Google+ est mort, vive Universal Analytics

La nouvelle n’a pas dû vous échapper : la personne à l’origine de Google+ vient de donner sa démission (Google+ Head Vic Gundotra Leaving Company). Du coup, tout le monde spécule sur la fin programmée de la plateforme : Google+ Is Walking Dead. Force est de constater que succès de Facebook porte ombrage aux autres plateformes sociales. Mais plutôt que de tomber dans la facilité et tirer sur l’ambulance, je vous propose plutôt d’étudier l’envers du décor et d’essayer d’anticiper l’évolution du marché.

Facebook a gagné une bataille qui n’est plus réellement d’actualité

Comment parler de Google+ sans évoquer l’incroyable réussite de Facebook : Facebook Beats In Q1 With $2.5B In Revenue, 59% Of Ad Revenue From Mobile, 1.28B Users. Les chiffres publiés la semaine dernière sont très impressionnants et surtout sans appel : la domination de Facebook est incontestable (In Q1, Facebook still reigns supreme in social referrals), et leur permet de dégager une excellente rentabilité (Facebook Blows Away Analyst Projections With Strong Earnings). Soit, mais alors pourquoi les marchés financiers ne se réjouissent pas de ces très bons résultats ? Car la dynamique de l’internet est en train de changer.

Pour résumer une longue explication : il y a 15 ans, le seul moyen d’avoir des interactions sociales était de discuter sur un forum. Puis les réseaux sociaux en ligne sont arrivés (Friendster, Myspace…) et les internautes ont commencé à tisser des connexions en fonction de leurs connaissances et centres d’intérêt. Puis Facebook s’est imposé comme LE réseau en ligne universel et a réussi à fédérer près de 1,3 MM de membres. Sauf que… cette croissance exponentielle s’est faite au détriment du respect de la confidentialité : à force de partager tout et n’importe quoi, les utilisateurs ont perdu leur identité (volontairement ou non) et privilégient maintenant les interactions sociales éphémères, voir anonymes (I’ll Tell You A Secret: Anonymous Apps Matter).

Certes, Facebook est le roi du web social, mais le web social est mort : tout est devenu social dans la mesure où web et médias sociaux ne font plus qu’un. Le partage n’est plus une fonctionnalité, mais une norme. La cacophonie ambiante atteint un tel niveau, que l’on ne sait plus trop qui est qui : les anciens médias misent tout sur les médias sociaux (ex : des chaines de TV comme TF1 ou BFM se sont transformées en gigantesques promoteurs de Facebook ou Twitter), les nouveaux médias se prennent pour des anciens (Yahoo et Amazon produisent maintenant leurs propres séries TV) et les plateformes sociales rêvent de s’émanciper (lancement de FB Newswire pour concurrencer les agences de presse et les sites de news “viraux”). Au final, la densité de publication est telle que les médias traditionnels et annonceurs finissent par éclipser les membres, ce pour quoi les internautes ont rejoint les plateformes sociales (Facebook’s friend problem: Why can’t the social network adapt to how we make and lose friends?).

La dure réalité est la suivante : pendant que les géants du web s’affrontaient pour imposer leur plateforme sociale, les utilisateurs ont petit à petit reporté une partie de leurs usages sur des applications mobiles pour récréer de la proximité et un semblant d’intimité (cf. mon article du début d’année : Les applications mobiles font de l’ombre aux grandes plateformes sociales). Ceci étant dit, Facebook n’est pas resté les bras croisés et sut opérer un très beau réalignement stratégique autour des terminaux mobiles (Facebook : des résultats en hausse et une stratégie mobile qui se renforce). Dans ce contexte, la somme mirobolante dépensée pour acquérir WhatsApp peut facilement être relativisée : WhatsApp passes 500 million active users, says over 700 million photos and 100 million videos are shared daily.

En mettant la main successivement sur Instagram et WhatsApp, Facebook a su anticiper l’évolution des usages, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, surtout d’un point de vue juridique.

Et si Google+ n’était qu’une façade ?

Le départ de vic Gundotra de Google est donc une mauvaise nouvelle, d’autant plus qu’il s’accompagne visiblement d’une réorganisation : Google to end forced G+ integration, drastically cut division resources. Tout porte à croire que Google+ en tant que “portail social” ne va pas perdurer et que les différentes fonctionnalités vont être morcelées, notamment Hangouts et Photos (The state of Google+: The whole is not worth the sum of its parts). Un changement de cap qui se justifie par l’évolution des attentes des utilisateurs (tournées maintenant vers les smarpthones) et par les réticences internes à vouloir forcer l’intégration de Google+ dans tous les produits (A Personal Reflection On Google+).

Face à la suprématie de Facebook, Google se retire de la course et préfère concentrer ses forces sur sa plus belle réussite : Android. Mais la disparition probable de Google+ en tant que portail ne peut être considérée comme un échec dans la mesure où l’objectif premier a été transformé : relier tous les services de Google entre eux et inciter les utilisateurs à s’identifier. De ce point de vue là, l’opération est même une franche réussite avec notamment l’implémentation de l’authorship et la généralisation des profils Google : Google+ won (or why Google never needed a social network). Précisons également que les communautés remportent nu vif succès dans certaines niches (geek et food).

Je l’avais déjà évoqué à plusieurs reprises dans d’autres articles, mais selon moi, le plus grand accomplissement de ces dernières années a été la fusion des conditions générales d’utilisation : tous les services de Google reposent maintenant sur des CGU unifiées qui leur permet de consolider et d’exploiter vos données de façon transverse. D’un point de vue juridique, Facebook, Instagram et Whatsapp sont des services distincts (car leurs utilisateurs ont signé des CGU différentes), alors que les utilisateurs de Google, YouTube, Maps, Android… ont accepté les mêmes CGU. Là où ça devient très intéressant, c’est que Google a également fusionné son outil de tracking : Google brings its Universal Analytics next-generation analytics platform out of beta.

Traduction : Google peut maintenant, d’un point de vue technique et juridique, collecter et exploiter les données de ses utilisateurs à des fins de ciblage publicitaire. L’important n’est donc plus d’accumuler le plus de membres, mais de pouvoir s’en servir de façon intelligente pour améliorer le ciblage : YouTube et Google+ génèreraient des visites plus qualifiées que Facebook et Twitter. Après coup, on se rend compte que Google+ n’était qu’une activité parallèle, de celle que l’on peut se délaisser, mais que le coeur de l’empire Google réside dans les profils de ses utilisateurs et dans ses solutions de tracking. Facebook peut bien fanfaronner avec le rachat de WhatsApp ou l’ouverture prochaine d’un réseau publicitaire mobile (Facebook’s Mobile Ad Network Is Called “Facebook Audience Network” And Here’s How It Works), Google sait qu’il aura le dernier mot grâce à Analytics et Android (qui raflent largement plus de la  moitié des parts de marché de leur créneau respectif).

Nous en avons déjà eu les premiers signes en 2013, et je reste persuadé que 2014 va être une année charnière : entre l’avènement des médias sociaux et la généralisation des terminaux mobiles, le web est en train de subir sa plus grande transformation. Les leaders d’hier ne sont pas les leaders d’aujourd’hui, et les leaders de demain sont petit à petit en train de s’installer sans attirer l’attention. Plus que jamais, le paysage se complexifie et il faut savoir lire entre les lignes (“connecting the dots” comme disent les Américains) pour anticiper l’évolution du marché et faire les bons choix.

15 commentaires sur “Google+ est mort, vive Universal Analytics

  1. … Effectivement jolie réflexion… Mais qui se base sur des informations erronées : pas de réorganisation chez Google
    Google ne se retire pas de la course, il n’a jamais, vraiment jamais été dans la course face à Facebook car, comme le titre l’indique Google plus est une façade.

  2. On parle d un décès lorsqu il y a naissance…… Google + c est juste une fausse couche, si tu enlèves tous les employés de Google, tout ceux qui avaient une adresse gmail ( car création automatique d un compte G+) tu peux chercher ceux qui utilisent réellement G+ … G+ a apporté des nouveautés que Facebook a immédiatement adapté ! une force de réaction impressionnante chez Facebook …alors que G+ s emmêlait les pieds dans l absurde avec une dictature du Vrai Nom ! Tu avais un compte ouvert mais inexploitable car il estimait que c était pas ton vrai nom …. pendant que facebook fonctionnait parfaitement ! G+ cherchait a éclore dans de l azote liquide…. comme quoi la lucidité n est pas un don !

  3. Donc le retour de la mort du cookie tiers et l’arrivée d’un identifiant Google

  4. @ Alexis > Comme précisé en début d’article, l’objet n’est pas de parler de google+ et de son avenir, mais plutôt des nouvelles CGU et de Universal Analytics, le vrai trésor de guerre de Google. Ceci étant dit, je suis quand même persuadé qu’ils vont capitaliser sur Hangouts et Photos (des concurrents directs de FB Messenger et Instagram).

    @ Twenty > Imposer le “Vrai Nom” était une étape obligatoire pour déployer le Authorship, une véritable avancée pour le SEO et les éditeurs de contenu.

    @ Yann > Oui, le User Agent de Google Analytics va devenir l’Id de référence pour tracker le parcours des internautes, quel que soit le terminal utilisé.

  5. Oublie dans le fond d’un placard a balais, google ne doit même plus savoir que Orkut existe encore … ;)

  6. Question naive : Est-ce une bonne ou mauvaise nouvelle ? Je veux dire par là, est ce que l’arrêt d’un concurrent à Facebook est positif pour l’utilisateur ? L’impérialisme de l’un à défaut de l’autre ? car il y a toujours la question de la collecte des données personnelles… en situation de concurrence, on peut imaginer qu’ils doivent faire plus attention à ne pas faire de faux pas

  7. Très intéressant mais je rejoins Alexis, il n’y a pas de mort de Google +, et je pense que c’est important de le préciser.

    Vouloir parler du “vrai trésor de guerre” de google (nouvelles CGU et de Universal Analytics donc…) ne doit pas faire dire n’importe quoi par ailleurs, notamment quand la survie de Google + ou sa mort n’est pas un élément du maintien du “trésor”. Par contre, son éventuelle progression est un facteur de croissance du trésor permettant d’allier secondairement la quantité à la qualité, tout à fait en phase avec l’analyse somme toute très pertinente pour le reste.

    Quand on sait en plus que l’information “mort de google +” a été démentie, il est dommage d’en laisser trace dans une telle analyse. Cela pouvant même permettre la décrédibiliser par ailleurs

  8. Excellente analyse qui ouvre le débat qui semblait s’enfermer sur “vie/mort”. Je reste persuadée qu’il ne s’agit que de la fin d’un cycle pour G+.
    G+ est avant tout la colonne vertébrale de tous les services Google. A ce titre, il a répondu à l’ambition initiale : être un outil d’authentification unique.
    Sauf erreur, dans ton analyse, tu ne parles pas de “GoogleApps” ; or, il me semble que ce programme dédié au TPE/PME est l’un des produits phares de l’univers Google qui s’est inspiré de G+ . GoogleApps est la version “payante” d’un dispositif plus large mais fort ressemblant à G+ (dédié au grand public et gratuit). Je vois mal Google abandonner l’authentification unique qu’offre G+. En revanche, je suis persuadée que l’ambition “réseau social” à la Facebook n’est pas d’actualité et ne le sera pas. Le véritable avantage que je vois chez G+ c’est la création d’une porte d’entrée générique à toutes les constellations Google permettant de combiner les services (contact-calendar-drive-hangout-image) pour une approche multi-usage. En revanche, Google n’a jamais véritablement apporter de solutions pragmatiques à ceux qui utilisaient simultanément G+ et GoogleApps,. A titre d’expérience, ça fait plus d’un an que je tente de résoudre le doublon de 2 profils. Un profil G+ avec mon contenu historique et une partie de mon réseau,et, un profil GoogleApps vide de contenu avec la majorité de mes contacts. Malgré les outils en ligne pour migrer les contacts, Google a toujours affirmé ne pas pouvoir opérer à la migration des contenus. Bref, tout cela pour te dire que les utilisateurs G+ et GoogleApps ont quasi tous un pb avec ce dispositif et passent leur temps à naviguer entre 2 profils. Pour moi, c’est le symbole d’un dysfonctionnement ou d’une démarche non-aboutie.

  9. @ Marie > Je pense sincèrement que Facebook joue dans sa propre catégorie, les deux sociétés ont leur propres road map d’évolution et ne font pas les choses en fonction de ce que l’un ou l’autre sort, mais de ce qu’ils sont capables de délivrer dans de bonnes conditions (stabilité…).

    @ Grégory > Tu remarqueras que tout est au conditionnel dans mon article. Mais je reste persuadé, comme Fadhila, que Google+ est avant tout une couche sociale (voir un mécanisme d’authentification unique) qu’une plateforme sociale au sens “portail”.

  10. Bon OK, j’avoue avoir versé dans le sensationnalisme avec le titre de mon article, mais c’était uniquement pour avoir plus de clics. Mais je vous jure que ce n’est pas moi qui ai commencé ;-)

  11. Je pense que la “guerre” n’est pas terminée, Google pourrait très bien forcer l’utilisation de G+ à grand coups de pieds dans la figure, en donnant par exemple un gain phénoménal de positions naturelles sur son moteur de recherche aux sites qui y sont aussi présent… Cela changerai la donne en quelque jours..
    Pour ma part j’ai plus de succès avec facebook, et surtout les clics me coutent environ 2x moins cher chez facebook que chez adwords, le calcul est donc vite fait…

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