J’ai eu ce matin une discussion très intéressante avec Jean Viraldi et Fabien Darrigues de chez Qualcomm (merci à Cédric pour avoir organisé la rencontre). Pour vous la faire courte, Qualcomm est spécialisée dans la conception et la fabrication de solutions de télécommunication mobile (ils sont entre autre inventeur de la norme CDMA et représente 1/3 des parts de marché des puces qui équipent les terminaux mobiles). Ils sont donc tout à fait légitime pour imaginer et concevoir les outils de communication de demain, et ça tombe car ce sujet me passionne en ce moment (cf. 2010 sera-t-elle l’année de l’informatique nomade et polymorphe ?).
La fin de l’ère x86 et le basculement vers l’informatique nomade / mobile
Intel a régné sans partage sur le monde des ordinateurs ces 30 dernières années grâce à l’architecture x86 (sur laquelle repose les familles de processeurs Intel mais aussi Cyrix, AMD, VIA…). Aujourd’hui les conditions de marché sont différentes dans la mesure où il y a bien plus de terminaux mobiles que d’ordinateurs. Les smartphones se sont ainsi imposés comme les ordinateurs de poche de notre quotidien, il s’en vend bien plus que d’ordinateurs (plus d’1,2 milliards de téléphones vendus en 2009). De même, les netbooks ont montrés les limites de l’architecture x86 en terme d’autonomie et de performances. Entendons-nous bien : Nous ne parlons pas de performance pure (un indicateur du siècle dernier) mais du ratio entre puissance et consommation. Et à ce petit jeu là, les architectures ARM sont imbattables car elles ont été conçues dans cette optique.
L’année 2010 (et dans une certaine mesure l’année 2009) sera donc la charnière entre l’ère des PC (Personnal Computer = architecture x86) et l’ère des terminaux mobiles (architecture ARM). Nous ne parlons pas ici d’un remplacement mais plutôt de l’inversement de l’échelle des valeurs : Les plus gros enjeux et les plus belles opportunités sont à chercher du côté des terminaux mobiles plutôt que du côté des ordinateurs où les marges sont plus faibles et où les modèles économiques s’épuisent.
À partir de là, la bataille ne va pas se dérouler autour des smartphones (car l’offre arrive à saturation) mais plutôt autour de nouveaux formats de terminaux dont vont découler de nouveaux services et usages : Smartbooks, touchbooks, webbooks, Personal Mobile Television, Personal Internet Viewer… les possibilités sont innombrables et nous n’en sommes qu’au début de l’informatique mobile, nomade et résidentielle.
Smartphone + Netbook = Smartbook
J’ai déjà eu l’occasion de vous parler des smartbooks, cette nouvelle génération de terminaux mobiles qui vont venir s’intercaler entre les smartphones et les netbooks. Après en avoir discuté avec différents interlocuteurs, j’ai maintenant la conviction qu’ils appartiennent définitivement à la grande famille des terminaux mobiles et qu’ils vont ainsi bénéficier de l’héritage culturel des téléphones (par opposition à l’héritage culturel des ordinateurs et leur fascination pour la puissance “brute”). Les premiers concepts de smartbooks faisaient apparaitre des terminaux hybrides dont on ne savait pas trop à quelle famille ils étaient rattachés :
Maintenant que nous avons un premier terminal “viable” qui va être très prochainement lancé sur la marché (le AirLife de HP-Compaq), les contours de ce segment semblent encore plus ambigus avec un aspect très proche des netbooks mais des détails rappelant fortement les smartphones (système d’exploitation Android, écran tactile, boutons “Home” et “Menu” sous le pavé tactile…) :
Toujours est-il que même si la différence avec les netbooks est subtile, elle est pourtant bien réelle : Les netbooks sont des terminaux nomades alors que les smartbooks sont des terminaux mobiles. Il y a ainsi deux différences majeures dans les usages :
- Les terminaux nomades sont connectés de façon ponctuelle (on les allument pour s’en servir) alors que les terminaux mobiles sont allumés toute la journée et même la nuit (ils restent en veille et on les recharge une fois par jour) ;
- Les terminaux nomades utilisent des technologies de communication pull (WiFi) alors que les terminaux mobiles utilisent des technologies de communication push (SMS, alertes…).
Ces deux différences font que l’on peut classer les terminaux dans une catégorie ou l’autre. Les smartbooks sont donc de gros smartphones et non des netbooks connectés. Qualcomm a monté une business unit dédiée à l’évangélisation des smartbooks et je compte bien suivre ça de très près car ils préfigurent l’avenir de l’internet mobile et certains analystes sont déjà très optimistes : 163 Million Smartbooks Expected to Ship in 2015.
Vers la 4G et après ?
Comment parler de terminaux mobiles sans aborder les normes ? Le Mobile World Congress de Barcelone a été l’occasion de dévoiler au grand public la roadmap vers la téléphonie mobile de quatrième génération, celle qui va autoriser des débits supérieurs à 50 Mbits/s. La norme LTE (Long Term Evolution) semble donc être bien partie pour assurer la transition entre L’HSDPA et… une version plus aboutie baptisée provisoirement LTE Advanced.
Vous seriez en droit de me dire que la course au haut débit en situation de mobilité n’est pas une finalité (après tout l’important c’est la ratio entre débit et consommation) mais la proposition de valeur de la norme LTE est de proposée une consommation inférieure pour des débits équivalents à la 3G ou la 3,5G. Une aubaine pour les smartbooks et autres terminaux mobiles cherchant à maximiser leur autonomie.
Outre les usages data où le débit n’est jamais assez élevé (LTE sera la norme de référence pour les modems-clés USB en 2011), la vidéo semble être un bon prétexte pour cette course à la bande passante. Que neni, car les réseaux de télécommunication ne supporteront jamais une montée en charge à grande échelle. Pour de la vidéo en situation de mobilité dans des conditions viables, il faudra plutôt chercher du côté de normes broadcast comme DVB-H plutôt que de rêver à une hypothétique solution viable d’unicast. Pour le moment le déploiement semble au point mort en France, mais les États-Unis semblent avoir prit une longueur d’avance avec des services déjà opérationnels comme le Flo-TV de Qualcomm.
Attendez-vous à voir débarquer des smartphones compatibles dès l’année 2010…
Deux autres gros segments à adresser : Feature phones et eBooks
En plus des smartphones, smartbooks et Personal Mobile Television, Qualcomm s’intéresse également à deux autres segments très porteurs : Les feature phones et les ebooks. Pour votre information (j’ai découvert ça la semaine dernière), “feature phone” est le nouveau terme à la mode pour désigner les smartphones low-cost (moins de 100 $). On n’en parle pas beaucoup dans les médias, mais les feature phones représentent les 3/4 des parts de marché. Un segment moins sexy que celui des smartphones mais avec une intensité concurrentielle bien inférieure car l’écosystème est encore atomisé.
Pour bien comprendre les conditions de marché, il faut s’intéresser aux systèmes d’exploitation : Là om l’on compte pas moins de 6 acteurs pour les smartphones (Google / Android, Apple et iPhone, RIM / BlackBerry, Nokia / Symbian, Palm, Microsoft / Windows Mobile, Samsung / Bada) et il s’en créé encore (à l’image de MeeGo). Pour les feature phones la situation est différente puisque les OS varient d’un combiné à l’autre et qu’il n’y a pas réellement d’offre uniformisée. Qualcomm s’est donc lancé sur ce créneau avec Brew Mobile Platform, l’évolution de son système d’exploitation “maison”. Une solution particulièrement compétitive car adaptée aux “faibles” capacités hardware des feature phones qui ne peuvent s’offrir des composants trop onéreux.
Faible coût ne rime pas forcément avec compromis sur la qualité de l’interface puisque la Brew MP est capable de faire tourner Flash Lite mais également Adobe Mobile Client pour les Rich Mobile Applications. Le tout récent HTC Smart est ainsi propulsé par Brew mais propose une interface très proche d’Android, on s’y tromperait !
La prochaine étape logique pour la Brew MP devrait être une application store centralisée.
Autre segment en pleine ébullition : les eBooks. Alors que la blogosphère n’en finit plus de prédire le déclin du Kindle (équipé d’un écran à encre électronique) face à l’iPad (équipé d’un écran à LED), Qualcomm s’apprête à rentrer dans la danse avec une technologie d’affichage intermédiaire baptisée Mirasol. Cette technologie repose sur des membranes réflectives combinée à un système de rétro-éclairage à basse consommation qui autorise un excellent contraste en plein soleil, une grande autonomie, un affichage en couleur avec un taux de rafraichissement suffisant pour faire de la vidéo.
Pourquoi la vidéo est-elle importante dans le contexte des ebooks ? Tout simplement parce que vidéo = belles pubs = revenus suffisant pour financer des contenus de qualité. Là où le Kindle sera enfermé dans sa niche de livres / journaux payants, les terminaux équipés d’écran à technologie Mirasol seront plus versatiles (magazines et BD digitalisés) et plus confortables que l’iPad. Lancement prévu en fin d’année.
2010, l’année de la convergence mobile ?
Smartphones, smartbooks, personal mobile television, feature phones, ebooks… Qualcomm est petit à petit en train de se positionner sur tous les segments à fort potentiel pour s’imposer comme l’outsider de référence par rapport à des acteurs sur-médiatisés (Google, Apple, Microsoft). En proposant une plateforme intégrée (la fameuse puce SnapDragon) Qualcomm se positionne à la croisée de nombreux usages :
- Informatique (au travers de nombreuses applications disponibles sur des systèmes d’exploitation compatibles comme Android) ;
- Internet (avec la connectivité permanente) ;
- Multimédia (avec des composants dédié au codage / décodage audio et vidéo) ;
- TV (avec le réseau MediaFlo) ;
- Jeux (les capacités 3D des composants graphiques sont largement suffisantes pour ça) ;
- Édition (grâce à sa technologie d’affichage)…
Tout ceci est très encourageant, et il ne manque plus qu’un domaine d’activité pour compléter ce tableau : La santé. Avec le vieillissement de la population et l’allongement de l’espérance de vie, ce sont des centaines des milliards de papy-boomers qui seront concernés par la nouvelle génération de terminaux à usage pseudo-médical :
- Des téléphones simplifiés (avec de grosses touches) équipés d’une puce GPS et d’un bouton d’appel pour pouvoir facilement localisé et aider des personnes âgées en difficulté (subissant un malaise ou s’étant perdues car victime de la maladie d’Alzheimer) ;
- Des visiophones simplifiés capables de faire du diagnostique à distance (comme le Health d’Intel) ou de retransmettre les constantes vitales de capteurs portées en permanence.
Outre les applications évidente pour les personnes du troisième âge, ce types de terminaux peut intéresser les pouvoirs publics qui y trouverait un avantage économique (cela coûte beaucoup moins cher de surveiller un patient à son domicile plutôt que dans une chambre d’hôpital). Ces terminaux seraient donc potentiellement subventionnés par la sécurité sociale dans le cadre de la médecine ambulatoire.
Plus que jamais je suis intimement convaincu que nous sommes à l’aube de gros changements dans notre façon d’appréhender les outils informatiques et de penser / concevoir les services qui accompagneront ces nouveaux usages.
C’est vrai que Qualcomm est devenu un acteur incontournable et c’est pas près de s’arrêter.
Vous avez oublié de dire que Qualcomm fournit aussi des puces GPS (gpsone).
Par contre je pense que le Kindle n’a rien à craindre de Mirasol, selon la rumeur le prochain Kindle aura un écran Mirasol ^_^(au lieu de E Ink).
@ Sylvain > Où tu en as trop dis ou pas assez : Quelle est le taux de fiabilité de cette rumeur ? Dans tous les cas de figure je pense que l’on peut scinder en deux le segment des eBooks (avec et sans encre électronique) car les terminaux sont difficilement comparables (ex : Kindle vs. iPad).
/Fred
D’abord je suis d’accord il faut scinder ereader et tablet, l’objectif et les technologie ne sont pas les même (autonomie maximum et écran lisible avec le soleil pour les ereader, multimédia pour les tablet).
Pour en avoir parler avec des personnes qui ont un ereader et qui veulent/ont un tablet, il n’est pas question de lâcher le ereader, c’est la même sensation que lire un livre, le même confort, la même simplicité.
Ensuite la rumeur :
1/ en début 2009 Amazon avait expliqué que le kindle n’aura pas la couleur d’ici peu car c’était trop cher (et non qu’ils ne voulaient pas)
2/ tout le monde attend le nouveau Kindle, avec un changement sur l’écran (celui-si étant le même depuis la première version). Sony a remis une couche avec un ereader tactile cet hiver et on attend la réponse d’Amazon.
3/ Amazon a racheté TouchCo, fabriquant d’écran tactile. Donc pour le tactile c’est fait.
4/ Gros buzz de Clayton Morris de FoxNew. Lors de la présentation de Mirasol par QuadComm, il a demandé les partenaires possible à un représentant qui a répondu:
“You know that device that everyone reads books on? Well, it’s going to be a game changer on a device we all know.”
Du changement dans un ereader que tout le monde connait …. hormis le Kindle je vois pas.
Le lien de FoxNews:
http://www.foxnews.com/scitech/2010/01/07/exclusive-tech-gen-kindle-revealed/
Voilà, ça reste de la rumeur, mais tout converge vers ça. Amazon a aussi sorti un kit de développement pour le Kindle, donc ils préparent un gros coup, ne pas mettre la couleur ce serait faire la moitié du chemin.
Oui effectivement ça peut le faire, mais dans ce cas là nous ne parlons pas réellement du même produit. Peut-être vont-ils trouver un nouveau nom pour ne pas créer la confusion dans la tête des clients…
/Fred
Bonjour Frédéric,
Il me semble qu’au fur et à mesure de vos posts,vous segmentez les appareils nomades de plus en plus finement: netbook, smartbook, ebook, touchbook, feature-phone etc…
Cependant, je crois que nous pouvons segmenter plus simplement ses terminaux:
– Les terminaux de lecture => ebook, touchbook par exemple
– Les terminaux d’écriture => Netbook/Smartbook
J’irais même plus loin. Aujourd’hui, eBook et touchbook sont deux choses différentes. Mais, en terme d’usage, est-ce si éloigné que cela? Ils servent tous deux à la consultation d’information. Les écrans Pixel Qi et Mirasol sont les passerelles qui vont permettre de faire le lien entre ces deux types de terminaux.
Je pense donc que les futurs Kindle seront les concurrents directs de l’Ipad mais que ce type de terminal ne concurrencent pas les netbooks (terminaux d’écriture).
B
Sur la controverse iPad VS netbook :
http://www.infoworld.com/d/mobilize/ipad-netbook-killer-concept-ignites-controversy-211
La réponse de Microsoft dans ce segment.
Un nouvel tablets-PC avec stylet et la possibilité de l’ouvrir comme un live
http://www.20minutes.fr/article/389044/High-Tech-De-nouveaux-details-emergent-sur-la-tablette-Courier-de-Microsoft.phpflashvars=“fake=1″ name=”viddler” >
Voici le lien
http://tinyurl.com/ykc2rne