De l’illectronisme à la pleine conscience numérique

Saviez-vous qu’1/3 des Français avait déjà renoncé à faire quelque chose parce qu’il fallait utiliser internet ? De même, saviez-vous que 2/3 des utilisateurs des pays développés ne parviennent pas à compléter une tâche de difficulté moyenne sur les supports numériques ? L’illettrisme et la dyslexie numérique sont une réalité pour bien plus de personnes qu’on ne le croit. Un sérieux handicap dans un quotidien où nous sommes plus exposés à des contenus et services numériques qu’analogiques. De grosses lacunes en numérique qui freinent de nombreuses sociétés dans leur transformation digitale. S’il existe tout un tas de solutions clé en main pour faire du rapid learning, l’état de pleine conscience numérique vous demandera plus de temps et d’effort qu’un simple MOOC générique.

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L’illettrisme numérique touche 1 français sur 5

L’illettrisme se définit comme l’incapacité de déchiffrer un texte simple. Par analogie, nous pourrions définir l’illettrisme numérique comme l’incapacité à réaliser une action simple avec les supports numériques. Vous pourriez penser que le phénomène d’illettrisme numérique est un problème de riche, car après tout, il y a encore deux milliards de personnes sur terre qui n’ont pas accès à internet ni à l’eau potable ! Ceci étant dit, tout comme l’illettrisme empêche de s’exprimer à l’écrit, l’illettrisme numérique exclut des modes de communication modernes, ce qui est très handicapant dans des sociétés développées comme la nôtre.

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Ne sous-estimez pas l’illettrisme numérique, car c’est un phénomène plus répandu qu’on ne le pense. Une étude sur le sujet a été menée en début d’année par CSA et le Syndicat de la Presse Sociale : L’illectronisme en France. De cette étude, menée auprès de plus de 1.200 personnes, ressortent des statistiques surprenantes destinées à alerter l’opinion publique :

  • 89% des Français possèdent un ordinateur portable ou un smartphone, donc 1 sur 10 n’a pas de connexion internet, un phénomène qui touche surtout les +70 ans (1/3 de cette tranche de la population) qui du coup se connectent très peu ailleurs ;
  • 16% n’utilisent internet que rarement ou jamais (46% pour les +70 ans) ;
  • 15% des sondés trouvent les équipements de nouvelle technologie difficiles à utiliser (39% pour les +70 ans) ;
  • 1/3 des Français ont déjà renoncé à faire quelque chose parce qu’il fallait utiliser internet.

Comme vous pouvez le constater, nous ne parlons pas ici de quelques individus isolés dans une maison de retraite au fin fond de la France. L’illectronisme touche tous les utilisateurs, et pas forcément les seniors. Plus alarmant : cette étude met en évidence les abandonnistes, ceux qui renoncent à faire quelque chose en ligne parce qu’ils ne savent pas ou ne peuvent pas.

Abandonnistes

Vous noterez que ce n’est pas un problème d’équipement, car les utilisateurs français sont plutôt bien lotis de ce côté. La cause de l’abandon est toute simple : les utilisateurs se retrouvent en situation de difficulté devant une tâche et renoncent, car cela leur demande trop de temps, d’efforts ou, car ils n’aiment pas se sentir en situation d’échec.

Difficultes

Là encore, ne minimisez pas l’impact de ces abandons, vécus comme des défaites psychologiques, car elles engendrent une sensation de décalage au point de se sentir seul(e). L’impact n’est pas qu’émotionnel, il peut aussi être économique : 1 Français sur 10 a le sentiment que ses activités sont limitées à cause de l’emploi indispensable d’internet.

C’est un donc un tableau bien triste qui est dressé. Heureusement, l’illettrisme numérique n’est pas une fatalité. Ainsi, ceux qui souffrent d’illectronisme disent chercher à s’améliorer, ils aimeraient ainsi être plus accompagnés et que l’on simplifie l’accès aux contenus ou aux services en ligne.

L’étude du SPS dresse enfin une cartographie des utilisateurs selon leur aisance dans les usages et leur niveau d’équipement :

Cartographie-utilisateurs

Une lecture rapide de cette cartographie mènerait à penser que 85% des utilisateurs sont à l’aise avec le numérique et qu’ils sont à la recherche d’une expérience réellement différenciante. L’erreur de la grande majorité des annonceurs est de penser que les internautes vont faire preuve d’un enthousiasme sans faille pour profiter de leur offre ou accéder aux contenus / services. La dure réalité est que les internautes sont devenus fainéants et surtout passifs : ils se collent devant leur newsfeed et consomment des messages à la chaine. Dans ce contexte, les expériences “différenciantes” proposées par les annonceurs (généralement des campagnes publicitaires) passent complètement inaperçues.

En résumé : il y a un réel problème de compétences (54% d’aguerris => 46% de non-aguerris), auquel vient se rajouter celui de l’attention (souvenez-vous que les internautes ont une capacité de concentration inférieure à celle d’un poisson rouge). Il est donc essentiel que les annonceurs prennent ces données en considération, et poussent même la réflexion encore plus loin, car l’illectronisme n’est pas le seul mal qui touche les internautes.

La dyslexie numérique concerne 2/3 des utilisateurs

Si l’on reprend l’analogie des troubles, il y a ceux qui sont en incapacité (les illettrés numériques) et ceux qui éprouvent des difficultés (les dyslexiques numériques). Nous pourrions ainsi définir la dyslexie numérique comme un trouble de l’apprentissage des usages numériques. Elle se manifeste de façon plus insidieuse dans la mesure où l’on peut tout à fait utiliser les outils numériques au quotidien, plus ou moins bien, mais sans réellement en comprendre le fonctionnement, les limites, les enjeux (ex : uberisation, fake news…), ou les dangers (ex : cyber-sécurité).

J’avais déjà mentionné le rapport de l’OCDE publié en 2016 (Skills Matter) qui nous apprenait que 2/3 des adultes des pays développés ne parviennent pas à compléter une tâche de difficulté moyenne sur les supports numériques. Pensez-vous qu’avec les innovations de ces dernières années la situation s’est améliorée ?

Là encore, nous avons des chiffres très récents pour quantifier ce phénomène, notamment l’étude réalisée par OpinionWay et SBT : Les compétences numériques des salariés français sont faibles. L’objectif de cette étude, mené auprès de plus de 1.000 personnes, était d’évaluer la connaissance des salariés sur 8 thématiques liées au numérique (culture générale, cybersécurité, data, commerce en ligne, web design…). Les résultats sont plutôt mauvais dans la mesure où le score moyen est de 291/1000, avec 4 réponses sur 10 complétées par un “Je ne sais pas“.

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Certes, tous les collaborateurs ne sont pas censés être des experts du numérique, mais le niveau très bas de la maturité numérique est plutôt préoccupant dans la mesure où les salariés sont devenus extrêmement dépendants des outils numériques (La dette numérique de votre entreprise se creuse tous les jours). Mais il n’y a pas que le problème de l’appropriation / manipulation des outils numériques, il y a également celui de l’adéquation avec les habitudes et attentes des consommateurs : comment voulez-vous performer dans le quotidien numérique de vos clients alors que vos salariés sont incompétents, voire réfractaires en ce domaine ? Recruter un Chief Digital Officer ou monter une digital team ne compensera en rien le décalage entre la maturité numérique des salariés et les habitudes des consommateurs.

Dans ce contexte, pas étonnant que les chantiers de transformation digitale avancent lentement ou font du sur-place. Il y a une énorme réticence au changement, car les salariés ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas ou ont du mal à appréhender (en gros, tout ce qui touche au numérique). Ceci explique sans doute la perception très négative de l’automatisation ou de l’intelligence artificielle (IA au travail : les Français ne sont pas prêts). Une appréhension qui est liée à une perception biaisée des technologies numériques, car les robots sont utilisés depuis plus d’1/2 siècle sur les chaines de montage, tandis que les IA sont exploitées depuis plus de 20 ans dans le transport, la finance, les logiciels experts…

Il y a donc un réel déficit pédagogique qui divise l’opinion : d’après le dernier Observatoire Société et Consommation, plus de la moitié des Français pensent qu’une forme d’IA va un jour s’opposer à l’homme (« Plusieurs France se dessinent dans nos rapports aux IA »). Un scénario qui fait sourire les spécialistes (Google’s AI head says super-intelligent AI scare stories are stupid), mais influe de façon inconsciente sur notre niveau d’acceptation du numérique dans notre quotidien personnel ou professionnel. Vous noterez au passage que ce niveau d’acceptation est à géométrie variable : si le salarié lambda est très réticent à l’idée de travailler avec une intelligence artificielle, j’imagine mal à quoi pourrait ressembler son quotidien si on lui retirait son ordinateur, son smartphone ou sa calculatrice. ;-)

Bref, tout ça pour dire qu’il y a un réel besoin d’accompagnement dans l’acquisition des compétences numériques de base et dans l’acculturation au digital. L’objectif poursuivi étant d’aider les salariés (ou citoyens) à mieux comprendre et s’approprier les outils numériques pour pouvoir mieux les exploiter au quotidien et surtout retrouver de la sérénité.

Un état de pleine conscience numérique pour mieux vivre la transformation digitale

Ces derniers temps, la méditation est très à la mode. Dans un quotidien où tout va plus vite, on nous recommande chaleureusement de ralentir et de se reconnecter avec soi-même pour mieux interagir avec les autres. De toutes les pratiques de la méditation, la pleine conscience est celle qui remporte le plus vif succès, elle se présente comme la conscience vigilante de ses propres pensées, actions et motivations. Cette forme de méditation est notamment utilisée comme une thérapie dans le but de réduire le stress.

Procédons à une dernière analogie pour définir la pleine conscience numérique, une pratique mentale / spirituelle permettant de développer une plus grande sérénité avec les outils et supports numériques (ex : meilleure gestion de la sécurité, de la confidentialité…), améliorer son bien-être (ex : détecter et esquiver le harcèlement), savourer ce que le numérique peut offrir de mieux (une infinité de produits à des prix très compétitifs, moins de fake news et plus de contenus et services à valeur ajoutée).

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Nous vivons dans un quotidien numérique où nous sommes sans cesse en train de courir après le temps pour consulter les dernières publications ou profiter des dernières fonctionnalités et innovations. Atteindre la pleine conscience numérique ne consisterait pas en une déconnexion, mais plutôt en une réflexion sur les usages et les technologies afin de mieux comprendre et profiter du numérique :

  • les terminaux (ordinateurs, smartphones, TV et enceintes connectées…) ;
  • les contenus (articles, vidéos, documents…) ;
  • les services (messagerie, recherche, logiciels en ligne, jeux…) ;
  • les pratiques (commerce en ligne, rencontre, co-financement, co-création…) ;
  • les modalités d’interaction (interfaces tactiles, vocales, gestuelles…) ;
  • les institutions (W3C, ICANN…), les sociétés à but lucratif (GAFA) ou non lucratif (Wikimedia, Khan Academy, Mozilla…) ;
  • les innovations (réalité augmentée / virtuelle / mixte, intelligence artificielle, assistants numériques…)

Cette prise de recul ou de hauteur est à mon sens essentielle pour pouvoir mieux appréhender le numérique dans sa globalité, et non par le biais de ses travers (spam, fake news…) ou de disciplines très étroites (ex : SEO, GDPR). Entendons-nous bien : l’optimisation du référencement ou la confidentialité sont des sujets de première importance, mais qu’il faut laisser aux professionnels. L’accompagnement des salariés dans leur transformation digitale ne peut pas uniquement passer par l’acquisition de hard skills, il doit surtout se faire sur la base d’une acculturation au numérique. Le principe étant de repartir sur de bonnes bases pour pouvoir aborder de façon sereine les défis à venir (automatisation, platformisation…).

Cette démarche de réappropriation du numérique est non seulement bénéfique pour l’indispensable transition numérique que toutes les entreprises doivent opérer, mais elle permet également aux “décrocheurs numériques” de reprendre confiance en eux et d’aborder avec sérénité la seconde partie de leur vie professionnelle (passer du paradigme analogique au paradigme numérique). Plus important, la pleine conscience numérique est également l’occasion pour les collaborateurs de se familiariser avec de nouvelles mentalités (horizontalité, réseautage, test & learn, DIY, nomadisme…) ou habitudes de travail (collaboration, formation continue…).

Un art de vivre en plus des hard et soft skills

J’attire votre attention sur le fait que la pleine conscience numérique ne remplace pas une démarche de formation traditionnelle, disons qu’elle opère sur un autre plan de conscience. Si l’on résume en grossissant le trait : si les hard skills (compétences spécialisées) peuvent s’acquérir avec des MOOCs, et les soft skills (qualités humaines et relationnelles) peuvent se travailler en atelier, la pleine conscience numérique nécessite un travail d’introspection pour assimiler beaucoup de notions (techniques ou fonctionnelles), les lier entre elles (avoir une vision d’ensemble), les ancrer dans son quotidien (comprendre les impacts et les enjeux pour sa vie professionnelle / privée) et les assimiler (ne plus en avoir peur).

Pour expliquer mon propos, je vais utiliser une ultime analogie : celle de l’apprentissage des langues. Maitriser une langue étrangère passe par l’apprentissage de connaissances pointues (le vocabulaire, la grammaire, la prononciation ou l’alphabet pour certaines langues), de la culture (l’histoire du pays, les oeuvres culturelles majeures…), des us et coutumes (ex : savoir saluer à la japonaise en s’inclinant), mais également de l’art de vivre (ex : l’apéro que prennent les Hollandais sur le pas de leur porte au coucher du soleil). Sans cet apprentissage complet, impossible de pleinement s’intégrer ou de profiter de ce qu’un pays étranger peut vous offrir.

Pour le numérique, c’est la même chose : vous pouvez suivre des cours en ligne pour acquérir certaines compétences pointues (SEO, emailing…), mais il faut un certain temps avant de bien assimiler la culture web (apprécier l’humour de sites comme 9GAG), y participer (ex : publier un blog, lancer des discussions sur Twitter…) ou adopter des usages 100% numériques (ex : payer sa baguette de pain avec son smartphone).

En entreprise, c’est la même chose : vous pouvez sensibiliser vos salariés aux règles de l’écriture web avec une formation de 2 h au SEO, mais ce n’est pas ça qui va améliorer le référencement de votre site web ou réduire la résistance au changement. Il faudra accorder aux salariés du temps et de l’énergie pour qu’ils assimilent la culture numérique, ses subtilités, ses enjeux… et soient dans de bonnes dispositions pour accepter la transition numérique et même devenir moteur de la transformation digitale de leur entreprise.

Moralité : le numérique ne se résume pas à une technologie ou des outils, c’est à la fois un état d’esprit, des règles de savoir-vivre, des compétences pointues… Maîtriser ou être à l’aise avec le numérique demande du temps et de l’engagement (de la curiosité, de l’humilité…), aussi bien au niveau institutionnel (les entreprises et organisations) qu’individuel. C’est un cheminement que les plus motivé(e)s peuvent parcourir seul(e)s, mais que la majorité des salariés ne parcourront pas spontanément, il faudra les accompagner.

16 commentaires sur “De l’illectronisme à la pleine conscience numérique

  1. Bonjour. Sur ce sujet, avec le même constat, d’exclusion numérique d’une grande partie de la société, vous pouvez consulter un ouvrage récent publié aux Presses de l’Enssib, uniquement gratuit et en ligne : « Les connexions solidaires d’Emmaüs Connect, de l’enquête anthropologique aux interfaces inclusives »
    http://www.enssib.fr/presses/catalogue/les-connexions-solidaires-demmaus-connect#presentation

    « un éclairage d’actualité utile à toutes celles et ceux qui s’attachent à ce que la transformation numérique n’aggrave encore plus les inégalités mais soit, à l’inverse, synonyme d’inclusion et de pouvoir d’agir de chacun.e »

  2. Si il y a tellement de monde à la traine c’est que le “numérique” est de nature dynamique il change tout le temps… ce n’est pas autre chose…

    L’être humain à partir d’un certain age doit faire un effort pour utiliser les nouveautés qu’on lui propose, surtout si il ne voit pas ce que cela peut apporter de +, à l’exception des choses ludiques.

    Mêmes les informaticiens sont obsolète après même pas 10 ans d’utilisation ;) c’est pas un problème de pile (cervelle) non c’est un problème d’avoir la force de réapprendre… alors évidemment par capillarité.. le problème de l’obsolescence touche tous les salariés puisque le numérique est de partout..

    Idem pour choisir un produit “tech”.. du genre une télé.. ou une voiture !! le pire c’est la voiture.. tu comprends rien.. de toute façon meme le commercial n’y comprends rien.. il sais juste comment te refiler un crédit quand tu n’en pas pas besoin… pour ta garanti 5 ans.. qui une fois ta voiture en panne tu te rends compte.. qu’il n’y a pas tout de couvert.. bref.. j’aurais du lire le contrat.. qui lit les contrats ?

    Alors moi qui n’y connais rien en bagnole.. je comprends qu’on puisse n’y rien connaitre en “numérique”, que cela n’intéresse pas.. que cela demande un effort et qui n’est pas forcement pérenne..

    De toute façon la prochaine fois j’achèterais une voiture électrique sur Amazon, et bien sure je vais pas me creuser la tête je prendrais la voiture “Amazon’s Choice” !! L’algorithme me dira que c’est celle là la mieux ;)

    Après il y a aussi des bonnes surprises comme les bornes de commandes au mc do… au debut on a une appréhension.. ca marche comment ? faut payer ou ? On nous apporte la bouff.. ou faut refaire la queue… C’est vraiment la grosse interrogation !? le stress total avec tes 4 gosses qui ont la dalle.. bon une fois sur la borne ca va.. facile d’utilisation, on choisit, on paie, on va s’assoir, ca vient vite…on mange.. pas d’interaction avec un/e étudiant/e boutonneux.. le kif quoi..

    Cheers

    1. Effectivement, l’analogie avec l’automobile est pertinente : nous les utilisons tous les jours, mais sommes incapable d’expliquer comment ça fonctionne réellement. Ceci étant dit, les automobiles fonctionnent toutes (plus ou moins) de la même façon et elles rendent toutes strictement le même service (se déplacer). Bon en fait, la comparaison n’est pas évidente : nous pourrions comparer l’aisance avec les outils numériques avec l’aisance au volant : l’important est de savoir conduire, pas de concevoir ou réparer la voiture. Idem pour les contenus et services en ligne : l’important est de savoir chercher de l’info, détecter une fake news ou exploiter une interface web.

      1. Bonjour,

        Merci beaucoup pour cet article pour lequel je partage grandement les idées.
        Pour ce qui concerne la comparaison avec l’industrie automobile, je me demande si elle est vraiment pertinente.

        L’industrie automobile suit l’industrie informatique: l’objet que constitue une voiture était un objet “ouvert” et les constructeurs permettaient la publication de revues techniques permettant à celui qui le souhaitait de “comprendre” sa voiture et surtout de pouvoir la réparer “proprement”. Tout cela n’est plus autorisé et j’irais même jusqu’à dire : interdit.

        Moralité cela donne l’affaire VW.
        Ou aussi grave : https://linuxfr.org/news/encore-un-exemple-de-code-spaghetti-toyota

        Quelle confiance puis je accorder au logiciel qui gère l’ABS de ma voiture ? Le code source est il public ?

        Certes toutes les innovations dans l’automobile améliorent la sécurité, je n’en disconviens pas. Problème : toutes ces assistances à la conduite “déresponsabilise” le conducteur qui demain ne saura même plus faire un créneau proprement si son système informatique embarqué tombe en panne (ou partiellement en panne). Ou qui sera incapable de changer une ampoule de phare qui claque (de toutes les façons il faut que la voiture soit réinitialisée par la valise du constructeur)

        La voiture, comme beaucoup d’autres objets qui nous entourent et que nous employons au quotidien,ces trente dernières années sont devenus complétement fermés et opaques, contrairement à la vie privée qui sur cette même période de temps est devenu une illusion et un concept “has been”, puisque nous n’aurions rien à cacher :-(

        Et c’est là où j’en reviens à l’informatique du quotidien et l’illétrisme : rare sont les personnes autour de moi qui sont capables de paramétrer un navigateur. Du moins dans mon entourage. Et je ne parle pas des “apps” sur les smartphones.

        Cela devient trop compliqué. D’où le regain pour les nouveaux téléphones portables avec juste quelques fonctionnalités de bases et surtout beaucoup moins intrusifs de la vie privée (comme les voitures de plus en plus connectées).

  3. Bonsoir très chers,
    dois je vous rappeler que l’illettrisme c’est un des nombreux problèmes que peuvent arriver au cerveau humain dérivés de la schizophrénie et de la maladie de Parkinson?
    Sinon, quand c’est pas ça, c’est surtout généralement du “laisser aller” voir même pire, de la lâcheté.
    En vous souhaitant tout de bon tout de même;
    A-S

    1. Sans aller jusqu’à parler de lâcheté, il est évident que les problèmes d’illettrisme ou de dyslexie numérique sont avant tout liés à un bloquage psychologique / émotionnel (“je suis trop vieux”, “ce n’est pas à moi de faire ça”, “j’ai toujours bien fait mon travail”, “moi ça va, ce sont surtout les autres qui sont largués”…).

  4. Il faudrait aussi parler des cycles d’accélération : tout va de plus en plus vite au niveau des technologies car chacun essaie de mettre en avant son produit, son langage informatique, son application par rapport à une autre, etc

    Dans le secteur des technologies de l’information, on est forcés de devenir “agiles” (méthodes et process Scrum, Kanban, Lean, etc) : pourquoi pas ? Il y a de très bonnes choses là-dedans. Par contre, il y a aussi une adoption “par défaut” parce que c’est la mode, alors que ces concepts ne sont pas forcément adaptés pour tout. Et c’est à mon avis le fond du problème : une course en avant, parce que tout est motivé par le business, la recherche du profit de plus en plus court-termiste. Et comme il faut être le premier, on passe outre le principe de précaution…

  5. Bonjour

    J’ai eu beaucoup de plaisir à vous lire et à constater que l’on ne peut vivre le plaisir qu’offre le numérique qu’à partir du moment où on comprend l’ensemble des activités qu’il permet.

    Je sors d’une formation aux réseaux avec des 12 seniors 45|60 en recherche d’emploi. Pour trouver un job il fallait s’inscrire sur LinkedIn, nous avons retrouvé vos statistiques : le refus catégorique dû au danger du numérique en terme de sécurité des données, la difficulté pour des individus non formés de rentrer dans l’outil en maîtrisant les données demandées. L’exercice n’a fonctionné que parce que le groupe était solidaire et que le formateur nous a plongé dans la réalité virtuelle en nous donnant des consignes de faire et d’interagir entre nous au sein de notre groupe virtuel. La formation ne prenait en compte les individualités que dans un second temps et chacun a suivi son propre rythme.

    Mon plaisir est aujourd’hui de lire de très bons articles sur LinkedIn et de commencer à Twitter.

    A 57 ans au chômage, je me réouvre à cette réalité virtuelle que l’on ne peut ignorer dans sa recherche d’emploi et j’aime découvrir les possibilités du réseau et les échanges virtuelles qu’on peut transformer en rencontre réelle : il suffit d’Oser.

    1. Merci pour votre témoignage, cela apporte un retour “terrain” très précieux. En revanche, je ne sais pas comment ces plateformes numériques vous ont été présentées, mais elles ne sont en rien virtuelles. Dites vous que derrière chaque profil LinkedIn ou tweet, il y a un humain en chair et en os. Diriez-vous que vous avez une conversation virtuelle avec quelqu’un qui est au téléphone ? Pour le web et les médias sociaux, c’est la même chose : il n’y a rien de virtuel, uniquement des interactions distantes.

      Bon courage pour votre recherche d’emploi, n’hésitez pas à nous donner de vos nouvelles 👍🏻

  6. Pourquoi dites-vous que 1/3 des français n’a pas d’accès à Internet alors qu’en réalité selon l’étude 87% des français possèdent une connexion internet à domicile ?

  7. Et bien, je peux confirmer qu’il y a encore beaucoup de boulot en France de ce côté là…mais le pire ce sont les fautes d’orthographe…à un point tel que ce sont les personnes la maîtrisant qui deviennent la minorité.

    1. Mieux vaut avoir un incontestable talent d’écrivain et commettre des fautes dans l’écriture des mots qu’avoir une orthographe irréprochable mise au service d’un style médiocre.

  8. Bonjour,

    Personnellement je trouve que les outils en ligne sont trop souvent faits par des spécialistes pour des spécialistes, et qu’il n’y a plus personne pour expliquer correctement ce qu’il faut faire et pour répondre aux questions que l’on se pose. Et le principal problème est bien celui-ci : les entreprises et les administrations considèrent qu’à partir du moment où un service est en ligne, les gens qui l’utilisent n’ont qu’à se débrouiller. Et s’il n’y arrivent pas, ils n’ont qu’à lire la FAQ. Et s’il ne s’en sortent pas c’est qu’ils sont idiots.

    Je travaille dans le monde du développement logiciel, je ne me sens pas encore spécialement vieux (< 40ans), et pourtant j'ai moi-même parfois le sentiment que certaines tâches simples sont bien trop complexes en ligne, et je me demande comment font les gens qui n'ont que peu de connaissances dans le domaine.

    Pour donner un exemple, j'ai eu besoin de refaire mon permis de conduire récemment. Toutes les démarchent DOIVENT désormais se faire en ligne, on a pas le choix. Le site est plutôt bien fait, et pourtant la démarche reste compliquée car il faut, en plus de remplir un formulaire en ligne, aller prendre une photo numérique dans un photomaton compatible (il faut d'abord trouver où sont les photomatons compatibles), une fois de retour chez soi, entrer l'identifiant de sa photo sur le site pour que sa photo soit récupérée automatiquement. Ensuite il faut scanner certains document et les uploader sur le site (qui n'accepte que des documents en dessous d'une certaine taille, donc il faut savoir configurer un scanner ou redimensionner une image). Enfin, il faut savoir se servir d'une adresse mail pour suivre l'évolution de la démarche et répondre aux eventuels messages de validation. Tout cela pour demander un permis de conduire…

    Même si en théorie je dispose des compétences optimales pour faire ce genre de démarches, cela ne m'a pas empêcher de me tromper dans le photomaton et de faire un photo normale à la place d'une photo numérique (IHM à améliorer !), d'avoir des problèmes avec mon scanner qui de toute façon ne fonctionne jamais au moment où j'en ai vraiment besoin, et d'oublier de joindre un document…

    Le vrai problème dans cette exemple est que la démarche en ligne a été clairement réfléchie pour alléger le travail de l'administration (sans aucun doute pour faire des économies à long terme), mais que cela a considérablement alourdi et complexifié la démarche pour les particuliers. Et pour moi, c'est exactement ce qu'il faut faire pour creuser encore un peu plus cette fracture sociale entre les "connectés" et les "moins-connectés" et encore un peu plus donner aux gens ce sentiment d'échec dont vous parlez.

    Il y a certes un gros déficit pédagogique du numérique dans notre société, mais il n'y a pas que cela. Il y a aussi un gros manque de volonté de simplification des outils informatiques par les professionnels du métier.

    1. Effectivement, il y a un report manifeste de la charge de travail sur l’utilisateur. Il est alors de la responsabilité du fournisseur du service d’alléger au maximum les procédures et d’optimiser les interfaces. Sur ce dernier point je suis admiratif du travail d’épuration réalisé sur Gov.uk, un modèle du genre.

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