De l’intérêt de ne pas façonner la génération Y

La génération Y, vous connaissez ? Mais si enfin, ces jeunes qui sont nés avec internet et qui sont multi-tâches.

“Nés avec Internet” ? Oui et alors ? Partant du principe qu’ils n’ont pas eu accès à un ordinateur connecté au web avant l’âge de 10 ou 15 ans, sont-ils nécessairement plus expérimentés que les autres (les vieux) qui manipulent l’outil informatique depuis 20 ou 30 ans ?

“Multi-tâches” ? OK soit, mais cette faculté est-elle réellement générationnelle ? Je dis ça parce que quand j’étais ado moi aussi j’étais multi-tâches : j’écoutais de la musique en surveillant la télé du coin de l’œil tout en lisant une BD et en discutant avec un pote au téléphone. Maintenant je ne le fais plus parce que je trouve ça assommant et je préfère apprécier individuellement chacun de ces loisirs. Je suis près à parier gros que les djeunz de la génération Y ne seront plus si multi-tâches quand ils approcheront de la quarantaine.

Pourquoi est-ce que je vous raconte ça ? Tout simplement parce que ça commence vraiment à me chauffer les oreilles que l’on nous rabâche sans cesse les mêmes clichés sur la génération Y. Non pas que les jeunes de la génération Y ne correspondent pas à un vague stéréotype mais plutôt qu’une fois que ces comportements-types ont été énoncés que reste-t-il ? Juste un animal étrange dont on ne sait pas trop quoi faire, justement parce qu’ils nous ont été présentés comme très différents (aussi bien dans leurs attentes que dans leur comportement).

Mais le sont-ils réellement (différents) ? Je ne suis pas certain. Et c’est là l’effet pernicieux des discours autour de “l’intégration” de la génération Y : faut-il réellement les intégrer ? Non je ne pense pas. Ça serait là justement le meilleur moyen de gâcher le potentiel disruptif qui sommeille en eux. “Qui sommeille” ? Oui car l’arrivée en entreprise est un gros choc culturel et qu’il est très facile de gommer ces fameuses différences et de les faire renter dans le moule (Lotus Notes, MS Project, réunion du lundi matin, respect de la chaine de commandement et de la hiérarchie…).

Mais c’est là tout l’enjeu de cette “non-intégration” : ne pas les façonner à la sacro-sainte culture d’entreprise mais exploiter plutôt leur candeur pour remettre en cause l’existant et trouver des pistes d’amélioration dans des directions que les plus anciens n’osent plus emprunter. Les américains appellent ça “thinking outside the box“, et nous allons en avoir dramatiquement besoin car les entreprise françaises ne sont pas un modèle de compétitivité dans le monde.

Bien évidement cet apprentissage se fera dans les deux sens : Les anciens partageront avec les nouveaux leur expertise sur le métier et le marché, les plus jeunes les initieront à de nouveaux modes de communication et d’interaction.

Est-ce utopique de penser ça ? Peut-être… en tout cas je reste persuadé que ce sont dans les modèles organisationnels et les rapports entre collaborateurs que résident les plus gros potentiels d’amélioration de la compétitivité et de la créativité. Oui nous aurons besoin des wikis, des espaces collaboratifs en ligne, des outils de partage en temps réel, des fermes de blogs internes… mais tout ceci ne pourra se faire qu’en changeant les mentalités. Ça tombe bien, il parait que 40% de la main d’œuvre en France (les papy boomers) vont partir à la retraite dans les 10 prochaines années, ça serait dommage de ne pas profiter de l’occasion.

14 commentaires sur “De l’intérêt de ne pas façonner la génération Y

  1. La génération Y, elle est bien multitâche mais dans les entreprises ell est aussi maxi absente et la c’est un ex “DRH” qui te parle alors pour booster la compétitivité des entreprises il faut malheureusement encore compter sur les “vieux” car les jeuns manquent profondément d’assiduité.

    C’est en tous cas pas comme ca qu’ils provoqueront un ras de marée générationnel.

  2. En grande partie d’accord avec cette analyse. Pourquoi prendre des profils différents si c’est pour les faire rentrer dans le moule. D’ailleurs souvent les boîtes cherchent des profils atypiques pour au final les formater : quel intérêt ?

    Et en effet, cela passe surtout par le lien entre les générations, surtout avec la génération X qui est le principal relais dans l’entreprise sur ces nouvelles formes d’organisation. Si cela intéresse quelqu’un, voilà un article sur ce sujet : Entreprise 2.0 : la génération Y n’a pas encore enterré la génération X (http://poncier.org/blog/?p=524)

  3. Je partage votre angle de vue. Faire entrer les idées et pratiques nouvelles dans le moule éculé ne me paraît pas être la meilleure façon d’évoluer. Je crois que les Y ont à progresser en terme d’engagement dans l’entreprise, ce qui viendra certainement avec la maturité et les responsabilités. Je crois également que leur vision de l’entreprise peut aider à mettre davantage de lien et de réactivité dans nos organisations.

    @Barre : pour la Y que je suis, l’absentéisme est une conséquence de la démotivation et non une caractéristique intrinsèque.

  4. Je partage votre point de vu.
    Ils ont d’autres formes d’éparpillement que nous et en effet présentent des gros manques dans leurs bases (faute aussi de l’enseignement) et leurs manque de persévérance .

  5. Je ne sais pas si je suis d’accord avec tout ce qui a été dit, mon commentaire serait plus de l’ordre du témoignage et ou un point de vu de la génération Y.

    Multi-tâches n’est pas forcément gage d’efficacité sur du court terme, mais la capacité de switcher de projet plus rapidement ce qui apporte une dynamique intéressante pour certain projet.

    Actuellement j’ai l’impression qu’on forme la génération Y, non pas à des tâches bien précise, mais à un ensemble de méthodes qui permettent d’apprendre à réaliser des tâches. Du coup, ces méthodes très intéressantes qui sont vecteurs de performances, ne sont pas ou peu ou encore mal utilisés dans l’entreprise, ce qui trouble profondément la génération Y, mais aussi la génération X qui peut alors entrer en conflit.

    D’autre part j’ai l’impression que cette génération souffre dans le monde de l’entreprise :
    – Elle a le rôle de dépanneur, conseils : “tiens le petit jeune il doit bien connaître çà …”. Position pas toujours facile à gérer.
    – La confrontation dans le monde de l’entreprise qui travaille avec une inertie énorme, empêche la nouvelle génération à agir rapidement, les marges de manœuvre sont très frustrantes.

    En résumé, quand çà arrange la génération X, on l’écoute (dépanneur) ou alors on ne tient pas compte de son avis (trop jeune, il connait pas le métier).

    Pour ma part, je ne pense pas manquer d’engagement ni de persévérance, mais à force d’être oublié, la motivation s’amenuise…

    En bref, je pense que des efforts doivent être concédés de la part des deux générations, mais j’ai l’impression que tout ceci va se faire tranquillement au fil du temps.

  6. @ Barre @ Gryka > Attention à ne pas tomber dans le troll !

    Matplane > “[La génération Y] a le rôle de dépanneur” = tout à fait, c’était comme ça quand j’ai intégré le monde de l’entreprise, ils étaient bien contents que je réussisse à faire fonctionner le rétroprojecteur mais me rigolaient au nez quand il s’agissait de tâches plus impliquantes.

    /Fred

  7. D’accord pour une intégration qui préserve les spécificités /atouts de cette nouvelle génération.

    “une fois que ces comportements-types ont été énoncés que reste-t-il ?”

    –> Tout reste à faire. Sensibiliser aux différences n’est que la première étape du changement. Derrière il faut mettre en place des politiques RH, revoir l’organisation du travail, etc.

    @Barre : que vous le déploriez ou non, le “ras de marée générationnel” aura lieu car il est lié à la mécanique démographique. Les Y représenteront près de 50% des actifs dans cinq ans

    @Gryca : bien d’accord, les jeunes c’est plus ce que c’était. En fait c’était mieux avant : le respect de l’autorité, la religion, tout fout le camp ma bonne dame ;-)

  8. Concernant le commentaire @Barre, et étant moi-même de la génération Y, je suis malheureusement assez d’accord concernant le manque d’assiduité.

    Pour notre défense, il y a cependant de nombreuses raisons à cela: les profils génération Y sont souvent recrutés de part leur connaissance des nouveaux médias et principes de collaboration. Cependant, de manière très fréquente, dés que nous souhaitons intervenir auprès des différents départements, l’on nous regarde souvent comme “qu’est ce qu il veut ce petit jeune? M apprendre mon boulot? Je le fais depuis 20 ans…”. Alors même que l’objectif est d’améliorer la situation existante, et non pas remettre en cause les compétences des personnes concernées.

    De nombreuses entreprises “en silo” n’ont pas de structures ouvertes à l’échange et / ou la collaboration et privilégient la compétition entre les collaborateurs. Alors même que nous sommes considérés comme des “ovnis”, très peu de moyens sont alloués et nos compétences souvent dénigrées en raison de notre jeune age. “Tout le monde parle des médias sociaux, prenons un petit jeune et voyons ce qu il va nous pondre”.

    Certes, nous avons beaucoup à apprendre en terme de process mais très souvent, comme souligné par @Karine A, il nous est vendu du rêve pour finalement terminer dans une structure tout ce qu il y a de classique sans réelle envie de changement.

    Faire d’une entreprise une société ouverte à l’échange, la critique et la co-création avec ses clients passe d’abord par un changement profond au sein de l’entreprise, en commencant par une réelle volonté de la part du management. Si cela n’est pas le cas, il est alors tout a fait normal que la génération Y se démotive face aux barrières qui lui font face et les stéréotypes du genre “depanneurs” comme souligné par @matplane.

    Ces sujets ont déjà été traité par @Frédéric

  9. Bonjour,

    Je suis moi-même de la génération Y ou Gen « Why » Alors, puisque je demande souvent « pourquoi » je voudrais savoir :

    Pourquoi, Monsieur BARRE, jugez-vous les jeunes de demain absents ? Étant ancien DRH et donc recruteur, cela veut-il dire qu’à chaque entretien que vous avez passé avec un jeune de moins de 25 ans, vous vous êtes dit : « Voilà encore un jeune « absent ». Mon petit, tu ne vas rien m’apprendre à moi. Alors regardes le « vieux » et tâches de faire comme lui… » Alors oui, dans ce cas, je préfère être absent que d’entendre ça… Nous sommes conscients de nos lacunes de juniors. Mais toute personne est un jour débutante (sport, vie active, sexe, etc). Nous avons tous envie de faire évoluer les entreprises qui nous embaucheront vers plus de compétitivité. A titre personnel, aspirant à devenir chargé de communication interne et spécialisé dans les Intranets, je ne mettrai pas en place des outils 2.0 parce que j’ai grandit avec et que je sais m’en servir. Je suis pour ces outils car je pense qu’ils permettent de créer des synergies, de fédérer les salariés, de stimuler l’innovation, de gagner en efficacité. Et, je sais aussi qu’ils doivent être mis en place progressivement avec beaucoup d’accompagnement…
    Mais dans le fond, je pense que la plupart des entreprises et des personnes ont, peur du changement. Et si l’on parle autant de cette génération, de mon point de vue, c’est aussi parce qu’on a peur des révolutions qu’elle pourrait orchestrer. Mais, si révolutions il y a, elles se feront dans le sens de l’histoire, donc de la compétitivité.

    Pourquoi ne pas nous laisser évoluer et attendre de voir ce qu’on va pouvoir apporter…

    Cordialement,

    Un jeune diplomé
    http://tete2com.com/marc-bramoulle/

  10. Bonjour,

    Je suis assez d’accord avec la conclusion de Antoine Grillon : le problème ne se situe pas au niveau des générations de personnes principalement, mais du modèle d’organisation des entreprises.

    Développeur et responsable produit chez un éditeur, je suis allé voir quelques conférences mardi sur les méthodes agile (merci au club agile Rhône Alpes pour cet événement très utile !), et j’ai été frappé de constater (plusieurs retours d’expériences, échanges avec les participants) que même dans un contexte qui s’y prête on a encore un grand chemin à faire en terme d’organisation pour oublier un peu le vertical à tout prix, faire circuler l’information, remonter les innovations et bonnes idées, prendre des décisions plus rapidement et avec une meilleure connaissance.

    Bref, nous sommes face à de nouveaux outils, de nouvelles méthodes. Ceux qui les apporte dans l’entreprise sont souvent des jeunes diplomés, qui ont pu voir à l’école tout cela et ont pu le mettre en pratique (d’un point de vue développement d’ailleurs, cela fait très plaisir car c’est une meilleure prise en compte de la qualité – c’est bien une partie du sujet – dans les formations !!)

  11. Bonjour,

    J’ai une fille de 13 ans et elle n’a pas attendu d’avoir 10 ans pour utiliser l’ordinateur. Sa relation à l’electronique est spectaculaire.

    Un exemple : sa culture musicale. A 13 ans elle connait plus de choses que je n’en connaissais à 20 ans. Elle est capable de dater un enregistrement à partir du son de batterie.

    Internet a permis une diffusion fulgurante du savoir et de l’information. Gonzales répondait disait ainsi à Manu Katché dans son emission “Les jeunes n’ecoutent plus la musique avec le coeur mais avec la tete”. En raison de leur culture encyclopédique sur le sujet, culture alimentée par Internet.

    A dela de ca, les Gen Y ont des principes qui sont tout à fait différents des nôtres. J’en parle ici : http://ceciiil.wordpress.com/2009/11/14/digital-natives-vs-corporate-b-s/

    Je me suis aussi intéressé au cas 37Signals qui me semble tout à fait symptomatique d’une approche Gen Y : http://ceciiil.wordpress.com/2009/12/14/37-signals-digital-natives-leadership-in-action/

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