Facebook a publié ses résultats trimestriels cette semaine, et ils sont excellents :
- Plus de 1,3 MM d’utilisateurs mensuels (dont 1,07 MM sur terminaux mobiles) ;
- Près de 830 M d’utilisateurs journaliers (dont 654 M sur terminaux mobiles) ;
- 2,9 MM$ de C.A. avec une forte hausse sur les revenus publicitaires mobiles (Where Facebook’s Money Comes From).
Les équipes de Facebook doivent savourer leur victoire, car la situation s’est grandement améliorée par rapport à ce qu’elle était il y a deux ans (le cours de l’action est passé de 17$ à 75$). Tous les détails sont commentés ici : Facebook’s Q2 2014 in charts: best quarterly revenue, now at 1.3B users.
Facebook n’est plus un réseau social, c’est un portail
La domination de Facebook est incontestable, aussi bien vis-à-vis des autres médias sociaux qu’au niveau du web (il n’y a que Google ou Amazon qui pourraient revendiquer également cette place, mais ils ne boxent pas dans la même catégorie). En à peine 10 ans, Facebook a su s’imposer comme LE nouveau portail du web. Par “portail”, j’entends le site sur lequel on se connecte tous les jours sans trop savoir pourquoi (il y aura forcément un truc intéressant à lire). Auparavant cette place était occupée par Yahoo, et dans une certains mesure par Netvibes, c’est à dire par un intermédiaire qui vous donne accès à des contenus et services. Je ne range pas nécessairement Google dans cette catégorie, car un moteur de recherche vous donne accès à tous les types de contenu : les produits, tutoriels et services en ligne. La popularité de Facebook repose avant tout sur sa capacité à fournir aux internautes une infinité de contenus à “fort potentiel viral”. Traduction : on ne va pas sur Facebook pour s’instruire, on y va pour se détendre, quand on a du temps à perdre, un peu comme on allume la télévision. Les équipes de Facebook ont fournit de gros efforts pour relever le niveau de qualité des contenus (pour optimiser l’algorithme de filtrage affinitaire), mais ça reste globalement très pauvre, au raz des pâquerettes. Entendons-nous bien : critiquer la qualité des contenus sur Facebook revient à faire le procès des médias de masse (les chaines de TV grand public ou les magazines people ne proposent pas forcément des contenus de meilleur qualité). Ceci étant dit, comme le résume assez bien Bryan Goldberg : “what Facebook users really wanted… was to read shit” (cf. Facebook is no longer a social network. It’s the world’s most powerful news reader).
Facebook est donc devenu une sorte de portail : un meta-site web que l’on consulte machinalement tous les jours par habitude, parce que nous avons tous besoin de souffler et de nous détendre avec des contenus plus légers que sur Mediapart. Sur n’importe quel portai, il n’y a pas assez de place sur la page d’accueil pour tout le monde, il faut donc faire des choix pour n’afficher que les contenus qui ont le plus de chance de satisfaire le besoin d’évasion des lecteurs. Sur Facebook c’est la même chose, sauf que c’est un algorithme qui détermine si un message est affiché ou non sur votre newsfeed. Bien évidement, ces contenus proviennent de sources externes qui fournissent gratuitement des articles, photos ou vidéos dans l’espoir de capter une partie de ce trafic colossal : American Users Spend An Average Of 40 Minutes Per Day On Facebook. Comme Facebook agrège la plus forte audience, il est logique qu’il génère également le plus gros du trafic entrant chez les fournisseurs de contenu : In Q2, Facebook Drove 23.39% of Overall Visits to Sites.
Ceci se vérifie en France où Facebook est de très loin le premier apporteur de trafic comme le montrent les statistiques fournies par StatCounter (détaillées sur le Blog du Modérateur) :
Ces chiffres sont intéressants, car ils illustrent la façon dont les membres se servent de la plateforme : les internautes ne vont plus sur Facebook pour rencontrer de nouvelles personnes, donner des nouvelles ou discuter, car ils le font sur des applications mobiles comme Line, SnapChat ou Tinder (Des enjeux toujours plus élevés autour des applications mobiles sociales).
Il n’y a pas un, mais plusieurs Facebook
Heureusement, cette migration des usages vers les applications mobiles a été anticipé, notamment avec le rachat de WhatsApp en début d’année (Pourquoi Facebook achète WhatsApp pour 16 milliards de dollars ?). La stratégie de diversification initiée l’année dernière semble porter ses fruits, car il y en a maintenant pour tous les goûts : Facebook.com, Facebook Messenger, Facebook Home, Facebook Mentions, Slingshot Instagram… Facebook n’est pas un produit universel, c’est un service que l’on exploite sous différentes formes et à différentes fréquences. La mobilité est bien évidement au coeur de l’écosystème Facebook, mais cette notion de portail est toujours plus poignante à mesure que se dessinent de nouveaux services : Facebook and Uber Discuss Integration of Car Service Into Messenger et Zuckerberg Confirms: A Mobile Payments System Will Come To Facebook Messenger.
Le tour de force de Facebook est d’avoir su repenser la notion de portail et de proposer non pas une version universelle, mais plusieurs expériences pour fidéliser l’audience. Vous noterez d’ailleurs que c’est exactement cette stratégie qu’est en train d’adopter Yahoo. Le problème est que Yahoo ne possède pas des profils de membre aussi détaillés et qu’ils n’ont intégré que tardivement les mécaniques sociales (like et partage).
Facebook est donc LE nouveau portail de référence, un portail “moderne”qui exploite à merveille le web du XXIe siècle, le web SoLoMo : social, mobile et local (Introducing A New Optional Feature Called Nearby Friends). Sur ce terrain là, Facebook rencontre toujours une compétition acharnée de Google, même si les fondateurs semblent avoir d’autres ambitions (Google’s founders on the future of health, transport and robots et Google is collecting medical data to paint a picture of perfect human health).
Puisque Facebook évolue, les pratiques des annonceurs doivent également évoluer. L’idée n’est pas de régresser et d’adopter les tactiques utilisées sur les anciens portails (acheter de la bannière), mais plutôt exploiter Facebook au travers de ses offres publicitaires (Facebook est un support publicitaire de précision, pas un média de masse). J’ai déjà eu de nombreuses occasions de vous mettre en garde contre la course aux fans : vous ne gagnerez pas, car la compétition pour l’attention est trop rude. Plutôt que d’essayer de lutter face à des professionnels de l’édition de contenu ou des marques légendaires, mieux vaut concentrer vos efforts sur des campagnes de recrutement ciblées que d’essayer de faire grossir une base de fans qui est mécaniquement ultra-volatile.
Après de nombreuses évolutions et transformations, Facebook semble enfin avoir trouvé un modèle fiable et pérenne. À vous d’en comprendre le fonctionnement et la façon dont les internautes l’exploitent pour pouvoir améliorer la performance de vos actions et optimiser votre budget.
Hello Fred et encore une fois merci pour tes analyses toujours intéressantes à lire.
Je renouvelle une question que je t’avais déjà posé sans succès : si l’avenir de ce portail du 21è siècle est la multiplication des services (via applis, sites, offres, etc.), comment l’annonceur peut-il suivre la marche ? Après tout, utiliser la partie sociale de Facebook était assez facile. Pareil pour la partie publicité. Mais quid des nouveaux services (type WhatsApp) qui grignotent petit à petit l’attention des consommateurs ?
As-tu une idée à ce sujet ?
Merci,
Rémi
Ne t’inquiète pas, ils trouveront bien une solution pour monétiser ces nouvelles applications (Slingshot, WhatsApp…) et ils fourniront par la même un petit guide pour que les annonceurs s’y retrouvent. Malgré tout ce qu’a pu dire le fondateur de WhatsApp, ce n’est plus sa startup, la pression des marchés sera trop forte pour conserver en l’état cette appli (sans aucune publicité).
Tout à fait d’accord avec cet article.
Malgré tout ce qu’on a pu dire sur le “déclin” de Facebook, c’est là encore une preuve que ce dernier n’a rien à envier aux autres (Twitter…).
Les gadgets “Save” et “Premium Video Ads” viennent encore renforcer son statut de “portail du XXIe”.
@Fred : Oui tu as sans doute raison. Rien ne sert de courir…
Au fait je suis toujours dispo pour cette interview dont on parlait ;-)
Article très intéressant. Bravo.
Note : Je me permets de signaler une petite faute > “Sur n’importe quel portai”. Il manque un “L”. :)
Tout récemment j’étais tombée sur une information disant que facebook allait perdre un très grand nombre de ses utilisateurs et maintenant, le voilà couronné roi des réseaux sociaux. C’est un bon revirement de situation ou le beau temps avant la tempête? En tout cas, c’est sans surprise pour les utilisateurs qui ne tarissent pas d’éloge à propos du bébé de Zuckerberg.
Je suis bien d’accord avec le contenu de l’article. Merci. Facebook est devenu incontournable pour les entreprises.
Si je comprend bien et aux vues des résultats que vous nous exposez, Facebook est un outil à part entière inévitable pour tout site web.
Un facebook bien exploité, une bonne communication (buzz) et c’est presque une réussite assurée.
@Accordage Batterie :
je pense que vous avez à moitié raison sur votre analyse.
Seulement, il me semble que le secteur d’activité reste déterminant et facebook s’avère plus ou moins utile selon ce facteur.
Super analyse M. Cavazza !
J’avais déjà le sentiment de l’importance de ce réseau social, mais suite à votre article une question me taraude.
Peut-on ou pourra t’on privilégier Facebook à Google ?
En effet, les deux proposent des formules afin de réaliser des annonces publicitaires. Si Facebook s’avère être le portail du XXIème siècle autant réaliser un travail à long terme sur celui-ci plutôt que de se casser la tête avec les diverses mises à jour de google qui nous pousse sans cesse et sans relâche à apprendre de nouvelles techniques.