En à peine 10 ans, les médias sociaux ont pris une place considérable dans notre quotidien et dans le paysage des médias. Ils ont également irrémédiablement transformé les habitudes des internautes. Cependant, le marché ne semble pas réellement se rendre compte à quel point la transformation du web est rapide.
Deux articles publiés ce mois récapitulent assez bien le décalage entre la perception des annonceurs et la réalité :
- What if Everything You Know About Social Media Marketing is Wrong? qui relativise (euphémisme) l’intérêt des utilisateurs pour les marques et leurs publications ;
- What You Think You Know About the Web Is Wrong, où l’on nous explique que le nombre de clics ou l’engagement ne sont pas des mesures fiables, seule l’attention compte.
La réalité que nous avons du mal à appréhender est que les médias sociaux sont en train de perdre leur aspect “social” pour renforcer le côté “média”. En d’autres termes : moins de conversations et plus communication descendante. Le principal impact de cette évolution est l’obligation de payer pour pouvoir toucher un large public. Comme sur les médias traditionnels en fait.
Facebook comme outil de ciblage publicitaire, FAI, éditeur et promoteur d’un nouveau média virtuel
Normalement vous devriez avoir déjà lu dix fois l’étude d’Ogilvy sur la baisse de la portée naturelle des publications (Facebook Zero: Considering Life After the Demise of Organic Reach). Rien de très neuf, car de nombreux signaux ont été envoyés ces derniers mois (Facebook traite tous ses utilisateurs comme des annonceurs). Passé l’agacement, voir la grogne (This is what happens when Facebook controls the signal, and it defines you as noise, Les liaisons dangereuses de Facebook avec ses agences partenaires), l’heure est maintenant à la rationalisation et surtout à la résignation : Why Is Facebook Page Reach Decreasing? More Competition And Limited Attention.
Donc, Facebook est maintenant officieusement un média payant sur lequel il faut investir de grosses sommes pour pouvoir exister et continuer à toucher une large base de “fans”. Vous voilà maintenant prévenu, à partir de là, le bon réflexe est de commencer à remettre en question votre stratégie de présence. Par “stratégie”, j’entends “objectifs” et “moyens”. Comprenez par là que je ne milite pas pour un retrait des marques de Facebook, mais pour un réarbitrage des priorités (Il est plus rentable de créer des conversations chez vous que sur Facebook).
La bonne nouvelle, puisqu’il y en a une, est que Facebook compense la baisse de la portée naturelle des messages par des offres de ciblage publicitaire redoutables. Les dernières options de ciblage proposées dans Lookalike Audiences permettent en effet de toucher des internautes sans même avoir besoin d’une page active : Facebook, Your Marvelous Rented Media. Sous cet angle, Facebook se révèle être un levier d’acquisition très performant, voire plus performant que les supports habituellement utilisés dans des campagnes de display.
Comme tous les sites à très forte audience, ceci ne durera pas. Voilà pourquoi Facebook est en train de préparer l’avenir avec une stratégie de diversification étonnante :
- Plusieurs technologies open source ont été livrées à la communauté (Facebook rebuilds and re-open-sources its cross-language Thrift framework, Facebook open-sources Presto, a homegrown SQL query engine for mining its enormous data warehouses, Facebook unveils Hack, a new programming language for writing code faster…
- Un vaste programme a été lancé pour stimuler l’accès au web en Afrique (Facebook’s Internet.org to provide educational materials to smartphones in Rwanda in first pilot project et Facebook wants to connect rural Africa using drones) ;
- Le rachat d’Oculus Rift pour miser sur les contenus de réalité virtuelle (Facebook Missed Mobile Gaming, So It Bought Oculus To Own Virtual Reality For Gaming And Beyond).
Facebook fournisseur d’accès en Afrique, éditeur de logiciels open source et promoteur de la réalité virtuelle ? Pourquoi pas, après tout l’évolution de l’internet est tellement complexe qu’une stratégie de diversification en vaut bine une autre. Ce qu’il faut retenir de tout ça est que Facebook n’est plus un réseau social… vraiment plus !
Twitter, le média des médias
Pour Twitter, c’est un peu la même histoire : si vous pensez que Twitter est un service de microbloging où chacun peut communiquer avec les autres au travers de micro-messages, vous êtes loin du compte, car il est plus question de consommation d’informations que de conversations. Une récente du Wall Street Journal nous révèle ainsi que la majeure partie des utilisateurs ne tweetent pas : Only 11% of New Twitter Users in 2012 Are Still Tweeting. N’allez cependant pas croire que ces utilisateurs ne sont pas actifs, ils se servent simplement de Twitter comme d’un portail d’information : ils lisent, mais ne publient rien. Et la nouvelle fonction de tag des photos n’y changera rien (Photo Tagging: Twitter’s First Answer to Its Retention Problem).
Ceci étant dit, faut-il oublier Twitter pour autant ? Non, car cette plateforme n’a jamais été aussi puissante en terme de portée, notamment grâce au relais des médias traditionnels. D’ou outil de micro-blogging, Twitter est en train de devenir la plus grosse agence de presse du XXIe siècle, LA référence de l’information en temps réel (Twitter details its Manhattan real-time database). Nous assistons ainsi à un rapprochement manifeste des médias traditionnels, notamment des chaines de télévision et des journaux : The Sun pioneers first print #hashtag stories.
Du coup, l’offre publicitaire de Twitter évolue pour exploiter au mieux cette symbiose (Twitter forecasts advertising ambitions with new acquisitions), de même pour ses outils marketing (Twitter opens its conversion tracking tool to all advertisers using Promoted Tweets) ou de CRM (Twitter’s direct response pitch: a new ‘click-to-call’ button). Ils sont également en train de muscler leurs offres publicitaires pour les annonceurs (Coming to Your Twitter Feed: 15 New Types of Ads).
Là encore, la perte de spontanéité de cette plateforme n’en diminue pas l’intérêt, il faut simplement bien comprendre son fonctionnement et la façon dont un annonceur peut en tirer parti.
Une évolution obligatoire dans un contexte ultra-concurrentiel
La question que vous pourriez vous poser est de savoir pourquoi ces deux plateformes évoluent alors que tout va bien puisque leur audience grimpe. C’est tout simplement parce que l’audience grimpe que ce processus de transformation est obligatoire : pour mieux correspondre aux attentes et usages réels, et surtout pour ne pas tomber dans le piège de la banalisation. L’incroyable succès des applications mobiles asiatiques comme WeChat ou Line nous prouve ainsi que la roue est en train de tourner (Les smartphones sont notre premier écran, adaptez vos budgets et campagnes en conséquence). Mais cela fera l’objet d’un prochain article…
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L’évolution des médias sociaux (voire des usages du web) est vraiment passionnante. On a l’impression de suivre une série TV IRL.
“Pourquoi ces deux plateformes évoluent alors que tout va bien puisque leur audience grimpe” : sans oublier un besoin de monétiser un modèle qui ne pourra pas durer sur les bases qu’étaient celles de Twitter et Facebook. Merci pour cet article :)
La comparaison avec une série TV est un peu ambitieuse (il y a moins de morts que dans Games of Throne), mais il est vrai que l’on ne s’ennuie pas !
La solution : Google+ ?!
Oui et non, mon propos n’est pas de dire qu’il faille abandonner Twitter ou Facebook, mais plutôt de revoir ses objectifs et les modalités de présence. Mais une des solutions est effectivement de diversifier sa présence.
“Lookalike Audiences permettent en effet de toucher des internautes sans même avoir besoin d’une page active” : pour des applications oui mais pas pour des liens vers des sites. Il faut impérativement avoir une page active même sans fan ni posts mais avec c’est beaucoup mieux. Sans ça pas de pub possible.