Comme à chaque approche de la nouvelle année, je vous propose mes prédictions (cf. mes précédentes prédictions pour 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013). Autant vous prévenir tout de suite : il n’y aura rien de révolutionnaire pour ces prédictions dans la mesure où nous sommes déjà noyés sous un déluge d’innovations et autres disruptions. Du coup l’exercice consiste plus à identifier les tendances les plus prometteuses plutôt qu’à faire en une liste exhaustive. Par exemple, vous ne trouverez pas de robots ou de drones dans mes prédictions, car tout ceci est encore un peu trop avant-gardiste, et surtout pas réellement en phase avec les attentes du grand public.
Bref, tout ça pour dire que la cuvée 2014 sera placée sous le signe de la rationalisation.
L’inexorable ascension des applications sociales mobiles
Saviez-vous qu’il y a plus d’utilisateurs de WhatsApp que de Twitter ou TumblR ? Saviez-vous que WeChat et Line approchaient du seuil des 300 M de membres ? Ces chiffres peuvent surprendre, mais ils sont le reflet de la formidable progression d’une nouvelle génération d’applications mobiles (Our List Of The World’s Largest Social Networks). En à peine deux ans, des applications comme SnapChat, WhatsApp, Kik ou Viber ont conquis des centaines de millions d’Occidentaux, pendant que WeChat, Line, Kakao ou Nimbuzz partaient à la conquête de l’Asie (L’avènement des applications sociales mobiles). Certains pourraient me demander “Pourquoi un tel succès ?” et je leur répondrais “Pourquoi pas plus tôt ?“. Il est ainsi surprenant qu’avec la généralisation des smartphones et des forfaits (quasi) illimités ce type d’application n’ait pas remplacé les SMS / MMS plus tôt. Je pense ne pas me tromper en disant que ces applications profitent de l’héritage de iMessage ou de BBM. Et le rythme d’adoption ne va pas fléchir puisque ces applications proposent des fonctionnalités bien plus sophistiquées que de la messagerie de groupe : géolocalisation, publications scénarisées, push-to-talk, jeux…
La grande inconnue reste de savoir comment les éditeurs vont monétiser leur audience. Si les applications asiatiques ont trouvé des leviers de monétisation intéressants (Snapchat Could Learn From The Explosive Growth In This Messaging App’s Sticker And Ad Revenue), je ne sais pas trop où vont les éditeurs US (cf. Why we don’t sell ads). Il serait d’ailleurs urgent qu’ils se décident à lancer leurs offres publicitaires.
Action à prévoir : Commencez à vous approprier ces applications mobiles et à voir dans quelle mesure vous pourriez les utiliser à des fins de branding ou de marketing.
Les publicités natives dépassent les 20% des budgets média
Encore une tendance qui a explosé en cours d’année. Un succès qui est parfaitement justifié, car les publicités natives sont l’alternative la plus élégante aux bannières et un moyen très efficace de contourner les bloqueurs de publicités. L’essor des publicités natives est tel que l’IAB s’est empressé de publier son référentiel de bonnes pratiques : IAB Native Advertising Playbook.
La grande force des publicités natives est qu’elles apportent une solution idéale pour les terminaux mobiles, et qu’il est possible de les coupler avec des techniques de programmatic buying. J’anticipe donc un basculement rapide des budgets d’achat d’espaces traditionnels vers de la publicité native. Le problème est que ces publicités sont spécifiques à chaque support et que l’inventaire est limité. Du coup, il n’est pas non plus envisageable d’abandonner complètement les bannières. L’idéal est d’avoir une approche hybride des campagnes : bannières pour la visibilité, natives pour l’engagement et ciblage démographique / comportemental pour la performance.
Action à prévoir : Passez un peu de temps sur les supports générant le plus d’audience (Facebook, Twitter, BuzzFeed…) pour comprendre comment les annonceurs les plus performants se servent des publicités natives.
Le retour de la narration et de la scénarisation des contenus multimédia
J’ai déjà eu de nombreuses occasions de vous venter les mérites d’HTML5 et de CSS3 pour donner de la profondeur à vos contenus, faire de belles transitions et doper votre narration. Vous pourriez à juste titre que c’est le retour des contenus scénarisés comme à la grande époque des CD-Rom, et vous n’auriez pas tort ! Après tout, qui s’en plaindra ? Quand je vois des réalisations comme le livret blanc Au-delà du cloud de SFR, je me dis que nous n’en sommes qu’au tout début d’une nouvelle ère de réappropriation des techniques de mise en page avancée. Certes, il faut un minimum de travail, mais imaginez ce que ça pourrait donner sur des sites institutionnels comme celui de Coca-Cola (justement très riches en contenu).
Avec de telles techniques d’animation et de scénarisation des contenus, le storytelling serait sublimé, l’internaute ré-enchanté et les intégrateurs front-office sortiraient enfin de l’ombre pour récupérer les gallons qu’ils méritent.
Action à prévoir : Délectez-vous des articles de fond de The Verge ou de Polygon pour bien comprendre l’intérêt d’une narration enrichie.
Les magasins connectés deviennent la norme
Au cas où vous ne vous en étiez pas rendu compte, nous sommes au XXIème siècle, donc il est grand temps d’arrêter de s’extasier devant des bornes interactives installées dans un magasin. Je veux bien croire qu’il est compliqué de déployer des frontaux web en point de vente, mais là ça commence à être un peu long cette histoire. J’ai beaucoup de mal à comprendre comment il est encore possible de tolérer qu’un vendeur vous dise “Ha non je n’ai pas ce produit en stock, mais je me fais livrer la semaine prochaine“. La semaine prochaine ? Sérieusement ? Pour mémoire je vous rappelle qu’Amazon envisage de faire travailler les postiers le dimanche et de livrer ses clients avec des drones ! Et je ne vois pas au nom de quoi nous devrions “ralentir un peu les choses” (dixit notre ministre de… de quoi déjà ?) comme ça a été le cas pour les magasins But.
Tout ça pour dire que pour survivre les enseignes nationales devront impérativement pratiquer le commerce hybride où les activités autour de la vente en ligne et hors ligne ne seront pas cloisonnées (ex : le vendeur vous aide à commander un produit en ligne s’il n’est pas disponible en magasin). De même, les points de vente devront pouvoir servir de relais logistique (pour s’y faire livrer un produit ou pour faire la reprise d’un article acheté en ligne), j’estime que ça rentre dans le cadre du service apporté aux clients.
Attendez-vous également à des choses particulièrement novatrices en matière de microlocalisation, notamment avec le tout nouveau iBeacon d’Apple (With iBeacon, Apple is going to dump on NFC and embrace the internet of things).
Action à prévoir : Allez donc vous acheter une guitare chez Woodbrass ou un skate chez Hawai Surf pour voir à quoi ressemble une implémentation pragmatique et décomplexée du commerce hybride.
L’Afrique devient le nouvel eldorado du web
Si vous pensez qu’il y a de belles opportunités avec la montée en puissance du web en Asie, vous avez une sacrée longueur de retard. Avec des géants comme Rakuten, Alibaba ou Tencent, l’économie digitale asiatique est en pleine vitesse de pointe. Comprenez par là qu’ils n’ont plus besoin des capitaux ou des compétences occidentales, pire, ils passent maintenant à l’offensive ! Même des pays comme les Philippines ou l’Indonésie sont en pleine ébullition (17 food apps and startups in Indonesia).
À partir de ce constat, il ne reste plus qu’un continent offrant de très belles perspectives de croissance : l’Afrique. Les pays du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest (principalement anglophones) connaissent en ce moment une authentique révolution avec la démocratisation des équipements. À partir du moment où les moyens d’accès s’améliorent de mois en mois (bande passante plus importante, forfaits moins chers) et que le prix des équipements est en baisse (grâce aux constructeurs chinois), les usages grimpent forcément en flèche. Si l’on se pose encore des questions en Europe, là-bas la situation est par contre très claire : la digitalisation de la population passera forcément par les smartphones.
Mais ne vous leurrez pas : si les perspectives de croissance sont bien réelles (tout reste à faire), la compétition est acharnée et les premiers gros acteurs sont déjà en place comme Kalahari en Afrique du Sud (Le géant du commerce en ligne kalahari.com accélère son expansion avec hybris), Jumia en Afrique francophone (financé par l’incontournable Rocket Internet), ou Konga en Afrique anglophone (Konga.com opens Africa’s biggest e-commerce fulfillment centre, appoints new COO).
Certes, tous ces usages en ligne sont embryonnaires, mais l’écosystème est à construire : opérateurs alternatifs, hébergeurs, référenceurs, agences… Tout le monde aura sa chance !
Action à prévoir : Arrêtez donc de fantasmer sur la Silicon Valley et allez donc faire un tour au Tabletcafé de Dakar.
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Je vous donne rendez-vous en fin d’année 2014 pour une rétrospective de ces prédictions.
Toujours aussi pertinent.
Merci pour ces prédictions qui accompagnent ma réflexion stratégique…
Merci Fred pour tes prédictions toujours très pertinentes. Pour ma part, je me suis aussi lancé dans les prédictions 2014 sur les objets connectés sur http://www.livosphere.com dont une commune avec toi sur le retail :
– Objets connectés stars : équipement de sport, jeux / jouets, animaux, retail,
– Plateforme cloud dédiée lancée par Google, Microsoft…
– Rachats de startups pour un montant > 1 Md€,
– Pas d’iWatch,
– Grandes marques se lancent dans les objets connectés
– Guerre des standards en 868 Mhz, 900 MHZ et réseau longue portée
Lien Direct : http://bit.ly/Livo_2014
Merci de ces prédictions, que je partage pour la plupart. J’aurais ajouté pour 2014, une accélération autour de “Réseaux Sociaux et Entreprise” : les entreprises prennent conscience de ce qu’elles peuvent retirer des réseaux sociaux, internes ou externes : défendre la marque/l’image/la réputation, augmenter leur surface “social media” pour développer la marque, voire passer au Social SAV dans les Contact Centers pour un service plus rapide et efficace des agents SAV… et protéger le revenu.
Autre grande tendance : Big Data, avec sans doute beaucoup de bruit; le pire, puis espérons-le le meilleur de ce qu’on peut imaginer en triturant les Big (Open) Data.
okezouit@gmail.com