Ainsi donc, l’arrêt des blagues sur les emballages de Carambar était une blague. Non seulement elle n’est pas drôle, mais elle illustre la période bien triste que nous sommes en train de traverser : des marques qui sont prêtes à user des pires artifices pour gagner en exposition, des community managers qui confondent animation éditoriale et jeu apéro, des agences qui abandonnent tout code d’éthique. À qui la faute ? Sans hésitation au contexte économique difficile. Dans cette histoire je ne blâme personne, car nous portons tous une part de responsabilité : ceux qui sortent l’idée, ceux qui la valident, ceux qui la matérialisent, ceux qui la relaient, ceux qui applaudissent, ceux qui critiquent… Cette mauvaise blague Carambar n’est que la résultante d’un impératif auquel tout le monde doit se plier : faire plus avec moins. Moins de budget, moins de temps, moins d’ambition… et on se retrouve avec une farce comme celle-ci à l’échelle nationale.
Que ceux qui n’ont jamais pêché jettent la première pierre à Carambar
Rappel des faits : la semaine dernière, la marque Carambar annonce l’arrêt prochain de l’impression de blagues sur ses emballages au profit de quizz ludo-éducatifs. Cette annonce a provoqué un grand émoi dans les médias, aussi bien traditionnels que sociaux. Il en résulte une très forte exposition médiatique et un grand élan de nostalgie des Français. Et finalement une autre annonce tombe ce matin : les blagues ne seront pas retirées des emballages, c’était une blague : Carambar décidé à continuer ses mauvaises blagues.
Certes, il n’y a pas mort d’homme, mais nous nous retrouvons avec des journalistes tournés en ridicule, des grands médias décrédibilisés, des blogueurs bernés et des clients qui ne comprennent pas l’intérêt de farce. Loin de moi l’idée de jouer les démagos, mais il y a des sujets plus graves à aborder en ce moment (sauvetage de l’économie Chypriote, division de la société française sur la question du mariage pour tous, qualification de l’équipe de France pour la Coupe du Monde de foot…). Je suis le premier à dire que l’on peut rire de tout, mais le problème est que cette “blague” n’était pas drôle, et qu’elle n’avait pas réellement l’ambition de l’être.
Je suis ainsi persuadé que le but de l’opération était simplement de faire le buzz, de mendier des clics et des secondes d’attention à un public blasé. Peut-on réellement en vouloir à Carambar pour s’être laissé aller à tant de faiblesse ? Pas réellement, car il faut bien reconnaitre que certaines marques placent la barre très haut, à l’image de Red Bull qui a encore frappé un grand coup ce WE avec sa vidéo de urban wingsuit.
Il faut également dire qu’il y avait eu un précédent avec le remplacement de la mascotte de Malabar, l’occasion était donc trop belle pour ne pas être saisie. La marque s’est donc offert un beau vote de confiance et une belle campagne de buzz, mais cela va-t-il avoir un impact positif sur les ventes ? Je ne suis pas sûr. Sur la valeur perçue des produits ? Aucune chance. Sur l’attachement à la marque ? Même pas. Au final, à qui profite cette opération ? À personne, car tout le monde a été berné : les médias et journalistes, les clients, et même la marque a qui on a fait croire que les retombées allaient forcément être positives.
Nourrir la machine médiatique n’est pas une obligation
Entendons-nous bien : je ne suis pas en train de faire le procès du buzz. J’ai déjà eu l’occasion de m’interroger sur le bien fondé de certaines opérations (Les animateurs vont-ils remplacer les mascottes des marques ?), mais l’histoire du web regorge d’exemples de campagnes intelligentes et réussies. Ce n’est pas la première fois qu’une marque dérape en cherchant à faire le buzz (on se souvient ainsi des cas Poweo, SNCF ou plus récemment Cuisinella), mais tout s’est finalement bien terminé avec des excuses.
Vous pourrez constater que la profession ne sait toujours pas apprendre de ses erreurs : on confond toujours exposition et appétence. Ce n’est pas parce que votre marque ou vos produits occupent l’espace médiatique que les ventes vont forcément augmenter. Pour infléchir sur les ventes, il faut une proposition de valeur forte : un nouveau produit, une forte baisse de prix… Dans le cas de Carambar, il n’y a aucune proposition de valeur : on recherche le buzz pour le buzz, on mélange l’objectif et les moyens.
Ce qui me met mal à l’aise dans toute cette histoire est que malgré les innombrables études et rapports nous démontrant que les habitudes et réflexes de consommation ont irrémédiablement changé, nous en sommes réduits toujours à la même obligation : faire du bruit. Le matraquage publicitaire est une technique qui a très bien fonctionné au siècle dernier, mais les consommateurs évoluent, et ils ont appris à se protéger contre ces techniques fortement intrusives. Je déplore ainsi le fait que malgré un très bel héritage, Carambar choisisse une opération aussi peu inspirée. Était-il si compliqué de solliciter l’avis des internautes sur la nature des contenus utilisés sur les emballages ? Ou alors peut-être est-ce la première étape d’une opération plus vaste qui va justement inclure de la sollicitation d’opinion. Dans ce cas nous avons un problème, car les moyens utilisés risquent de faire jurisprudence et d’inciter d’autres marques à choquer pour attirer l’attention.
Ceci est d’autant plus regrettable que la qualité des contributions n’augmente pas avec le nombre de participants. En d’autres termes : pas la peine de faire un buzz national pour recueillir des suggestions de qualité. Est-ce vraiment faire preuve d’utopisme que de chercher à privilégier la qualité sur la quantité ? (cf .Trop de buzz et pas assez de dialogues)
Au final, toute cette histoire se résume à deux problèmes de fond :
- L’absence d’indicateurs qualitatifs fiables, qui pousse les marques et agences à privilégier les opérations au succès facilement comptabilisable (en nombre de clics ou tweets) ;
- L’algorithme derrière le Edge Rank de Facebook qui incite les marques à partir à la chasse aux like et commentaires (sinon elles disparaissent progressivement du flux).
À partir du moment où les annonceurs disposeront d’outils de mesure simples et fiables pour mesurer l’impact qualitatif de leur présence sur les médias sociaux et qu’ils seront mieux armer pour lutter contre la dépendance à Facebook, ces opérations n’auront plus lieu d’être.
Ne confondez plus marketing et buzz
Pour conclure, je tiens à préciser que je n’ai pas l’ambition de révolutionner le mode de fonctionnement des agences ou de donner des leçons. Ce bad buzz n’est pas le premier et il ne sera certainement pas le dernier. Par contre, ce qui me fait réellement bouillir, c’est que l’on qualifie cette campagne d’opération “marketing“. J’enrage face à l’ignorance des journalistes et à leur mépris vis-à-vis de cette profession. Le marketing désigne l’ensemble des actions et moyens permettant de mieux comprendre les besoins des consommateurs et d’adapter l’offre en conséquence, certainement pas de faire du buzz.
Dans ce contexte, je ne cautionne absolument pas la définition proposée par Wikipedia : “L’ensemble des actions ayant pour objectif de […] stimuler, susciter ou renouveler les besoins du consommateur“. Non, désolé, le marketing ce n’est pas ça. Le social marketing ne consiste pas à faire du buzz, il consiste plutôt à être à l’écoute du marché et à engager des conversations avec les clients et prospects pour mieux comprendre leurs besoins, contraintes, motivations et freins. Ni plus, ni moins.
On se demande en effet l’intérêt de créer ce genre de buzz qui au final, aurait très bien pu se retourner contre eux. C’était risqué. Au final, ils s’en sortent bien je trouve, puisque l’on a pas arrêté de parler de carambar dans les médias. La stratégie n’est certes pas très “propre”, mais le résultat est clairement là et les décisionnaires doivent se frotter les mains.
Un point de vue assez juste compte tenu de la façon dont cette opération a été orchestrée.
Je crois que vous vous fourvoyez.Si on se base sur les habitudes de notre époque, il faut au contraire imaginer que la suppression des blagues était réelle, que Carambar souhait se donner un rôle et une conscience éducative et sociétale.
Face au bad buzz, la marque, peu rompue aux medi sociaux a pris peur et a souhaité faire marche arrière.
En s’en sortant d’une belle manière.
Il est dangereux de chercher à voir du buzz partout, ce mot qui n’a d’ailleurs aucun sens précis.
Food for thought …
La tromperie peut fonctionner quand elle est bien utilisée, la marque de barres chocolatées ROM l’avait bien compris en faisant semblant de se faire racheter par une marque américaine en se faisant renommer “The American Rom” et a gagné son lot de prix…
b.
Bonjour Frédéric,
je ne suis absolument pas spécialiste de ce qu’on appelle le digital marketing et autre… C’est justement pourquoi je suis vos blogs car ils sont en général instructifs.
En revanche je ne comprend pas cette position si négative à l’égard de la campagne Carambar. Je trouve ça plutôt réussi de la part de Carambar dans le sens ou finalement le sentiment général qui en est ressorti est une sorte de “nostalgie” des blagues carambar.
On a tous été bernés. c’est vrai. Mais faut-il en faire un drâme ? Oui, il y a des sujets qui méritent plus d’attentions de la part des média. Mais ces sujets (cités dans l’article) méritent de toute façon plus d’attention que l’arrêt des blagues carambar, que cette dernière info soit vrai ou fausse.
C’est juste un buzz, un coup de pub, ce que vous voulez… qui a très bien fonctionné… si les média préfèrent traiter en priorité ce sujet plutôt que des sujets plus graves, ce n’est certainement pas la responsabilité de Carambar…
PS : je n’ai rien à voir avec Carambar ;-)
Et finalement, commenter le faux buzz … ce n’est pas encore alimenter en eau un moulin qui tourne déjà fort ?
Personnellement, j’ai toujours préféré le caramel carambar à leurs blagues pourries ….
Je partage votre avis sur une bonne partie de l’article mais (le fameux MAIS ^^) à mon sens il aurait bien pu s’agir d’une action Marketing. Imaginons que le remplacement des (mauvaises) blagues Carambar par des “quizz ludo-éducatifs” ait été validé par les consommateurs, le fabriquant des Carambar aurait-il fait marche arrière et donc n’aurait pas déclaré qu’il s’agissait d’une blague ?
Ce n’est peut-être pas du social marketing, mais c’est un vrai coup de communication médias.
Quelle chance aurait la marque d’émerger à ce point en TV et radio aujourd’hui, pour annoncer que son produit ne change rien (pas d’innovation, pas de nouveauté, pas de star) ?
Quand on voit des journalistes monter des reportages sur “qui crée les blagues” (par ex.), on se dit que cette campagne a le mérite de faire dire par les médias à quel point la marque fait partie de l’histoire de chacun.
Et puis c’est une façon de répondre au bad-buz précédent – le remplacement de la mascotte : une façon de dire, “on a compris que ça – les blagues – fait partie de ce que vous aimez chez nous, et ça on ne le change pas”.
Juste un bémol, je ne sais pas comment vont faire les attachés de presse Carambar à l’avenir pour obtenir ne serait-ce qu’un entrefilet sur la prochaine info.
Faire un buzz, c’est faire parler de soi, volontairement ou non, quelle différence avec le marketing ? La marque a fait d’un non-évènement – car finalement les blagues carambar, tout le monde s’en fout- un petit moment marketing nouvelle-génération.
Pas mieux, mais pas pire que d’autres.
Et effectivement, il y a des sujets plus importants, plus critiques, mais globalement, c’est mal ce qu’ils ont fait ? ils n’ont trompé personne, n’ont volé personne et n’ont pas causé de tort, à qui que ce soit.
Soyez beau joueur et reconnaissez que ce qui vous énerve c’est d’avoir, comme tout le monde, été pris pour un jambon par une marque souvent considérée comme has-been et qui a usé des moyens modernes pour se refaire une petite cure de “popularité”.
Un cas d’école en tout cas.
Je vous trouve un peu sévère sur cette opération. Le coup est pour moi très réussi. Carambar réussit non seulement à créer le buzz (partages, diffusion), mais le message passe très bien : Carambar c’est fun, et ça le restera.
La marque a bien compris comment fonctionnaient les réseaux sociaux et a admirablement exploité l’idée avec une opération finalement très bon enfant. Rien de comparable ici avec ces agences de communication qui ne trouvent pas d’autres moyens d’être écoutés qu’en choquant.
Après c’est comme toutes les idées originales, si toutes les entreprises commencent à faire ce type d’opération cela perdra très vite de son intérêt.
Oui enfin n’exagérons rien : Il ne fallait pas être devin pour sentir le coup venir et se douter très fortement que tout ceci était une opé de comm orchestrée par une agence.
http://twitter.com/clauer/status/314831712444088320
http://twitter.com/clauer/status/314784471104757760
http://twitter.com/clauer/status/314783553571389440
Dites, les gens, vous y avez cru, vraiment ?
SebB,
C’est évidemment un succès quant à l’exposition médiatique de la marque mais aussi la tonalité, très positive dans les médias traditionnels jusqu’alors.
Mais peut-on baser une démarche de brand PR sur un fake à grand renfort d’outils de com très aboutis ? Peut-on balader les relais d’opinion sans prendre attention au fait que de fausses infos aient été diffusées sur leur canaux ?
Cela va effectivement poser quelques difficultés aux attachés de presse Carambar mais aussi plus largement aux responsables communication des marques.
Juste un chiffre : seuls 10% des consommateurs européens font confiance aux marques sur les réseaux sociaux… – http://www.futurelab.net/blogs/marketing-strategy-innovation/2013/03/new_research_shows_most_consum
Ca va peut être pas s’améliorer
Il fallait un peu s’y attendre aussi. Sans compter certain médias, qui avaient évoqué cette éventualité. Qu’elle bande de rigolos alors !
“nous nous retrouvons avec des journalistes tournés en ridicule, des grands médias décrédibilisés, des blogueurs bernés”
LA FAUTE A QUI ? Hein ?
Si les journalistes faisaient leur boulot, si les bloggers se la pétaient moins, ce genre de campagne serait restée à son niveau.
Campagne réussie, ou pas, bonne blague ou pas, laissons chacun penser ce qu’il veut sur ce (faux) sujet.
Ce qui est vraiment minable dans tout cela, c’est que ces soit disant relais de l’info, qui qualifient et analysent, sont en fait de vulgaires forwarders.
Et que l’on nous fait passer cela pour de l’expertise et du savoir faire.
C’est du Findus-like.
On dirait du journalisme, en fait non, c’est du PR à peine déguisé.
Et ça, c’est scandaleux à notre époque.
Bien plus que #Cetaituneblague.
Qui limite me semble être une campagne réussie au final.
La seul chose qu’a réussi carambar, c’est à prouver que nos médias sont que de pauvres moutons qui ne cherchent même plus à vérifier leurs infos.
Le buzz c’est même plus le truc des agences de com, il leur suffit de sortir un concept un tant soit peu #lol et attendre que les medias s’emparent de l’affaire.
Qu’on retire leur carte de presse à tous ces journalistes ayant parlés de cette histoire, ça se voyait gros comme une maisons que c’était du FAKE.
là ou carambar à failer grâve c’est qu’ils ne sont pas arrivé / n’ont pas osé poursuivre leur blagounette jusqu’au 1er avril.
Avec un bon poisson d’avril en prime sur TF1 c’était la win total.
Là c’est juste le caramel bande mou.
+1 LUC
Finalement, ils auraient pu frapper un peu plus fort en disant ce matin que suite à leur écoute et analyse des commentaires de leurs fans et consommateurs, ils décidaient de conserver les blagues. Ça aurait permis de démontrer une bonne compréhension des attentes des consommateurs (tout en bernant les clients, mais sans le dire haut et fort, certes, cela manquerait de transparence, mais rendus là… )
+2 pour Luc et vraiment déçu de cet article.
En quoi le transatlantys serait une “mauvaise” blague de la SNCF ? Si les marques ne font rien, elles sont coincés, si elle font un truc c’est mauvais…
“Ce n’est pas parce que votre marque ou vos produits occupent l’espace médiatique que les ventes vont forcément augmenter.”
Dans ce cas, la publicité tv ne servent à rien (puisque rare sont les pubs qui apportent de la nouveauté, surtout pour des produits vaches à lait).
Carambar ne s’est pas payée une campagne de buzz, elle s’est payée une campagne de pub et de ce point de vue, c’était hyper rentable. Gros problème : on ne fait pas des poissons d’avril en mars : c’est nul et oui dans ce cas ça ne fait pas rire.
@ Florian > Le problème n’est pas cette campagne, mais celles qui vont s’en inspirer : Berner et/ou choquer pour attirer l’attention.
@ Skwal > Merci de ne pas insulter mon métier et les gens de la profession. Non, le marketing ça ne se résume pas à faire parler de soit. Au contraire, ça consiste à écouter et à dialoguer.
@ François > Je dirais plutôt “Carambar, c’est des blagues raz-des-pâquerettes, et ça le restera”. En ce sens, la campagne est cohérente avec la posture de marque ;-)