La semaine dernière, j’étais invité par la Radio-Télévision Suisse à m’exprimer sur l’avenir des médias. Ce n’est pas la première fois que je prends la parole sur ce thème (Frederic Cavazza s’exprime sur l’évolution de la Télévision sur Plateautele), même si je ne me considère pas comme un expert. Il ne vous aura pas échappé que le sujet est chaud, car le rapport de force s’inverse petit à petit entre les médias traditionnels et les “nouveaux médias” : German publisher caves to Google News after massive traffic drop et How Facebook and Google Now Dominate Media Distribution. Rajoutez à cela l’annonce du dépôt de bilan de l’éditeur de l’Encyclopédie Universalis, et vous avez des annonceurs qui se posent des questions sur les arbitrages nécessaires de leur budget publicitaire.
À ce sujet, la manifestation de la semaine dernière à été l’occasion pour la RTS de présenter également les conclusions du rapport publié par Publisuisse : Médias du futur 2020. Les enseignements notables de ce rapport sont les suivants :
- La vidéo est un format omniprésent qui plait toujours autant aux téléspectateurs comme aux internautes ;
- La TV reste un média qui captive, les chaînes de TV dans leur rôle de producteurs de contenus vidéo bénéficient d’un savoir-faire indéniable (même si le web a la capacité de créer des stars : Why 32 Million People Are Obsessed With PewDiePie, The Biggest Star On YouTube et We Went To A YouTube Convention, And It Was Insane) ;
- La radio reste le son du quotidien, notamment à travers les rubriques et commentateurs (mais pour la découverte musicale, rien de tel que Spotify ou Pandora) ;
- Internet s’impose comme un média d’information et de détente (voir les deux en même temps…).
Je suis un fervent partisan de l’internet et du numérique, mais il faut bien reconnaitre que les médias traditionnels ne sont pas encore enterrés, loin de là. L’astuce pour bien comprendre le contexte du marché est de ne surtout pas chercher à comparer les deux. Certes, il y a des différences notables (Hard Comparison: Legacy Media vs. Digital Native), mais les spectateurs / internautes / mobinautes ne le voient pas comme ça : ils se contentent de consommer indifféremment l’un ou l’autre, ou les trois en même temps, en fonction de leurs envies ou habitudes. Le multi-écran est une tendance de fond qui va durablement s’installer, il n’y a guère que les jeux et films exploitant la réalité virtuelle qui vont pouvoir lutter contre. Certes, la télévision linéaire telle que nous l’avons connue est en perte de vitesse, mais elle trouve un second souffle à travers les offres de rattrapage ou de VoD.
Même si aujourd’hui, nous constatons que les médias traditionnels sont massivement présents sur les supports numériques (portails, applications mobiles…), ils se heurtent à des usages de niche (Le Dark Social complique la tâche des annonceurs), à une radicalisation des formats (Comment les terminaux mobiles favorisent la conception gigogne des contenus et services) et des contenus. Ce dernier point est primordial, car les nouveaux entrants ne se gênent pas pour exploiter des lignes éditoriales inenvisageables par les médias traditionnels, à l’image de Vice ou de BuzzFeed (Don’t look now, but VICE is about to get even bigger). Le premier c’est en effet fait une spécialité des articles racoleurs comme “J’ai été le correspondant de 50 meurtriers et tueurs en série“, “Les tyrannosaures sont les nouveaux rois du porno” ou encore “Comment cuisiner des animaux écrasés“. Le second n’est plus à présenter, tant son ascension a été fulgurante. BuzzFeed agace autant qu’il fascine, en tout cas il est impossible de ne pas reconnaitre l’efficacité du modèle, comme en témoignent les statistiques publiées récemment : How Technology Is Changing Media.

La situation est donc complexe à comprendre pour les annonceurs qui doivent appréhender plusieurs facteurs de transformation dans la consommation des médias :
- La quasi-impossibilité de fidéliser une audience qui est éparpillée sur une infinité de sources et plusieurs écrans (l’attention partielle est devenue la norme) ;
- Des consommateurs connectés en permanence grâce à leur smartphone (Nous vivons maintenant dans un monde mobile) ;
- L’avènement de la publicité native et de l’achat programmatique (Évolution, tendances et enjeux de la publicité en ligne).
Dans ce contexte de transition vers un quotidien numérique, les annonceurs son confrontés à plusieurs défis s’ils veulent rester dans la course : apprendre à maitriser la donnée et les usages qui en découlent (pas uniquement de l’optimisation d’achat d’espaces publicitaires), ainsi que les adtechs et les pratiques qui vont avec (personnalisation à la volée, utilisation intensive des algorithmes…). Sans une montée en compétence rapide, les annonceurs n’ont aucune de s’y retrouver et de faire les bons arbitrages.
Puisque l’on parle de faire des choix, j’insiste sur le fait qu’en aucun cas les médias traditionnels, numériques ou mobiles sont en concurrence directe. Chacun de ces médias (ou familles de médias) répond à des logiques, contraintes et caractéristiques différentes.

Pour vous la faire courte : il n’y a pas de bons ou mauvais médias, simplement des médias que l’on exploite en fonction d’objectifs différents. C’est réellement dans la complémentarité de ces médias, et des campagnes qui les exploiteront, que les annonceurs peuvent trouver des gains de performance. Encore faut-il réussir à trouver une solution à l’épineux problème de l’attribution… mais c’est un autre débat.
Le support de mon intervention est ici, sentez-vous libre de le commenter :
2015 va réellement être une année passionnante, car l’industrie publicitaire va poursuivre sa mue. Les transformations qui ont été rendues possibles grâce aux technologies numériques (retargeting, RTB…) vont petit à petit être adoptées par les chaines de télévision à l’image de l’offre AdSmart lancée par Sky : What impact will Sky AdSmart have on advertising?.