Marche… marche pas… marche… marche pas… c’est grosso modo le résumé des discussions de ces dernières semaines sur la viabilité des publicités dans Facebook. À l’origine de tout ce ramdam, un article du patron de Buddy Media qui mettait en garde les annonceurs contre le “mythe Facebook” : The Truth About Facebook Advertising. Son argumentaire est le suivant : si la démarche est bonne (promesses ou message), alors les cibles seront naturellement engagées, quel que soit le support. Ce n’est pas parce que vous faites de la publicité sur Facebook qu’elle va forcément marcher. L’analogie est la suivante : faire de la publicité sur Facebook revient à faire de la publicité à une soirée entre amis ou au cours d’un repas de famille : qui va réellement vous prêter de l’attention ?
Ceci étant dit, charge aux annonceurs, et aux agences qui les accompagne, de trouver le bon sujet / message / ton pour engager les cibles (fans ou non). Suite à la publication de cet article, nous avons eu droit à une belle infographie à la con (Can Facebook Ads Ever Beat Google?) et au début de ce qui devait être le “scandale Facebook” avec l’annonce faite par General Motors de geler ses investissements publicitaires sur Facebook la veille de son entrée en bourse : GM stops advertising on Facebook days before social network’s IPO.
Cette annonce a fait grand bruit, car nous parlons d’un budget de 10 M$. Même si les constatations des équipes de GM peuvent faire douter (What can we learn from General Motors pulling $10M ad spend from Facebook?), je trouve tout de même étrange qu’ils fassent ça la veille de l’IPO. Je pense ne pas me tromper en disant que cette annonce est plus une ville manoeuvre de négociation des prix à la baisse qu’autre chose (ils ont profité de la vulnérabilité de Facebook à la veille de leur introduction en bourse).
Mais l’affaire ne s’arrête pas là, car dans la foulée, Reuters a publié les résultats d’une étude avançant des chiffres plutôt effrayants : 34% des utilisateurs disent passer moins de temps sur Facebook, car ils trouvent le site ennuyeux, 4 utilisateurs sur 5 disent ne jamais avoir cliqué sur une bannière (Facebook comments, ads don’t sway most users: poll).
À partir de là, nous avons été témoins d’un authentique raz-de-marée de témoignages et d’études d’annonceurs ayant été fortement déçus par les performances de la publicité sur Facebook :
- Study Shows The Average Brand Has 0.5% Engagement On Facebook ;
- J’ai testé les Promoted Posts de Facebook ;
- J’ai (aussi) testé les Promoted Posts de Facebook.
Ainsi donc, la formidable machine à engager les fans qu’est censé être Facebook ne fonctionnait plus, malgré les dernières possibilités offertes par la plateforme (Facebook allows advertisers to choose Sponsored Stories placement in News Feed or mobile). Suite à ce brouhaha, nous avons aussi eu l’occasion de lire des avis plus mesurés, mais qui pointe tout de même du doigt le manque de maturité de l’offre (Promoted Posts de Facebook : la réponse d’un spécialiste).
C’est finalement la publication d’une étude de Comscore en début de semaine qui va nous permettre de trancher : The Power of Like 2 Offers New Insights into How Social Marketing Delivers ROI. C’est une très grosse étude, donc je vous en propose un résumé :
- Les résultats de l’étude initiale de Reuters étaient biaisés, car ils étaient fondés sur du déclaratif (et non sur du constaté) ;
- La publicité sur Facebook a un réel impact, mais qui n’est pas immédiat car il repose sur du bouche-à-oreille ;
- Le levier d’amplification des messages sur Facebook est bien réel, mais il varie d’une marque à l’autre ;
- Il y a un impact mesurable sur les intentions d’achat (il a été mesuré) ;
- L’impact positif sur les achats en et hors-ligne n’est représentatif qu’au bout de quelques semaines.
Précisions que cette étude a été réalisé avec l’aide des équipes de Facebook, et qu’elle concerne des grandes marques internationales installées depuis des décennies. Néanmoins, que peut-on retenir de cette étude : La publicité sur Facebook a un réel impact, à condition d’y mettre le prix pour obtenir un minimum d’exposition. Le second enseignement que l’on peut faire est le suivant : l’impact positif de la publicité sur Facebook répond à la même logique que celui des médias traditionnels, car il repose sur l’exposition et non l’engagement. Traduction : si vous voulez que les clients achètent, il faut leur matraquer la tête, à la TV comme sur Facebook. De ce point de vue là, il n’y a pas de raison pour que les méthodes utilisées sur les médias de masse ne fonctionnent pas sur Facebook, mais est-ce le bon endroit pour le faire ?
Force est de constater que les nouvelles offres publicitaires d’amplification de la portée des messages (Promote your post) rapprochent plus Facebook des médias traditionnels (où l’on pratique le matraquage publicitaire) que des médias sociaux (où l’on privilégie l’engagement et les conversations). Je ne rentrerais pas dans le débat de savoir si c’est bien ou mal de promouvoir un message. Si vous souhaitez donner votre opinion sur le sujet, laissez-moi simplement clarifier une chose : en critiquant l’offre publicitaire de Facebook, vous faites le procès des médias en général et de la façon dont ils gagnent de l’argent.
Le constat que je peux logiquement faire est le suivant : en s’approchant du milliard d’utilisateurs, Facebook ne peut plus réellement être considéré comme un réseau social de djeunz, mais plutôt comme une plateforme de communication qui n’a pas eu d’autres choix que d’adopter le même modèle économique que les grands médias. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait, qui est d’ailleurs confirmé par le lancement prochain d’une offre de retargeting : Facebook Exchange retargeting system will bring intent-based ads to the site.
Ceci étant dit (ou constaté), la maturation de l’offre publicitaire de Facebook passera par deux étapes :
- Des outils performants d’analyse sémantique des messages pour empêcher les dérives du mécanisme des sponsored stories (éviter qu’un message promotionnel s’affiche juste en dessous d’une critique). Il serait ainsi dommage de proposer un coupon pour avoir l’apéro gratuit dans un restaurant qu’un de vos amis vient juste de critiquer. En fait quand on y réfléchit bien, les sponsored stories sont potentiellement l’arme ultime des détracteurs et autres activistes luttant contre la consommation de masse.
- Des indicateurs fiables d’exposition et d’engagement, ainsi que des outils industriels (comme chez Google, Yahoo! ou MSN) pour pouvoir mener des campagnes à très grande échelle (We Just Asked A Bunch Of Big Advertisers What They Think Of Facebook Ads).
J’ai déjà eu de nombreuses occasions de démystifier le “mythe” Facebook (Peut-on réellement construire une communauté sur Facebook ?, Avec les nouvelles pages et formats publicitaires, Facebook privilégie les marques fortes et Pourquoi l’action de Facebook plonge-t-elle ?), et ces discussions et études ne font que confirmer ma vision des choses : Facebook n’est qu’un support parmi d’autres, si vous n’avez rien d’intéressant à dire, ce n’est pas en le criant que vous allez attirer l’attention des membres. Éventuellement si vous avez de gros moyens, vous pouvez éventuellement influer leurs prochains achats en pratiquant le matraquage publicitaire intensif, mais ce n’est certainement pas comme ça que vous allez constituer une communauté. Le seul et unique moyen de construire une communauté de clients durable est de produire du contenu à forte valeur ajoutée, distribué de façon ciblée, afin de générer des conversations à valeur ajoutée sur un support maitrisé. C’est la tactique adoptée par les plus grandes marques (Lego, Harley-Davidson, Red Bull, Southwest Airlines…) qui se servent des médias sociaux pour amplifier la portée de leur contenu, mais qui ont préalablement mené à bien ce travail de construction communautaire.
Moralité : faites les choses dans le bon ordre, ou alors préparez vos coupons de réduction, car il va vous en falloir beaucoup !
Un point de vue également intéressant sur l’étude de Comscore est celui de RWW (http://www.readwriteweb.com/archives/facebook-advertising-report-tells-us-what-we-knew-without-telling-us-what-we-want-to-know.php). Personnellement, je me suis un peut méfier de cette étude (même si je l’ai relayé) qu’il faut prendre avec des pincettes. Les marques analysées sont de grandes marques, avec une image construite depuis des années off line et on line, donc pas vraiment applicables à toutes les structures. Ensuite, comme l’étude a été faite avec Facebook, on peut se demander quid du parti prit, et ça ressemble au final plus à une publicité visant à rassurer les marques qu’à autre chose (notamment sur le ROI) Très bon article en tout cas, une fois de plus !
Merci pour ce très bon article qui m’éclaire davantage sur les impacts positifs ou non des Facebook Ads dont on entend beaucoup parler en ce moment sans savoir trop quoi en penser. Comme quoi, il faut aussi faire attention aux études menées qui peuvent nous induire en erreur.
Merci pour cet éclairage. Je te rejoins.
il serait bon un jour que les cabinets d’études se penchent sur d’autres marques que les mêmes marques multinationales qui claquent des millions de $ ! Je note que l’on ne parle pas de la qualité des contenus utilisés, ce qui reste à démontrer pour nuancer de l’attachement “aveugle” des fans à une marque.
Encore mieux une étude concentrée sur la marché français qui s’intéresserait aux marques comme Michel et Augustin, ça ce serait vraiment nouveau, pertinent et utile pour la majorité d’entre-nous !
Cédric
Excellente analyse ! Bravo.