S’il ne doit en rester qu’un, ça sera Second Life (ou pas !)

Il y a quelques mois j’émettais de gros doutes sur la viabilité de Second Life. Ces doutes étaient fondés sur le contexte de l’époque. Entre temps, Second Life a évolué et continue encore d’évoluer. Mais depuis, je n’ai pas eu le loisir d’exprimer à nouveau mon point de vue.

C’est en partie une discussion avec Robert de Community Chest qui me motive à clarifier une position qui peut être interprétée comme ambigüe (pourquoi organiser un séminaire sur le sujet si je n’y crois plus ?). En effet, je ne voudrais surtout pas que vous vous mèpreniez sur ma position : il existe une multitude d’alternatives à Second Life, mieux structurées et mieux ciblées, mais qui n’ont pas la même ambition ou envergure. Et cette envergure à un prix : les nombreux bugs et dysfonctionnement dont souffre encore la plateforme.

Faut-il l’abandonner pour autant et reporter ces budgets sur d’autres univers ? Non certainement pas ! Mais laissez-moi vous expliquer pourquoi.

Une roadmap bien chargée

Second life est en pleine mutation, ça vous le saviez déjà. Mais vous étiez-vous rendu compte de nombreuses améliorations et nouveautés de ces derniers mois : primitives texturées, VoIP, nombreuses API… Ces mutations se font au fur et à mesure et demandent bien évidemment beaucoup de temps et d’énergie aux équipes de Linden Lab. Ces évolutions avancent donc au rythme que peuvent tenir les 150 développeurs qui travaillent dessus tout en assurant une continuité de service.

Laissez-moi vous rappeler pour mémoire que Microsoft malgré son armée de développeurs (plusieurs dizaines de milliers) a reculé de nombreuses fois la date de sortie de Vista tout en réduisant son périmètre. Laissons donc le temps aux équipes de Linden Lab de faire évoluer la plateforme avec plus de richesse et de confort pour les utilisateurs, plus de possibilités et de garanties pour les annonceurs.

Un environnement concurrentiel complexe à appréhender

J’ai déjà eu l’occasion de vous parler des alternatives à Second Life qui présentent également un très grand potentiel. Entendons-nous bien, il s’agit d’alternatives et non de concurrents. Est-il ainsi opportun de comparer Second Life à World of Warcraft (un MMORPG) ? A Habbo (un réseau social en 2,5 D) ? Ou encore à Entropia Universe (un MMORPG avec une couche sociale et business) ? Non pas réellement.

En fait Second Life représente presque une catégorie à lui tout seul car il possède des caractéristiques uniques :

  • Un monde virtuel ou chacun fait ce qu’il souhaite ;
  • Un environnement qui est enrichi par les utilisateurs eux-mêmes (User Generated World) ;
  • Une économie ultralibérale (avec une monnaie fluctuante, des bourses…).

Difficile dans ces conditions de choisir entre Second Life et un autre univers, car ils se valent tous plus ou moins : certains ciblent une tranche d’utilisateurs de façon bien plus précises (Habbo), d’autres reposent sur des fondamentaux juridiques et fiscaux plus sains (Entropia Universe), d’autres offrent un bien meilleur contrôle (There)… mais aucun ne propose une liberté quasi-totale et surtout un univers qui n’est pas fini. Et c’est bien là où la différence peut se faire : la pérennité des univers « finis » ne repose que sur la capacité des éditeurs qui les contrôlent à faire évoluer l’environnement et à animer une communauté. Car je vous rappelle que tout le monde n’a pas la force de frappe de MTV qui dépense pourtant une énergie folle à faire décoller ses univers.

Une croissance soutenue

Malgré l’essoufflement médiatique anticipé, Second Life occupe encore le devant la scène. Les annonceurs sont toujours plus nombreux et surtout l’industrie pornographique y investit massivement. Ça vous fait sourire ? Vous ne devriez pas car cette industrie est de loin la plus compétitive et la plus visionnaire : ils étaient les premiers à croire au VHS, au Minitel, à l’internet, au DVD… S’ils s’y intéressent alors c’est très bon signe car jusqu’à preuve du contraire l’industrie pornographique ne s’est jamais trompée.

Second Life sera l’avenir du metavers (ou son passé)

Les futurologues et spécialistes s’accordent pour dire que Second Life est ce que nous avons de plus proche d’un futur metavers (lire à ce sujet le très instructif Metaverse Roadmap). Mais la route est encore longue et parsemée d’embuches, surtout pour Linden Lab !

En fait, quand on prend un peu de recul, on se rend compte que Linden Lab se retrouve dans la situation de Netscape 10 ans plus tôt : ils ont entre les mains un produit à très fort potentiel, sans équivalent (privé ou open source) et sans concurrent industriel direct. Nous savons tous ce qui est arrivé à Netscape (écrabouillé par le rouleau compresseur de Microsoft et de son Internet Explorer) qui connait cependant une seconde jeunesse par procuration (au travers de Firefox).

Pour l’instant Second Life est encore à l’abri, peut-être HiPiHi représente-t-il une menace, mais il est culturellement trop éloigné. Qu’arrivera-t-il le jour où des poids lourds comme IBM ou Google décideront d’entrer dans l’arène ? Linden Lab risque de e sentir tout petit à côté de ces mastodontes… à moins qu’il trouve une issue de secours en libérant le reste de son code source (notamment la partie serveur).

Linden Lab passerait donc du rôle d’éditeur à celui d’opérateur d’un univers virtuellement infini (puisqu’ouvert à tous). Resterait alors à Linden Lab la lourde tâche de viabiliser son écosystème (avec une monnaie stable, de la fluidité dans les échanges et pas trop d’inflation). Ils laisseraient le soin à d’autres acteurs dont c’est le métier d’assurer la pérennité technique de la plateforme. IBM est ainsi un repreneur idéal puisque ce dernier y verrait une occasion en or de recycler ses mainframes, monstres de calcul et de puissance qui s’acquitteraient volontiers de cette tâche.

Second Life a donc toutes les chances de réussir son pari (s’imposer comme l’univers virtuel de référence, LE metavers)… ou d’échouer ! L’alchimie de cette réussite est très complexe et est surtout conditionnée par de trop nombreux facteurs pour que je puisse vous les énumérer ici.

Ne laissez pas passer votre chance !

Pour conclure, je dirais que malgré tous les reproches (fondés) que l’on peut lui faire, Second Life reste l’univers virtuel le plus ambitieux et possédant le plus de potentiel. Je rappelle aux sceptiques que les mêmes reproches étaient formulés à l’internet il y a 10 ans (trop peu d’utilisateurs, trop complexe, manque de modèles économique fiables et avérés…).

En un mot comme en cent, si vous souhaitez vous positionner durablement sur les médias numériques alors vous ne pouvez pas faire l’impasse sur Second Life. Cet univers vous ouvre les portes d’un nouveau média à très fort potentiel, à vous de l’apprivoiser graduellement et de commencer à vous y faire une place.