Meta est la seule société qui a la vision, l’ambition et les moyens de créer le premier métavers

Comme c’est souvent le cas, le marché s’emballe pour une innovation ou un concept technique et nous inonde sous une avalanche de projets plus ou moins aboutis et surtout plus ou moins légitimes sur ledit sujet. Après l’intelligence artificielle et la blockchain, c’est au tour du métavers d’être le sujet à la mode dont tout le monde parle à tort et à travers dans l’espoir d’en être. Un espoir alimenté par une frénésie spéculative autour des cryptomonnaies et NFT qui n’ont malheureusement pas grand-chose à voir avec la vision originelle de ce qu’est un métavers. Tout ceci génère une grande confusion qui nous empêche de bien appréhender l’état d’avancement de certains géants du numérique, dont Facebook (Meta) qui est proche du but.

Si le mot de l’année 2021 est “NFT” (Why is ‘NFT’ the Collins Dictionary’s word of the year?), celui de l’année prochaine sera très certainement “metaverse” tant les discussions et interrogations sont fortes en ce moment. Certains sont optimistes ou tentent de voir le côté positif de cette frénésie médiatique : Don’t mock the metaverse. D’autres sont très critiques et analysent l’état actuel du marché avec une certaine froideur : The metaverse is bullshit. Enfin, d’autres le considèrent comme une nécessité : The metaverse isn’t a place, it’s a mandatory upgrade for reality.

Si pour le moment il est très compliqué de dire qui a raison ou tort, ce qui est certain, c’est que le sujet des métavers ne laisse personne indifférent, car il est clairement en train de se passer quelque chose. En témoigne cette flambée des prix : Vendu un demi-million de dollars, ce yacht n’existe que dans le métavers et Over $100 million in Metaverse Land Sales Last Week. Je sais bien que le montant des transactions ne peut être considéré comme une preuve formelle, mais nous parlons tout de même de très gros montants…

Ceci étant dit, vous noterez que ce phénomène spéculatif avait déjà commencé il y a quelques années et ne se limite pas aux pseudo-métavers : Mieux vaut investir dans un skin Counter-Strike que dans un appartement.

Qu’importe, l’important n’est plus de savoir qui, quand ou comment, mais plutôt de ne pas se faire emporter par ce raz-de-marée médiatique et de se poser les bonnes questions : quoi et pourquoi. Aussi je vous propose un nouvel article qui va conclure ma trilogie sur le sujet : Quels enjeux pour le métavers 15 ans après ? et Le métavers n’est pas une rupture, mais une continuité.

Du cyber espace au métavers en passant par le Web3

Pour celles et ceux que ça intéresse, le mot “métavers” est une contraction de “meta” (qui signifie “au-delà” en grec) et de “vers” (abréviation de “univers”), ce que l’on pourrait grossièrement traduire par “au-delà de l’univers” (plus de précisions à lire sur la page Wikipedia).

À une époque, les environnements virtuels étaient décrits à l’aide du mot “cyberespace“, notamment utilisé dès 1982 par… William Gibson, pas le type des guitares, mais l’auteur canadien à qui l’on doit le roman Neuromacien qui est très souvent cité comme source d’inspiration pour les métavers.

Comme je ne me satisfais pas de la définition épistémologique citée plus haut, je vous propose la suivante : “Un métavers est un monde virtuel immersif où des avatars vivent des expériences dans des environnements persistants”.

Plusieurs points importants sont à prendre en compte dans cette définition :

  • L’univers est généré par un ordinateur (ce ne sont pas simplement des éléments virtuels incrustés dans un environnement réel, comme dans la réalité augmentée) ;
  • Cette simulation est en 3D, sinon l’immersion est trop faible ;
  • Les utilisateurs dirigent des avatars (réalistes ou non) pour vivre des expériences ludiques, sociales, professionnelles… (il n’y a pas que le jeu ou le travail, mais les deux et plus encore) ;
  • Ces environnements sont persistants, c’est-à-dire qu’ils continuent d’exister, dans le cloud, mais ce n’est pas forcément le cas des expériences qui peuvent être éphémères (ex : un concert).

Comme vous pouvez le constater, il y a des critères tacites pour pouvoir dissocier les potentiels métavers des univers et jeux virtuels qui existent depuis plus de 10 ans (ex : Second Life, Minecraft…). Le chemin est donc encore long avant de pouvoir profiter du futur de l’internet, quoi que…

Pourquoi n’avons-nous pas de métavers ?

À une époque pas si lointaine, c’était la mode des plateformes. De ce fait, tous les projets numériques et toutes les startups étaient des plateformes, ou prétendaient l’être. Puis ça a été la mode de l’intelligence artificielle, puis de la blockchain, et maintenant c’est au tour des métavers. Comme c’est toujours le cas avec la Silicon Valley, on nous abreuve de projets plus ou moins aboutis qualifiés avec le buzzword du moment. On se retrouve ainsi avec des pseudo-métavers comme Alien Worlds, objectivement une vaste arnaque quand on le compare à des univers virtuels bien plus ambitieux et réalistes comme Entropia Universe ou Star Citizen.

L’existence d’univers virtuels historiques (Second Life, Rec Room…), de jeux massivement multijoueurs (Fortnite, Roblox…) ou de proto-métavers (Entropia Universe, Star Citizen…) pourrait expliquer pourquoi il n’existe pas encore de métavers, mais la réalité est plus complexe.

Ainsi, un métavers est avant tout un concept qui regroupe un certain nombre de composantes techniques, fonctionnelles, économiques… De ce fait, c’est un meta-projet très complexe qui nécessite un ensemble de pré-requis et conditions qui sont nécessaires, mais pas suffisants (The Metaverse Value-Chain).

Pour résumer : un métavers est un tout qui n’existe pas encore. Aujourd’hui, nous avons des services parfaitement fonctionnels, mais qui ne proposent qu’une partie de ce qu’un métavers est censé proposer : 4 Reasons Why People Still Play Second Life.

Le problème est que tout le monde n’est pas d’accord sur ce point, car le débat est préempté soit par des détracteurs qui ont une vision idéaliste des métavers (mais ne font rien pour les concrétiser), soit par les promoteurs du Web3 qui tentent de surfer sur la vague et assimilent leur projet à un métavers dans l’espoir d’augmenter la valeur de leurs investissements (DAO, cryptos, blockchains…).

Au final, l’action combinée des idéalistes et des spéculateurs ne fait que noyer le sujet dans un discours abstrait qui brouille la compréhension de ce qu’est un “vrai” métavers et du chemin qu’il reste à parcourir. Diriez-vous que les “vrais” médias sociaux ou smartphones n’existent pas, car ils doivent être gratuits, universels, ouverts, décentralisés… ? Non, car l’important est d’avoir un produit ou un service qui remplit une fonction et n’est pas trop compliqué à prendre en main. C’est ce qui a fait le succès de l’iPhone ou de Instagram, des produits où les utilisateurs sont verrouillés dans un écosystème fermé et parfaitement bien monétisé, mais qui ont malgré tout remporté un immense succès (n’en déplaise aux idéalistes).

Bref, tout le monde a un avis sur ce quoi doit être ou proposer un métavers, mais ça reste de la rhétorique (une liste au Père Noël). Il existe bien des projets plus ou moins aboutis d’univers virtuels décentralisés, mais ce sont avant tout des supports spéculatifs à but lucratif (ex : The Sandbox où il faut payer pour profiter pleinement de l’expérience : Premières impressions sur The Sandbox Alpha).

Je pense ne pas me tromper en disant que le seul avis qui compte réellement est celui de la personne qui est capable d’investir 20 MM$ pour sortir un produit grand public. En l’occurrence, nous parlons de Mark Zuckerberg, le patron et fondateur de Facebook qui a déjà investi ±10 MM$ avec le rachat de Oculus et de nombreux projets de R&D et qui a récemment annoncé avoir doublé la mise : Facebook is spending at least $10 billion this year on its metaverse division.

Le métavers est un puzzle que Facebook (Meta) assemble petit à petit

Dans une interview publiée cet été, Mark Zuckerberg nous présentait sa vision du métavers et la feuille de route de sa société : Facebook’s CEO on why the social network is becoming ‘a metaverse company’. Il définit le métavers comme suit : “Un ensemble d’expériences maximalistes et interconnectées où vous pouvez créer et explorer avec d’autres personnes qui ne se trouvent pas dans le même espace physique que vous. Vous pourrez passer du temps avec des amis, travailler, jouer, apprendre, faire du shopping et plus encore“.

Si l’on étudie en détail de cette description, on se rend compte que toutes les composantes qui constituent un métavers existent déjà, mais en pièces détachées. En ce sens, le métavers est plus à voir comme un puzzle encore incomplet que comme une utopie.

Le panorama au-dessus dresse un tableau très complet des différentes pièces du puzzle, peut-être un peu trop, car ça part dans tous les sens. Mais malgré cela, il est possible d’identifier un certain nombre des ces pièces et de voir ce qui est disponible et ce que Meta possède déjà :

  • Un environnement virtuel immersif pour s’amuser avec ses amis (nous avons Rec Room, mais aussi Horizon Worlds qui est encore en beta) ;
  • Un environnement virtuel immersif pour collaborer avec ses collègues (Microsoft a dévoilé son projet, Mesh, de même que Meta avec Horizon Workrooms) ;
  • Une plateforme où les utilisateurs peuvent créer leurs propres expériences (c’est ce qui a fait le succès de Minecraft, propriété de Microsoft, ou de Roblox, mais c’est également la promesse de Horizon Worlds) ;
  • Une plateforme où des dizaines de millions de joueurs peuvent s’affronter (c’est le créneau préempté par Fortnite, ainsi que celui convoité par Facebook Gaming) ;
  • Une plateforme pour des avatars et leurs objets cosmétiques (historiquement nous avions Yahoo Avatars, mais plus récemment Bitmoji de Snap ou Zepeto de Naver) ;
  • Une économie solide en matière d’immobilier virtuel ou même d’emplois permettant de gagner de l’argent (c’est ce qui fait la réputation d’univers comme Entropia Universe ou Habbo où l’on peut trouver du travail pour gagner de l’argent) ;
  • Une monnaie numérique qui puisse être utilisée dans l’univers et en dehors (ex : les cryptomonnaies comme Bitcoin. Facebook voulait aller beaucoup plus loin avec son projet de stablecoin, mais il est pour le moment au point mort) ;
  • Des casques de réalité virtuelle (HTC et sa gamme Vive sont positionnés sur ce créneau, mais ils ont beaucoup de mal à suivre la cadence des produits Oculus qui bénéficient de fonds plus importants) ;
  • Des interfaces gestuelles (à l’aide de capteurs comme celui proposé par Ultraleap, ou à l’aide d’un gant haptique comme celui présenté le mois dernier par les équipes de Facbeook : Meta’s sci-fi haptic glove prototype lets you feel VR objects using air pockets).

Comme vous pouvez le constater, Facebook a déjà rassemblé beaucoup de pièces du puzzle. Pour être plus explicite : Meta est jusqu’à preuve du contraire la seule société à avoir la vision, l’ambition et les moyens nécessaires pour réussir ce défi les premiers. Voilà pourquoi il est essentiel d’étudier leur stratégie : Why you should care about Facebook’s big push into the metaverse.

Il y a bien d’autres projets d’envergures, notamment chez Epic Games ou Niantic (les éditeurs respectifs de Fortnite et Pokémon Go), mais rien de comparable avec ce dans quoi s’est lancé Meta. Tous les autres projets ne sont qu’une distraction, ils sont insignifiants. Pas dans le sens où ils sont mauvais, mais plutôt en comparaison de la stratégie poursuivie par Meta : prendre le marché de vitesse et imposer son produit avant tout le monde pour en faire une référence. Avec son projet de métavers, Mark Zuckerberg cherche à reproduire le coup de maitre de Apple avec l’iPhone : laisser les autres tâtonner et sortir un produit capable de séduire des centaines de millions d’utilisateurs. Ceci permettrait à Meta de se positionner en avance de phase pour être certain de ne pas manquer la prochaine itération du web (cf. Les différents stades d’évolution du web : 1.0, 2.0, 3.0…).

La grande question n’est pas de savoir s’ils vont y arriver, mais plutôt quand, et surtout avec combien de temps d’avance sur la concurrence. Croyez-le ou non, mais la fenêtre de lancement probable n’est certainement pas à 5 ou 10 ans, mais potentiellement l’année prochaine ou dans deux ans.

L’offre est quasiment prête, reste à savoir si la demande sera suffisante. Vaste question, mais dans tous les cas de figure, personne ne pourra reprocher à Mark Zuckerberg d’être victime du dilemme de l’innovateur !