Je sais que les médias sociaux sont un territoire d’expression particulièrement intimidant pour les novices, surtout si vous regardez les émissions de TV qui leur sont consacrées. Je sais qu’il y a une multitude de plateformes sociales et qu’elles évoluent très rapidement, sinon je n’éditerais pas un panorama tous les ans. Je sais qu’il existe un écosystème très dense d’éditeurs de solutions qui prennent un malin plaisir à entretenir le flou artistique pour rendre leurs clients dépendants. Je sais également que de nombreuses sociétés confondent vitesse et précipitations et créent un cercle vicieux qui s’autoalimente. Malgré tout, est-ce une raison pour nous pondre des tableaux comme celui-ci :
Le Guide To The Social Landscape de CMO.com ne comporte pourtant pas d’aberrations, il envoie simplement le mauvais message. En regardant ce tableau, vous pouvez avoir l’impression que la présence d’une marque sur les médias sociaux repose sur le choix des plateformes, comme s’il suffisait de pointer du doigt les bonnes cases. Mais je n’ai eu de cesse de vous répéter que l’important n’est pas de choisir telle ou telle plateforme, mais de faire évoluer la culture interne (les inhibitions face aux médias sociaux) et les méthodes de travail (les logiques d’engagement). À la limite ce tableau peut être intéressant pour répartir le budget d’une campagne d’acquisition sauvage, mais nous savons bien que cette approche reste très limitée.
Le but de cet article n’est pas de vous décourager de faire des campagnes d’acquisition de fans, mais plutôt de vous inciter à définir au préalable une vision et à établir une stratégie. Encore une fois, cela ne se résume pas à choisir une ou des plateformes, car une stratégie s’exprime en termes d’objectifs, de moyens et de feuille de route. Définir une stratégie de présence sur les médias sociaux consiste donc à choisir et prioriser des objectifs, ainsi qu’à attribuer des budgets, ressources et responsabilités. Et pour faciliter ce travail, il me parait comme essentiel de concevoir une architecture communautaire et sociale. Le but de la manoeuvre n’étant pas d’exceller dans l’art divinatoire en se projetant dans l’avenir, mais de formaliser une vision servant de base de discussion pour mobiliser et susciter l’adhésion des différents services et directeurs concernés (communication, marketing, ventes, DSI, RH…).
L’architecture à laquelle je fais référence se présente ainsi sous la forme d’un schéma d’ensemble résumant la façon dont une marque ou une organisation va exploiter les médias sociaux et les communautés en ligne. C’est une vision idéaliste à horizon de 2 à 3 ans qui décrit les différents éléments constitutifs de la présence d’une marque ou institution.
Cette architecture communautaire et sociale va servir à deux choses :
- Stimuler les discussions / négociations entre les services (marketing, communication, ventes…) pour s’assurer qu’il n’y ai pas d’incohérence dans la présence globale ;
- Servir de modèle de référence pour arbitrer les décisions et attribution de ressources.
C’est à partir de cette architecture que devraient être définis les objectifs et priorités. C’est sur cette architecture que devrait reposer la stratégie, et dont découleront les tactiques et les campagnes. Une fois cette vision-cible définie, les grands jalons d’évolution depuis la situation présente vont naturellement se répartir sur la feuille de route en fonction des priorités.
Précision importante : cette architecture communautaire et sociale doit respecter la stratégie globale d’une marque ou d’une organisation. Sous réserve qu’il y ait une stratégie valide (améliorer la rentabilité et l’image de marque ne sont pas des objectifs très structurants). Imaginons qu’une marque veuille procéder à une montée en gamme et/ou un repositionnement. L’architecture va permettre de formaliser cette stratégie en mettant l’accent sur des communautés précises (ex : une communauté A de passionnés servant à légitimer le nouveau positionnement, et une communauté B plus large servant à recruter des individus de la nouvelle cible).
Autant vous prévenir tout de suite : même si le schéma présenté plus haut semble simple et rapide à faire, orchestrer les discussions menant à son élaboration et sa validation par l’ensemble des services concernés est un travail particulièrement laborieux et périlleux ! Pour l’avoir vécu chez plusieurs de mes clients, je peux vous assurer que cela implique généralement un travail d’introspection particulièrement douloureux sur l’ADN de la marque et son coeur de métier (des notions qui deviennent de plus en plus floues avec les années et les changements de patrons). Vous noterez que la prise de recul nécessaire à la définition de cette architecture peut également servir à établir d’autres outils de pilotage comme une Brand Journey ou une User Experience Map dont on attend de plus en plus parler (La conception d’expérience utilisateur est une discipline, pas une notion).
La définition d’une stratégie de présence est un chantier d’envergure, et je pourrais en parler des heures. Je précise une dernière fois que le but de cet article n’est pas de vous fournir un manuel, mais de vous faire ouvrir les yeux sur la nécessité de faire les choses dans le bon ordre et de construire la présence de votre marque par étapes incrémentales et non pas en mode “commando”. Ça sera d’ailleurs le thème de l’intervention à la conférence Social Media Impact on Business que je donnerais le mois prochain à Marrakech, si vous passez dans le coin… n’hésitez pas !
J’adhere a cette idee d’architecture et de plannification qui Fred decrit. Cependant je ne suis pas aussi categorique que cela quant au tableau publie au debut de l’article.
En effet ce tableau est juste mais il est clairement oriente technique et fonctionnalites. Il est important de savoir quelle plate-forme vous offre quel type d’outil pour dialoguer avec vos membres, quelle est la facilite de sortir de la plate-forme etc …
Pour illustrer cela prenons 3 applis mobile :
– Twitter
– Facebook
– G+
Seule la premiere offre une fonction partage native (sur Android du moins) Vous pouvez donc facilement sortir un message de la plate-forme et le re-injecter ailleur (FB G+ SMS mail … )
tout comme Fred il faut arreter de croire que ces plate-formes sont magiques, si on y met pas de l’huile de coude, de profondes reflections et l’ellaboration d’une strategie claire … ca ne marchera pas!
Mais rassurez vous, si vous lisez ces quelques lignes vous etes au bon endroit, prenez le temps d’aller consulter les autres articles ainsi que les blog connex, c’est une saine lecture ;o)
Très bon article, à la fois détaillé et peut-être un peu trop même pour moi.
Mais quand je vois ton schéma, ça explique aussi pourquoi de nombreuses entreprises souhaites et cherchent à recruter un(e) community manager.
Ensuite sur le fait de choisir ou non ses plates-formes, je suis un peu dubitatif, il faut quand même privilégier certaines plate-forme. Par exemple je ne vois pas ce que Flickr pourrai m’apporter.
(ps:Je découvre ton blog et il est vraiment de bonne qualité, à suivre…)
Arnaud
Merci pour cet article. Pourtant, j’ai l’impression que ton schéma contredit tes propos. Tu écris que “l’important n’est pas de choisir telle ou telle plateforme, mais de faire évoluer la culture interne (les inhibitions face aux médias sociaux) et les méthodes de travail (les logiques d’engagement)”, ce à qui j’adhère à 100%. Mais ton schéma fait état de communauté Facebook ou de compte Twitter dédié par communauté, alors que la communauté peut ne pas être présente sur Facebook ou sur Twitter ?
@ Chob > Très juste. Si je suis persuadé que le choix d’une plateforme en premier lieu est contre-productif, il faudra bien le faire à un moment ! Comme précisé plus haut, cette architecture est une vision-cible, une projection dans l’avenir. Cela implique donc de préciser un minimum cette vision. Par contre, la mention d’une ou plusieurs plateformes est facultative, l’élément le plus structurant dans le schéma fournit en exemple est la mention de deux communautés.
J’en profite pour rappeler que l’important n’est pas le schéma, mais les discussions / négociations qui vont avec.
Il faut aussi dire que vous n’allez pas passer le même temps et la même énergie sur tous les réseaux sociaux, privilégiant par exemple facebook ou twitter.
Sinon je suis daccord, il ne faut surtout pas se priver des réseaux sociaux, bien sur à condition de bien les utiliser et d’avoir une réelle stratégie bien préparée.
C’est pour ça que de plus en plus d’entreprise recrute des community manager.
Bon article.
Fred,
La façon de modéliser les interactions entre les différentes propriétés digitales d’une marque que tu présentes est très intéressante. Elle permet en effet de structurer les liens à établir entre les sites et mini-site de marque, les différents comptes sur les réseaux sociaux, les blogs, etc.
Cela évite que tout le monde fasse tout et n’importe quoi en multipliant les initiatives dans tous les sens.
Merci, je vais m’en inspirer.
Fred,
J’aime beaucoup ton idée d’Architecture Communautaire. Et j’aimerais la pousser plus loin.
Tout d’abord, un peu de contexte, toute transformation dans une entreprise est une fonction de trois variables “People, Process, Platform” avec une importance variable en fonction du temps. La composante la plus importante est évidemment celle qui concerne les facettes humaines et culturelle (i.e. “people”) car la culture est le plus difficile à changer. Je suis (je crois, bien en phase avec toi sur ces points). Mais les choix de processus et de plateformes sont aussi critiques. Pourquoi? Ceux qui ne font pas les bon choix se retrouvent dans une impasse ou un plateau désertique sans réellement s’en rendre compte… Et ensuite, toujours difficile de se déjuger et changer de plateforme…
Aujourd’hui, aux Etats-Unis, 70% des marketers réinvestissent massivement sur leur site .com, leur site mobile et les rebonds dans leurs points de vente (i.e. intégration du on-line et du off-line pour un parcours client 360). Pourquoi? Ces marketers se rendent compte que le succès de Facebook et Twitter transforment ces réseaux sociaux en médias de masse. Aujourd’hui, 70% des internautes se connectent au moins une fois par mois à Facebook. Mais ils se sont aussi aperçus que seulement 2% de fans d’une page de marque reviennent sur cette page. Résultat: Ces marketers utilisent Facebook et Twitter pour faire du “reach”, pour recruter avec des campagnes et les redirigent vers leur propre communauté de marque qui se trouve dans leur site .com et leur site mobile (par exemple, la communauté de Sephora USA: http://community.sephora.com/ développée par Lithium). Cela permet à Sephora USA de drainer 60% de son trafic directement en provenance de Google qui référence vers le contenu riche et individuel de la communauté. Essayer de chercher dans Google “What is a good eyeliner for working out?” et voyez quels sont les 3 premiers liens non sponsorisés. Une simple question d’usage dans Google donne une prime à la communauté de marque dont le contenu est une multitude de conversations entre consommatrices.
Quel est mon point? N’oublions pas la plateforme la plus importante pour votre marque: votre propre site ou ensemble de site web et mobile!
Nous avons été nombreux à aider le développement des sites de Facebook, Twitter et bien d’autres… Il est maintenant urgent de regarder comment améliorer vos propres sites de marques!
@ Tim > Attention, je ne dis pas qu’il faut négliger le choix de la plateforme, mais que ce choix doit intervenir après la définition d’une stratégie de présence, et non avant (sauf dans le cas d’une approche empirique test & learn, mais qui a ses limites). Sinon oui, négliger son site (corporate ou communautaire) est une très grosse erreur. Cela revoit d’ailleurs à un article que j’avais publié l’année dernière (Peut-on réellement construire une communauté sur Facebook ?).
http://fredcavazza.wordpress.com/2011/12/09/peut-on-reellement-construire-une-communaute-sur-facebook/
@ Fred > Merci pour ce pointeur vers un article que je n’avais pas vu. Il est excellent!
Merci Fred pour cette contribution,
je suis d’accord, ton post apporte 1: le concept d’architecture communautaire et sociale 2: le fait que celui-ci doit s’organiser par communauté, et que la stratégie doit d’abord définir les objectifs par communauté. De ceux-ci, on déduira ensuite les plateformes permettant d’atteindre le mieux ces objectifs et ces communautés.
Pour tranquilliser certains de tes lecteurs, il suffirait que tu dises que tu cites facebook ou twitter à titre d’exemple.
Peut-être pourrait-on sophistiquer un peu plus ton tableau en indiquant la (ou les) plateforme(s) de rang 1, c’est-à-dire celle à partir de laquelle le discours doit s’organiser: un blog, une plateforme podcast, une page en particulier…pour se distribuer ensuite, ailleurs.
Il serait sans doute aussi intéressant d’y rajouter le concept de blogosphère des influents, comme une nébuleuse type voie lactée, qui éclaire spécifiquement chacune des communautés…
si tu partages cette vision, tu pourrais m’envoyer la nouvelle version de ton architecture sociale et communautaire et nous pourrions l’utiliser tous les 2 en tant que co-auteurs, non? :-)
Merci pour cet article, le sujet et les préconisations sont toujours d’actualité. La communication sur les réseaux sociaux est indispensable pour sa notoriété d’une marque, mais aussi pour promouvoir son site Internet. C’est important d’avoir une communauté et d’engager des discussions autour des thématiques liées à vos produits.
Comme vous le dites, le community management est la meilleure personne pour piloter la communication sur ces supports. C’est à lui de trouver le juste équilibre entre publications, modération des discussions, mise en place de jeux-concours et autres campagnes.