A quoi sert votre graphe social ?

Si j’avais gagné 1 € à chaque fois que j’entends le terme “graph sociale“, je n’aurais pas trop de soucis à me faire pour ma retraite (quoi que, avec le projet de loi sur la taxation de l’enrichissement…). Utilisé à toutes les sauces, ce terme manque néanmoins d’explications pour que l’on en saisisse toutes les subtilités, et surtout que l’on puisse en appréhender l’intérêt d’un point de vue marketing.

Définition : Le graphe social désigne la cartographie de vos relations en sein d’un réseau social. Ce terme n’est pas nouveau, mais très peu se sont risqués à le décortiquer ou au moins à l’expliquer. (cf. Comprendre le graphe social). Il est ainsi possible d’établir des postulats à partir de cette définition :

  • Vous avez autant de graphes sociaux que de réseaux sur lesquels vous êtes présent ;
  • Votre graphe social se limite aux relations que vous avez acceptées (si des amis sont présents sur un réseau, mais ne vous ont pas envoyé de demande de mise en relation, ils ne sont pas comptabilisés) ;
  • Votre graphe social ne sait pas évaluer la nature des relations, si ce n’est au travers des options fournies par le réseau (du type : “ami“, “travail“…).

Donc au final, le graphe social n’a qu’un intérêt très limité, surtout lorsque l’on en connait les dérives (Comment les nouvelles règles de Facebook vont modifier le comportement des utilisateurs). Oui… mais non ! Car le marché s’entête à penser qu’il y a un réel intérêt à pouvoir exploiter le graphe social des utilisateurs des réseaux sociaux (souvenez-vous que Facebook est valorisé à 75 MM de $). Sur ce point-là, même si je suis réservé quant à la fiabilité des données, force est de constater que l’on commence à voir des usages intéressants des graphes sociaux et par extensions des profils.

Les plateformes sociales majeures (Facebook, Twitter, LinkedIn, Google…) fournissent en effet des APIs pour pouvoir exploiter à la fois votre profil mais également vos listes d’amis. Il en ressort des expérimentations que je vous propose de découvrir.

Des données quantitatives sur vos amis

La première exploitation qu’il est possible de faire sur votre graphe social est d’établir des statistiques à partir de vos relations et des profils des personnes avec lesquelles vous êtes en relation. Microsoft propose ainsi une petite application rigolote sur sa plateforme Docs.com que vous pouvez connecter avec votre profil Facebook : Analyse your Facebook Friends with Friends Chart from Docs.com. Les données sont d’ordre statistique et sont représentées par des diagrammes :

Docs_Friend_Chart

Dans le même genre, il y a également FacebookSpectrum qui vous donne des statistiques et données encore plus précises : Get Detailed Data Analysis Report of Your Facebook Friends and Activity. Signalons enfin le service Where My Friends Be qui place sur une carte tous vos amis dans Facebook :

FacebookFriends

Ces trois exemples sont surtout récréatifs, mais ils illustrent bien l’exposition des données personnelles : les vôtres, mais également celles de vos amis. En 2008 je m’étais déjà interrogé sur le danger de confier autant de données confidentielles à Facebook, surtout celles qui ne nous concernent pas directement : Facebook va-t-il remplacer notre carnet d’adresses ?. Le problème que je pointe du doigt n’est pas la confidentialité des données personnelles, mais plutôt l’exposition de ces données au travers du graphe social des membres.

Sur ce point-là, il n’est pas inutile de rappeler que les données que vous confiez à une plateforme sociale finiront toujours par être exposées publiquement un jour ou l’autre. En d’autres termes : ne divulguez pas des informations que vous ne voulez pas rendre publiques (de façon volontaire ou non). Dans la mesure où les plateformes sociales comme Facebook nous poussent à donner toujours plus d’informations et à faire grossir au maximum notre graphe social, une gestion plus fine des relations et des groupes d’amis serait la solution à ce problème d’exposition des données.

L’INRIA et l’ENS de Lyon proposent à ce sujet une expérimentation intéressante (Fellows) dont l’objectif est de vous aider à mieux qualifier votre liste d’amis en vous proposant de les scinder en sous-groupes logiques (le découpage est ainsi réalisé à partir des graphes sociaux de l’ensemble de vos contacts). Vous avez ensuite la possibilité de noter ces sous-groupes en fonction de leur importance. Une application utile qui mériterait d’être intégrée de façon native à la plateforme, comme un outil de gestion des relations.

Une évaluation de votre influence

Dans la série “je flatte mon égo”, il existe un certain nombre de services pour évaluer votre influence (ou à défaut votre visibilité). J’ai déjà parlé de Klout ou encore de Facebook Grader pour évaluer votre influence sur Facebook, mais il existe également une grande quantité de services équivalents pour Twitter : TwitterCounter, Twitaholic, Twitalizer

TwitterCounter

De même, le service TweetEffect vous permet de mesurer l’impact de chacun de vos tweets en comptabilisant le nombre de followers que vous gagnez ou perdez :

TweetEffect

Un service redoutable pour affiner sa plume et mieux appréhender les contenus qui intéressent le plus les lecteurs (sous réserve que vous soyez en recherche de la plus grande visibilité). Ces différents services semblent destinés aux plus narcissiques des utilisateurs, mais ils peuvent se révéler très utiles pour les annonceurs qui veulent optimiser leur présence sur les médias sociaux.

Une aide pour choisir des cadeaux

Autre usage possible : les services comme Etsy qui analyse votre graphe social pour remonter des propositions de cadeaux. Le principe est le suivant : vous choisissez un ami, son profil est analysé pour identifier des goûts et envies (notamment les Likes), ces données servent à filtrer la base de produits :

EtsyGifts

Il y a également des services plus sophistiqués comme Hunch qui vous font des recommandations en fonction de votre profil, mais également de l’évaluation de vos amis :

HunchReco

Ces deux exemples sont encore limités, mais je pense sincèrement que nous n’en sommes qu’au tout début de fonctions de recommandations sociales automatisées.

Un assistant pour votre carrière professionnelle

Toujours dans la même idée d’exploitation de vos données personnelles, des services vous proposent de construire votre CV en fonction des données professionnelles renseignées dans votre profil Facebook : Create a Simple Resume with your Facebook Work and Education Details.

Si Facebook n’est peut-être pas le meilleur endroit pour décrire de façon exhaustive votre parcours professionnel, LinkedIn propose une fonction équivalente avec Resume Builder :

ResumeBuilder

Toujours chez LinkedIn, un outil d’analyse pour vous aider à mieux vous situer dans votre graphe social pro : Visualize Your LinkedIn Influence with InMaps. Pour le moment disponible dans le Labs, InMaps peut se révéler très utile pour identifier les noeuds forts ou les passerelles entre les communautés professionnelles dans lesquelles vous évoluez.

LinkedIn_InMaps

Toujours chez LinkedIn, CarrerExplorer est un assistant de choix de votre carrière professionnelle : LinkedIn Career Explorer, Helping College Graduates Find Their Career Path. Le principe est d’extrapoler votre parcours professionnel à partir de membres ayant un profil similaire. L’assistant vous propose donc de choisir des orientations de carrière en fonction de profils équivalents au vôtre :

CarrerExplorer

Tout l’intérêt de cet outil est d’exploiter des données et statistiques réelles, en provenance des différents profils des membres. Un outil qui a d’autant plus de valeur que la plateforme déploie des efforts considérables pour améliorer la qualité de sa base de données et nettoyer les profils parasites.

La politique sera la prochaine étape

Statistiques sur vos amis, idées cadeaux et recommandations, influence, carrière professionnelle… les domaines d’application sont nombreux, et j’ai volontairement fait l’impasse sur les applications de rencontres amoureuses qui sont pourtant très innovantes dans ce domaine.

Si l’on se projette dans un avenir très proche, la prochaine étape selon moi sera liée aux élections présidentielles de 2012. Les enjeux de cette élection sont en effet très importants, et les différentes formations politiques ne peuvent pas faire l’impasse sur les médias sociaux. J’envisage ainsi deux applications : un outil permettant de remonter des statistiques et d’extrapoler des intentions de vote, un autre permettant d’identifier les indécis et de trouver la bonne combinaison “sociale” (relais, arguments…) pour les séduire et les faire basculer dans un camp ou l’autre.

Mais dans les deux cas, il faudra bien accéder aux profils des membres. Tout comme les vendeurs de miracles et autres marchands de pilules ont financé la croissance des éditeurs de social games (cf. Scamville, ou pourquoi les social games ne sont pas la poule aux oeufs d’or), les partis politiques vont rivaliser d’imagination pour vous inciter à leur donner accès à votre profil. Dans ce domaine, tous les procédés sont valides : gagner un iPad, se faire inviter à un évènement, rejoindre une cause humanitaire ou sociale, accéder à du contenu exclusif… Autant il y a 10 ans les banques distribuaient des CD pour récupérer le N° de téléphone des jeunes, autant les partis politiques vont trouver toutes sortes de carottes pour pouvoir accéder à vos données personnelles et pouvoir sonder vos intentions en fonction de votre profil, de vos amis, de leurs amis, de vos likes, des groupes que vous avez rejoints, des lieux que vous avez visités…

Comme précisé en début d’article, les réseaux sociaux ont fait de gros efforts pour faciliter la gestion de la confidentialité sur leur plateforme, mais ça devient tout de suite plus compliqué quand il s’agit de l’exposition de vos données personnelles au travers du graph social de vos amis ou d’applications qui exigent l’accès à votre profil. Bien évidemment, tout n’est pas noir, car nous ne vivons pas dans un monde de sauvage, mais il existera toujours un petit risque de dérive dans les applications possibles d’exploitation des graphes sociaux. Il suffit juste de trouver un enjeu suffisamment important (j’ai cité les élections présidentielles, mais il peut y en avoir d’autres).

J’ai été un des premiers à parler de la notion d’identité numérique et des traces que les internautes laissent sur le web. Les réseaux sociaux comme Facebook facilitent la prolifération des traces, leur donnent une origine (votre profil) et permettent en prime de les exploiter de façon industrielle au travers des APIs. Tout ceci est très pratique pour les annonceurs (sous réserve qu’ils en fassent une utilisation constructive), mais les dangers relatifs à une exploitation abusive des graphes sociaux risquent bien de gâcher la fête.

Dans cette histoire, la responsabilité est à mon avis partagée entre les utilisateurs qui donnent parfois des données trop personnelles et les plateformes qui offrent de nombreuses occasions d’en abuser. La solution serait de faire un peu plus de prévention, mais pour des plateformes comme Facebook, ça reviendrait à scier  la branche sur laquelle ils sont assis (souvenez-vous que Facebook est une coquille vide sans contenus dont la valeur ne repose que sur la richesse des profils des membres).

10 commentaires sur “A quoi sert votre graphe social ?

  1. Ces graphs ne nous donne une indication que sur l’aspect quantitatif de son réseau. Mais on peut faire la corrélation entre qualité de contenus et capacité à fédérer une communauté.

  2. Bonjour,
    Article intéressant sommes toutes, même si je vous trouve un peu restrictif et négatif. On constate que que vous ne participez pas au développements des solutions et que vôtre approche de l’exploitation des données reste en surface. Vous commentez un éventail de solutions disponibles, sans proposer des recherches appréciatives.
    Je rejoint donc Monsieur Dupin sur le fait que les marketeurs ont de beaux jours devant eux et qu’on est pas toujours prophète en son pays…
    Très cordialement,
    Lionel VAGNOT

  3. @ Lionel > C’est bien là tout le problème : ces exemples d’exploitation de données “de surface” sont annonciatrices d’exploitation de données “en profondeur” qui risquent de piétiner la confidentialité des données persos. Ma vision est très critique, je l’admets volontiers, mais il faut bien se faire l’avocat du diable de temps en temps, sinon où va s’arrêter les dérives d’une société privée financée par des capitaux russes et sous l’environnement légal de l’état le plus permissif d’un pays déjà très permissif ?

  4. hello
    est ce qu’il existe un cadre juridique sur l’exploitatation des données facebook ?

Les commentaires sont fermés.