qui évolue à vitesse grand V……moins de médias print, moins de journalistes, plus de médias sociaux, de blogs, de FB et de Twitter.

    C’est donc la moindre des politesse que de se renseigner sur son interlocuteur, connaitre ses sujets de prédilection avant de le contacter. Nous entrons selon moi dans une ère nouvelle, la mode est passée, la tendance est de long terme: celle de la personnalisation vs la standardisation. C’est vrai, aujourd’hui, tout le monde se détache de la “grande série”, des produits standardisés, car nous sommes tous en quête de sens, de relation, de proximité. Regardons, les meubles, les fringues, les voitures, les chaussures, tout devient personnalisable. Je crois que les RP peuvent, je dirais même, doivent l’être également. Il en va de la crédibilité de notre métier.

    Alors je m’associe à cet élan qui a pour moi 2 atouts principaux. Le premier est de nous permettre de nous remettre en question. J’ai vécu les RP old shcool d’une grosse agence, et apprend depuis 2 ans et chaque jour à travailler différemment, à me remettre en question pour répondre à la fois aux besoins de mes contacts journalistes/bloggeurs/influenceurs et à ceux de mes clients.
    Le second est que cet élan nous permet de développer de vraies relations humaines/professionnelles, de qualité, Win/Win, ce qui est tout de même plus agréable que d’avoir pour meilleur ami pro, sa boite e-mail.

    Une enquête intéressante à relier à notre métier: http://www.orielladigitaljournalism.com/view-report.html#/1/

    Bonne journée à tous

  2. Bonjour à tous,

    Je suis ravie de lire un sujet tel que celui ci, en effet j’ai crée ma société de relations presse il y a un peu moins d’un an maintenant à 25 ans.

    Je suis complétement d’accord avec Zélite et Détachée de presse, je recherche d’ailleurs des formations rapide qui permettrait d’être un peu plus à l’aise avec les réseaux sociaux et le web en général pour notre travail.

    Cependant il est vrai que c’est la façon dont nous avons été formé qui est encore d’actualité aujourd’hui, il est très compliqué également d’expliquer au client les nouvelles pratiques, sachant que pour certains ils ne comprennent pas pourquoi au bout d’un mois sur un produit ils n’ont toujours pas de retombées. La pression du client est forte et certain demandent même le listing (simplement supports) des médias à qui on a envoyé leurs infos.

    Je ne souhaite que trouver de nouvelles stratégies pour communiquer avec nos confrères journalistes et j’espère les trouver ici !

    Merci en tout cas pour cet article passionnant !!

  3. Bonjour à tous,

    Je suis moi aussi ravie de trouver un tel article sur les relations presse. Je suis étudiante en communication à l’EFAP Bordeaux et prépare un mémoire de fin d’étude sur ce sujet.

    En tant que future communicante, je me demande moi aussi si le métier d’attachée de presse tel qu’on le connait est mort? Le statut est-il toujours légitime? Comment peut-on redéfinir le cœur d’activité des relations presse? Quelles sont les opportunités d’évolution tant du point de vue que de la forme? Est-ce que les professions d’attachée de presse et de community manager sont amenées à ne former plus qu’un ou est-ce que l’avenir réside dans un travail de binôme entre ces deux experts?

    Je m’attache à répondre à ces questions via mon travail de recherche, mais je peine à trouver les agences ou entreprises qui appliquent d’ores et déjà ce modèle. J’aimerai pouvoir discuter de ces mutations avec un professionnel, mais les démarches pro-actives se font rare…

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