Si nous devions établir un classement des buzz words du moment, “community manager” serait celui qui viendrait en tête de liste. Je pense qu’il n’est pas faux de dire que nous lisons tout et n’importe quoi sur les community managers en ce moment. Métier en vogue, je m’interroge néanmoins sur les contours de cette fonction et surtout sur la façon dont il est perçu par les annonceurs.
Community Manager = Webmaster 2.0
Loin de moi l’idée de jouer les vieux balourds, mais ce que je lis ces derniers temps me fait penser à ce que je lisais il y a 10 ans au sujet des webmasters : Un homme à tout faire qui devait à la fois maintenir le code HTML, optimiser la base de données, faire l’administration du système, faire évoluer la charte graphique… Bref, un poste fourre-tout qui recouvre en fait plusieurs responsabilité et surtout des compétences très diverses.
Concernant le community manager, je retrouve à peu près les mêmes travers : On le définit comme un homme à tout faire (modération, choix des supports, suivi des campagnes, définition de la charte…). Grossière erreur car ces différentes tâches requièrent des compétences bien précises, et surtout une excellente connaissance du contexte de la marque et du fonctionnement de l’entreprise.
Pour résumer je me permettrai de paraphraser Cédric : Le community manager est un mouton à cinq pattes qui n’existe pas. En fait si, le community management est une fonction bien réelle, mais elle ne peut en aucun cas endosser toutes les responsabilités relatives à la présence d’une marque au sein des médias sociaux.
Voilà pourquoi il ne faut pas demander l’impossible (tout comme cela a été fait avec les webmasters) et envisager de répartir le travail et les responsabilités sur plusieurs personnes. Nous ne parlons pas nécessairement de plusieurs emplois à plein temps, mais plutôt de plusieurs rôles qui seront endossés par différentes personnes à des moments-clés (cf. Pourquoi le community manager doit faire partie de l’entreprise).
Je vous propose donc de définir et préciser différents rôles de personnes impliquées dans la définition et la présence d’une marque au sein des médias sociaux :
- Community manager
- Community Architect
- Community Builder
- Social Media Planner
- Social Media Analytics Expert
- Socio-documentaliste
Cette liste n’est pas figée, elle est le fruit de mon expérience au travers des différents projets dans lesquels j’ai été impliqué. Vous êtes libre de la compléter ou d’y apporter votre propre interprétation.
Les responsabilités du community manager
La fonction d’animateur de communautés n’est pas nouvelle, elle existait déjà au siècle dernier : Je me rappelle ainsi d’un animateur de communauté pour Ciao qui était en couverture d’une revue professionnelle avec une casquette à l’envers sur la tête (impossible de me souvenir laquelle).
Les responsabilités du community manager sont donc les suivantes :
- Assurer l’animation et la modération quotidienne des différentes communautés où la marque est présente ;
- Faire des rapports réguliers sur l’activité (volume…) ;
- Fournir une interprétation des tendances et de l’état d’esprit de la ou des communautés (réceptive, méfiante…) ;
- Sensibiliser les équipes internes et les accompagner dans leur appropriation des ces supports.
Le travail de community management n’est donc pas très glorieux mais il est à la base de la présence d’une marque. Le community manager est le dernier maillon de la chaine de contact entre une marque et la communauté. Comme le dit bien Cédric, il n’est pas tant question de gestion de communautés que de gestion de la réputation d’une marque. Cette gestion doit donc se faire dans le cadre d’une charte, de processus et selon des directives bien précises. Il est ainsi hors de question de faire du free style mais plutôt de privilégier l’homogénéité des interactions et de se concerter avec la hiérarchie pour les cas particuliers (gestion de crise…). Idéalement les community managers peuvent s’appuyer sur un community management system pour gagner du temps (cf. Des content Management Systems aux Community Management Systems).
Les responsabilités du community architect
Tout comme il existe des développeurs et des architectes de S.I., le community architect interviendra à un niveau stratégique sur la définition de la présence d’une marque. Ses responsabilités sont les suivantes :
- Définir et prioriser les objectifs de présence de la marque au sein des médias sociaux ;
- Identifier les communautés à forte valeur ajoutée en fonction des objectifs (communauté de clients, communauté d’investisseurs, communauté de collectionneurs…) ;
- Segmenter ces communautés pour en extraire des archétypes de membres et simplifier la compréhension de leur motivation ;
- Définir les limites de la présence d’une marque (les plateformes communautaires / sociales sur lesquelles elle doit être présente et celles qu’elle doit éviter) ;
- Rédiger la charte d’engagement de la marque vis à vis de ces communautés (des règles du jeu qui peuvent varier d’une communauté à l’autre, cf. Quelle charte pour les médias sociaux ?) ;
- Définir des procédures de traitement internes pour structurer et industrialiser l’activité de community management.
Tout ceci vous semble un peu trop rigide, mais je vous rappelle qu’il y a plus de 14 millions d’utilisateurs français sur Facebook. Les médias sociaux drainent une audience considérable et il faut se préparer à pouvoir absorber la charge en cas de pic.
Les responsabilités du community builder
Une fois que les grandes lignes de la stratégie d’une marque sont définies, il faut passer à l’action et commencer à construire cette présence. Les responsabilités du community builder sont donc les suivantes :
- Assister le travail du community architect dans son travail de définition et de segmentation ;
- Identifier les membres-clés (noeuds forts) qui permettraient de toucher rapidement les communautés ou courants communautaires ciblés ;
- Fédérer ces membres-clés ainsi que les early adopters autour d’initiatives communautaires associées à la stratégie de la marque ;
- Enrôler et motiver d’autres membres en allant les recruter dans d’autres plateformes communautaires ;
- Suivre et piloter la croissance (pour atteindre les objectifs prédéfinis) à l’aide d’indicateurs-clés.
Le community builder peut être assimilé à un facilitateur dont le rôle serait d’amorcer la pompe. Je n’ai volontairement pas utilisé le terme “influenceur” car là encore il y a trop de légendes urbaines qui courent à leur sujet.
Les responsabilités du social media planner
Par analogie avec le media planner, son homologue des médias sociaux intervient dans la définition des campagnes et leur mise en place. Ses responsabilités sont les suivantes :
- Traduire (la stratégie marketing / communication d’une marque et adapter une campagne pluri-média aux spécificités des supports “sociaux” ;
- Préciser le format de présence d’une marque (supports, durée, tonalité…) ;
- Définir et suivre les indicateurs-clés de performance des campagnes ;
- Orchestrer la mise en oeuvre des campagnes et ajuster les tactiques en fonction des réactions de la communauté.
Je ne m’attarde pas trop sur ce rôle car il est assez bien maîtrisé en agence.
Les responsabilités du social media analytics expert
Les pratiques de social media analytics sont encore en maturation mais nous commençons à y voir plus clair. Par analogie avec les outils et pratiques de web analytics, la personne en charge des social media analytics aura les responsabiltiés suivantes :
- Définir et mettre en oeuvre les indicateurs-clés (KPIs) qui sont en rapport avec les objectifs pré-définis ;
- Collecter les retours “terrain” des community managers et les agréger avec les données issues des indicateurs au sein d’un tableau de bord (pour synthétiser l’information et l’historiser) ;
- Fournir une interprétation de ces données ainsi que de leur évolution, s’assurer que les décisionnaires ont pris connaissance des données et de leur interprétation (sinon ça ne sert à rien) ;
- Assister les community architect / builder / planners / managers dans leur ajustement de la stratégie ou des tactiques et campagnes.
Cette fonction est à ne négliger sous aucun prétexte car sinon vous ne pourrez faire que du pilotage en aveugle ou au jugé (selon l’interprétation des community managers). Et ne vous avisez surtout pas de penser qu’un outil peut couvrir tous vos besoins.
Les responsabilités du socio-documentaliste
Tout comme il existe des documentalistes qui sont en charge de cartographier et gérer l’information / les savoirs au sein de l’entreprise (entre autre), les socio-documentalistes endossent les responsabilités suivantes :
- Cartographier les discussions et la présence de la marque au sein des différents médias sociaux (surveiller leur évolution) ;
- Répertorier les informations publiées par les équipes internes (qui a publié quoi) de même que celles publiées par les membres de la communauté ;
- Vérifier la véracité des informations (chiffres, photos…) et les corriger si besoin ;
- Identifier les personnes en interne qui sont à l’origine des informations et données et les sensibiliser à la propagation de celles-ci sur les médias sociaux (page Wikipedia…).
Gérer l’information au sein d’une grande entreprise n’est pas une chose facile, et c’est encore plus complexe dès que l’information prolifère à l’extérieur.
Ne pas confondre rôles et fonctions
Encore une fois, l’idée de cet article est de confronter mon point de vue, pas de vous livrer des fiches de poste détaillées. D’ailleurs il s’agit bien là de rôles et non de fonctions. La différence est subtile mais elle est importante. La personne en charge des web analytics va par exemple être amenée à dégager un peu de son temps pour s’occuper des social media analytics. Le directeur marketing (et ses équipes) va par exemple avant le lancement d’un produit prendre le temps de définir une posture et un angle d’attaque pour maximiser l’impact sur les médias sociaux.
Nous sommes également bien d’accord qu’une seule personne ne peut endosser tous ces rôles et que ces rôles se complètent (il faudra ainsi faire intervenir plusieurs personnes pour définir les bons indicateurs-clés).
Pour finir je vous mettrai en garde contre les sirènes des agences “spécialisées” qui prétendent détenir le savoir ultime et pouvoir vous fournir tous les profils dont vous avez besoin. La définition d’une stratégie et d’une campagne de communication se fait bien conjointement entre les différents départements d’une entreprise (communication, commercial, marketing…) ainsi que ses prestataires (agences). Pour les médias sociaux c’est la même chose : L’idée n’est pas de tout externaliser ou internaliser mais de faire appel aux bonnes compétences au bon moment (Napoléon disait “En temps de guerre, rien ne rattrape le temps perdu“).
Un article qui vient à propos. La foule des agences et professionnels spécialisés en CM commence en effet à déborder et on retrouve des CM à 300 euros/mois et d’autres à 4000.
Cet article permet de faire le point sur les compétences attendues d’un vrai CM.
Merci Fred.
Article très intéressant, mais à mon avis, ces distinctions sont encore beaucoup trop précises au vu du contexte actuel.
Autant je suis favorable à faire la distinction entre le community manager et le social media manage/planner (pour la simple et bonne raison que cela permet de faire comprendre aux annonceurs qu’un stagiaire ou un junior externalisé ne sont pas suffisants pour gérer efficacement les interactions entre la marque et sa communauté), autant les autres intitulés de postes me semblent pour le moment superflus.
Je ne connais pas encore de marque (même aux US) qui font la distinction entre le community architects et le community builder, ou alors entre le social media analytics expert et le socio documentaliste par exemple.
Un élément que j’ajouterai par contre à cette liste, c’est le lien qu’il faut faire entre la communauté et les équipes marketing produit. Ça doit être l’objectif ultime de chaque marque : que les interactions qu’elle entretient avec sa communauté lui permettent d’offrir des produits/services totalement adaptés à ses clients.
Je pense que tu fais bien de différencier ce qui est des fonctions et ce qui est des métiers car déjà que les entreprises se posent la question de trouver la personne pour faire leur CM, elles pourraient à la lecture de ton article se dire qu’il faudrait ouvrir 5 ou 6 nouveaux postes. Dans l’idéal, et ce qui concerne des grands comptes c’est envisageable. Je pense que pour ces fonctions, il faut voir que la question n’est pas nécessairement de nouvelles personnes mais bien de compétences à acquérir (et donc à faire acquérir à l’annonceur)…
PS : merci pour les “clins d’oeil” dans ton article
Encore un billet très intéressant ! Je pense néanmoins qu’il faut penser aux plus petites entreprises qui seraient heureuses de pouvoir ouvrir UN poste de Community Manager ^^
Merci pour ce billet très intéressant. Je rejoins assez Rom1, et je pense que la description que tu donnes est réaliste pour les grandes entreprises ayant les moyens de s’offrir autant de ressources, et désirant optimiser leur organisation. Pour une PME (90% des entreprises quand meme…), les 6 rôles se font par une ou 2 personnes maximum, s’ils ne sont pas dispersés sur le personnel existant.
Ou placerais tu le rôle de social media strategiste, qui est également assez discuté, surtout outre-atlantique ? dans les responsabilités du community architect ?
Merci,
Pierre.
Pour des PME ou des entreprises plus grandes mais plus frileuses, nous pouvons tout à fiat envisager une configuration où le travail quotidien (community management, social analytics, social-documentaliste) est effectué par une seule personne à mi ou quart-temps. Les autres rôles pourraient être endossés par des prestataires à des moments-clés de la définition de la stratégie. Rien de mal à s’entourer de personnes compétentes du moment qu’il y a transfert de compétences et non sous-traitement aveugle.
@Fredéric,
Tout à fait d’accord sur la dernière phrase du commentaire précédent que tu as laissé…
Oui,merci pour cette réponse tout à fait pertinente…
En effet ces différents rôles peuvent tout à fait servir de clé de répartition du temps de travail ou comme check-list des missions à remplir pour une ressource unique….
par définition, une des grosses différences avec le webmaster 1.0, c’est l’interaction nécessaire avec le public. Et c’est pour l’instant une compétence qui est peu développée dans les universités (ou formations): la discussion, la médiation, l’échange, on apprend ça où ? à par sur le terrain.
D’ailleurs quelle base pour le CM : Marketing ? Communication ? Commerce ? Personnellement, je serais pour une spécialisation de “socio” ou psycho. C’est sans doute la connaissance des groupes,de leurs comportements et de leurs interactions qui est la plus importante dans les missions d’un CM.
ps : j’avais rédigé une note intitulée “tous community managers” où je m’interrogeais aussi sur cette soudaine frénésie autour d’un métier qui n’existait quasiment pas il y a 18 mois (sous ce vocable).(lien sur mon pseudo.)
ps2 à lundi à Bordeaux ;-)
Merci pour l’inventaire de la part d’un ancien webmaster et nouveau Community manager :-)
…Pour apporter une pierre à l’édifice de clarification j’ai entrepris la carte heuristique / mindmap de l’article, que vous trouverez en PDF à télécharger par ici : http://tiny.cc/carte-article-community
Pour finir je vous mettrais en garde contre les sirènes des agences “spécialisées” qui prétendent détenir le savoir ultime et pouvoir vous fournir tous les profils dont vous avez besoin. La définition d’une stratégie et d’une campagne de communication se fait bien conjointement entre les différents départements d’une entreprise (communication, commercial, marketing…) ainsi que ses prestataires (agences). Pour les médias sociaux c’est la même chose : L’idée n’est pas de tout externaliser ou internaliser mais de faire appel aux bonnes compétences au bon moment (Napoléon disait “En temps de guerre, rien ne rattrape le temps perdu“).
+1
J’ai posé la question du positionnement de la présence 2.0 à de nombreux patrons de PME/TPE. Ils sont visiblement inquiets sur la façon d’aborder le sujet. Quand je leur parle de la nécessite de passer du temps sur le web 2(ou le faire faire) ils s’interrogent sur la rentabilité de leur investissement. Le “community manager” d’une petite entreprise (de 2 à 49 salariés)ne devrait-il pas avoir un objectif commercial ?
Article très pertinent, permettant de bien différentier les fonctions du community management.
Cependant, pour les sociétés atteignant une taille critique, on pourrait ajouter un nouveau rôle à part entière, reprenant une partie des fonctions du community manager et du socio-documentaliste: le community manager interne. À l’origine d’une stratégie de social media marketing, il me semble nécessaire de développer une politique interne, permettant aux collaborateurs de se former et de représenter leur société/marque.
Dans la vie quotidienne, beaucoup de collaborateurs se retrouvent au contact de clients ou de partenaires et se drapent, même pour quelques instants, d’une cape de community manager. Ainsi, pour aider ses collaborateurs à bien comprendre le fonctionnement et les enjeux de ce travail de communauté vers l’externe, rien de tel que de débuter en interne pour les éduquer et les autonomiser. Pour ce faire, de nombreux outils existent dont certains très éprouvés (Lotus Connections, Newsgator, Yoolink Pro, Socialcast ou même SharePoint). Mais ici, nous commencons à aborder les problématiques de l’Entreprise 2.0
C’est pourquoi il me semble (mais ce n’est que mon avis) que tout bon travail de community management vers l’externe se base avant tout sur un gros travail en interne, l’utilisation pertinente de nouveaux outils collaboratifs (en fonction des tailles et des types structures), l’adaptation de la culture et des fonctions de l’entreprise. Et en chef d’orchestre, un community manager interne ferait le relais entre les équipes (et pas forcément celles naturellement au contact des clients) et l’équipe de community management.
Salut Fred, tu peux jeter un oeil sur l’interview que l’on à fait avec toi, notamment à propos du community management ici: http://www.cite-digitale.com/interview-de-frederic-cavazza/
Au vu de la complexité des sujets abordés par le CM, établir un profil type sous le même chapeau me semble tout à fait improbable. Le CM doit être avant tout une équipe et non une somme d’individus. La connaissance du marketing, de la communication, la communication de crise, de l’informatique de les ressources humaines, la sociologie, des mathématiques, de la sécurité informatique et du lobbying, sont des compétences si hétérogène qu’elles ne peuvent être incarnées par une seule personne. Je serais plutôt partisan de l’entreprise apprenante, une structure mouvante avec une équipe permanente chargée des activités courantes entourée par des experts ou un réseau de compétences connexes qui se réunissent en fonction des besoins et des circonstances.