Décryptage des nouveaux nouveaux médias numériques

À une époque pas si lointaine, les médias numériques (portails…) étaient considérés comme la relève des médias traditionnels. Puis il y a eu la vague des médias sociaux ; et après elle, celle des applications sociales. Nous avons alors commencé à voir émerger des productions natives des médias sociaux et des smartphones (ex : Brut), les nouveaux médias numériques. Avec l’avènement de TikTok, la montée en puissance des modèles génératifs et l’émergence du métavers, nous parlons maintenant de nouveaux nouveaux médias numériques. L’occasion de faire un point d’étape et de décortiquer les tendances et scénarios d’évolution des contenus numériques.

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Un meta-média pour les dominer tous

La semaine dernière, Nielsen a publié les derniers chiffres d’analyse de l’audience de la TV aux US : La consommation de télévision traditionnelle passée au crible. Cette étude met en valeur une inquiétante chute de la consommation TV chez les plus jeunes qui illustre le vieillissement de l’audience.

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Vous pourriez me dire que ces statistiques concernent le marché US, mais nous avons des signaux qui nous prouvent que les choses sont également en train de bouger en France : Les Français préfèrent le smartphone à la télé. La dure réalité est que nous sommes en train de vivre une mutation profonde du paysage média, phénomène que j’avais déjà abordé l’année dernière (Personne n’échappera à l’uberisation des médias), qui va avoir des répercutions très importantes sur le marché publicitaire.

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Personne n’échappera à l’uberisation des médias

Si je devais choisir LE buzzword de l’année 2015, ça serait sans hésitation “uberisation”. la transformation digitale est effectivement un thème qui a fait couler beaucoup d’encre, quoi que dans l’absolu, ça a commencé il y a 25 ans avec le Minitel, mais nous ne sommes pas là pour en débattre. De nombreux secteurs d’activité se sont fait uberiser : la distribution (avec Amazon ou Etsy), la musique (avec Apple ou Spotify), les transports (avec Uber ou Tesla), l’hébergement (avec AirBnB ou Booking)… Tous ces exemples ont déjà été traités, nous n’y reviendrons pas (cf. Des barbares numériques aux nouveaux maîtres du monde). Il y a en revanche un secteur dont on parle assez peu, mais qui subit de plein fouet la transformation digitale, c’est celui des médias. La télévision est en train de faire sa mue (notamment sous l’impulsion de YouTube ou Netflix), la radio est pour le moment à peu près à l’abri (malgré un regain d’intérêt pour les podcasts), le cinéma se pose beaucoup de questions au sujet de la réalité virtuelle (Inside “The bunker”: Twentieth Century Fox’s futuristic VR innovation lab), et la presse s’enlise. C’est essentiellement de ce créneau dont je souhaite parler aujourd’hui, car force est de constater qu’ils ont la peau dure.

La résistance au changement des acteurs de la presse n’est pas moins forte qu’ailleurs (nous n’avons pas encore vu de journalistes s’en prendre physiquement aux lecteurs), mais ils font preuve d’une ténacité exemplaire, en vain. Malgré tous les efforts qu’ils peuvent déployer pour nous expliquer que “c’est mieux quand les gens y achètent des journaux en papier”, les acteurs de la presse sont aujourd’hui au pied du mur. Nous avons en effet pu assister cette année à deux phénomènes majeurs  :

Si l’on combine ces deux facteurs, on obtient un changement brutal des rapports de force, une uberisation dans les règles de l’art.

De nouveaux entrants très disruptifs

En tant que producteur de contenu, à ma petite échelle, j’ai le plus grand respect pour les acteurs historiques de la presse, dont des institutions qui ont plus de 100 ans. Ceci étant dit, je suis encore plus admiratif du travail accompli par les équipes de Vice, Vox, FiveThirtyEight ou encore de Quartz.

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Certes, les articles y sont de grande qualité, on en trouve également ailleurs, mais c’est surtout leur approche éditoriale (parfois très décalée), et la pertinence du contrat de lecture qu’ils proposent qui m’impressionne. Dans un autre registre, on trouve également Melty, splendide réussite à la française et parfait exemple de l’uberisation. J’ai eu l’occasion de discuter à plusieurs reprises avec Alexandre, son fondateur, et ce qui me surprend à chaque fois, c’est son ambition sans limites : Melty ne se définit pas comme un portail de contenus, mais comme un référent culturel pour les jeunes (la “youth generation“). Nous pourrions également citer des incontournables comme BuzzFeed ou Business Insider, mais je ne cautionne pas leurs pratiques éditoriales.

Puisque l’on parle des acteurs de la news, comment ne pas citer également cette série d’applications mobiles : NowThisNews, Brief.me ou encore Circa qui vient d’être relancée (Circa news app being resurrected with focus on original reporting and video). Le point commun des sociétés citées plus haut est qu’elles proposent toutes un signature éditoriale, des formats et/ou un modèle économique en rupture avec les titres plus traditionnels.

Je vous incite également à visiter des sites comme APlus ou ScaryMommy qui proposent un modèle déroutant : ces sites ne tirent pas leurs revenus de la vente d’espaces publicitaire (il n’y a pas de bannières), mais d’articles sponsorisés et de l’exploitation des données utilisateurs.

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Comme vous pouvez le constater, ces deux sites s’adressent aux quarantenaires (hommes pour le premier, femmes avec enfants pour le second) et proposent un ensemble d’articles mélangeant actualités, divertissements et conseils façon lifestyle. Le but des éditeurs de ces sites étant de se constituer une base de profils ultra-qualifiés, les articles ne sont que des prétextes pour affiner le profilage des lecteurs (ils surfent sur la vague du programmatic content).

Tout ça pour dire que malgré les hauts-cris poussés par les acteurs historiques de la presse, ces nouveaux entrants sont en train de bouleverser de façon irrémédiable la façon dont le grand public s’informe et se diverti. En d’autres termes, les changements sont en cours et ne peuvent être ignorés (comme disent les Américains : “Deal with it!“). J’insiste sur le fait que nous assistons ici à un phénomène d’évolution naturelle, il n’y a pas de perdants ou de gagnants, simplement un environnement concurrentiel qui évolue. Partant de ce constat, certains acceptent le changement (cf. Les équipes plateformes, nouvelles stars des rédactions), d’autres refusent et souffrent. Je précise également que ces changements ne sont pas nécessairement une fatalité, ils permettent de redistribuer les cartes. La preuve : le Washington Post, racheté par le patron d’Amazon il y a deux ans, devance maintenant son grand rival (How The Washington Post leapfrogged The New York Times in Web traffic). Du coup, ça donne des ailes au Jeff Bezos asiatique : Jack Ma of Alibaba in Talks to Buy Hong Kong Newspaper.

À la recherche de nouveaux modèles de croissance

Suite à ces changements, nous assistons en ce moment à un phénomène intéressant: une permutation dans les priorités des différents acteurs des médias. Avant, il y a quelques années, les médias étaient en recherche d’audience, les annonceurs en recherche de clients et les plateformes sociales en recherche de membres pour nourrir des communautés. Avec l’avènement des plateformes de distribution et des bloqueurs de bannières, nous constatons de grands changements de la priorité de ces différents acteurs :

  • les annonceurs cherchent à se bâtir une communauté, à la fois pour fidéliser leurs clients, mais également pour collecter un maximum de données (c’est ce que font des marques comme Danone avec MaVieEnCouleurs ou Nestlé avec CroquonsLaVie) ;
  • les médias cherchent à recruter des clients (des abonnés payants) pour pouvoir compenser la chute des revenus publicitaires (ex : The Economist avec son application Espresso) ;
  • les plateformes sociales cherchent à développer leur audience sans trop se soucier de la richesse des conversations (l’important étant de toucher le plus de monde possible).

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Illustration de la permutation des acteurs des médias

Cette perturbation est, selon moi, la conséquence directe des changements cités plus haut (également décris dans ce rapport de Forrester : It’s Time To Separate “Social” From “Media”).

Nouveaux supports, nouveaux contenus, nouveaux canaux, nouvelles publicités

Pour résumer la situation, nous avons donc de nouveaux supports de consultation (smartphones), de nouveaux contenus (listicles, micro-vidéos…), de nouveaux canaux de distribution pour ces contenus (Facebook, Snapchat, Twitter…), et de nouvelles publicités (vidéos natives verticales, emojis personnalisés…).

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La conclusion que je peux tirer de tout ceci est que personne ne peut ignorer l’uberisation des médias, aussi bien les médias en eux-mêmes, mais également les annonceurs. La bonne nouvelle est qu’à mesure que la publicité native prend de l’importance, nous allons progressivement voir disparaitre les publicités agressives de type Prix/Produit pour voir des choses beaucoup plus inspirationnelles (ex : Johnnie Walker, JetBlue and Canada Goose Are Creating Short Films to Connect With Consumers).

Bon en fait pas réellement. Il serait plus sage de prédire que nous allons continuer à voir du Prix/Produit du côté des revendeurs et distributeurs, mais que toute marque avec un minimum d’ambition ne pourra pas faire l’économie de contenus un minimum engageant.

Le retour de la revanche du contenu (bis)

Cela fait 15 ans que je travaille dans le domaine du web, et la seule vérité absolue que je connaisse est la suivante : le contenu est roi. Vous pourriez me dire que je fais une fixation sur les contenus, car j’ai déjà abordé ce sujet dans d’autres articles, soit, mais je reste absolument persuadé que les contenus sont la matière première du web (avec les données). Ces derniers temps, avec l’avènement des médias sociaux, certains ont essayé de nous faire croire qu’en faite les communautés sont reines. Mais l’un ne remplace pas l’autre, n’est-ce pas ? Qui se souvient de l’époque de “les auditeurs ont la parole” ? Pendant une période, certaines radios ne diffusaient même plus de la musique et se contentaient d’enchainer les émissions de discussion avec les auditeurs. Heureusement cette période est vite passée et les contenus (musiques et intervenants professionnels) ont repris leurs droits.

Si le but de cet article n’est pas de dénoncer cette posture (communauté vs. contenu), je pense qu’il est tout de même très utile de préciser que la majeure partie des plateformes sociales que nous connaissons n’ont aucunement la capacité de générer leurs propres contenus. À l’exception des blogs et des forums (qui fonctionnent un peu en vase clos), sur des plateformes comme Facebook, Twitter, TumblR, Pinterest… les publications / conversations / réactions sont nécessairement initiées par des contenus. Ces contenus peuvent être de différentes natures (articles, messages, photos, vidéos, diaporamas, événements…), et ils sont à la base des discussions et réactions. Pas de contenus, pas de conversations. Dans ce contexte, les forums et les blogs peuvent être considérés comme de véritables réservoirs à contenus qui alimentent les autres plateformes sociales. Principalement les blogs, car les forums sont plus complexes à exploiter.

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Certes, vous pourriez me dire que certaines marques ou stars particulièrement visibles ont la capacité de générer des tonnes de conversations de façon organique, comme Apple ou Lady Gaga, mais ne vous y trompez pas, ils sont également des producteurs de contenus (vidéo clips pour Lady Gaga, keynotes et vidéos de produits pour Apple). Bref, tout ça pour dire que si vous n’êtes pas en mesure de produire votre propre contenu (en tant qu’individu, marque ou organisation), vous n’avez aucune chance d’exister. La bonne nouvelle est qu’avec les NTIC, les contenus n’ont jamais été aussi simples et peu couteux à concevoir, produire et diffuser. Il y a donc de grosses opportunités à saisir, surtout face à des contenus télévisuels qui s’épuisent. Je vous rappelle à ce sujet qu’il existe des émissions qui parlent des émissions de télé-réalités auxquelles participent des anciens de la télé-réalité (entre une rediffusion des Anges de la téléréalité et RedBull.tv, vous préférez quoi ?).

Ceci étant dit, ce n’est pas parce qu’il est simple de produire du contenu que tout le monde peut en profiter. Si l’internet permet de réduire de façon drastique les coûts de distribution et d’élargir le public potentiel, seuls les contenus les plus pertinents et qualitatifs trouveront une audience. Suite à quelques années d’égarement avec la mode du crowdsourcing, il semblerait que les marques ont maintenant compris l’intérêt de rééquilibrer leurs dépenses et d’investir dans la production et non dans la diffusion. Burberry est ainsi un très bel exemple d’une marque devenue média.

Le brand content pour augmenter la valeur d’usage

Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire un cours magistral sur le brand content, mais vous donner deux exemples historiques qui démontrent l’intérêt du contenu savamment exploité dans un dispositif de marque. Je précise que ces exemples ne sont pas de moi, mais issus d’une discussion avec mon ancien patron (Reza) avec qui j’ai eu l’occasion d’aborder ces exemples notoires de brand content :

  • Guiness, la marque de bière, qui édite depuis 1955 le Guinness Book of Records. Pourquoi un livre de records ? Pour fournir des sujets de conversations aux clients des pubs, qui en discutant plus longtemps passent plus de temps dans le pub finissent nécessairement par consommer plus.
  • Michelin, qui édite le célèbre Guide Vert depuis 1926. Pourquoi un guide touristique ? Pour donner des raisons aux touristes de découvrir toujours plus de sites touristiques, restaurants… donc de rouler plus, donc d’accélérer l’obsolescence et nécessairement le renouvellement de pneumatiques.

Ces deux initiatives sont maintenant devenues des produits éditoriaux à part entière, mais l’idée de départ était diabolique : créer des contenus pour stimuler la consommation. Nous ne parlons pas ici d’une belle mise en scène pour donner envie d’acheter les produits (ce que font très bien des marques de prestige comme Dior avec Lady Dior avec ou BMW avec The Hire), mais de produire des contenus originaux qui vont augmenter la valeur d’usage des produits.

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Mais le brand content ne se limite pas qu’aux produits de consommation courante. Dans le domaine BtoB, Google fournit des contenus remarquables sur son Think with Google ou Think Quarterly (articles, vidéos, études de cas, études, statistiques…). Le but de la manoeuvre est ici de prouver la compréhension des équipes de Google sur des problématiques pointues et d’augmenter la légitimité et donc la valeur perçue des solutions commercialisées.

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Nouveaux outils et nouveaux supports

Qui dit contenus de qualité, dit nécessairement outils de production et de gestion de contenu de qualité. Comment arriver à surprendre les internautes avec des outils qui n’ont pas été rénovés depuis le siècle dernier. Je ne suis pas en train de parler de rénovation technique (les CMS évoluent très régulièrement), mais de rénovation dans l’approche éditoriale. Le problème est que les outils utilisés quotidiennement sont trop cloisonnés : ils servent à gérer du contenu, ou des produits, ou des communautés, mais rarement les trois à la fois.

Pourtant certains innovent à l’image de Vox Media, la société qui a lancé des sites comme The Verge ou SB Nation et qui édite un outil particulièrement en avance sur son temps : A Closer Look At Chorus, The Next-Generation Publishing Platform That Runs Vox Media. Leur ambition est de concevoir la plateforme de publication ultime permettant de gérer des contenus multiples, sur différents supports et de gérer les aspects communautaires, le référentiel produit, les campagnes…

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Assez peu d’informations ont filtré sur cette plateforme, mais elle semble très prometteuse (Chorus is the best content management system I have ever heard of).

Et puisque l’on aborde les autres supports, comment ne pas parler des smartphones et tablettes ? Au-delà des contraintes liées au format, c’est avant tout le contexte d’usage qui change avec les tablettes : les utilisateurs veulent se détendre et sont en attente de contenus de qualité dans un environnement de lecture privilégié. Exit les bannières et autres menus de navigation trop complexes, des startups comme Flipboard ont ainsi réussi à s’imposer grâce à une expérience de lecture particulièrement enrichissante, mais qui n’empêche pas d’associer des marques aux contenus (Flipboard launches its first in-magazine store, in partnership with Levis).

Est-ce là un axe majeur de développement : produire des contenus spécifiquement dédiés aux tablettes, car elles permettent de toucher les consommateurs à un moment où ils sont plus réceptifs ? Peut-être. En tout cas le créneau semble porteur, car de nombreux éditeurs sont déjà sur le coup et proposent leur solution de publication / distribution, à l’image de Mag+ ou de Adobe.

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De nouvelles modalités de consommation

Puisque nous sommes dans le registre des tablettes, ne quittons pas ce sujet et intéressons-nous à un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur : la consommation simultanée de contenus au travers de deux écrans. Si l’être humain est l’espèce dominante sur la planète, c’est grâce à sa faculté d’adaptation. L’humain évolue vite, et le consommateur se lasse encore plus vite. Pour capter et conserver son attention, il faut lui proposer des expériences toujours plus enrichissantes et divertissantes. Certains ont ainsi compris qu’il ne se suffisait plus de diffuser de bons programmes TV  : les séries peuvent être téléchargées gratuitement et il existe toujours un flux gratuit pour la diffusion d’un événement sportif payant.

La chaine AMC propose ainsi une application pour smartphone et tablettes permettant d’interagir en quasi temps réel avec sa communauté : (Breaking Bad Story Sync). Plutôt que de laisser les téléspectateurs interagir entre eux, ils les incitent à le faire dans un environnement qu’ils contrôlent.

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Idem pour Yahoo! avec IntoNow, une application permettant d’accéder à des données et conversations en temps réel sur un programme (match de foot ou programme musical) et d’enrichir ainsi l’expérience de visionnage : Yahoo’s IntoNow Updates Its iPad App With Music Syncing, TV Screen Captures, And Group Chat.

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Dans ce dernier exemple, c’est la combinaison de contenus, de données et d’interactions sociales dans un environnement cohérent qui créé de la valeur pour les utilisateurs.

Le SoLoMo est un levier, pas une finalité

Est-ce donc ça la recette du succès : des contenus sympas, distribués sur des terminaux mobiles avec des fonctions communautaires ? Non, pas réellement. Car si je suis séduit par le concept d’Into Now, il ne fonctionne réellement bien que dans le cas de diffusion en direct de sports collectifs. Et il n’est pas réellement applicable à toutes les marques. Plus généralement, il ne faut surtout pas considérer les médias sociaux et terminaux mobiles comme le nouvel eldorado du branding (“lançons une page Facebook et une application iPhone“), mais comme des leviers pour augmenter la portée et l’efficacité des contenus. Traduction : une application iPhone ou une page Facebook ne compenseront jamais un déficit de contenu. Les contenus doivent être la source, et les applications mobiles et médias sociaux les relais et non l’inverse. Je croise encore beaucoup trop de responsables de marque qui lancent une application mobile pour faire le buzz ou exploitent une page Facebook pour générer des conversations qu’ils veulent réinjecter sur leur site web. Ils font très clairement les choses à l’envers. Le World Book of Records n’existerait pas si les équipes de Guiness s’étaient contentées de poser des micros dans les pubs et de faire une compilation des conversations dans un livre.

Le contenu est donc la matière première d’une politique de marque, il doit être au service de cette dernière pour l’aider à façonner son histoire, à développer sa culture et à enrichir son ADN. Les contenus sont à la base de la personnalité d’une marque, pas les conversations à son sujet. Les conversations ne sont que le reflet de l’interprétation de cette personnalité. Au final, l’important se sont les contenus, pas les conversations.

Moralité : si vous n’êtes pas en capacité de produire votre propre contenu, vous vous placez dans une situation extrêmement défavorable, surtout face à une concurrence qui finira toujours par proposer des prix plus bas pour une qualité suffisante. Les contenus sont un investissement qui permet d’augmenter la valeur perçue de votre offre, donc de sécuriser vos marges.

Les contenus d’aujourd’hui sont vos bénéfices de demain, faites les bons choix. Il sera toujours temps pour vous d’expérimenter et choisir les meilleurs leviers mobiles / communautaires pour en augmenter l’impact.

L’avenir de l’internet est aux contenus, pas au SoLoMo

Ces derniers temps le nouveau buzz word à la mode semble être “SoLoMo” (Social + Local + Mobile). On ne parle plus que des services intégrant les composantes sociales, mobiles et locales. OK très bien… mais si l’avenir de l’internet est au SoLoMo, pouvez-vous m’expliquer pourquoi Facebook abandonne ses fonctions Places et Local Deals, et pourquoi Groupon retarde son introduction en bourse ? La vérité est qu’encore une fois le marché s’emballe pour une notion “tarte à la crème” qui mérite quelques clarifications.

Si je ne remets pas en cause le potentiel disruptif de la mobilité ou des médias sociaux (au contraire puisque j’édite deux blogs sur ces sujets : MediasSociaux.fr et TerminauxAlternatifs.fr), je vous propose néanmoins de décortiquer ce qui se cache derrière le SoLoMo pour mieux en appréhender les enjeux et les limites.

Comment faire du social quand tout est social ?

Voilà maintenant plus de 4 ans que l’on parle des médias sociaux. En à peine 5 ans, des services comme Facebook, YouTube ou Twitter se sont imposés comme les nouveaux rois de l’audience. La déferlante sociale a été tellement puissante qu’elle a profondément modifié les habitudes des internautes (consultation et consommation). OK très bien… une fois que nous avons dit cela, il nous reste à apprivoiser l’éléphant dans la pièce : Facebook. J’ai déjà écrit beaucoup de choses sur Facebook (cf. Rétrospective sur les 3 dernières années de Facebook) qui reste de loin la plateforme sociale la plus visible du marché. En conséquence de quoi, tous les annonceurs veulent ouvrir une page et amasser des fans. Problème : Lorsque que vous souhaitez développer une présence sur Facebook, vous rentrez dans en compétition pour l’attention de vos cibles avec leurs proches (famille, amis…), des marques mythiques (Nike, Starbucks…) et des stars planétaires (Justin Bieber, Lady Gaga…). Comment exister face à cette concurrence déloyale ? Même si dans la majeure partie des cas une présence sur Facebook est une étape obligatoire, la dure réalité est que l’intensité concurrentielle est y tellement forte que ce support en devient difficilement exploitable, à moins de distribuer des bons de réduction ou des cadeaux toutes les semaines, mais nous savons tous que cela biaise fortement la relation prospects / marques.

Vous pourriez alors être tenté de déporter la bataille de l’attention et d’exploiter les mécanismes de délégation d’authentification (Facebook Connect & cie) pour profiter du graph social de vos visiteurs sur votre site, mais là encore, vous êtes loin d’être les seuls : La majorité des gros sites exploitent déjà les social widgets de Facebook. Idem pour d’autres plateformes comme Twitter ou YouTube qui ont déjà été prises d’assaut par les plus grandes marques.

Au final, le levier social ne fonctionne plus réellement en tant qu’avantage concurrentiel, car toutes les grandes marques l’exploitent déjà (avec plus ou moins de succès). Si vous souhaitez réellement tirer un bénéfice notable des médias sociaux, il faudra envisager un dispositif bien plus ambitieux qu’une campagne virale ou une opération de recrutement de fans. Entendons-nous bien : Le problème n’est pas tant la portée des campagnes sur les médias sociaux que leur intérêt dans une approche plus industrielle de l’installation de votre marque sur les médias sociaux.

Pour pouvoir vous démarquer de la concurrence et tirer un bénéfice durable des médias sociaux, il va nécessairement falloir décloisonner l’initiative de la présence de votre marque de son département d’origine (marketing, communication…) et mobiliser un plus grand nombre d’acteurs internes (CRM, Support clients, Qualité, RH, DSI…) pour faire des médias sociaux un chantier transverse auquel tout le monde va contribuer et dont tout le monde va pouvoir bénéficier. Appelez ça comme vous voulez (Social CRM, Social Business…), moi j’emploierais plus volontiers le terme “passer la seconde“. Maintenant que les plus grandes marques, médias et institutions ont passé le pied à l’étrier, il va falloir aller plus loin pour se démarquer. Certes, c’est un chantier de longue haleine, mais il finira par payer. Un bon commencement serait de rapprocher votre dispositif d’écoute (social monitoring) des indicateurs de suivi d’audience (web analytics) et de votre programme de fidélité (CRM).

La mobilité ne concerne pas que les smartphones

Idem pour la dimension mobile : Ne pensez pas être tiré d’affaire avec votre application pour iPhone. Même si les taux de croissance sont très encourageants, les possesseurs d’iPhone ne représentent qu’une petite part des mobinautes. Il faut ainsi compter avec les utilisateurs de feature phones et de smartphones alternatifs tournant sous Android, Blackberry ou Symbian. Ceci est d’autant plus vrai que les parts de marché de l’iPhone s’érodent petit à petit face aux smartphones low-cost.

Autre point d’attention : Les smartphones ne sont qu’une première étape vers d’autres terminaux alternatifs. Les tablettes et autres TV connectées vont également monter en puissance et vous forcer à revoir entièrement votre copie (Et on reparle de la conception multi-écran). Faut-il dès maintenant bazarder votre site web et lancer un grand chantier de refonte ciblant l’ensemble des terminaux alternatifs du marché ? Non, pas pour le moment. D’une part, car le marché est extrêmement instable (il va se passer beaucoup de choses d’ici à la fin de l’année) et d’autre part, car cela vous forcerait à tout sous-traiter. Or, si vous sous-traitez, vous perdez la compétence et la compréhension.

Le meilleur moyen de vous préparer à cette transition est donc de progressivement sensibiliser vos équipes internes aux enjeux et contraintes des terminaux alternatifs afin de repenser à la fois l’offre et le modèle économique pour pouvoir profiter pleinement des opportunités offertes. Encore une fois j’insiste sur le fait que lancer une application iPhone n’est qu’un pansement sur une jambe de bois. Tout comme les médias sociaux induisent de profonds changements dans la relation client, la gestion de l’image de marque et la collaboration interne (cf. Social Business Design = Web 2.0 + Médias sociaux + Entreprise 2.0), la montée en puissance de la mobilité et des terminaux alternatifs va vous forcer à revoir à la fois votre stratégie de communication, votre modèle économique et votre processus interne (nous pourrions ainsi théoriser sur du Mobile Business Design).

Business local : La poule aux oeufs d’or qui perd ses plumes

Troisième volet du SoLoMo : La dimension locale. Véritable passerelle entre le monde numérique en ligne et le mode réel, la dimension locale est censée démultiplier les points de contact, les opportunités d’affaires et fidéliser les clients à vie. En à peine 3 ans, des sociétés comme Groupon ont connu une croissance fulgurante avec un modèle économique reposant sur les coupons de réduction géolocalisés. Véritable eldorado de l’année 2010, les sites de local deals font aujourd’hui triste mine, car la concurrence est trop forte et la promesse trop faible. En un mot comme en cent, la sauce ne prend plus.

La déconfiture boursière de Groupon et ses ambitions boursières gâchées (Is Groupon killing its IPO, or is it dying of natural causes?) ne doivent néanmoins pas vous faire sous-estimer le potentiel de la dimension locale. Il y a effectivement de très nombreuses opportunités à saisir au travers d’un ancrage local, mais pas pour tout le monde (The Truth About Groupon: Yes, It Can Make Money – No, It Won’t Be Easy). Les réseaux sociaux de proximité sont ainsi d’incroyables catalyseurs d’interactions sociales localisées et d’opportunités d’affaires, mais leur implantation effective demande beaucoup plus d’efforts qu’une simple viralisation des coupons via Facebook. J’accompagne depuis maintenant près de 3 ans la société Ma-Residence.fr, et je peux vous assurer que l’ancrage durable du service dans une ville demande des moyens et des efforts considérables (une équipe de plusieurs dizaines de personnes pour une seule ville).

Alors oui, je sais qu’il existe de très beaux exemples de camions vendeurs de sandwichs qui font une utilisation maline de Twitter, de même qu’il existe de belles histoires de bars fidélisant leurs clients les plus assidus sur Foursquare, mais la mise en oeuvre d’une dimension locale de vos campagnes ou offres au travers des médias sociaux n’aura qu’une portée très limitée si elle n’est pas intégrée dans une stratégie plus large. Là encore, l’idée n’est pas de choisir le meilleur support (Foursquare ou Gowalla ?), mais de repenser votre relation client, vos offres et vos processus en fonction d’un ancrage local.

Les contenus sont la pierre angulaire d’une présence durable et d’activités viables

Nous en venons donc à LA question : Sur quoi faut-il miser ? Selon moi la réponse est très simple : des contenus de qualité. Internet est en effet un média dont l’utilité repose sur la richesse et la diversité des contenus. Investir dans des contenus, c’est miser sur ce qui a fait et continuera à faire le succès de l’internet.

Avec du contenu de qualité, vous pouvez :

  • Raconter de belles histoires pour donner de la consistance à votre marque (brand content) ;
  • Valoriser vos produits (images et vidéos de qualité, descriptifs complets) ;
  • Fidéliser vos clients (consumer magazines) ;
  • Améliorer votre référencement, donc votre efficacité marchande ;
  • Initier des interactions sociales (relais d’exposition et discussions) ;
  • Prolonger le temps d’exposition et multiplier les points de contact (notamment au travers de consultations via des terminaux mobiles) ;
  • Développer de nouveaux services ou diversifier vos revenus…

Bref, sur internet les contenus sont à la base de tout, pas de contenu => pas de business. Et ce n’est très certainement pas une application iPhone, une page Facebook ou des coupons de réduction localisés qui vont compenser cette carence. Quand on y réfléchit bien, les contenus sont l’ingrédient principal d’une relation durable avec vos clients, une relation profitable qui ne repose pas sur la recherche du prix le plus bas.

J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur l’importance du contenu, et la récente (et fortement intéressante) étude Wave 5 Trends de GlobalWebIndex me conforte dans cette idée avec la mise en évidence des tendances suivantes : The Rise of the Lean-Back Web, Facebook Fatigue et A Renaissance for Professional Media. Vous noterez que cette étude mentionne également d’autres tendances qui confortent mes opinions exprimées plus haut : The Packaged Internet et The Social Brand.

Pour conclure, je préciserais une nouvelle fois que je ne remets pas en cause le potentiel disruptif de la mobilité ou des médias sociaux, je vous mets simplement en garde contre des arbitrages malheureux pouvant découler d’une mauvaise interprétation du SoLoMo. Selon moi, votre priorité doit être de capitaliser sur du contenu de qualité. Une fois cette première étape validée, vous aurez tout le loisir de l’exploiter / le valoriser sur le web et au travers de différentes dimensions sociales, locales et mobiles.