Oubliez le métavers et concentrez-vous sur les médias immersifs

Rarement dans l’histoire du numérique avons-nous pu assister à un phénomène d’emballement médiatique aussi fort que celui lié au métavers. À peine un an et demi après l’annonce du changement de nom de Facebook, le soufflet est retombé de manière spectaculaire. Un retournement de marché d’autant plus injuste que derrière le métavers se cachent des usages tout à fait légitimes et des loisirs numériques pratiqués par des milliards d’utilisateurs. Plutôt que de rejoindre les rangs des technosceptiques, il convient de prendre du recul et d’aborder ces usages sous un autre angle, avec un nouveau terme (médias immersifs) et surtout selon une autre échelle de temps.

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Des applications mobiles aux écosystèmes mobiles

Il fut un temps où les applications natives étaient la voie royale pour accéder au portefeuille des mobinautes. Mais ça, c’était avant… avant la saturation des app stores et écrans d’accueil, avant les progrès réalisés par les PWA, avant les assistants numériques, super apps et mini apps. Avec les annonces récentes sur le retour des widgets et les applications fragmentées, les marques et organisations ont à leur disposition un éventail complet d’alternatives très crédibles aux sempiternelles applications mobiles. L’occasion pour moi de rappeler que l’important est le contenu (le service rendu) et pas le contenant (l’application mobile ou équivalent).

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L’avènement des plateformes de contenu et la revanche de la syndication

Assez régulièrement, notamment dans mes prédictions, je vous répète que le web est un média en perpétuelle évolution, avec une tendance à l’accélération de cette évolution. Pour vous en convaincre, je vous invite à (re)lire mes articles sur la publicité en ligne, TV ou les applications mobiles (ce qui était valable il y a deux ans ne l’est plus). Dernière illustration en date de cette évolution à marche forcée : les contenus. En moins de 6 mois, les grands acteurs du numérique (Snapchat, Facebook, Apple, Twitter, Google…) ont fait complètement évoluer les rapports de force et posé les bases d’une nouvelle ère : celle des plateformes.

Des portails web aux plateformes mobiles

À une époque pas si lointaine (15 ans), le web était dominé par des grands portails (Yahoo, MSN, AOL, Spray…). Ces portails se faisaient la guerre pour être la page de démarrage des internautes qui y trouvaient tous les contenus et services dont ils avaient besoin (météo, actus, sports, emails…).

Ces portails proposaient des chaines au sein desquelles un certain nombre de gros éditeurs étaient agrégés. Le problème est que cette agrégation était loin d’être exhaustive. Les internautes avaient faim, ils se sont logiquement tournés vers Google pour avoir accès complet à la richesse qu’offrait le web. Le célèbre moteur de recherche est devenu logiquement la page de démarrage de centaines de millions d’internautes.

Ensuite sont apparus les médias sociaux : d’abord les blogs, puis Facebook et Twitter. Face à la surabondance de contenus, les internautes ont dû faire des choix et accorder leur confiance à une poignée d’éditeurs. Nous sommes alors passés de l’ère de la recherche à celui de l’abonnement : flux RSS pour les blogs, follow pour Twitter et fans pour Facebook. Ce principe a bien fonctionné un temps, mais nous avons vite atteint un seuil de saturation (remarquez comme l’histoire se répète).

Non seulement les internautes étaient noyés sous un raz-de-marée de contenus de plus ou moins bonne qualité (avec tout le respect que j’ai pour les chats), mais ils étaient en plus abreuvés de messages et autres notifications. Ils se sont alors repliés vers des supports plus confortables où ils pouvaient savourer des contenus de qualité sur le web ou sur leurs terminaux mobiles. Flipboard est pour moi l’exemple le plus représentatif de ces services.

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Séduits par l’idée d’une “oasis éditoriale”, d’autres se sont engouffrés dans la brèche, à commencer par Snapchat qui a lancé sa rubrique Discover en début d’année.

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Assez rapidement, il a été rejoint par Facebook avec ses Instant Articles, qui sont toujours en phase de déploiement.

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Dernier entrant dans la course : Apple, qui compte bien s’imposer sur le créneau de l’actualité avec sa plateforme Apple News associée à iOS 9.

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“Plateforme” ? Oui tout à fait, une plateforme au sein de laquelle les utilisateurs peuvent découvrir, consulter et s’abonner à des contenus dans un environnement contrôlé (du moins en termes de mise en page) où tout est fait pour privilégier le confort de lecture, surtout sur un smartphone.

Avantages et inconvénients des plateformes de contenu

Appelons un chat un chat : par “plateformes”, je fais référence en réalité à des plateformes fermées, des sous-ensembles du web qui ne sont pas accessibles librement et où tout le monde (utilisateurs et annonceurs) doit se plier aux règles de l’éditeur. Certains s’offusquent de la balkanisation du web, à juste titre (Le web est mort, vive le web) ; d’autres mettent en avant la puissance de frappe de ces plateformes et leur capacité à démultiplier la visibilité des contenus, à juste titre également. Le débat n’est pas simple, car il y a plusieurs éléments à prendre en compte, notamment de solides arguments en faveur des plateformes :

  • une excellente expérience de lecture (bien supérieure à ce que peuvent proposer des sites web saturés de bannières et contenus additionnels) ;
  • une distribution très puissante (les messages sponsorisés sur Facebook permettent de rapidement toucher une large audience) ;
  • une monétisation simplifiée (Snapchat et Facebook proposent un système de partage des revenus publicitaires).

Les plateformes de contenu, en revanche, présentent un certain nombre d’inconvénients :

  • Les contributeurs sont terriblement dépendants de l’éditeur de la plateforme et de ses CGU (certains tentent néanmoins de clarifier les choses et de proposer des contrats équitables à l’image de Dailymotion ou YouTube) ;
  • La concentration des contenus pousse les contributeurs à utiliser des titres et des photos toujours plus sensationnels pour sortir du lot (BuzzFeed est ainsi le spécialiste du racolage numérique) ;
  • Les contenus publiés ne sont pas exportables, ils sont liés à la plateforme (les vidéos publiées sur YouTube et republiées sur Facebook sont pénalisées vis-à-vis des vidéos natives).

Au final, après plus de 12 ans de blog, je serais incapable de vous dire quelle est la meilleure solution entre publier sois-même ou passer par une plateforme (surtout avec la nouvelle version de Medium). Il y a en revanche un signe qui ne trompe pas : l’engouement des internautes. Flipboard revendique ainsi 80 M d’utilisateurs, essayez d’extrapoler ça au milliard d’utilisateurs journaliers de Facebook pour bien appréhender le potentiel des Instant Articles.

C’est pour éviter de se faire distancer que Twitter a présenté cette semaine ses Moments : une forme d’éditorialisation de l’actualité (Twitter Debuts Moments). En l’état, cette nouvelle fonctionnalité ne permet “que” de lire des tweets et de consulter des photos / vidéos, mais je suis prêt à parier que l’on pourra bientôt lire directement l’article dans Twitter (sans passer par une “web view”).

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Nous en étions arrivés là (découverte et lecture des articles dans un environnement fermé), quand Google est venu mettre son grain de sel et proposer une solution intermédiaire avec ses Accelerated Mobile Pages.

Google à la rescousse avec Accelerated Mobile Pages

Ebruitée le mois dernier, Google a officialisé hier sa “solution” au problème de la distribution de contenus sur terminaux mobiles. De quel problème parlons-nous au juste ? À la fois d’une expérience de lecture médiocre (les sites éditoriaux sont lents à charger, le responsive design n’y changeant rien), une mécanique de monétisation qui devient caduque avec l’arrivée des bloqueurs de bannières sur smartphone (ex : Adblock Plus sur Android, Crystal sur iOS), et un très gros risque de cloisonnement du web (d’emprisonnement des utilisateurs au sein d’applications mobiles). Pour remédier à ces problèmes, Google propose de reformater les pages d’article en utilisant une version épurée de HTMLIntroducing the Accelerated Mobile Pages Project, for a faster, open mobile web.

L’argumentation des équipes de Google pour nous vendre les AMP (Accelerated Mobile Page) est indiscutable : si l’évolution du langage HTML permet de faire des choses formidables (applications en ligne, animations, transitions…), l’utilisation abusive du javascript a considérablement alourdit les pages web et ne se justifie pas pour des pages de texte. L’idée de proposer une version propriétaire de HTML est une pure hérésie, car personne n’envisage de réécrire son site web. En revanche, alléger la mise en page et le code source des articles est une idée séduisante, surtout pour les lecteurs.

Nous arrivons ici au coeur du problème : nous sommes tous d’accord pour dire que tout bon contenu mérite monétisation. Mais est-ce une raison pour placer 4 à 5 bannières et jusqu’à 15 codes de tracking différents sur une même page ? Sans nous en rendre compte, nous sommes petit à petit arrivé dans une situation intenable avec d’un côté les éditeurs qui veulent légitimement gagner un peu d’argent avec leurs contenus, et de l’autre des internautes qui se sentent agressés par les bannières et surveillés (notamment à cause des pratiques de retargeting). Longtemps ignorée, la montée en puissance des bloqueurs de bannières est la résultante logique de cette fuite en avant des éditeurs (cf. Les ad-blockers accélèrent la transformation de la publicité en ligne).

Le pari de Google est donc de proposer aux éditeurs de publier une version allégée de leurs articles en n’incluant que des publicités “utiles” et un seul code de tracking. En suivant ces recommandations, les éditeurs auront le droit d’utiliser les serveurs de cache de Google pour accélérer de façon spectaculaire le temps de chargement des pages. Les premiers tests sont très encourageants puisque les temps de chargement seraient divisés par 4 (Get AMP’d: Here’s what publishers need to know about Google’s new plan to speed up your website). Un gain de temps et de bande passante précieux pour les smartphones.

L’autre gros avantage des Accelerated Mobile Page est de proposer aux mobinautes de lire un article directement sur la page de résultat de recherche. Dans l’exemple suivant, une recherche sur “Mars” fait apparaitre 5 articles dans un carrousel ainsi qu’un lecteur intégré.

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La promesse des AMP est donc triple : améliorer le confort de lecture, fluidifier la distribution et proposer une mécanique de monétisation raisonnée. Ce dernier point est encore sujet à discussion dans la mesure où pour le moment seuls 5 réseaux publicitaires sont partenaires (nous ne connaissons pas les conditions pour rejoindre le club des élus) et où les ad-blockers continuent de bloquer les bannières des AMP. J’imagine que d’ici au lancement officiel, programmé pour le début de l’année prochaine, les équipes de Google auront trouvé un moyen de contourner les ad-blockers (notamment grâce au système de caching).

Au final, ce que propose Google n’est ni plus ni moins que de revenir aux sources du HTML avec des articles uniquement composés de texte et d’images (il est explicitement dit : “pas besoin de javascript pour du contenu statique”). Certaines mauvaises langues pourraient penser que c’est un moyen pour Google de camoufler les piètres performances des smartphones Android pour exécuter du code javascript (The State of JavaScript on Android in 2015 is… poor). J’aurais plutôt tendance à penser que c’est un moyen de protéger les internautes de la dérive induite par les ad tech, à laquelle Google participe largement, c’est toute l’ambiguïté de la situation.

Comme toujours, les équipes de Google ont une approche prudente et commencent par soumettre l’idée à la communauté pour valider leur approche et bénéficier d’un feedback des développeurs. N’oublions pas qu’il est ici question d’abandonner les balises standards du HTML pour utiliser les balises propriétaires de Google (, …). Certes, ils proposent de le faire dans les règles en utilisant les web components (cf. Comment les composants web ambitionnent de révolutionner les applications en ligne), mais c’est quand même une contrainte qui n’est pas négligeable. La bonne nouvelle est que ces spécifications ne demandent pas nécessairement de gros changements de la part des éditeurs. Après tout, cela va surtout impacter les outils de gestion de contenu : ces derniers proposent déjà d’exporter le contenu vers des flux RSS et Atom, AMP ne serait qu’un format alternatif supplémentaire. Vous noterez au passage que WordPress, le CMS le plus populaire du web, est partenaire de cette initiative.

Encore une fois, j’insiste sur le fait qu’il serait complètement aberrant de publier un site en AMP. L’idée de Google est de proposer aux éditeurs de publier une version allégée de leurs articles pour en faciliter la distribution et la lecture sur les smartphones. Quelque part, nous sommes en train d’assister à la revanche de la syndication (cf. RSS n’est pas un produit grand public, c’est un outil pour les professionnels). Qui sait si un jour nous n’allons pas également assister au retour de Google Reader ?

En voilà une bonne idée : proposer une version mobile de Google Reader pour concurrencer Apple News. Ha mince, on me signale dans l’oreillette que ça existe déjà (Google Play Kiosque). C’est ballot, parce que là nous retournons dans une logique de morcèlement du web au sein d’applications mobiles. Un retour à la case départ en quelque sorte…

Bref, tout ça n’est pas simple, mais Google a au moins le mérite de proposer une solution pour sortir de cette terrifiante logique de silotage du web qu’Apple et Facebook semblent tant apprécier, et Snapchat, et WeChat, et LinkedIn, et Flipboard, et tous les éditeurs de contenus qui proposent leur propre application mobile. Bon tout le monde en fait ! Difficile de lutter dans ces conditions…

Comment Google et Apple sont en train de révolutionner la TV

Je pense ne rien vous apprendre en disant que la TV linéaire est en perte de vitesse. La faute à des grilles de programmation devenues inadaptées pour un quotidien qui va toujours plus vite et où le temps est devenu la denrée la plus précieuse. Certes, la TV traditionnelle reste le média de référence pour des dizaines de millions de Français, mais pour les ados et jeunes actifs y passent de moins en moins de temps. Rien de bien surprenant dans la mesure où la TV est un média qui n’a quasiment pas évolué en plusieurs décennies. Certes, il y a plus de chaines et une meilleure définition d’image, mais les offres de catchup et VoD ne parviennent pas à endiguer le raz-de-marée du téléchargement illégal. Vous conviendrez que Joséphine ange gardien en replay ça fait moins rêver que Game of Throne ou House of Cards via bit torrent.

Une situation qui devient problématique, car avec cette défection de l’audience, les annonceurs procèdent à des arbitrages de leur budget publicitaire qui ne vont très clairement pas dans le sens des chaînes de TV traditionnelles. La dure réalité est que le phénomène de second screen est l’arbre qui cache la forêt : si les téléspectateurs sont encore massivement présents devant leur TV pour les grandes émissions de divertissement (The Voice, Top Chef, Nouvelle Star…), leur attention est avant tout accaparée par le smartphone ou la tablette. Il est plus que temps de comprendre que les pratiques de divertissement ont été irrémédiablement modifiées et il n’y aura pas de retour en arrière : l’attention partielle et le snacking média sont devenus la norme. À partir de ce constat, vous pouvez faire l’autruche et continuer de penser que la situation va revenir à la normale, ou vous pouvez vous projeter dans un futur très proche et comprendre que ceux qui sont à l’origine de la révolution mobile vont maintenant concentrer leurs efforts sur un marché nettement plus juteux : la télévision.

Apple et Google s’imposent enfin sur un média que l’on croyait immuable

Après un certain nombre de faux départs (YahooTV, AppleTV, GoogleTV…), les conditions de succès sont enfin réunies pour qu’une réelle alternative à la TV linéaire puisse décoller :

  • des services de streaming qui montent en puissance (Netflix, Hulu…) grâce à des infrastructures techniques robustes (CDN) ;
  • des éditeurs de contenus qui prennent conscience qu’ils doivent s’adapter aux nouvelles habitudes des jeunes audiences et non l’inverse (cf. la fonction Discover de Snapchat) ;
  • des solutions publicitaires plus sophistiquées (notamment le programmatic buying) ;

Deux annonces très récentes illustrent parfaitement ce renversement de situation en faveur de Google et Apple : la nouvelle Freebox qui est propulsée par Android TV (Freebox Mini 4K : découvrez son interface Android TV en vidéo), et le contrat d’exclusivité d’Apple avec HBO qui permettra aux utilisateurs de l’AppleTV de consommer les contenus de HBO sans avoir à s’abonner (HBO Deal With Apple Explained).

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Google et Apple sont donc en phase de s’imposer sur un média que l’on croyait immuable auprès d’industriels qui jusqu’à présent leur ont tenu tête. L’analogie avec le barrage qui se fissure me semble être particulièrement adaptée. Nous parlons bien ici d’une authentique révolution, d’un changement profond dans le mode de consommation des contenus audiovisuels, où la TV en elle-même ne sera plus qu’un écran qui sert à diffuser des contenus depuis une box ou un stick. Nous sommes en train d’assister à l’émergence de la TV individualisée.

De la TV à la demande à la TV individualisée

Entendons-nous bien : Apple et Google ne se positionnent pas en tant que concurrents des chaînes de TV, car ces dernières remplissent un certain nombre de rôles : conception, production, diffusion, monétisation… Pour faire simple, AppleTV et AndroidTV sont avant tout des solutions de substitution aux grilles horaires. La promesse étant de proposer aux téléspectateurs une programmation beaucoup plus souple (euphémisme) avec une consommation à la demande, selon leurs envies et contraintes. Les téléspectateurs s’émancipant pour devenir des utilisateurs.

Dans les faits, si vous utilisez une AppleTV ou une AndroidTV, vous utilisez également un canal de substitution pour la diffusion des contenus : ceux-ci ne sont plus diffusés via les ondes hertziennes, mais par la connexion internet, nous parlons ainsi d’IP TV. Dans ce schéma, c’est plutôt le fournisseur d’accès qui est ici en concurrence directe avec les chaînes hertziennes, mais comme ces dernières étaient déjà diffusées via les box… ça revient plus ou moins au même pour les contenus “live”. Pour ce qui est des programmes consommés à la demande, ça devient plus problématique, car la consommation de bande passante est bien supérieure. C’est là où les offres payantes rentrent en jeux : le principe d’abonnement est appliqué pour financer l’achat de bande passante supplémentaire. Et nous arrivons au coeur de la bataille : l’interface de souscription.

La semaine dernière, un article du NY Times a fait beaucoup de bruit : Apple’s going to launch a TV service this fall that could kill cable. Après des années de négociations, Apple serait en phase de finalisation de négociations visant à introduire auprès de grand public une offre payante (entre 30 et 40$ par mois) avec un bouquet de 25 chaines. Et de nouvelles chaines seraient ajoutées à ce bouquet toutes les semaines (Now Discovery and Viacom are also in talks to join Apple’s TV service).

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Encore une fois, ça n’a l’air de rien, mais sur un marché comme les USA où le paysage est très fragmenté, ça ressemble à une authentique révolution, et surtout une très belle offre pour les téléspectateurs qui y gagneraient au passage (What It Will Really Cost to Ditch Cable for à la Carte TV). Visiblement, un des arguments utilisés par Apple serait celui des données d’utilisation : Apple will share viewer data to programmers on its TV service.

La rumeur d’une TV Made in Apple circule depuis de nombreuses années, mais ce projet a toujours été bloqué à cause de négociations infructueuses autour des licences de diffusion. Ce blocage étant résolu, le projet semble à nouveau sur les rails : AppleTV is getting its first refresh in three years. Ne vous y trompez pas : le plus dure pour Apple n’est pas de réinventer la TV, mais de réinventer le modèle économique de la TV. Et ils y sont visiblement parvenus. Une bonne nouvelle pour les utilisateurs, qui vont bénéficier d’une offre beaucoup plus souple, une excellente nouvelle pour Apple qui devient ainsi l’intermédiaire de facto entre les téléspectateurs et les producteurs de contenus. Un rôle qui leur permet également de faire l’intermédiaire avec les régies publicitaires des chaînes.

Un premier pas vers la publicité programmatique (individualisée) sur la TV

Nous en venons logiquement au nerf de la guerre : l’argent de la publicité. En s’imposant comme le nouvel intermédiaire entre les téléspectateurs et les chaînes de TV, Apple et Google endossent également le rôle d’intermédiaire privilégié dans la chaine publicitaire : soit en fournissant des données, soit en proposant leur propre régie aux annonceurs. Le Saint-Graal étant d’offrir aux marques l’équivalent de ce qu’elles peuvent faire sur les ordinateurs et smartphones : du ciblage individuel et des messages ultra-personnalisés.

Le principe de fonctionnement est simple : si vous utilisez une Apple TV ou une Android TV, votre écran est forcément rattaché à un compte Apple ou Google, donc à votre profil. Tous les outils informatiques utilisés sur le web sont alors disponibles pour pouvoir vous livrer une bannière vidéo personnalisée en fonction de critères géographiques (lieu d’habitation), socio-démographiques (âge, sexe…) et comportementaux (ce que vous avez regardé précédemment).

Là où ça devient intéressant, c’est qu’il sera possible de cumuler tous ces critères, de même que votre historique sur d’autres terminaux : ordinateurs, smartphone, tablette… Nous parlons ici du nirvana du ciblage publicitaire avec un tracking permanent des consommateurs. Certes, ça peut faire peur, mais rappelez-vous qu’il ne s’agit QUE de publicité ciblée. Dans tous les cas de figure, ceci confirme le fait que Apple devient de plus en plus un interlocuteur de premier ordre pour les annonceurs. Pour Google, nous le savions déjà, mais la firme de Mountain View ne bénéficie pas de la même aura que celle de Cupertino.

Au final, le petit boitier qu’Apple s’apprête à sortir (New Apple TV Set Top Will Debut This Summer With App Store, Siri) sera bien plus disruptif qu’il n’y parait. Apple et Google sont donc à nouveau partis pour s’affronter sur un nouveau terrain de bataille. Apple va très certainement prendre la tête en ce qui concerne l’offre de souscription, mais Google semble déjà avoir une longueur d’avance grâce à son offre de diffusion et de tracking publicitaire (Google Fiber is working on a game-changing way to measure TV ad views).

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Vivement la suite, car la iTV sur laquelle tout le monde fantasme par anticipation n’est plus très loin (vraisemblablement avant la fin de l’année).

À la recherche de l’outil informatique du XXIe siècle

Saviez-vous que le Lisa d’Apple avait été lancé il y a plus de 32 ans ? Considéré comme le premier ordinateur grand public, le Lisa (du prénom de la fille de Steve Jobs) reste le modèle de référence de l’outil informatique : une unité centrale où sont stockés les programmes et fichiers, un clavier et une souris qui exploitent une interface graphique. Nous sommes en 2015, et la majorité d’entre vous utilise un ordinateur proposant grosso modo la même chose. La longévité de l’ordinateur individuel telle que définit par Apple (et Xeros avant eux) est un cas d’école. Ceci étant dit, les ordinateurs ne sont plus les outils de référence pour accéder à des contenus et services numériques, ils ont été remplacés par les smartphones. Est-ce à dire que nous arrivons en fin de cycle de vie ? Non pas tout à fait. Certes, la fin des ordinateurs individuels est programmée, mais ces machines vont encore faire partie de notre quotidien pendant de nombreuses années. La période qui est définitivement révolue est celle où chaque utilisateur était équipé d’un ordinateur. À une époque j’ai cru que les netbooks pourraient relancer l’intérêt, mais ils n’ont pas tout à fait tenu leurs promesses (euphémisme).

La grande désillusion des tablettes

Avec la sortie de l’iPad en 2010, et son incroyable succès, nous avons également cru que nous tenions le successeur de l’ordinateur individuel : L’avenir de l’informatique est-il au mobile ou au tactile ? Les deux (en partie). Dans cet article, rédigé il y a presque 5 ans, j’émettais des doutes quant à la capacité des tablettes à remplacer complètement les ordinateurs. Il semble que mes doutes étaient fondés, car nous constatons maintenant un très net ralentissement des ventes des tablettes (The tablet market is in serious trouble) qui illustre bien les limites de ces machines : Nobody Knows What an iPad Is Good for Anymore. La principale raison de ce retournement de marché est que les tablettes sont un excellent compromis entre la portabilité des smartphones et la versatilité des ordinateurs… mais reste tout de même un compromis.

Évolution des ventes de tablettes
Évolution des ventes de tablettes

Nous verrons bien si la rumeur persistante d’un iPad Pro avec un stylet se concrétise (Is the Stylus Making a Comeback at Apple?), mais l’accueil plutôt froid réservé à la Surface de Microsoft nous prouve que le marché n’est pas très réceptif aux compromis.

Les smartphones et applications mobiles en bout de course

Tout ceci nous laisse donc avec deux outils informatiques de référence : les smartphones pour un accès quotidien aux contenus et services en ligne, et les ordinateurs pour un usage plus intensif orienté sur la productivité. L’air de rien, vous noterez que Apple a été la première société à commercialiser à grande échelle ces deux formats. Tout ceci est très gratifiant pour la firme de Cupertino, mais cet état de grâce ne durera pas indéfiniment. Pas avec des fabricants chinois (Lenovo, Xaomi…) qui sont en capacité de produire des machines quasiment identiques à un prix ultra-compétitif. En résumé : les smartphones et ordinateurs tels que nous les connaissons sont victimes du phénomène de banalisation. Ce phénomène a d’ailleurs commencé il y a quelques années : Les smartphones sont-ils en fin de cycle d’évolution ?.

Pour pouvoir relancer l’intérêt, et les ventes, les concepteurs et fabricants ont besoin de définir un nouveau paradigme pour l’outil informatique. Certes, les smartphones ont révolutionné notre accès aux contenus et services en ligne, mais nous arrivons à la limite du concept d’applications mobiles. Ce n’est ainsi pas un hasard si les usages se concentrent sur une minorité d’applications (5 constats et 5 tendances pour l’Apps Marketing en 2015). Le seul acteur a vouloir bouleverser l’ordre établi par Apple et Google est Ubuntu avec son tout nouveau smartphone, l’Aquaris E4.5, qui propose une interface révolutionnaire reposant sur une contextualisation poussée à l’extrême avec les “scopes” : The first Ubuntu phone won’t rely on apps, here’s why that’s brilliant.

Ubuntu a-t-il les moyens de s’imposer face au duopole iPhone / Android ? Je ne sais pas, en tout cas je constate que tous les systèmes d’exploitation mobiles alternatifs s’éloignent du modèle d’applications natives.

La réalité augmentée de Microsoft plus pragmatique que la réalité virtuelle de Facebook

Mais revenons à nos moutons et à l’évolution de l’ordinateur individuel. HP a bien essayé de trouver un nouveau paradigme ave l’ordinateur tactile et 3D, mais il reste encore trop proche de ce que nous connaissons. Pour réellement provoquer une rupture par rapport à la combinaison écran + souris + clavier, il faut proposer quelque chose d’inédit. Les premiers tests de l’assistant personnel à commande vocale d’Amazon sont plutôt concluants (The Amazon Echo Is More Than a Bluetooth Speaker — It’s a Bedtime Buddy), mais je doute que ce type de produit parvienne à conquérir le grand public.

Pour pouvoir remplacer les ordinateurs traditionnels, il faut un produit qui révolutionne l’affichage et la saisie (La révolution des interfaces est en cours). C’est exactement à ça que pensait Mark Zuckerberg quand il a finalisé le rachat d’Oculus par Facebook : ils ont fait un énorme pari sur l’avenir (Facebook is betting big on virtual reality). Je pense ne pas me tromper en disant que le masque Oculus est en tout point révolutionnaire, mais qu’en l’état, il est très loin d’être un produit destiné au grand public. Certes, les joueurs s’affolent car l’Oculus permet de récréer des environnements incroyablement immersifs, mais tout le monde ne peut pas se payer un tapis Virtuix et une paire d’Hydra. Comprenez par là que si Oculus se positionne comme la Rolls de la réalité virtuelle, ils ne parviendront pas à conquérir le grand public. Cet excès d’ambition laisse donc potentiellement la place à un autre produit annoncé comme révolutionnaire : les Google Glass, mais le programme vient juste de capoter : Why Google Glass Broke.

Google, Apple, Facebook et Amazon n’étant clairement pas prêts, il ne reste plus qu’un prétendant en course : Microsoft. Après plus de 10 ans de traversée du désert, la firme de Redmond a fait sensation en dévoilant son Hololens le mois dernier : Microsoft Is Building Software For The Future Where Interfaces Fade Away. Présentées comme l’avènement de l’informatique holographique, ces lunettes de réalité augmentée (et virtuelle) ont visiblement grandement impressionné les observateurs avertis (I Just Tried Microsoft’s Remarkable Holographic Headset) qui les présentent même comme un tournant dans l’histoire de l’informatique (Could the HoloLens be Microsoft’s iMoment?).

Les Hololens de Microsoft ont-elles réellement la capacité à remplacer les ordinateurs ? Pas les ordinateurs, mais les claviers et souris, oui ! Les quelques cas d’usages présentés sont ainsi parfaitement crédibles et surtout en phase avec des besoins du quotidien.

Exemple d'utilisation des Hololens
Exemple d’utilisation des Hololens

En combinant ces lunettes avec des licences à succès comme Minecraft ou Halo, Microsoft a toutes les cartes en main pour coiffer au poteau les autres acteurs et introduire auprès du grand public un outil informatique révolutionnaire : Minecraft, more than anything else, could make HoloLens a hit.

Démonstration des Hololens associée à un jeu équivalent à Minecraft
Démonstration des Hololens associée à un jeu équivalent à Minecraft

Il y a encore un mois, jamais je n’aurais pensé écrire une chose pareille à propos de Microsoft, mais les Hololens sont ce qui se rapproche le plus d’un paradigme réaliste et viable de l’outil informatique. Si Microsoft parvient à finaliser et commercialiser ce produit d’ici à la fin de l’année, ils réussiront un authentique coup de maitre, et reprendront la place qu’ils ont progressivement perdue.

Je ne sais pas pour vous, mais j’attends la suite avec la plus grande impatiente…