Alors que la date de sortie officielle de l’iPad a été annoncée au 3 avril prochain et que de sérieux concurrents commencent à pointer le bout de leur nez (HP Slate, Dell Streak…), nous sommes toujours dans l’expectative pour savoir quel type de contenu va faire mouche sur les touchbooks. Après avoir tourné le problème dans ma tête de nombreuses fois, j’en viens à la conclusion que les contenus réellement adaptés aux touchbooks ne sont pas encore là, mais que nous n’en sommes pas très loin. Plusieurs expérimentations me laissent en effet penser que la solution se trouve dans un format hybride à mi-chemin entre web-documentaire, livre / BD enrichis et jeux narratifs. Encore faudra-t-il résoudre le casse-tête du format et de la distribution, mais nous reviendrons là-dessus plus tard.
J’ai déjà eu l’occasion de vous parler des web-documentaires, ces documentaires morcelés en chapitres librement accessibles mélangeant du texte, des photos, de la vidéo… Après en avoir consulter plus d’un, force est de constater que l’on n’est pas très bien installé sr une chaise en face de son écran. Par contre, visionné sur un touchbook dans votre canapé favori, l’expérience est autrement plus intéressante. Imaginez ainsi ce que pourrait donner un contenu comme Afrique : 50 ans d’indépendance…
Le niveau d’interactivité est parfaitement adapté à ce que l’on peut faire sans trop d’effort sur un écran tactile : Choisir un chapitre, cliquer pour lire un texte complémentaire, laisser un commentaire…
Il y a ensuite le cas des bandes dessinées qui pourraient tout à fait être adaptées sur les touchbooks. Nous avons déjà des start-up qui se positionnent sur le créneau comme Graphic.ly ou Panelfly mais je ne suis pas certain qu’ils prennent la bonne direction. Je suis ainsi bine plus conquis par ce que propose les Humanoïdes associés avec le portage sur Megalex sur iPhone.
Au final nous nous retrouvons avec une vidéo, mais l’expérience est tout à fait convaincante : Le fait de remplacer les bulles par des bruitages et voix d’acteurs ainsi que les effet de traveling sur les cases procurent un sentiment d’immersion tout à fait saisissant.
C’est d’ailleurs rigoureusement le même procédé qui est utilisé pour N, la BD vidéo de Stephen King :
C’est bien une vidéo “toute bête” qui est utilisée, mais avec un peu d’imagination on se dit que ça ne devrait pas être très compliqué de faire ça en Flash qui à la base est fiat pour ça (de l’animation vectorielle). Du Flash sur l’iPad ? Mais oui bien sûr puisqu’il existe maintenant la possibilité de compiler un contenu Flash pour en faire une application iPhone, le recours à Flash ne semble plus être un problème.
Nous pourrions même envisager des choses encore plus poussées avec la possibilité d’interagir avec le contenu comme nous le présente l’éditeur Penguin sur cette vidéo (cf. How Penguin Will Reinvent Books With iPad) :
L’idée est de transformer le lecteur en… lecteur actif ? Acteur ? Gribouilleur ? Je ne sais pas trop quel terme utilisé mais nous sommes bien dans un cas de figure unique où les enfants peuvent interagir directement sur le contenu (c’est d’ailleurs tout l’intérêt de ce type d’ouvrage) :
Nous quittons ici le domaine de l’édition pour rentrer sur le territoire des jeux. Et ça tombe bien car l’actualité nous fournit un très bon exemple avec Heavy Rain, un jeu vidéo narratif développé par un studio français (cocorico !) :
Ici il n’est pas tant question d’action ou de dextérité à la manette mais plutôt de suivre une histoire conditionnée par vos choix (qui jalonnent la narration) et agrémenter parfois de Quick Time Events pour maintenir votre attention. Pour le moment ce titre n’est disponible que pour la PS3, un monstre de puissance, mais n’oublions pas que l’iPad (out comme l’iPhone) a des composants techniques suffisamment puissant pour faire tourner de la 3D dans de très bonnes conditions sans avoir besoin de sortir un rendu Full-HD.
J’imagine tout à fait ce type de titre envahir les touchbooks car parfaitement adaptés au contrat d’interaction que proposent les tablettes tactiles : Visionnage en plein écran et quelques clics de temps à autre. Il en va de même pour les jeux de stratégie ou de plateau qui font fureur sur l’iPhone (de type Tower Defense) qui pourraient trouver dans l’iPad un second souffle pour des projets plus ambitieux : Ngmoco hopes to rule with new mobile games.
Tout ceci est très encourageant et la solution semble donc bien se trouver dans de nouveaux formats hybrides. Mais il reste à régler deux problèmes : Tout d’abord le circuit de distribution qui est plutôt rigide chez Apple (euphémisme) et qui ne favorise pas forcément les petits éditeurs (cf. Is Content King? Then Distribution Is Crown Prince). Ensuite le format car s’il semble y avoir consensus pour les ebooks avec le format ePub (cf. Web Standards for E-books), pour les touchbooks ça va être beaucoup plus compliqué car les contenus sont loin d’être figés. Et c’est d’ailleurs tout l’intérêt de ces machines : Pouvoir proposer un éventail beaucoup plus riche de possibilités en mélangeant des images, du son, de la vidéo, du texte, des animations…
Flash a su s’imposer comme standard de facto pour les contenus rich media du web, en sera-t-il de même pour les contenus des touchbooks ? Difficile à dire pour le moment dans la mesure où le marché a toutes les chances d’être très largement dominé par l’iPad et que les rapports sont très tendus entre Adobe et Apple. Je ne vois pas bien comment la situation pourrait se débloquer dans les prochaines semaines… si ce n’est avec le rachat d’Adobe par Apple. L’idée vous semble farfelue ? Réfléchissez-y à deux fois, et pour vous aider, je vous propose cette lecture : 7 Reasons For Apple To Acquire Adobe et Why Apple Should Buy Adobe.
Je suis persuadé que l’arrivée effective de l’iPad sur le marché va faire se précipiter les choses. Plus que quelques jours à attendre…
“Mais oui bien sûr puisqu’il existe maintenant la possibilité de compiler un contenu Flash pour en faire une application iPhone, le recours à Flash ne semble plus être un problème.”
Au contraire : Apple a déjà retiré arbitrairement des applications du App Store, ils n’hésiteraient pas à enlever celles conçues via Flash si le phénomène prenait de l’ampleur. D’autant plus que les derniers bannissements tendent à prouver que Apple vise les applications de moindre qualité (genre wrap de site Web sans fonctionnalité supplémentaire). Les applications conçues via Flash tombent très généralement dans cette catégorie.
“L’idée vous semble farfelue ?”
Non, stupide. 12 arguments sur 14 sont des souhaits de fans déconnectés de la réalité (APPL3’s Steeve Jabs va réparé Photoshop, LOL). Il y a par contre de solides arguments contre : grosses redondances dans le portfolio logiciel, technologies “legacy” que déteste Apple et aversion réciproque.
Enfin “Après avoir tourné le problème dans ma tête de nombreuses fois, j’en viens à la conclusion que les contenus réellement adaptés aux touchbooks ne sont pas encore là”
Et genre le Web ? Ce que nous voudrions en tant que technophile ≠ ce qui est suffisant pour vendre des “touchbooks”.
@ Cobalt > Je vais préciser ma pensée concernant Flash et l’iPad : La barrière technologique est à peu près levée car il est possible de compiler du flash en format natif iPhone / iPad. Reste encore deux autres barrières : Les performances (surtout la consommation d’énergie) et la distribution (Apple pratiquant en effet une forme de censure). Chaque chose en son temps, la techno étant un pré-requis indispensable.
Concernant Apple / Adobe, je pense qu’il faut voir au delà des produits stars de chacune de ces marques pour observer plutôt la façon dont elles sont en train de modifier leur positionnement ou du moins de chercher à diversifier leurs sources de revenus.
Pour ce qui est du surf sur l’iPad, je répète ce que j’ai déjà dit dans un autre article : L’iPad ne permettra d’accéder qu’à un sous-ensemble du web (sans Flash) et dans des conditions diminuées (pas de souris donc pas de roll-over…). Donc non le surf n’est pas l’application phare de l’iPad (au contraire).
Terminons en précisant également qu’il y a d’autres touchbooks que l’iPad avec des positionnements différents (cf. le Dell Streak, plus petit) et des modalités d’interaction différentes (cf. Le Courier de Microsoft avec ces deux écrans).
/Fred
Les pistes citées dans ton article sont intéressantes.
@cobalt: ok pour dire que l’attrait du net permettra de vendre la première fournée de “touchbooks” mais le format “navigateur, souris, clavier” actuel est insuffisant pour installer cette techno dans la durée.
L’effort d’anticipation de cet article va dans le bon sens…
Merci pour vos éclairage.
Je me suis mal exprimé : la barrière “technologique” est levée, mais c’était la plus facile/une question de temps. Je suis prêt à parier en revanche que la barrière “censure Apple” elle ne tombera pas, ni cette année, ni celle d’après, ni la suivante etc. sauf contrainte juridique. Rien qui ne se fasse d’ici une grosse paire d’années en tout cas.
Apple/Adobe : toujours pas d’accord, on peut prendre le problème dans tout les sens, ça n’est pas cette année que le rachat se fera (allez, on parie une bière que ce ne sera pas dans les 5 prochaines années même ?).
Le Web est l’application phare de l’iPad, comme ça a été celle de l’iPhone. Vous parlez de “sous-ensemble du Web” : là encore, c’est vrai, mais pour les technophiles, pas pour la cible visée. Ergo pour les gens qui achèterons l’iPad, le Web sera une application phare.
Enfin il est prématuré de parler du Streak et du Courier : que ça fait longtemps que Dell n’a pas réussi un produit mobile (Digital Jukebox, Axim, Mini 3) et le Courier n’est même pas encore un prototype, c’est un brave rendu 3D. Les dernières “modalités d’interaction différentes” tactiles de Microsoft (genre Surface) n’ont pas vraiment eu d’influence sur quoi que ce soit.
Le CrunchPad va sûrement nous tirer de là :D
Oh Merci Fred pour le p’tit clin d’œil à l’Afrique.
Je pense qu’il faut relativiser les éventuels usages des touchbooks selon les continents. Ici (en Afrique de l’ouest particulièrement) les touchbooks seront dès leur sortie des terminaux en vogue pour frimer. Dis mon pote, t’as vu? J’ai le dernier gadget qui fait mal en Occident.
On l’a vu lorsque les netbooks sont apparus, les consommateurs ont eu tort de croire que ces terminaux étaient des super ordinateurs miniaturisés. Hélas! La désillusion.
Malgré toutes les initiatives, l’accès à Internet pour tous est loin d’être une réalité en Afrique. Si les usages sont essentiellement centrés sur le net “web-documentaire, livre / BD enrichis et jeux narratifs”…alors l’iPad et toutes les tablettes tactiles du genre ne trouveront pas beaucoup de preneurs dans bon nombre de pays africains.
Bonjour,
Je trouve cet article super intéressant, je vois bien que la tendance est de penser son site comme une application multitouch. De très beaux exemples.
Julien
Le sujet m’intéresse depuis pas mal de temps et rejoint aussi le livre numérique. Les médias parlent souvent du gadget du support mais peu du contenu. Pourtant tout est là ou presque.
Même du texte enrichi, indexé, pourrai faciliter la vie de certains étudiants.
Pour ce qui est du côté BD ou film interactif, on peut déjà espérer que les “mobisodes” (épisodes au format) se généralisent un peu. Pour le reste, je crois qu’on est en plein dans le domaine du jeu video avec Heavy Rain, Farenheit, etc. mais aussi finalement les RPG sauce japonaise où l’on vit avant tout une aventure comme dans un dessin animé (voyez le très bon Infinite Space sur Nintendo Ds qui vient de sortir). A+