Amazon à l’assaut du segment low-cost avec les nouveaux Kindle

Après des semaines de spéculation, Amazon vient enfin de dévoiler sa nouvelle game de Kindle. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont livré ce à quoi le marché s’attendait : Amazon Kindle, du reader à la tablette, quatre nouveaux modèles pour dominer le marché.

La nouvelle gamme Kindle par Amazon

La nouvelle gamme est très cohérente avec trois nouveaux modèles :

  • Le Kindle, quatrième évolution du ereader de référence ;
  • Le Kindle Touch, une version équipée d’un écran tactile proposée avec et sans 3G ;
  • Le Kindle Fire, une tablette multimédia d’entrée de gamme.

Fidèle à son positionnement initial, le Kindle consolide donc son orientation grand public avec une gamme de prix très attractif : 99$ pour le Touch et 199$ pour le Fire.

Des ereaders plus mûrs pour inonder le marché

Concernant les nouveaux ereaders, je pense ne pas me tromper en disant que cette quatrième itération est la bonne, car la liseuse d’Amazon est à la fois compacte, légère et élégante. Vous pouvez constater les progrès réalisés depuis la première génération sortie en 2007 :

Les quatre générations de Kindle

Ce Kindle est proposé avec des boutons ou une interface tactile et s’aligne ainsi sur le facteur de forme des liseuses concurrentes comme le Kobo Touch. Une gamme de liseuses très convaincantes avec des prix ultracompétitifs : Amazon Announces $99 Kindle Touch, new Kindle for $79. Autant dire qu’avec un appareil d’entrée de gamme à moins de 80$, Amazon a toutes les chances de siphonner le marché.

Le tout nouveau Kindle Touch d'Amazon

Précisons toute de même que les tarifs annoncés sont ceux correspondants à l’offre sponsorisée, donc à une liseuse qui affiche des publicités et un économiseur d’écran sponsorisé. La version sans pub est commercialisée à 109$, ce qui n’est plus tout à fait la même chose… Quand bien même, avec cette nouvelle gamme et les liseuses d’ancienne génération qui seront très certainement bradées, Amazon va encore accroître sa domination du marché.

Pour vous aider à vous y retrouver dans les différentes machines du marché, je vous propose ce tableau comparatif : Comparing E-Readers: Kindles Vs. Nooks Vs. Sony Vs. Kobo.

Une tablette à bas prix pour stimuler les ventes du catalogue d’Amazon

Autre nouveauté particulièrement attendue par le marché, la tablette multimédia baptisée Kindle Fire. Là encore, Amazon livre une tablette d’entrée de gamme que le marché attendait : simple, élégante et à moins de 200$.

Kindle Fire, la nouvelle tablette multimédia de Amazon

À ce prix là, ne vous attendez pas aux mêmes prestations que l’iPad puisque la Kindle Fire ne propose pas de 3G, pas de caméra, pas de micro, pas de gyroscope… Et pourtant, cette tablette reste tout de même très attractive de par sa capacité à lire tout un tas de contenus multimédia :

Un format différenciant, pas vraiment concurrent de l’iPad : Tablets wars: Apple is from Venus, Amazon is from Mars. Le choix d’une machine équipé d’un écran de 7 pouces est une décision éclairée : La tablette d’Amazon est ainsi plus compacte, plus facile à transporter, elle propose plus d’autonomie et elle est moins chère à produire. Regardez bien les différentes vidéos disponibles, et vous verrez tout de suite la différence avec l’IPad (7″ contre 9″) qui fait de la Kindle Fire une tablette réellement mobile. Elle s’insère de plus parfaitement dans la gamme, une logique qui séduit : Amazon Kindle Fire: Tablet Product Strategy Done Right.

Une tablette plus petite que l'iPad

Autre décision futée : masquer le système d’exploitation. Il n’est ainsi à aucun moment fait référence à Android, le système d’exploitation de Google. Il existe de nombreuses explications à ce choix, mais je n’en retiendrais que deux : Android ne fait pas vendre (l’OS de Google ne soutien pas encore la comparaison avec iOS) et Amazon ne souhaite pas partager sa machine, pas du tout.

De ce fait, la Kindle Fire peut pratiquement être considérée comme concurrente des autres tablettes tournant sous Android. Nous nous dirigeons donc vers une configuration de marché tripolaire avec l’iPad, la Kindle Fire et les tablettes Android (en attendant l’arrivée des machines propulsées par Windows 8). Dans tous les cas de figure, même si la Kindle Fire tourne sous Android, le fait d’en gommer toutes traces n’est pas une très bonne nouvelle pour Google (lire à ce sujet : What Did Amazon’s Kindle Fire Just Do To Android? et Amazon’s Kindle Fire: A tablet more dangerous to Android than iPad).

Visiblement la tablette d’Amazon tournerait sur une version modifiée d’Android 2.2, elle permet donc de faire tourner toutes les applications disponibles sur l’Android Store. Le problème est que seul l’Amazon Android Store est accessible depuis la Kindle Fire. Il est donc légitime de se demander ce qui va se passer quand Google va mettre la pression pour favoriser le déploiement d’Android 3.0 : Toutes les applications Android seront-elles compatibles avec la Kindle Fire ? Difficile de le dire pour le moment.

Les applications Android sur le Kindle Fire

Autre choix d’Amazon : Commercialiser la Kindle Fire comme une tablette de consultation de médias. Contrairement à des machines plus puissantes et avec un plus grand écran, la tablette d’Amazon ne semble avoir été conçue que pour accéder aux contenus payants d’Amazon. Certes, le choix est considérable (100.000 films et séries TV, 17 millions de chansons, 1 million de livres, des centaines de magazines et comics…), mais la Kindle Fire semble tout de même plus limitée que ses concurrentes. Un choix visiblement assumé par Amazon qui a privilégié un prix ultra-compétitif plutôt qu’une machine versatile.

Dans la mesure où Amazon ambitionne de vendre entre 3 et 5 millions d’unités avant la fin de l’année, cette nouvelle tablette multimédia est une très bonne nouvelle pour les fournisseurs de contenu et notamment les éditeurs de magazines numériques. Grâce à Amazon, les éditeurs vont pouvoir faire jouer la concurrence auprès d’Apple et de ses conditions de distribution drastiques sur iTunes : For Publishers, The Amazon Kindle Fire Could Be A Much Bigger Business Than The iPad.

La lecture de magazines numériques avec le Kindle Fire

Dernière surprise concoctée par Amazon : le tout nouveau navigateur Silk. Pour résumer une longue explication technique, le navigateur embarqué dans la Kindle Fire ambitionne de révolutionner notre façon de consulter l’internet depuis une tablette grâce à un mode de fonctionnent synchronisé avec la plateforme de cloud computing d’Amazon. Concrètement, quand vous saisissez une URL, vous n’accédez pas directement à internet, mais vous transitez par les serveurs d’Amazon qui vont optimiser et compresser les pages web afin d’en accélérer le chargement.

Cette idée n’est pas neuve puisque le navigateur Opera propose déjà un fonctionnement similaire (Amazon’s Silk Web browser adds new twist to old idea). Par contre, la force de frappe d’Amazon au travers de sa gigantesque plateforme de cloud computing va apporter une nouvelle dimension à ce principe. Avec le navigateur Silk, Amazon devient ainsi un CDN (Content Delivery Network), au même titre qu’Akamai. Je ne suis pas un adepte de la théorie du complot, mais le fait qu’Amazon va mettre l’internet en cache pour vous en livrer une version édulcorée optimisée n’est tout de même pas très rassurantThe Implications of Amazon’s Silk Web Browser.

Certes, Amazon a su gagner la confiance des internautes (moi le premier puisque que je leur ai confié mon N° de CB depuis le siècle dernier), mais je ne peux m’empêcher de penser que sous couvert d’optimiser les temps de chargement, ils sont en train de construire un gigantesque moteur d’analyse comportemental. Essayez d’imaginer la finesse du profilage d’Amazon à partir du moment où ils ont accès à l’historique de tous vos achats, de tous les contenus que vous avez consultés, de tous les sites web que vous avez visités… alors si en prime vous avez synchronisé votre profil Facebook à votre compte Amazon… c’est le pompon !

Plus j’y réfléchis, plus je me dis que cette Kinde Fire n’est en fait qu’un terminal d’accès à l’écosystème d’Amazon. Un écosystème d’une richesse inégalée, mais un écosystème semi-ouvert dont on devine très facilement les contours.

Mais quoi que l’on puisse dire à ce sujet, je n’ai aucun doute sur le fait que cette tablette multimédia commercialisée à moins de 200$ va faire un carton. En six mois, Amazon peut tout à fiat écouler près de 10 millions de machines, car ils vont tout mettre en oeuvre pour faire jouer l’effet de volume : Quel sera l’impact des touchbooks low-cost ?.

Ceci étant dit, il reste de nombreuses questions en suspens :

  • L’intégration d’offres publicitaires ne va-t-elle pas ruiner l’expérience d’utilisation de cette nouvelle tablette ?
  • Le fait de ne pas du tout adresser le marché BtoB ne va-t-il pas limiter les ventes ?
  • Comment Google va-t-il réagir à cette approche biaisée (l’utilisation masquée d’Android) ?

À ce sujet, la sortie de la Kindle Fire est un sacré coup dur pour les autres tablettes : En s’octroyant de force le segment low cost, la tablette d’Amazon condamne les autres constructeurs à se battre sur le segment très risqué du middle market (le haut de gamme étant squatté par l’iPad). C’est en tout cas un sacré défi que Google va devoir relever, notamment avec la Motorola Xoom : Amazon has changed the tablet game: Now Google Has to Offer a $200 Motorola Tablet Too.

J’anticipe un affrontement biblique entre Amazon et Google, à tel point que certaines rumeurs parlent d’un rachat probable de PalmAmazon has Palm in its shopping cart, will it click Buy?. L’objectif de la manoeuvre serait pour Amazon de posséder son propre système d’exploitation (WebOS) pour se libérer de la dépendance à Google et proposer une offre plus différenciante.

Quoi qu’il en soit, tout ceci n’est pour le moment pas très impactant pour le marché français puisque Amazon n’y a pas officiellement mis les pieds. Voilà plusieurs années que les éditeurs français freinent des quatre fers pour retarder l’arrivée du Kindle en France, et l’introduction du Kindle Fire va être d’autant plus compliqué qu’il y a de nombreux formats différents (livre, magazine, films, séries TV, BD…) et donc un plus grand nombre d’ayants droit et industriels à convaincre : Why No Kindle Touch Or Fire For EU, UK?.

De nombreuses rumeurs circulent en ce moment (Un seul modèle de Kindle pour l’Europe ?La Kindle Fire d’Amazon en France, avant Noël ?), mais je suis plutôt pessimiste quant à la capacité d’Amazon de lancer sa plateforme de contenus numériques dans les prochains mois. À moins que… l’arrivée très prochaine d’iOS 5, avec son tout nouveau kiosque numérique, accélère la manoeuvre.

Au final, la nouvelle gamme d’Amazon (e-readers et tablette) sera de toute façon extrêmement bénéfique pour le marché. Non seulement ces nouvelles machines vont stimuler la concurrence, forcer les éditeurs à prendre le virage numérique, mais apporter de nombreuses opportunités aux annonceurs. Je ne me livrerais en aucun cas à un exercice de comparaison entre la Kindle Fire et l’iPad, puisque de toute façon le marché est suffisamment dynamique pour que l’ensemble des acteurs (Apple, Amazon, Google, Samsung, Acer, Asus, Microsoft…) voie leurs ventes augmenter.