Souvenez-vous : au début de l’année je vous parlais déjà de l’utilisation des mécaniques de jeu dans mes prédictions 2011 ainsi que dans un article publié l’année dernière (Le gameplay comme élément clé de l’expérience utilisateur). Figurez-vous que ce phénomène a pris de l’ampleur et qu’il a maintenant un nom : la Gamification. Derrière cet anglicisme (qui doit faire se retourner Maitre Capello dans sa tombe) et les exemples que l’on cite trop souvent (Foursquare & cie), se cachent des pratiques réellement disruptives et une nouvelle façon d’aborder les prospects, de les convertir et de fidéliser les clients.
Définition et origines de la Gamification
Pour la définition, je me contenterais de citer celle de Wikipedia : “La gamification consiste à utiliser des mécaniques de jeu dans un service ou une offre afin d’en faciliter l’adoption et la fidélisation“.
Pour aller au-delà de cette définition générique, la gamification repose sur un certain nombre de pratiques issues du jeu : accueillir les nouveaux avec un tutoriel, fixer des objectifs sous forme de challenge, récompenser la progression avec des médailles et points d’expérience, faciliter la comparaison entre utilisateurs avec des niveaux et des tableaux de scores, favoriser les interactions sociales autour d’échanges de récompense ou de monnaie virtuelle… Bref, les leviers de fidélisation vont bien au-delà des badges.
Les origines de la gamification sont multiples, on les retrouve dans les programmes de fidélité reposant sur les points, dans les systèmes de ventes pyramidales avec les grades ou encore dans les serious games. Si je ne dis pas de bêtises, la méthodologie d’entreprise Six Sigma intègre un principe de ceintures à couleurs (“black belt“). Comme vous avez donc dû le comprendre, les équipes de Foursquare n’ont rien inventé, les profils des membres sur GameSpot proposent ainsi un système de niveaux, rangs et badges depuis au moins 5 ans.
Pourquoi la gamification est bonne pour votre marque ?
Inutile de trop se creuser la tête sur les origines, l’important est de constater que le jeu fait maintenant partie de notre quotidien (l’industrie du jeu vidéo a dépassé celle du cinéma). Il n’y a qu’une petite dizaine de millions de joueurs de WoW, mais nous avons tous en nous une âme de joueur, le tout étant de trouver les bons stimuli pour la réveiller. Ma théorie est la suivante : les jeux vidéos existent depuis maintenant près de 30 ans. Perçue comme un passe-temps parasite au début, la place des jeux a beaucoup évolué dans les mentalités. Les personnes nées avec les jeux vidéos se trouvent maintenant à des postes-clés chez les annonceurs et sont beaucoup moins réfractaires à exploiter les jeux dans leur stratégie de recrutement / fidélisation que les générations précédentes.
Tout l’intérêt d’intégrer une notion de gameplay à votre marque ou service est de mieux capter l’attention de vos cibles, et surtout de leur donner un cadre pour qu’ils reviennent et développent des interactions sociales.
Il existe différents objectifs pour la gamification :
- Différentier votre marque ou service de la concurrence (en y insérant une pincée de fun) ;
- Améliorer la compréhension de votre offre (au travers des récompenses) ;
- Capter et maintenir l’attention (à l’aide des quêtes) ;
- Favoriser les interactions sociales (compétition douce, collaboration, entre-aide…).
Il existe une infinité de modèles et gameplay possible car le jeu est un domaine très vaste qui s’appuie sur des dizaines d’années d’expérience, il serait donc très dommage de vous limiter aux badges.
Si vous souhaitez approfondir le sujet, je vous recommande ces différentes sources et articles :
- Le blog et le wiki dédié ;
- HOW TO: Use Game Mechanics to Power Your Business ;
- Jusqu’où peut aller la Gamification du monde ? ;
- Les ambiguïtés de la gamification ;
- Deux très bonnes interventions à TED : The game layer on top of the world et When games invade real life.
Ce sujet est vaste et cette liste est loin d’être exhaustive.
Quels domaines d’application ?
Il n’y a en théorie pas de limite à la gamification. Comprenez par là que l’on peut la mettre en oeuvre quel que soit le contexte ou l’industrie. Nous pouvons ainsi nous appuyer sur les exemples suivants :
- Toutes le marques qui ont recours aux advergames ou équivalents ;
- Des plateformes sociales qui se servent du jeu pour attirer et fidéliser les membres (SCVNGR pour la géolocationsation, CupidsPlay pour les rencontres ou BranchOut pour la cooptation) ;
- Des boutiques en ligne qui l’utilisent pour stimuler la découverte de la gamme ou l’implication communautaire comme Be the Buyer chez ModCloth ;
- Des solutions de productivité comme Email Game, MindBloom ou encore Epic Win) ;
- Des artistes qui l’exploitent comme levier de visibilité comme David Garrett, l’opération Je veux signer chez AZ ou encore les Bopler Games de MXP4 pour découvrir et apprécier différemment la musique ;
- Des industriels qui éditent des serious games comme Siemens avec PlantVille ou Empire & State de Novel ;
- Des institutions publiques qui l’utilisent pour séduire un public plus jeune comme le métro de Londres avec Chromaroma ou la bibliothèque de NY ;
- Le monde de l’éducation avec des expérimentations au MIT ou chez Motion Math ;
- Les acteurs de la santé avec des initiatives comme Rock Ealth…
Encore une fois les exemples sont très nombreux et je n’ambitionne pas de tous les citer. APr contre si vous tenez à jour une liste, ça m’intéresse…
Comment exploiter le jeu pour votre marque ?
Comme expliquer plus haut, un bon gameplay ne se limite pas à distribuer des badges. Il convient donc de bien penser en amont votre projet de gamification et notamment de respecter les grands principes : The seven tricks everyone can learn from game designers.
Ceci étant dit, si vous souhaitez faire un test ponctuel et/ou limiter les coûts de développement, il existe un certain nombre de fournisseurs de solutions (“Game Mecanics Providers“) :
- Les éditeurs de programmes de fidélité comme Badgeville ou OneTrueFan ;
- Les fournisseurs de solutions plus complètes comme Gamify ou BigDoor ;
- Les outils de gestion de contenu qui intègrent une couche de jeu comme DevHub (cf. Comment mettre en place sa stratégie de gamification).
Quelles évolutions logiques ?
Le marché est encore en train de structurer (meilleures pratiques, fournisseurs de services et plateformes…), mais l’on peut d’hors et déjà commencer à avancer des hypothèses quant à l’évolution des pratiques de gamification :
- Des mécaniques de jeu plus sophistiquées pour prolonger l’intérêt (mais avec un enrichissement progressif pour ne pas perdre les novices). Nous pouvons ainsi parier sur l’utilisation des avatars (existants ou à créer) ou des guildes (agissant comme catalyseurs communautaires) ;
- L’exploitation de mécaniques de jeu universelles (ou du moins partagées entre différents annonceurs ou services). Une solution open source comme UserInfuser devrait favoriser la mutualisation ;
- L’utilisation de monnaies virtuelles échangeables (soit contre des réductions, soit contre des items virtuels ou privilèges) ;
- L’appropriation des mécaniques de jeu par les politiques en vue des élections de 2012…
Là encore, je ne suis pas devin, j’essaye juste de me projeter dans un avenir proche et d’anticiper les évolutions. Si vous avez d’autres suggestions, n’hésitez pas à les publier dans les commentaires. Ce domaine est vaste et surtout incroyablement riche (n’oubliez pas que les jeux vidéos existent depuis 30 ans) et nous n’en sommes qu’au tout début. Il y a de nombreuses opportunités à saisir, ne les ratez pas !
Je précise au passage que j’organise le mois prochain une formation sur le marketing virtuel où sera abordée cette thématique (entre autres choses).
Excellent article.
Effectivement les mécanismes de jeu sont de plus en plus importants. Presque tous les nouveaux sites en proposent. Il est d’ailleurs étonnant que Quora n’en ait pas fait de même.
J’aime beaucoup la prédiction pour les présidentielles. Ce aiderait à donner un visage plus humain à nos candidats. Du coup, je l’ai reportée sur Beansight (un site de partage de prédiction qui utilise aussi la gamification) :
http://www.beansight.com/prediction/au-cours-des-campagnes-presidentielles-plusieurs-candidats-s-approprieront-des-mecaniques-de-jeu
Merci pour la qualité de la synthèse et les nombreux liens.
Pour approfondir le sujet, je me permet de recommander également cette excellente présentation : http://www.slideshare.net/dings/just-add-points-what-ux-can-and-cannot-learn-from-games
On peut imaginer que cela touchera les sites de presse en ligne. A chaque article lu, des points distribués, un profil se dessine en fonction de l’actualité qu’on lit / commente le plus etc…
On peut en voir un début avec l’exemple du jeu social du Monde.fr sur Facebook. Cela se présente sous forme de quizz qui valide les informations de la semaine.
Back to basics : have Fun!
merci pour cette excellente synthèse et les pointeurs qui montre encore une fois que le business, notamment B2C, nécessite de l’affectio et du fun pour fidéliser et conserver ses clients
dans le domaine de l’apprentissage et de la formation, voire de la sensibilisation, c’est le serious gaming..;
Superbe article de fond, très intéressant. La gamification est effectivement un enjeu réellement important à l’heure où l’engagement devient une des clés du succès marketing.
Ce qui me frappe surtout c’est le fait que le jeu permet réellement de faire assimiler des mécaniques complexes aux utilisateurs, et permet surtout de leur faire franchir certaines barrières pour les inciter à adopter un service, un produit… Comme si le fait de transformer quelque chose en jeu le rendait moins intimidant.
Pour ma part, e vous recommande cette vidéo, qui m’a fait saisir tous les enjeux de cette problématique: http://www.g4tv.com/videos/44277/DICE-2010-Design-Outside-the-Box-Presentation/
Je suis bien d’accord que la gamification est un enjeu important, mais la plus part des systèmes mis en œuvre, ce sont des systèmes de fidélité déjà mis en œuvre depuis très longtemps dans le marketing traditionnel: concours, points, pins, stickers.. c’est juste que le monde du web invente la roue car les informaticiens ne sont pas très bon pour faire du fun.. hormis dans le jeu vidéos qui fut pendant longtemps la seule partie fun de ce métier.. et qui devient donc la référence du domaine..
rilax un interaction designer, ingénieur cogniticien aka monsieur le bouton pas fun qui malgré tout travaille pour des jeux vidéos (Cf la présentation extrêmement intéressante de Cyril).. et qui contribue à rendre les jeux fun ET jouable tout en le rendant suffisamment progressiste pour éviter l’ennuie..
Game-ment votre :)
@Guillaume: Quand on met de l’émotion dans quelques choses on l’assimile mieux.. et accessoirement si on en tire une gratification on est plus enclin à le faire..
La vidéo est très sympa aussi, mais poussé à l’extrême j’ai l’impression de replonger dans 1984.. et même si cela fait changer les gens d’une certaine façon je ne suis pas sur que ce soit forcément à des publicitaires de savoir tout sur tout le monde juste pour avoir des points..
Afin d’assurer à Maître Cappelo un peu de repos, pourquoi ne pas utiliser plutôt l’expression “ludification” ? Ce néologisme basé sur la racine latine me semble plus élégant… et déjà présent sur Internet (15000 occurrences pour Google) :
http://www.google.fr/search?q=ludification
Bravo Thomas pour cette trouvaille, je te nome chevalier des Chiffres et de Lettres !
Merci Fred pour ce post très complet. Lidoli, dont tu avais parlé sur un post précédent (suite au salon du e-commerce 2010) vient de sortir une plateforme d’évaluation collective (www.mylidoli.com). Nous sommes pour l’instant en bêta version mais la gamification constituera sans doute l’une de nos prochaines avancées, sans doute avec un acteur comme badgeville. Dans tous les cas c’est effectivement un puissant levier de fidélisation, finalement encore assez peu connu du grand public en France!
Je crois avoir vu passer un article académique qui disait que si les jeux étaient marrants ce n’étaient pas à cause des tableaux de score, badges ou autres jouabilités progressives mais tout simplement parce que c’étaient des jeux. Et en rajouter les oripeaux sur d’autres services n’en feraient pas des activités ludiques pour autant.
Du coup, question : aurions-nous un exemple de ludification (bien trouvé !) réussie ? Je suis sûr que vous avez fait un excellent travail de synthèse et sélectionné les exemples les plus représentatifs. Mais ce ne sont pas vraiment des succès, voire plutôt des échecs (SCVNGR est pas genre dernier du marché déjà petit de la géolocalisation ? Epic Win n’est pas loin derrière Things et al. ?). Les autres ont de la bonne volonté, peut-être de l’avenir, mais apparemment pas de résultat. Qu’est ce qu’on doit penser de la ludification au final ?
Intéressant, merci. Amusant, car on va commencer à travailler sur le sujet.
Un point important à souligner je pense est qu’il faut partir d’un objectif business (conquête de prospects, augmenter le temps passé sur site, le nombre de page vues, etc.) pour ensuite se demander : la ludification (belle trouvaille en effet) peut-elle m’aider ? si oui, comment ? A partir de là, on est conduit à se pencher sur les motivations des utilisateurs, et c’est à partir de là que l’on construit son plan de ludification.
Pour l’instant je trouve que ça reste assez restreint dans le e-commerce ou plutôt il y a encore une grande marge de progression.
En tout cas ludification, j’aime bien !
@ Cobalt > Très juste, l’intérêt vient du gameplay et non des badges qui fonctionnent surtout comme élément de motivation. Je n’ai pas cité l’exemple de Nike car on parle trop souvent de cette marque, mais ils ont fait des choses très sympa en point de vente (“comparer votre détente à celle de tel basketeur”…).
@cavazza Effectivement je n’avais pas pensé à Nike. Mais le sport est déjà très proche d’un jeu, on y apporte pas grand chose. Je suis plutôt curieux à l’égard de la ludification “des solutions de productivité” par exemple.
@Cobalt:
si par exemple on incitait le reporting avec des systèmes de points échangeable contre des cafés ou bien encore des bonus pour les teams capitalisant le plus de connaissances sur l’intranet: avec des système de leveling qui permettent de débloquer des options spéciales au CE… les ressorts de motivations ne manquent pas et varient fortement d’un individu à l’autre..
Dans les jeux vidéos on a des système de badges, de quêtes, non pas parce que cela rend le jeu plus fun (quoi que..), mais parce que cela allonge la durée de vie, apporte du challenge et augmente l’attrait des joueurs pour des choses qui seraient devenues routinières et inintéressantes.. et qu’ils auraient délaissés comme ce reporting complètement rasoir que mon N+1 me demande toujours de remplir et dans lequel je ne vois aucun intérêt.. (c’est un exemple inventé bien sur…)
@rilax Pas pour faire chier hein mais juste :
> si par exemple (…) individu à l’autre
Probablement, mais il s’agit encore une fois d’un vœux pieux et non d’une réalité prouvée. C’est ce qui me gêne dans toute cette perspective : c’est pas l’enthousiasme qui manque mais les résultats.
> Dans les jeux vidéos on a des système de badges, de quêtes (…) (c’est un exemple inventé bien sur…)
Donc les mécanismes de jeu marchent dans les jeux. Ok. Mais pour le moment on a rien pour rendre les rapports moins chiants. Ok. Mais point bonus pour “l’invention” de l’exemple ! (Point bonus :p See what I did here?).
Bonjour,
Merci pour cet excellent article et ces nombreuses ressources.
Cette incursion de plus en plus importante du ludique dans le business au sens large (cela ne se limite pas au e-commerce je pense) me rappelle le livre de Dan Pink « L’homme aux deux cerveaux ». Dans ce livre, Daniel Pink fait le pari que l’avenir de notre économie passe par le développement de compétences liées à l’hémisphère droit de notre cerveau : design, raconter une histoire, donner du sens … et jouer !
J’en profite pour ajouter un lien vers une vidéo sur la gamification : http://www.youtube.com/watch?v=6O1gNVeaE4g