Le contenu a toujours été une obsession, surtout dans le cadre des médias sociaux : pas de contenu, pas de conversation. J’ai déjà eu l’occasion de vous en parler il y a des années (De la qualité des contenus sur Facebook) et plus récemment dans un autre contexte (Le contenu est le moteur du commerce). Pourtant, je constate avec amertume que les pratiques de snackable content et autres messages sponsorisés deviennent petit à petit la norme. L’avènement des publicités natives aurait dû inciter les annonceurs à investir dans du contenu pour pouvoir initier des interactions sociales de meilleure qualité, mais le critère de référence reste la visibilité brute. Du coup, les budgets sont principalement utilisés pour de l’achat de visibilité.
Loin de moi l’idée de remettre en cause le principe de mémorisation par la répétition, mais depuis le temps que l’on constate que les internautes sont de plus ne plus hermétiques à la publicité, il serait peut-être temps de faire des arbitrages un peu plus généreux en faveur des contenus. J’ai la terrible impression de me répéter, mais si vous n’avez rien d’intéressant à dire, il ne sert à rien de crier, car vous ne serez pas nécessairement mieux entendu.
Ceci étant dit, deux études récentes apportent de l’eau à mon moulin et nous livrent des pistes de travail. Il y a tout d’abord le State of the American Consumer de Gallup qui nous rappelle ce que nous savions déjà (les utilisateurs des médias sociaux s’en servent avant tout pour échanger avec la famille et les amis : Americans Say Social Media Have Little Sway on Purchases. Ce qui est par contre très intéressant, c’est l’influence perçue des médias sociaux sur la décision d’achat en fonction des tranches d’âge :
Comme vous pouvez le constater, les consommateurs les plus âgés sont les plus méfiants vis-à-vis des médias sociaux, et surtout de la prise de parole des annonceurs. Certes, les jeunes sont l’avenir de la consommation, mais pour le moment, le plus gros pouvoir d’achat est détenu par des populations très hermétiques. Il y a deux façons de lire ces données : en voyant un verre à moitié vide (en moyenne, presque 2/3 des consommateurs ne sont pas influencés par les médias sociaux) ou à moitié plein (la moitié des jeunes disent avoir été influencé par les médias sociaux). Le problème est que rien ne nous dit que ces jeunes vont rester influençables en grandissant, à mesure que leurs réflexes de consommation vont s’affiner.
Deuxième étude avec la publication du Trust Barometer d’Edelman qui enfonce le clou : Consumers Don’t Trust Brands on Social Media. Cette étude nous apprend que les personnes en qui les consommateurs ont le plus confiance sont les experts, les pairs, les analystes, les représentants d’ONG ou les employés normaux.
Si les utilisateurs de médias sociaux apprécient un peu plus la prise de parole des CEO, ce sont les employés lambda qui sont les plus plébiscités (+20% en 5 ans). Nous avons ici un signal très fort envoyé par la communauté : ils veulent des prises de parole authentiques.
À partir de ces deux études, nous pouvons donc en déduire plusieurs choses :
- Les comportements des jeunes (Gen Y et millennials) peuvent biaiser les scores d’engagement ;
- Les utilisateurs restent méfiants vis à vis des prises de parole institutionnelles et/ou policées ;
- La proximité est un levier d’engagement très puissant.
Avec ces éléments en tête, à vous de savoir si vous voulez continuer à laisser votre stagiaire community manager publier des photos de chatons pour faire marrer ses potes ou si vous voulez trouver une solution durable à cette crise de confiance. Les marques les plus performantes ont depuis longtemps commencé à investir dans du contenu ciblé pour se créer une audience durable : Eight companies with great content marketing strategies. Il est question dans cet article d’ASOS, dont nous avons suffisamment parlé, mais également de marques BtoB comme Amex ou IBM (avec son magazine Midsize Insider), ainsi que des marques BtoC comme Sephora avec son portail MakeUp.com. Il existe également d’autres très bons exemples comme le Irony Gentleman’s Guide de Swatch, qui mériterait un mini-site dédié, ou des distributerus comme Nordstrom qui misent beaucoup sur la curation et l’inspiration : How Nordstrom uses Facebook, Pinterest, Twitter and Google+.
Comme précisé en début d’article, en tant que gros producteur de contenu moi-même, j’ai forcément un parti-pris prononcé dans ce débat, quoi que… y a-t-il réellement débat ? Je reste ainsi persuadé que malgré les indéniables progrès réalisés en matière de ciblage et publicité native, une action de communication proclamatoire (ex : “mes produits sont les meilleurs, d’ailleurs je les vends à -20%“) n’aura qu’un impact très limité sur des plateformes sociales où l’essentiel des interactions tourne autour du partage et des conversations. Le contenu doit impérativement rester au coeur de votre stratégie de présence sur les médias sociaux, il permet de bâtir une audience durable, de segmenter de façon précise et d’augmenter de façon incrémentale la visibilité de votre marque ou de vos produits (à condition de parler des bénéfices à l’usage et non du produit en lui-même).
Sinon vous pouvez aussi investir dans des services à valeur ajoutée… Je sens que le sujet n’est pas clôt et que nous en reparlerons très bientôt. Pour prolonger cette réflexion, je vous propose le résumé des tendances du branded content suite au jury du Cannes Lion 2014 par Daniel Bô.
Chapeau bas,
article très enrichissant et qui rejoins un peu mon avis de jeune consommateur.
Je pense que nous sommes effectivement entré dans l’air du partage, du retour d’expérience. Les avis provenant de personnes lambda sont maintenant bien plus pertinents qu’un discours rodé sans faille parce que plus sincère. Ça ne peut qu’apporter de bonnes choses si la chose est bien géré
C’est vrai que grâce aux réseaux sociaux comme Facebook, twitter ou third réseau social immobilier, il est plus simple de partager sur son entreprise et donc d’être plus proche des prospects. Ainsi il faut maintenant communiquer et gérer intelligemment sa page pour pouvoir progresser.
@ Swapland > Oui, mais une marque ne peut pas se contenter des avis de ses clients. Si elle veut se repositionner, améliorer son images ou augmenter la valeur perçue, les contenus à valeur ajoutée sont particulièrement pertinents. en tout cas plus que les natives ads (c’est la nouvelle façon de dire “bannières”).
La communication entre humains est parfois un peu creuse, avec Internet et une certaine forme de robotisation le message se transforme parfois en bruit.
Comme cela a été signalé, les générations les plus exposées vont développer des défenses pour trier cette information.
C’est aussi important pour les réseaux sociaux de nous aider à faire ce tri, au risque pour eux de se faire remplacer par des outils plus récents ou de mauvaises habitudes n’ont pas encore été prises.
Moui je ne suis pas franchement d’accord avec toi Fred (c’est rare… est-ce bon signe ? :-))
Je pense que tu as un parti-pris trop gros pour argumenter comme il faudrait une telle histoire : depuis quand les média sociaux ne servent que de “machine à reach” ? Tu parles uniquement d’un pan de ces outils, celui de la communication. Mais quid des autres ? service après-vente, recherche et développement, ressources humaines et j’en pense et des meilleurs… ont tous des avantages monstres à tirer de ces plates-formes !
Pour revenir sur les problématiques de communication, c’est la même chose : n’utiliser que des média sociaux pour batir une stratégie d’influence est peine perdue. Ils doivent s’inscrire dans une démarche plus large englobant relations presse/analystes/blogueurs, événementiel, publicité, etc. Et au final les intégrer dans leur quotidien.
Finalement, je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’une problématique de contenus mais plutôt d’une problématique d’interactions. L’un de mes concurrents par exemple, pourtant plus puissant que nous en termes de “reach” justement, ne se donne même pas la peine de répondre à ses commentaires. Du coup, son discours tombe directement dans la case “pub” de l’esprit de ses fans/followers. S’il prenait le temps de leur répondre, de se mettre à leur place, bref d’agir comme l’un de ces employés authentiques dont tu fais l’apologie, je suis sûr qu’il verrait bondir son taux d’interaction et les commentaires positifs… Heureusement pour moi, ce n’est pas le cas ! :-)
Rémi
@ Remi > Si tu cherches dans les archives de ce blog, tu constateras que je milite depuis des années pour un usage diversifié des médias sociaux (com’, marketing, CRM, RH…), j’ai d’ailleurs écris un livre à ce sujet ;-)
Concernant la volet “Communication”, je suis effectivement un peu rigide sur le fait que le contenu est la seule matière première réellement efficace. On peut effectivement travailler l’influence, mais pour marquer durablement les esprits, rien de tel que les contenus. De toute façon on attrape pas les mouches (les influenceurs) avec du vinaigre.
Au final nous ne sommes pas vraiment en franc désaccord.
Bonsoir Frédéric,
J’avais mis cet article de côté et j’ai du prendre ce moment pour le lire. C’est dire si le snacking content n’arrivera pas à prendre le pas sur l’article de fond ! (question de temps vs longueur) Dans tous les cas le titre est un premier vecteur, et l’auteur du post celui qui devrait nous faire oublier cette notion de “contenu” à tout prix, quand il sait manier qualité et apport de valeur ajoutée.
En somme ! parvenir à être un e-influenceur au sein d’un ensemble d’outils qui par le biais d’études sont ici jugés influents (en partie) !
Je redresse alors l’étude en ramenant l’influence à l’auteur d’un contenu et non à un outil porteur de contenu. Si les réseaux sociaux selon les tranches d’âges, ont un pouvoir sur l’acte d’achat… il ne faut pas non plus y prendre connaissance d’un contenu vide qui ne favoriserait pas tel ou tel choix pour un consommateur potentiel. Si les chiffres sont “faibles”, c’est peut être que la prise de parole est trop en deçà des attentes.
Ce qui reviendrait à dire que la partie médiane est familière à l’utilisation des réseaux sociaux, et qu’elle peut être hermétique par connaissance des pratiques parfois biaisées. Expliquons ce point très simplement : Un véritable e-influenceur n’a pas besoin d’être dragué par une marque quelconque… s’il conserve sa liberté d’expression et sa pertinence, il influera sur un jugement équitable qui peut être un gage de qualité.
La jeunesse est elle, encore très malléable et relativement influençable ! et elle n’a hélas pas vécu la réelle transition des modes de communication. Aujourd’hui on ne parle plus du produit (comme tu l’as souligné) on témoigne de ce qu’il apporte à l’utilisateur… mieux ! laissons l’expérience utilisateur prendre place autour d’une mise en scène, et le consommateur est appâté, ferré et l’acte d’achat devient dès lors très proche.
Voyons ça sous un autre angle, pour un même résultat en incorporant les personnes âgées :
Pour les personnes âgées, non familiarisées avec l’outil dirons-nous, elles ont traversé toutes les transformations possibles en un laps de temps très court… un gros travail serait à faire ! viennent ensuite les générations qui incluent ces fameux jeunes, que nous pourrions avec un petit bon dans le futur, nommer la génération mobile ! parfaitement influencée, elle, par l’outil. L’auteur pourrait alors perdre peu à peu sa légitimité s’il n’adapte pas son contenu à destination d’un ensemble résolument appelé à devenir mobile.
En matière de contenu il y a effectivement beaucoup à dire et on a ici un bel exemple étayé, en prenant en compte les commentaires et ce qui a pu être dit en amont. J’ai peut-être un peu été HS et tantôt un peu visionnaire, mais c’est pour montrer comme tu l’as soulevé maintes fois, que le contenu est et restera au coeurs de toute stratégie, mais qu’il devra s’adapter pour ne pas perdre sa portée. Les jeunes prendront de l’âge et la partie médiane deviendra la vieille génération… à la ramasse ?? Je n’ai pas envie d’y croire tant qu’on a la possibilité de se mettre à jour.
Merci pour ce billet Frédéric… et pour tous les autres ! Je me voyais tenté de réécrire un billet, car là je suis à la limite du manque de profondeur.