De l’intérêt de mettre les tâches aux coeur de la collaboration

L’email, les outils bureautiques, les applications métier et autres ERP font partie du quotidien des salariés. Formulé autrement : Les travailleurs du savoir passent la majeure partie de leurs journées devant un écran, et plus spécifiquement sur leur application de messagerie. J’ai déjà eu l’occasion de vous expliquer les limites de l’email et le moyen d’en limiter l’usage (Cinq étapes pour tuer l’email), mais comme la situation est grave, je me permets d’en rajouter une couche.

Pour résumer une longue explication, la dynamique collaborative que nous avons connue ces 10 dernières années repose principalement sur les messages. L’email est en effet utilisé pour tout et n’importe quoi : Informer, notifier, planifier, affecter, partager, consolider… Cette situation ne peut plus durer, car l’email utilisé à outrance est non seulement inefficient, mais aussi terriblement stressant. Il est donc grand temps de passer à un autre modèle de collaboration.

Nous avons ainsi vu ces dernières années émerger toute une série d’outils collaboratifs exploitant les flux d’information comme alternative aux emails : Chatter, Tibbr… Héritiers de Twitter, ces outils ont prouvé leur efficacité, surtout couplés à des espaces de discussion structurés, mais ne couvrent néanmoins pas un pan essentiel de la collaboration : la gestion des tâches.

Tibbr
L'interface de Tibbr

Une seconde vague d’outils de collaboration centrés sur les tâches est ainsi en train d’émerger. Mettre les tâches au coeur de la dynamique collaborative est une approche particulièrement intéressante, car elle permet de :

  • Structurer les journées de travail (chacun sait ce qu’il a à faire) ;
  • Lever toute ambiguïté dans l’affectation des tâches (certains emails peuvent être interprétés différemment) ;
  • Regrouper les tâches selon des chantiers / projets / équipes… de façon précise ;
  • Éviter l’éparpillement des informations en rattachant les détails et discussions aux tâches elles-mêmes ;
  • Assurer un suivi précis de qui a fait quoi et a complété quoi à quelle date.

Bref, une collaboration centrée sur les tâches permet de compenser les lacunes des peuples latins comme le nôtre (tradition orale, tendance à vouloir tout discuter / contester…).

J’ai ainsi eu l’occasion dernièrement d’évaluer un certain nombre d’outils de ce type. Autant les outils de gestion de listes de tâches comme Tracky ou Wunderlist sont fort sympathiques, mais manque d’ambition. Autant des solutions de collaboration plus complète comme Flow, Producteev ou Asana m’ont grandement impressionné.

Parlons dans un premier temps de Flow, une offre hébergée d’une efficacité redoutable. L’interface ressemble grosso modo à celui des applications email : à gauche, une colonne avec les dossiers et projets, à droite, le détail des tâches. La création d’une tâche est ultra-simple : Titre, description, échéance, récurrence, projet de référence, mots-clés, personne en charge et personnes à informer.

La création d'une tâche dans Flow

Une fois votre tâche créée, elle est rangée dans le bon dossier et s’affiche dans le dossier Inbox du destinataire. Elle peut ensuite être modifiée, discutée et complétée (c’est quand même la finalité !).

La liste des tâches dans Flow

D’une grande simplicité, l’interface permet de trier, filtrer et gérer les tâches de façon très naturelle.

Continuons avec Producteev, un produit similaire, mais qui propose une gestion plus fine des contacts et groupes de travail. Cette solution permet notamment d’affecter des tâches à un groupe et pas que à des individus.

L'interface de Producteev

Vous noterez au passage que les tâches peuvent être triées et filtrées selon leur degré d’importance, il y a donc un critère d’urgence à renseigner lors de la création. Une fonctionnalité qui a une grande importance, mais qui peut facilement être pervertie (qui contrôle le degré d’urgence réel d’une tâche ?).

Terminons avec Asana, la solution la plus complète et surtout la plus ambitieuse (cf. Inside Facebook Billionaire Dustin Moskovitz’s Plan To Replace Email). Contrairement à ses concurrents, l’interface propose non pas deux, mais trois panneaux. Les tâches sont ainsi gérées avec une granularité plus fine puisqu’elles sont affectées à des entités ou groupes de travail et réparties dans des chantiers et projets. De plus, une tâche intègre aussi des micro-tâches.

Asana
L'interface de Asana

Si Asana est la solution la plus sophistiquée, c’est aussi la plus complexe à prendre en main. L’interface n’est pas pour autant plus lourde à manipuler, car elle propose toute une série de raccourcis clavier qui permettent d’éviter des clics (pour les utilisateurs intensifs).

Je précise également que toutes les solutions présentées disposent de versions mobiles sous la forme d’application iPhone / Android ou d’interfaces mobiles (une fonctionnalité indispensable selon moi). Certaines solutions existent également en version Web ou desktop, à l’image de Wunderlist.

Je n’ai pas eu l’occasion de tester ces solutions à grande échelle (au sein d’une équipe ou d’une grande organisation), mais elles m’ont semblé parfaitement crédibles pour remplacer l’email.

Remplacer l’email ? Oui tout à fait ! Nous pouvons tout à fait envisager de remplacer l’email en exploitant conjointement une solution de gestion de tâche collaborative, une messagerie instantanée et la VoIP. Les plus récalcitrants pourraient toujours utiliser un compte email car ces solutions proposent une intégration avec les serveurs email. vous pourriez m’objecter qu’il existe des solutions permettant de structurer / archiver les emails (GrexIt: Turning Business Email Into an Internal Knowledge Base), mais l’objectif prioritaire doit selon moi être de réduire notre dépendance à l’email.

Vous pourriez également me dire que ces solutions ne font que multiplier les interfaces et ne s’insèrent pas dans le S.I. (The Problem with Social Task Management), et je vous répondrais qu’idéalement il faudrait pouvoir coupler tout ça avec une suite collaborative “classique” pour avoir un système de flux de messages / notifications, un gestionnaire de tâche collaboratif, un gestionnaire de projets et des espaces de discussion. De même, il faudrait pouvoir intégrer ce système de gestion des tâches avec les applications et processus métier pour qu’un ERP puisse par exemple créer et affecter de façon automatique une tâche à une équipe ou un collaborateur. J’imagine que c’est possible en passant par les APIs fournies avec ces solutions.

Je ne suis pas devin, mais je pense que ces nouveaux outils sont des proies idéales pour les grands acteurs de la collaboration (IBM, Jive…). Il ne va pas falloir longtemps pour que ces solutions soient rachetées, copiées et/ou intégrées aux marketplaces de Google Apps ou SalesForce. Dans tous les cas de figure, il y a bien longtemps que je n’avais pas été à ce point enthousiasmé. Avec cette logique collaborative reposant sur les tâches, nous avons une solution de substitution très crédible à l’email.

18 commentaires sur “De l’intérêt de mettre les tâches aux coeur de la collaboration

  1. “idéalement il faudrait pouvoir coupler tout ça avec une suite collaborative « classique »”

    La solution Teamlab semble aller dans ce sens, même s’il est vrai qu’elle souffre de plusieurs handicaps dont l’absence d’application mobile.

  2. Tu connais Trello ? C’est vraiment idéal pour la gestion de tâches et l’utilisation de celles-ci en mode kanban.

  3. En complément des services cités, il existe également un acteur français très intéressant sur ce créneau des portails collaboratifs centrés sur les tâches : Azendoo (http://www.azendoo.com/).

    je reste sceptique quand à la position “il faut en finir avec l’email”, je pense plutôt qu’il faut y apporter des alternatives à la valeur ajoutée indiscutables qui feront que petit à petit les gens redonneront à l’email la place qu’il doit avoir et surtout ne pas avoir ce discours “tuons l’email” qui a mon sens est contre productif.

  4. Très très bon post. et je confirme l’intérêt des entreprises pour ce type de solutions. La Poste Enseigne vient d’investir dans la notre – AZENDOO – (http://www.azendoo.com), et c’est exactement ce qu’elle propose.

    Tout, dans la vie de l’entreprise n’est pas un projet, et les outils de gestion de projet, même web, sont réservés à une minorité. En revanche, gérer son quotidien, c’est à dire ses tâches, est un enfer vécu par tous. Aujourd’hui, c’est un mélange d’email (lu/non lu) de bloc note, d’eamals à soi-même, de calendrier, etc… et ce, à plusieurs ! Bref, un effort d’organisation trop important par rapport au temps passé à effectivement accomplir son travail.

    La tache est également la matière la plus fine et quantifiable, ouvrant la voie à au graal (ou serpent de mer) du ROI de la collaboration. Il n’en fallait pas plus pour éveiller notre intérêt et innover dans ce secteur avec AZENDOO.

    Notre startup a comme ambition de redefinir l’interface entre ‘homme et son travail. Nous améliorons la productivité personnelle, l’efficacité d’équipe (VS communautés) et la collaboration d’entreprise, via une application web qui réconcilie au sein de sujets pertinents:
    – la gestion des taches (social productivity),
    – la discussion (RSE)
    – la gestion des ressources:

    >> http://pro.01net.com/editorial/564432/azendoo-un-reseau-social-pour-organiser-le-travail-d-equipe/

    Comme le progrès ne vaut que s’il est partagé par le plus grand nombre, l’idée aussi d’innover sur l’interface et la facilité qu’à chaque employé à partager son activité. http://www.youtube.com/user/AzendooTube/videos.

    En espérant apporter notre pierre à l’édifice de la productviité et du 2.0. nous serions enchanté de vous présenter AZENDOO, qui je crois complète bien le tableau ci-dessus.

    Grégory Lefort
    http://www.azendoo.com

  5. C’est effectivement ce qui m’avait séduit dans le projet d’Azendoo, c’est de passer à la vitesse supérieur sur la collaboration autour des tâches. A suivre.
    A signaler que les outils qui intègrent un planning de type Gantt perdent très vite leur coté 2.0

  6. Bonjour,
    J utilise Producteev depuis plusieurs mois en test sur un petit échantillon de mes équipes.
    Je trouve cette notion de GTD collaborative bien plus efficace que le mail pour le suivi au quotidien.
    Dans la dernière version du produit ils ont ajouté la gestion des “sub task” sur les clients desktop et mobile.

  7. Merci pour ces mention d’AZENDOO.

    Notre vision de la “productivité sociale” s’approche du commentaire de Christophe Morand plus haut.

    Notre souhait est d’apporter la même puissance et les mêmes bénéfices que les solutions évaluées par Frédéric Cavazza en les couplant avec des fonctions conversationnelles et une interface ultra intuitive.

    Ce dernier point permet d’innover pour faire évoluer les méthodes de travail, augmenter l’efficacité des équipes et simplifier le quotidien de chacun.

  8. Bon billet. En revanche pourriez-vous mettre des screenshots de meilleure qualité ? difficile de se faire une idée de l’interface avec des images de la taille d’un timbre !

  9. @ CHristophe Morand > Il existe visiblement une version mobile de Teamlab. Par contre, je ne vois pas mention d’un gestionnaire de tâches avancé.

    @ Yoann > Oui je connais Trello. Une mise en page / organisation en panneaux intéressante, mais bien moins sophistiqué que les outils décrits dans l’article.

    @ Fabien Grenet > Azendoo a l’air intéressant, mais le site n’est pas très vendeur (aucune capture d’écran, visite guidée ou vidéo). Greg ?

    @ a,jd > Je n’ai pas trouvé de captures d’écran plus grandes, mais si vous en avez…

  10. Merci de ce billet très pertinent.
    Je suis étonné que personne ne parle de Podio (ais-je mal lu ?) récemment acheté par Citrix, application qui. à mon avis, s’inscrit complètement dans cette tendance.
    Cordialement,
    Claude

  11. En lisant votre post j’ai le sentiment de faire un “back to the futur”.
    Au début des années 90, la question des emails était à l’ordre du jour mais n’avait pas cette audience qu’ils ont connu quelques années après.
    A l’époque j’étais dans une BU spécialisé dans le process et notre vision du travail était forcément collaboratif avec une plateforme sous-jacente permettant le partage (GED et Knowledge management), l’enchainement des tâches (workflow et BPM) et l’interconnexion avec les différentes briques du SI.
    Trop couteuses à l’époque les personnes se sont engouffrées dans le “maximum” par l’email. Qui n’est pas une solution en soit mais qui est le l’underground du travail collaboratif.
    Je vous invite à regarder ce qui se fait sur la plateforme Planet Limousin (totalement dédiée à la Région Limousin) mais qui représente bien ce que nous faisions en 90 et que à mon sens préfigure le futur du travail collaboratif interne et externe à l’entreprise (GED,workfow, dossier circulant, signature électronique et dématérialisation intégrale des processus).
    Je trouve les solutions du marché encore un peu pauvres et “project centric” – là où il convient de penser ouverture et interopérabilité.

  12. Merci pur cet article.
    La vision “tuer l’e-mail” me semble un peu extrême mais elle semble nécessaire pour faire évoluer les modes d’utilisation. L’utilisation de l’e-mail doit clairement être revue à la baisse. Mais pourquoi ne pas l’envisager en compléments de ces outils ? Google intégre déjà les “tasks” il faut la possibilité de lier un e-mail à un évènement et aux tâches, lier les tâches entre elles et les tâches à des projets et des individus ou équipes. Le but du jeu et de la méthode GTD n’est pas de maximiser les infos disponibles mais de donner les bonnes infos aux bonnes personnes et au bon moment !
    Bien vue pour la connexion avec android et iOS, le multi plateforme me semble en effet essentiel.
    A titre perso j’utilise Astrid pour les tâches, je ne l’ai pas vue mentionner dans ce billet mais c’est un outils prometteur (dispo sur android, connexion aux agenda google, multi-users…)

  13. Votre post sépare les outils de collaboration utilisant un flux de d’information des outils de gestion de tâches. Les entreprises auraient beaucoup plus intérêt à utiliser un service qui combine les deux.

    Afin de répondre à ce besoin, nous avons lancé Earliz (http://www.earliz.com) qui est notamment utilisé par plusieurs équipes de Viadeo pour le développement de leur site. Ce service propose à la fois une composante communication sous la forme d’un réseau social et de la gestion de tâches par projet basée sur la méthodologie Scrum. Chaque utilisateur peut planifier sa journée rapidement grâce au service “Aujourd’hui” et ainsi gagner en efficacité. Notre interface intuitive permet d’accéder facilement à l’information et économise de nombreux échanges d’email consommateurs de temps.

  14. Ton post est vraiment pertinent!
    Le probleme n’est pas l’email en soi, mais la gestion des emails, et cela à travers cette mailbox viellissante!
    En effet celle ci ne permets pas de gérer le emails et donc les taches qui en découle efficacement ni de maniere individuelle et encore moins de manière collaborative.
    Dans tes exemple réside en effet un soucis,… quid des mail externe; mes clients, partenaires, fournisseurs, ne sont pas utilisateurs de ma solution de gestion de taches, ils continueront de m’envoyer des emails!

    Je t’invite à découvrir la solution CoWorkingPlace (www.coworkingplace.net), l’unique solution qui integre une gestion des tâches avec les emails, interne et externe. (d’ailleurs pour l’interne on n’est plus obligé de s’envoyer des emails; on se notifie ou pas,…)

    Je suis à ta disposition pour en parler plus profondément…

  15. @ Pelligrino Dominique

    coworkingplace est intéressant mais quid de la gestion des documents hors email ?

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