La nouvelle est tombée comme une bombe en début de semaine : Google va débourser un montant record pour acheter Nest, la startup qui commercialise les célèbres thermostats et détecteurs de fumée connectés : Google to acquire connected home device maker Nest for $3.2B. Je ne sais pas pour vous, mais je trouve personnellement que c’est un TRÈS gros chèque. D’aucuns pourront dire que cette opération est largement surévaluée, surtout pour une petite startup qui ne vend “que” des gadgets connectés (Here’s What The $3.2 Billion Nest Thermostat Actually Does).
De nombreuses raisons ont été avancées pour expliquer le montant très élevé de la transaction. Le fondateur invoque la possibilité d’accélérer leur développement à l’international (Nest’s CEO Tony Fadell explains why he teamed up with Google: it’s about infrastructure), d’autres parlent de transfert de compétences (Nest can teach Google to make hardware, Google can help Nest go fast), mais il s’agit vraisemblablement d’une manoeuvre défensive pour éviter que cette stratup parte à la concurrence (Nest Gives Google A Head Start On The Future Of Hardware). Et comme c’est toujours le cas, nous avons également droit au sempiternel débat autour de la confidentialité et du respect de la vie privée (When Google closes the Nest deal, privacy issues for the internet of things will hit the big time).
J’ai même vu des articles faisant le rapprochement avec l’acquisition récente de Boston Dynamics… Heureusement que certains ont une réflexion plus constructive (Minimizing Risk Is Easy: Adopt a Bill of Rights).
Bref, tout ça pour dire qu’après quelques années d’échauffement, cette acquisition marque le début de la course à l’internet des objets par les géants du web, et plus généralement de l’IT. Vous noterez par ailleurs que ce n’est pas la première incursion de Google dans ce domaine puisqu’ils commercialisent déjà (à grande peine) le Nexus Q et qu’ils se sont enlisés avec Android@Home et PowerMeter.
Un marché déjà bien encombré
Croyez ou non, mais l’internet des objets est un secteur particulièrement compétitif où de nombreux industriels se livrent une bataille acharnée. Si l’on se contente d’étudier les objets connectés pour le grand public, les volumes sont pour le moment anecdotiques. Mais si l’on élargit le spectre, là c’est tout de suite autre chose. L’IDATE vient de publier à ce sujet la 6e édition de son étude (M2M : The Machine-to-Machine Market, 2013-2017) où l’on apprend le marché des objets connectés représente un volume de 175 M d’unités pour un C.A. de 24,2 MM d’€. Le tout avec de très belles perspectives de croissance.
Le problème de ces études est qu’aucune ne repose sur un référentiel commun. Comprenez par là que le périmètre de ces études varie. Il existe de nombreuses définitions de ce qu’est vraiment l’internet des objets (Defining The The Internet Of Things). Celle de Wikipedia est un peu complexe à mon goût : “un réseau de réseaux qui permet, via des systèmes d’identification électronique normalisés et unifiés, et des dispositifs mobiles sans fil, d’identifier directement et sans ambiguïté des entités numériques et des objets physiques et ainsi de pouvoir récupérer, stocker, transférer et traiter, sans discontinuité entre les mondes physiques et virtuels, les données s’y rattachant“. Pour simplifier, je vous propose cette définition : les objets connectés sont des objets du quotidien capables de se connecter à l’internet pour capter et diffuser des données ou exécuter des fonctions simples à distance. Vous noterez que cette définition englobe les objets pour le grand public et ceux pour le secteur industriel, que la connexion à l’internet peut se faire de façon directe ou indirecte (à travers un smarpthone, une borne ou une technologie propriétaire).
Plusieurs domaines d’application sont concernés par les objets connectés :
- L’industrie avec d’innombrables capteurs et machines intelligentes ;
- La santé (I’ve Seen The Future Of Health Tech And It’s Going To Improve Your Life In 2014) ;
- La maison (avec de nombreuses initiatives chez LG, Archos, Belkin, Revolv… (cf. Big box retailers make a big bet on the connected home at CES) ;
- L’automobile où Google s’est déjà positionné (Google launches the Android-based Open Automotive Alliance with Audi, Honda, GM, and more) ;
- L’habillement (Les domaines d’application des vêtements connectés)…
D’une certaine manière, après l’avènement du Software-as-a-Service, et des Infrastructure-as-a-Service, nous entrons dans l’ère du Device-and-a-Service. Comprenez par là que les fabricants vont pouvoir augmenter considérablement la valeur d’usage de leurs produits en les dotant de capteurs et fonctions avancées et en fournissant le service qui va avec. L’exemple de la raquette connectée de Babolat Play est pour moi très représentatif :
Sur ce créneau, les entreprises françaises sont particulièrement bien placées :
- Le pionnier Withings avec sa balance, son tensiomètre et son analyseur de sommeil ;
- Parrot avec son capteur pour plantes ;
- Netatmo avec son thermostat, sa station météo et son bracelet anti-UV ;
- Sen.se avec sa station Mother et ses traceurs cookies ;
- Kolibree et sa brosse à dents électronique…
Bref, le secteur est en ébullition, et la french touch plaît au monde entier. Reste maintenant à savoir si ses startups sauront résister au rouleau compresseur de Google…
Les défis que Google devra relever
En mettant la main sur Nest, Google récupère donc une marque solide et une base d’utilisateurs déjà bien remplie (on parle de centaines de milliers d’unités déjà vendues). Ceci étant dit, outre la question de la confidentialité, Google devra relever de nombreux défis pour pouvoir s’imposer sur l’internet des objets :
- Faire adopter un système d’exploitation universel. Android est naturellement l’OS qui vient à l’esprit, mais est-ce bien raisonnable de vouloir faire rentrer un OS mobile aussi sophistiqué dans une brosse à dents ou une fourchette ? Tout le monde s’accorde à dire que le système d’exploitation de l’internet des objets n’a pas encore été identifié. Intel mise sur une version épurée de Linux et un System-on-a-Chip optimisé (Intel’s Vision: Wearables Everywhere In A Post-Windows World), tandis que Qualcomm concentre ses efforts sur un protocole de communication (Qualcomm’s decidedly different plan to connect your devices to the internet of things). En tout les enjeux semblent très importants (“L’entreprise qui créera l’OS de l’IoT aura un potentiel infiniment plus large que les Androïd et iOS“) et le problème est lion d’être réglé (La bataille des standards nuit-elle à l’adoption de l’internet des objets).
- Localiser et indexer les différents objets. Il semble tout naturel que Google se charge de référencer lui-même les multitudes d’objets ainsi que les services qu’ils rendent, mais c’est plutôt son grand rival qui semble s’en charger (Wolfram’s Connected Devices Project starts to catalog all electronics for the Internet of Things).
- Déployer des services à grande échelle. Si Google semble avoir pris une longueur d’avance sur la niche des équipements pour le foyer, il va lui falloir du temps pour équiper individuellement toute la population. Des chantiers comme les usines intelligentes, les écoles ou les villes connectées semblent être bien plus prometteurs (ou rentables, à vous de choisir). IBM bénéficie déjà d’une bonne notoriété avec son programme Smarter Cities.
Comme vous pouvez le constater, ceux qui sont le plus en avance sur les “vrais” sujets ne sont pas forcément ceux dont on parle le plus. Dommage, car en payant le prix fort pour Nest, Google n’est-il pas en train de s’accaparer un territoire de marque pour pouvoir déployer par la suite de nouveaux services ou faire de nouvelles acquisitions ?
Toujours est-il que l’année démarre en fanfare pour l’internet des objets et que la suite des événements va être assurément passionnante !
Un commentaire sur “Google se lance dans la course à l’Internet des objets avec le rachat de Nest”
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