Alors que les canicules et incendies continuent de faire rage en Europe du Sud, certains (dont votre serviteur) sont déjà de retour à leur bureau. Croyez-le ou non, mais comme chaque année, cette période estivale a été riche en annonces, événements et nouvelles tendances. Je vous propose d’en faire un résumé à travers ces thèmes majeurs : les différentes initiatives de régulation, la frénésie des cryptomonnaies, l’emballement général autour des métavers, l’industrialisation de la désinformation et l’évolution permanente des médias sociaux.

Avant le virus, j’avais pris l’habitude de faire un résumé des articles intéressants que j’avais amassé au cours de l’été. Je reprends donc une routine abandonnée en 2019 pour vous présenter une synthèse des principales actualités du monde numérique.
Mais avant toute chose, je me dois de préciser que le choix de l’illustration de cet article n’est pas anodin puisque oui, il y a bel et bien un hamster dénommé Mr Goxx qui gère un portefeuille de crypto-monnaies ! (Hamster trades crypto better than you).
Tous les gouvernements des grands pays intensifient la régulation des activités numériques
Avec la montée en puissance de l’économie numérique et le basculement irrémédiable de nos activités quotidiennes sur les plateformes en ligne, les gouvernements des pays industrialisés cherchent à encadrer, protéger, taxer, voir interdire afin de garder un simili de contrôle sur le développement anarchique des usages numériques.
Il en résulte un certain nombre d’initiatives autour de la régulation :
- En Europe, Amazon se prend une grosse amende pour non-respect du RGPD (EU hits Amazon with record-breaking $887M GDPR fine over data misuse) ;
- En Inde, Twitter a dû se conformer aux nouvelles lois sur les usages numériques (Twitter now in compliance with India’s new IT rules, government says) ;
- En Chine, le Gouvernement promulgue une loi sur la confidentialité (China passes data protection law) et s’invite au capital de l’a maison-mère de TikTok (Chinese government acquires stake in ByteDance subsidiary) ;
- Aux États-Unis, la classe politique fair pression sur WhatsApp pour bloquer des groupes utilisés par les talibans (WhatsApp blocks Taliban helpline channels after political pressure) tandis qu’une enquête est ouverte au sujet d’une série d’accidents liés à la conduite autonome (US government opens probe into Tesla Autopilot crashes with emergency vehicles) ;
- Toujours aux États-Unis, les patrons de Apple, Amazon et Microsoft sont convoqués à la Maison Blanche pour détailler les moyens mis en oeuvre pour lutter contre les nombreuses cyber-attaques (Apple’s Tim Cook, Microsoft’s Satya Nadella Plan to Visit White House).

Le grand feuilleton de l’été est immanquablement le psychodrame vécu par les propriétaires d’iPhone quand ils ont appris qu’Apple allait rechercher et supprimer les contenus à caractère pédo-pornograhique sur iCloud : Apple will scan photos stored on iPhones and iCloud for child abuse imagery, Why experts are worried about Apple’s plan to scan every picture on your iPhone et Apple already scans iCloud Mail for CSAM, but not iCloud Photos. Think Different ? Plus vraiment ! Mais ne leur jetons pas la pierre, car les nombreuses régulations que nous trouvons dans le monde analogique vont petit à petit être transposées dans le monde numérique (ex : les interminables disclaimer que l’on trouve sur les étiquettes des fringues). Je crains que ce ne soit que le début…
La désinformation est une activité en voie d’industrialisation
Nous savions déjà que les hackers étaient maintenant organisés en sociétés privées avec horaires fixes et filiales à l’étranger. Nous en savons maintenant un peu plus sur les différentes opérations de déstabilisation politique et de désinformation à grande échelle (notamment dans le domaine de la santé et du vaccin anti-COVID en particulier), et toutes les pistes mènent à la Russie :
- L’agence derrière la campagne anti-Pfizer en France dirigeait un réseau de désinformation sur Facebook et Instagram
- Russians tried—and failed—to smear vaccines with weak Planet of the Apes memes
- Disinformation for Hire, a Shadow Industry, Is Quietly Booming

Trouver des coupables est une chose, mais ce n’est qu’une (petite) partie du problème, car s’il y a des individus malhonnêtes qui publient de fausses informations, il y a des millions d’utilisateurs qui les relayent sans les vérifier. De ce point de vue là, la désinformation est plus un problème de société, c’est à dire d’éducation : inciter les utilisateurs à adopter les bons réflexes et surtout à faire preuve d’esprit critique (UNESCO produced graphics on media and information literacy to counter disinformation on COVID-19). Une tâche dantesque face à la horde d’aspirants complotistes et antivax, d’où le recours à une forme de modération citoyenne sur les plateformes les plus polluées : Twitter asks users to flag COVID-19 and election misinformation.
La valeur des cryptomonnaies et biens numériques explose
Depuis le début de l’année, le cours des crypto-monnaies comme le Bitcoin ou l’Ether font le yoyo, mais nous sommes tout de même sur une tendance fortement haussière. Quoi qu’il en soit, le secteur a été particulièrement agité cet été :
- La nouvelle version d’Ethereum est officiellement un succès (Ethereum 2.0 Staking Contract Now Holds the Most Ether: $21.3B), rappelons qu’en début de mois, la fondation qui gère cette blockchain a procédé à une mise en jour majeur en changeant notamment de système de consensus (L’Ethereum va passer à la « proof of stake » : tout comprendre à cette révolution dans les cryptomonnaies) ;
- Grosse frayeur pour les utilisateurs de cette plateforme d’échange qui a subi un vol de grande ampleur (At least $611 million stolen in massive cross-chain hack), mais finalement sans grande conséquence (Poly Network says it has recovered all $610 million it lost in cryptocurrency heist) ;
- Immense joie des supporteurs du PSG avec la conformation de la venue de Lionel Messie dans le club parisien, et grande surprise des fans en apprenant qu’une partie de la prime d’accueil serait versée en jetons (Soccer Star Messi Embraces Crypto In Move To Paris Saint-Germain) ;
- Après es États-Unis, le géant PayPal lance son service d’achat de cryptos en Angleterre (PayPal launches its cryptocurrency service in the UK) tandis que Visa fait l’acquisition d’une oeuvre numérique pour enrichir sa collection d’art (Visa buys a CryptoPunk as it takes first steps into ‘NFT commerce’) ;
- Devant le succès du yuan numérique, la Banque Centrale Européenne lance son projet d’euro numérique (ECB launches digital euro project), tandis qu’aux États-Unis on s’interroge sur le rôle que pourraient jouer les stablecoins dans l’évolution du système bancaire (Stablecoins and the Future of Money), surtout à l’approche du lancement du porte-monnaie électronique de Facebook (The head of Facebook’s cryptocurrency project says the social media giant’s Novi digital wallet is ready to come to market) ;
- Après les gadgets fabriqués en chine en vendus en drop shipping, les influenceurs gagnent maintenant leur vie en faisant la promotion de cryptos alternatives et autres applications de trading (Inside the shady world of influencers promoting cryptocurrency), idem pour de nombreux rappeurs (There’s a Crypto Bubble In Hip-Hop), ce qui pourrait préfigurer une nouvelle source de revenus très intéressante pour les musiciens (For the music industry, cryptocurrency will be as disruptive as MTV) ;
- Du coup, les législateurs des pays industrialisés s’activent pour réguler ce bordel (Crypto’s run without government oversight is coming to an end) et surtout pour s’assurer que des taxes seront bien perçues, augmentant de ce fait la valeur des éditeurs de solutions de gestion des taxes sur la plus-value (Crypto tax software provider TaxBit raises $130M at a $1.33B valuation).

Outre les frasques des influenceurs et rappeurs en quête d’argent facile, n’oublions qu’à la base, les cryptomonnaies étaient une solution pour tous ceux qui vivent dans un pays avec un système monétaire défaillant ou une alternative face à un régime totalitaire. Quand c’est les deux, on prend forcément ça plus au sérieux : Inside Afghanistan’s cryptocurrency underground as the country plunges into turmoil.
Le retour de la revanche des métavers
Les univers virtuels est un sujet que je surveille de près depuis plus de 15 ans. Régulièrement, l’intérêt pour ce sujet est renouvelé par tel ou tel nouvel usage (terminaux mobiles, jeux massivement multi-joueurs, réalité virtuelle…), mais se heurte systématiquement à la dure réalité du marché : des utilisateurs qui manquent à la fois de temps et de moyens. De ce fait, l’utopie d’un métavers universel s’éloigne toujours plus, même si elle continue de nous faire rêver (‘Neuromancer’ Is Still Mind-Blowing Cyberpunk). Mais qu’à cela ne tienne, avec la menace du virus toujours présente, les utilisateurs cherchent à s’évader, mais sans prendre le risque de sortir de chez eux. Les conditions sont-elles enfin réunies ? Je ne sais pas, mais en tout cas le sujet alimente les conversations :
- Tout à commencé avec une interview du fondateur de Facebook qui détaille sa vision de l’évolution d’internet (Mark in the metaverse) ;
- Une vision aussitôt contestée par d’autres patrons voulant défendre leur propre vision (Niantic’s CEO believes the metaverse could be a ‘dystopian nightmare’) ;
- Une vision qui n’est pas exclusive, car les métavers ne se limitent pas qu’aux univers virtuels sociaux, façon Facebook Horizon, mais concernent aussi les jeux en ligne massivement multi-joueurs qui réunissent des centaines de millions d’utilisateurs (The Gaming Metaverse and the Rise of Virtual Globalisation) ;
- Une vision qui est immédiatement récupérée par les activistes pour y transposer les problèmes de la vie réelle (With the Metaverse on the horizon, its creators reflect on the importance of diversity in the virtual world to come) ;
- Une vision qui s’appuie néanmoins sur des usages bien réels qui donnent des sueurs froides aux médias traditionnels inquiets de constater la réallocation irrémédiable des budgets publicitaires (‘You can’t move audiences’: behind ITV’s investment in the metaverse and mobile gaming) ;
- De nouveaux usages qui s’articulent essentiellement autour des divertissements, ceci explique l’engouement d’artistes jeunes (Fortnite’s Ariana Grande concert offers a taste of music in the metaverse) et moins jeunes (Jean Michel JARRE se lance dans le Metaverse et la VR avec l’UNESCO) ;
- De la musique et des jeux, mais également de la collaboration avec le lancement surprise de Horizon Workrooms, la plateforme de collaboration virtuelle de Facebook (Inside Facebook’s Metaverse for work).

Vous avez tout à fait le droit de vous moquer ou d’être sceptique face à ces salles de réunions virtuelles, mais force est de constater que le marché est prêt à expérimenter n’importe qu’elle piste du moment que ça nous éloigne des réunions Zoom. 😫😱🤯💀
Si comme moi vous aviez l’esprit retord, vous êtes rapidement arrivé à la conclusion que ce lancement ne peut correspondre qu’à deux objectifs : détourner l’attention des problèmes de modération de Facebook – Instagram – WhatsApp et/ou trouver un prétexte pour stimuler les ventes de casques Oculus et la création d’avatars (un marché particulièrement rentable, car il autorise la vente de fringues et accessoires virtuels).
Toujours plus de nouveautés et de tendances éphémères pour les médias sociaux
Il ne se passe pas une semaine sans que de nouvelles fonctionnalités soient ajoutées ou que de nouveaux services soient lancés sur les médias sociaux. Assurément le pan du web le plus dynamique :
- WhatsApp ajoute les contenus éphémère façon SnapChat (WhatsApp’s ‘View Once’ feature for photos and videos is here) tandis que Reddit ajoute les micro-vidéos façon TikTok (Reddit is quietly rolling out a TikTok-like video feed button on iOS), qu’on ne s’étonne pas si toutes les grandes plateformes sociales finissent par se ressembler (All Social Networks Look The Same Now) ;
- Le projet de réseaux social décentralisé soutenu par Twitter prend de l’ampleur (Twitter’s decentralized social network project finally has a leader), tandis que la messagerie anonyme YikYak est ressuscitée (Yik Yak returns from the dead) ;
- De son côté, TikTok sort un éditeur de contenus en réalité augmentée pour concurrencer SnapChat et Instagram (TikTok is building its own AR development platform, TikTok Effect Studio), annonce un partenariat avec un acteur majeur du commerce en ligne (TikTok adds in-app shopping, in a partnership with Shopify) et tente de modérer les challenges à la con (TikTok responds to viral milk crate challenge: We remove videos that ‘glorify dangerous acts’).

C’est là tout le paradoxe des médias sociaux : on y trouve le meilleur comme le pire.
…
…
…
Non en fait tout bien réfléchi, on y trouve surtout le pire : des phénomènes viraux qui poussent les utilisateurs à se mettre en danger, du racisme (It’s not just Facebook and Twitter. TikTok is ‘hatescape’ for racism and white supremacy), des moqueries (Social Media Has Made Being a Teenager Tougher Than Ever) et des contenus pornographiques que l’on tente de censurer (OnlyFans shares its new policy banning sexually explicit content). S’il y a bien des plateformes qui essayent de valoriser les vrais talents (Creators can now monetize their expertise on Quora), les médias sociaux restent le reflet de l’humanité, et elle n’est pas très belle à voir…
Oui je sais, ce n’est pas très réjouissant, mais c’est une réalité qu’il faut savoir regarder en face : les médias sociaux sont devenus la boussole d’une société qui ne sait plus où elle va et a besoin qu’on lui dise quoi faire ou penser (The rise of TikTok tour guide et Forget gyms and roof decks. Your next apartment building could have a room for TikTok influencers).
Quelques liens en vrac pour ne pas finir sur une note négative
Outre ces grandes tendances, voici le restant des actus notables de cette période estivale :
- Les rachats se poursuivent dans le monde de la fintech avec des montants toujours plus ahurissants (Square to buy Afterpay, which offers a ‘buy now, pay later’ service, for $29 billion in stock) ;
- Samsung n’est plus le principal vendeur de smartphones en Europe (Xiaomi overtakes Samsung to take top spot in European phone shipments in Q2 2021) ;
- SalesForce annonce le lancement prochain d’une plateforme média très ambitieuse (Salesforce wants Salesforce+ to be the Netflix of biz content) ;
- Cette startup française sera bientôt plus à considérer comme une petite décacorne que comme une grosse licorne (Dataiku gets $400M at a $4.6B valuation) ;
- Les robots humanoides de Boston Dynamics sont toujours plus impressionnants dans leurs capacités physiques (Boston Dynamics shows how bipedal Atlas robot flips, vaults, and falls over in latest videos) ;
- Le premier musée des memes vient d’ouvrir ses portes à Honk Kong (A deep dive into the world’s first MEME Museum by 9GAG).

Bonne reprise !
Tout à fait complètement d’accord avec ça : les médias sociaux restent le reflet de l’humanité, et elle n’est pas très belle à voir… Il fallait le dire !