En début de semaine Apple a dévoilé la nouvelle version du système d’exploitation de l’iPad (iOS en version 5). Au programme des nouveautés : tout un tas d’innovations, dont Newsstand, le kiosque numérique d’Apple pour les magazines (NewsStand built into iOS 5). Pour Apple, le but de la manoeuvre est officiellement pour les utilisateurs de simplifier l’achat et la gestion de magazines numériques. Officieusement j’imagine que c’est la solution retenue pour verrouiller la chaine de distribution et reproduire ce qui existe déjà pour les livres et la musique.

Il faut dire que les débuts des magazines en ligne sur le touchbook d’Apple ont été plutôt chaotiques : de très belles innovations chez certains éditeurs (Condé Nast avec Wired, Virgin avec Project, News Corp. et The Daily…), beaucoup de déception chez les autres. Je ne saurais vous dire si le problème vient de la faible demande ou du manque d’innovation chez les éditeurs, en tout cas le retour d’expérience est mitigé : La presse et l’iPad, étude de cas avec iMad.
À partir de ce constat, certains restent fidèles à Apple et son modèle fermé (Conde Nast Taking A Breather On Tablet Editions Of Its Magazines et A Sneak Peek at Version 2.0 of Sports Illustrated’s iPad App), tandis que d’autres choisissent plutôt de sortir de ce modèle avec le choix de publier en HTML5. C’est ainsi le cas de Playboy qui a choisi de publier l’intégralité de sa collection sur un site web adapté aux touchbook avec un principe d’abonnement : Playboy sur iPad, un site pour contourner l’application.

Contourner Apple pour traiter directement avec les clients ? Une solution très intéressante, car elle permet à Playboy de :
- Ne pas verser de commission à un intermédiaire ;
- Fixer et modifier librement les tarifs ;
- Garder un contact direct avec les lecteurs (pour de possibles opérations de cross-marketing) ;
- Toucher l’ensemble des possesseurs de touchbook (pas seulement les utilisateurs d’iPad) et même les internautes lambda.
Il semblerait donc que Playboy y gagne sur tous les aspects. Facile dans la mesure où ils ont une marque à très forte notoriété. En tout cas une infidélité qu’Apple ne peut que subir (ils ont déjà banni Flash de l’iPad, il ne peuvent pas se permettre de bannir HTML). Ce choix de Playboy pourrait bien en inspirer d’autres, car Apple n’a pas la réputation de soigner les petits producteurs : Will Publishers Choose the Open Web Over Apple’s Walled Garden?. Il existe ainsi plusieurs solutions de publication de magazine en HTML5 comme OnSwip ou Laker (cf. Un framework HTML5 pour créer des magazines iPad et iPhone). D’autres choisissent de développer leur propre solution comme Aside :
Non, il n’est pas possible de lire ce magazine en mode déconnecté, mais au moins vous ne mettez pas 15 minutes à le télécharger. C’est donc une très bonne solution pour les lecteurs occasionnels qui génèrent des visites, donc des revenus via les bannières. En théorie HTML5 permet de faire du stockage en local, donc rien n’empêche l’éditeur de proposer une version HTML5 téléchargeable pour la lire en mode hors-connexion (à vérifier).
Plus récemment nous avons aussi le Financial Times qui a lancé sa version HTML5 : FT Bypasses Apple’s iTunes, Launches HTML5 Web App.

Au final, HTML5 est-elle la solution ultime ? Non car une application propose une expérience de lecture plus riche, notamment avec l’incrustation transparente de vidéos, sons et animations. Certes, il est possible de la faire en HTML5 mais cette intégration ne se fera pas sans coutures. Il semblerait donc que la solution HTML5 soit surtout intéressante pour les éditeurs contenus avec essentiellement du texte et des images.
Cette catégorie d’éditeurs est d’ailleurs en train d’expérimenter des sites web adaptés à la lecture à l’écran comme le Huffington Post avec NewsGlide ou le New-York Times.

Encore plus inquiétant pour Apple, on trouve même sur le Chrome Web Store des magazines en ligne comme Sport Illustrated dont je parlais en début d’article : Sports Illustrated Snapshot. Et pour couronner le tout, Google a récemment lancé une version mobile de Fast Flip, son service de consultation des Unes de journaux.
En synthèse, je ne ferais que me répéter : HTML5 permet de se libérer de la contrainte des applications, mais présente tout de même quelques limitations (Vous êtes plutôt application mobile ou site web optimisé pour les smartphones ?). Dans l’absolu, rien n’empêche un éditeur d’exploiter ces deux technologies : une version HTML5 “simple” pour toucher tous les possesseurs de terminaux alternatifs (smartphones, touchbooks…), et une version plus riche sous forme d’application (ou avec un stockage local).
Dans tous les cas de figure, le marché est en train de se structurer et le rapport de force avec Apple n’est plus le même. Plutôt une bonne nouvelle pour les petits éditeurs (et même les gros).
De plus Google à libéré le code de son livre interactif “20 things I learned” il y a quelques jours. De quoi cogiter sur le mode de distribution à choisir ;)
Un article fort intéressant.
Je suis développeur et j’explore depuis quelques mois l’HTML5. J’ai tout de suite pensé aux possibilités pour la presse en ligne, la solution des applications magazines ne me semblant pas convaincante : en dehors de l’expérience indéniablement fluide et esthétique, la portabilité nulle et le double maquettage sont financièrement inabordables pour beaucoup.
Avec la multiplication des formats et des plateformes, comment peut-on continuer à diffuser uniquement sur iPad ? Alors qu’avec l’HTML5 et les media queries CSS3, on peut adapter sa mise en page à un bon nombre de résolution…
Même aside, avec son (très beau) prototype de magazine HTML qui tente de reproduire l’expérience des applications Wired/National Geographic/etc, n’est lisible que sur iPad. J’ai pourtant un navigateur compatible sur mon ordinateur et ma Galaxy Tab mais je ne peux même pas y accéder… et même si j’y arrivais, la mise en page ne serait pas adaptée à ces deux tailles d’écrans.
J’ai pourtant testé les media queries en réalisant des “sites élastiques” pour un client (le Festival de Saintes) et pour mon site personnel. Et il me semble tout à fait envisageable d’arriver à fournir des contenus graphiquement forts et adaptable à toutes les résolutions. De tous les exemple donnés dans l’article, le seul qui retient mon attention reste le Times qui, lui, fonctionne un peu partout.
Pour créer des magazines en ligne élastiques, il faudra certainement faire quelques compromis :
– Revoir le format de la couverture (qui ne pourra pas remplir tout l’écran sur chaque appareil 4/3, 16/9, 16/10, etc.).
– Revenir à une navigation “plus web” : scroll vertical pour lire l’article et liens pour changer de page. Aside démontre bien que les swipes horizontaux pour changer de page sont trop gourmandes pour les appareils d’aujourd’hui : même sur l’iPad2, la navigation est lente et saccadée.
En tout cas, je suis d’accord sur le fait que le marché se structure, et même si c’est l’iPad qui a permis d’en arriver là, j’espère bien qu’Apple va perdre un peu de son exclusivité. Encore faudrait-il que les autres fabriquants essaient de rattraper leur retard (mais ça c’est un autre débat ^__^)
Bonjour
Merci pour cet article intéressant.
Je me pose une question liée au référencement Google.
Existe t-il un impact sur le SEO si l’on choisi de développer en html5, plutôt que de proposer une version de son site web optimisée pour une lecture sur mobile?
Cela peut être un critère de choix important.
Merci
Bonjour,
peut être l’epub3 (dérivé du html 5) pourra aussi permettre aux diffuseurs de magasines de faire des magasines plus dynamiques et interactifs, en utilisant un format ouvert et facilement lisible sur différents supports (ipad avec stanza, android avec aldiko, …) sans avoir besoin d’être connecté. L’utilisation de flux OPDS (proche du rss mais permettant de décrire des librairies de livres numeriques) permettant ainsi d’assurer une diffusion de chaque numéro directement dans l’application de lecture sans avoir a copier le fichier a la main sur sa tablette.
@Helene Chevallier :
Le HTML 5 reste du html donc un magasine en HTML 5 c’est un site web normal qui utilise la dernière version de html, avec une mise en page et un fonctionnement différent des sites dont on a l’habitude mais cela reste une/des page(s) web. Un site en HTML5 permet permet aux moteurs de recherches une indexation du contenu similaire a ce que l’on a sur les site “standard” (contrairement a du flash).
@ Hélène > Je confirme : Même si la syntaxe HTML5 permet de donner plus de sens au contenu, rien ne prouve que les robots de Google privilégient les sites en HTML5.
@ Bumblebee > Avec HTML5 il est en théorie possible de faire des mises page avancée et du stockage hors-ligne, mais je doute qu’au final le produit fini soit plus simple à utiliser qu’une application de magazine numérique, en tout cas pour les e-magazines qui fournissent bcp de contenus multimédias (ex: Wired ou Project). Mais pour un magazine qui se “contente” de textes et images, un framework comme Stanza peut diviser les coûts de production, surtout si le magazine est publié sur différents supports (web, iPad, Android…).
@ Remi > Merci pour ce témoignage. Peut-être que la solution est de faire un compromis sur le nombre de supports visés : Le Saint-Graal (un e-magazine universel accessible sur tous les supports) étant trop complexe, un bon compromis serait de ne cibler que les touchbooks avec un format 9” (ce qui serait déjà mieux qu’une application qui ne cible que l’iPad).