De l’intérêt d’avoir un Chief Conversion Officer

Le commerce en ligne marche bien en France, très bien même comme en attestent les derniers chiffres fournis par la FEVAD : Tous les chiffres du bilan du e-commerce au T3 201. Cette croissance constante attire les convoitises et intensifie la pression concurrentielle. Il en résulte la nécessité de maximiser les performances. Vous avez peut-être l’impression que j’enfonce une porte ouverte en disant ça, mais j’ai toujours trouvé que l’on accordait une attention trop importante à l’acquisition de trafic au détriment du taux de transformation.

Certes, une boutique sans visiteur n’a aucune chance de bien fonctionner, mais pourquoi gaspiller de l’argent et de l’énergie à remplir un seau percé ? N’est-il est pas plus important de combler d’abord les trous ? Ceci est d’autant plus vrai que les marges sont traditionnellement très faibles. D’après mes estimations, le taux de transformation moyen se situe entre 2% et 3%. Améliorer le taux de 0,5 ou 1 point aurait un impact immédiat sur le résultat opérationnel.

Or, depuis 15 ans que le commerce en ligne existe, les techniques de réassurance et d’incitation se sont perfectionnées. Il est donc logiquement de plus en plus dur d’améliorer ses performances, d’autant plus qu’il y a d’innombrables paramètres à prendre en compte qui font intervenir de nombreux métiers (technique, design, ergonomie, référencement, marketing, offre, CRM…). D’où l’idée d’avoir une autorité référante dont l’unique but est de maximiser le taux de transformation. L’idée n’est pas de moi, puisque cette fonction existe déjà chez les distributeurs US sous la forme du Chief Conversion Officer. Il y a même une infographie à ce sujet : Infographic: Who’s Your Chief Conversion Officer?.

Le rôle de ce patron de la transformation est de coordonner les différents métiers et de faire tous les arbitrages nécessaires pour améliorer le taux de transformation. Peu importe la méthode (tests A/B, expertise ergonomique, divination…), l’idée est de valoriser avant tout les résultats sans tomber dans le piège du dogmatisme (ex : les liens doivent être soulignés, le bouton d’ajout au panier est à droite…).

Le secret de la réussite est de conférer à ce CCO une autorité incontestable que même le DG ne pourrait pas remettre en question. Si un test démontre qu’un bouton de telle couleur ou une formulation particulière améliore sensiblement la transformation, alors cette modification est appliquée à l’ensemble du site en priorité, quelle que soit la road map informatique.

Pluridisciplinaire, le CCO n’a pas vocation à fournir des recommandations d’évolution, mais à stimuler les uns et les autres pour faire converger les efforts dans une seule direction : l’amélioration du taux de transformation. Cette amélioration passera nécessairement par la recherche de l’excellence dans différents domaines : design, ergonomie, éditorial, référencement… D’où l’intérêt de nommer à ce poste une personne capable de comprendre les métiers des uns et des autres.

Les plus grands sites marchands US comme Staples ou 1-800Flowers ont nommé des Chief Conversion Officers. Ces boutiques ne sont peut-être pas éligibles aux Webby Awards des plus belles réalisations graphiques, mais force est de reconnaitre qu’elles sont d’une redoutable efficacité. Les américains étant plus pragmatiques que les latins, je ne sais pas si la nomination d’un CCO est culturellement envisageable au pays des HEC/X/ENA, mais il ne fait aucun doute que les grands e-commerçants français ont encore des progrès à faire (euphémisme).

Je tiens à préciser que le but de cet article n’est pas de lancer une polémique, mais d’ouvrir une discussion sur l’évolution du modèle organisationnel des e-commerçants. Ayant travaillé pour un certain nombre de grands et petits acteurs dans ce domaine, j’ai été trop souvent témoin des ravages de la désimplication d’employés blasés (“c’est toi le p’tit génie qui doit revoir notre ergonomie pour la dixième fois ? Bon courage mec…..“) et du cloisonnement des métiers (“je me fous de ce que font les autres du moment que ma newsletter part à l’heure” ou “ces cons ils m’ont foutu une bannière qui décale mon bouton sous la limite de visibilité“). Le rôle du CCO serait de pallier à ces dysfonctionnements et de coordonner les efforts.

N’étant pas e-commerçant, je ne mesure qu’en partie les difficultés quotidiennes du métier et je ne suis pas forcément le mieux placé pour donner des conseils. Néanmoins, ma position d’observateur privilégié de nombreux acteurs du commerce en ligne me permet de prendre du recul par rapport à ce quotidien fastidieux et de recommander ce modèle d’organisation où le Chief Conversion Officer jouerait un rôle-clé. Nous sommes bien évidement d’accord sur le fait qu’idéalement, le salaire du CCO serait indexé sur l’amélioration du taux de transformation : pas de de gain de performance =  pas de bonus.

Qu’en pensez-vous ?

9 commentaires sur “De l’intérêt d’avoir un Chief Conversion Officer

  1. Frédéric, Ton analyse est valide et pertinente. Les meilleurs stratèges en e-commerce et retail que je connaisse prennent toujours le sujet par le fil de l’expérience client. Cette approche a le mérite d’être holistique et de pouvoir prendre en compte toutes les barrières possible à la transformation. Les sites de e-commerce aujourd’hui sont un grand catalogue de produits et un panier d’achat. Demain, ces sites seront communautaires et conversationnelles avec des plateformes communautaires (comme Lithium) infusées dans le dispositif de la marque. A Bientôt.

  2. Hé hé hé, je te vois venir Tim, tu vas nous vanter les mérites d’un Chief Social Officier. Tu t’es trompé de blog, il fallait publier ce commentaire sur MediasSociaux.fr ;-)

  3. Fred, la mise en place d’un CCO soulève un autre point : qu’est-ce que la conversion et comment la gérer au sein d’une entreprise ?

    Différents paramètres influent sur la conversion :
    – acquisition du trafic,
    – performance technique du site (bug, vitesse de chargement)
    – moyen de paiement utilisé,
    – disponibilité des produits,
    – animation commerciale mise en place et politique tarifaire,
    – intérêt général des clients pour le produit,
    – design & ergonomie.

    En nommant un CCO selon ta définition, une entreprise met en place une personne avec une visibilité sur l’ensemble des processus de l’entreprise liés au ecommerce.

    On pourrait se dire que c’est finalement la mission de tout ecommerçant qui se respecte.

    La conversion n’est à mon sens pas un objectif en soit mais un indicateur qui reflète la politique commerciale de la société.

    Les marques de luxe, par exemple, ont traditionnellement un taux de conversion bas. Le coût d’acquisition est certes plus élevé, mais il est compensé par des marges plus confortables.

    Les retailers ont plutôt tendance à avoir des taux de conversion plus haut mais leurs sont marges plus réduites.

    Enfin avec l’avènement du cross canal, il faudra probablement réfléchir en matière de trafic on et off, rendant la notion du calcul de conversion encore plus complexe…

    De fait, si on suit ton raisonnement initial, et si dans un cadre de brain storming auquel se prête bien cet article, ne serait-il pas intéressant de nommer un Customer Acquisition Cost Chief Officer ?

    PS- Ya tempête de cerveaux pour un vendredi…:)

  4. Hum… performances, disponibilité et moyens de paiement sont des paramètres qui peuvent être pris en charge par d’autres personnes. L’intérêt d’un CCO est d’avoir autorité sur des paramètres qui peuvent être rapidement modifiés, notamment lors de tests A/B ou multivariantes.

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