Ce matin Nicolas a décidé d’arrêter la publication de Versac : Fin de ce blog. Passé l’effet de surprise de cette annonce, j’ai comme l’impression que nous sommes en train de vivre un changement d’époque pour les blogs : le passage de l’âge de pierre à l’âge de fer.
Force est de constater que la professionnalisation des pratiques de blog est en train de profondément modifier le paysage de la blogosphère. J’interprète ainsi l’annonce d’Éric de son passage à un statut de blogueur professionnel (Révélation de la semaine : j’ai trouvé un travail) comme l’élément déclencheur d’un mouvement de fond : tensions, railleries, jalousies… qui conduisent aujourd’hui à la disparition d’une figure emblématique du blog français (rassurez-vous Nicolas n’est pas mort, il va juste blogueur ailleurs).
Je ne saurais trop expliquer pourquoi mais j’ai comme l’impression que la blogosphère va progressivement perdre son innocence et rentrer dans une phase plus… industrielle. Celle où l’on brasse de l’argent, celle où l’on s’insulte par billets interposés (même dans un cadre professionnel), celle où les égos débordent des claviers.
Ce changement d’époque va donc se faire dans la douleur, une douleur supportée par une minorité d’individus :
- Nicolas (encore lui) qui se fait chahuter de plus en plus fort dans les commentaires de son blog ou par des journalistes bien-pensants ;
- Éric qui est obligé de justifier chaque centimes gagnés (Presse-citron et les billets sponsorisés) et qui en vient à s’excuser quand sa ligne éditoriale ne plait plus (Recalé à l’écrit) ;
- Ce blogueur qui subit une forme de racket en ligne (Menaces et Chantage : Trop c’est trop !)…
Bref, la situation s‘envenime et même si nous n’en sommes pas encore à envisager la peine de mort comme pour les blogueurs iraniens (Iran Parliament to Debate Death Penalty for Bloggers), je me désole de constater que les plus grands se voient contraints de plier sous la pression des masses anonymes. Finalement c’est Vinvin qui avait vu juste avec sa farandole des abrutis. Puisse le dieu internet me donner le courage de ne jamais céder à mon tour. Car après tout, tout le monde ne peut pas avoir la force de caractère du Capitaine, bien que lui aussi doit connaitre des moments de solitude.
Nous voici donc en présence de la première victime du mythe du “blogueur influent”. Vaste fumisterie dont nous n’arriverons décidément pas à nous débarrasser. Si j’avais le courage, je rédigerais un article pour définitivement enterrer ce mythe à la con mais je suis fatigué. Fatigué de répéter inlassablement que nous sommes tous influent à notre échelle. Fatigué de répéter que le blog est un outil, pas une caractéristique. Les blogueurs n’ont en commun que la plateforme technique, leurs motivations et leur approche sont toutes différentes (il y a autant de façon de bloguer que de blogueurs).
Mais je m’égare, revenons à nos moutons : Je suis maintenant convaincu de la nécessité d’instaurer une forme de contrat de lecture entre le blogueur et son audience, un peu comme des Conditions Générales d’Utilisations. Ce contrat tacite permet de définir un cadre sain dans lequel le blogueur pourra s’épanouir et entrer dans une relation mutuellement enrichissante avec son lectorat (évitant ainsi les plaies du blogueur). Est-on en train de parler d’une charte des blogs ? Peut-être, je n’ai pas encore trouvé la solution.
Il pourrait potentiellement y avoir autant de chartes que de blogueurs mais je trouverais intéressant de pouvoir initier une réflexion collective sur des modèles de chartes génériques. Un peu comme les licences Creative Commons (il y en a forcément une qui vous convient).
Bref, tout ça pour dire que nous vivons un changement d’époque plutôt déstabilisant. J’espère que ce phénomène de maturation des blogueurs se fera de concert avec une maturation des lecteurs / commentateurs, des agences, des annonceurs et des journalistes.
Le blog est mort, vive le blog !
Bonsoir,
Je vous félicite pour cet article.
Il me rappelle la phrase qu’un ami avec qui j’avais voulu créer une société aimait répéter.
Ce projet est resté virtuel mais nous aimions imaginer toutes les étapes de cette aventure, les échecs, les succès, les conséquences de nos décisions des heures durant en sirotant une bière.
Cet ami finissait toujours notre discussion par :
“Le plus gros risque, c’est que ça marche”.
J’ai l’impression que beaucoup de bloggeurs, ne disons pas influents, disons simplement avec une forte audience, sont arrivés à cette étape :
Comment transformer l’épicerie familiale (le blog créé pour déconner un soir) en multinationale
(le blog avec plusieurs milliers de lecteurs quotidiens) ?
A mes yeux, la réponse est très triste mais inéluctable : Raser l’épicerie de papa et rebatir une multinationale à partir de fondations différentes. C’est une autre aventure qui commence, non ?
Je ne comprends pas trop le sens de ton article. D’une part tu expliques que le blogging devient une véritable institution et qu’un fossé énorme se creuse entre le blogueur amateur et le professionnel. Tandis que d’une autre tu affirmes qu’il n’y a pas de quelconque influence ou évolution dans le blogging mais, afin de rétablir un esprit sain, qu’il faudrait néanmoins faire un contrat entre blogueurs et lecteurs… Pourquoi alors ne pas rester à l’amateurisme actuel ?
Tu sais quoi Fred ? J’envie Versac…
C’est dire à quel point ce polémiques sont épuisantes : même si on essaie désespérément de s’en protéger, elles finissent toujours par vous retrouver.
Et pour ne parler que de mon petit cas personnel tu vois juste, c’est un déchaînement depuis que j’ai simplement annoncé “officiellement” que je passais au blog (et à la gestion de mes autres sites) à plein temps, alors que j’aurais pensé que ça clarifierait au contraire les choses, car dans les faits je suis à plein temps depuis presque 6 mois, j’avais juste repoussé l’annonce à cause de l’affaire Fuzz-Martinez (quand je pense que certains croient encore que ce procès à la con a bien arrangé mes petites affaires, je m’en étrangle).
Sinon pour la charte ou les CGU, je vais les mettre en place prochainement sur Presse-citron. Et ceux qui ne s’y conformeront pas pourront passer leur chemin.
Pourquoi cette ambiance nauséabonde autour de ce qui n’est – comme tu le dis – qu’un format de publication ?
Mystère et boule de blog.
Ceci est mon premier post sur ton blog. Deux remarques.
Si on place ton article dans une perspective liée à la farandole des abrutis, on retrouve dans e qu’il st en train de se passer au sein de la blogosphère ce qu’il est arrivé pour Wikipedia.
Des passionnés désintéressés qui construisent, le succès se propageant et les contributeurs augmentant la qualité moyenne des contributions/commentaires diminue, et pire que tout arrivent les manipulateurs/destructeurs/intéressés par autre chose etc…
Pénible, mais pas très grave.
Si par contre on envisage ton papier dans une optique “changement d’époque” + “la situation s’envenime”, par exemple en dépassant la simple prise en considération de la blogosphère pour envisager de manière plus large l’Internet, alors… nous avons un sérieux problème.
Quoi qu’il en soit, que tes compétences et ton influence bien réelles servent au mieux les intérêts et de l’Internet et du plus grand nombre des internautes.
Cordialement.
” le blog est un outil, pas une caractéristique ”
Sauf que j’ai souvent l’impression que les “bloggueurs” (pas tous mais certains) sont les premiers à faire cet amalgame.
En effet en tant que lecteur régulier de presse-citron, je ne lis plus les commentaires qui deviennent des plate-formes d’exécutions des blogueurs qui gagnent de l’argent. Toute peine mérite salaire non ?
Est-ce que ce problème se pose aussi ailleurs genre au USA ?
Si ce n’est pas le cas. Et que se soit un problème franco-français, je pense qu’il serait alors tant de dépasser ce tabou de l’argent.
Mouai.
Les blog perdent leur innocence ? Je ne le croit pas. Quand je pense que les médias “pro” qui font recette sur le net sont ceux qui justement adoptent une personnalisation de l’écriture (je pense à Bakchich et à Rue89, qui ont une forme de publication vraiment proche du blog), je me dis que non, le blogging innocent n’est pas mort.
Il évolue, et finalement, se démocratise.
Ben oui, jusqu’alors, l’internaute qui “agrégeait” des flux était un “geek”… aujourd’hui, de plus en plus de gens “normaux”, et pas du tout impliqués dans la “blogosphère” se retrouvent à consommer (le mot est lâché : on “consomme” du net) ce sur quoi ils naviguent. Et en temps que bons consommateurs, et bien ils s’expriment et disent haut et fort ce qu’ils pensent, en évitant peut-être de remettre dans son contexte tout ce qui devrait l’être.
C’est vrai que les commentaires/discussions sont de plus en plus tendu(e)s et ont tendance à prendre des tournures proches de la jalousie.
J’espère que c’est simplement une période de transition, parce que mon blog étant nouveau, j’ai pas réellement envie de rentrer dans cette ambiance là…
Le problème de ce genre de « charte » est que cela risque d’encadrer peu à peu juridiquement une activité dont la spécificité réside précisément dans cette liberté et cet anonymat ! On pourrait en revanche tenir là une distinction entre site et blog.
Je m’explique. Les sites seraient encadrés d’une manière ou d’une autre par le droit, alors que les blog pas. Les sites relèveraient donc de la sphère publique et l’existence de « chartes » pourraient constituer une sorte de label de qualité : différents type de « charte » selon les garanties apportées quant au contenu. Les blogs en revanche relève de la sphère privée (ce qui ne veut pas dire que c’est une zone de non-droit): comme lorsque l’on entre chez quelqu’un, il n’y a pas de « règlement intérieur » imposé par l’extérieur (le propriétaire du blog peut néanmoins en imposer un puisqu’il est chez lui). Mais j’insiste les blogs ne sont pas pour autant des zones de non-droit : dans la « vrai vie » on ne peut pas torturer des gens chez soi (par exemple), de même sur un blog on ne peut pas tout faire. La différence avec un site c’est que ces règles (pour le coup implicites) ne relève pas d’un droit spécifique à l’objet « blog » mais du droit privé en général.
Quoi qu’il en soit les blogs font réellement débat en ce moment, notamment au Parlement européen :
http://etoile.touteleurope.fr/index.php/post/2008/07/01/Un-projet-de-rapport-du-Parlement-europeen-suscite-la-colere-des-blogueurs
Pour ne parler que de ça, l’idée des CGU propres à chaque blog est une bonne idée, mais comme à chaque fois, il y aura 10% de lecture, voire moins.
Et comment lutter contre les 90% restants? En faisant la même chose qu’actuellement : de la modération.
Parce que, des CGU, c’est bien, ça met les choses au clair, mais ça n’empêche personne d’insulter un blogueur dans les commentaires ou même, dans un billet sur un autre blog.
Donc, avec l’idée des CGU, même si on se protège contre certaines attaques, on ne les empêchera jamais toutes, et la modération restera de mise.
Aujourd’hui, parler de licences Creative Commons est une bonne idée, mais malheureusement, il me semble que trop peu de gens savent ce que cela signifie, ou même le savent mais ne les respectent pas, du coup, ça revient à la même chose que des CGU : des notions claires, mises en places afin de bien encadrer le blog, mais peu de gens réellement au courant, à même de les comprendre / respecter.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’en France, une grande partie de la blogosphère est constituée par les Skyblog. Et que faire face à “ça”? Car dans cette communauté, les combats par billets/commentaires interposés, ça existe depuis bien longtemps, et même si, pour un jeune, quand on parle de blog, on parle forcément de Skyblog, pour une personne un peu plus âgée et plus au courant des choses du Web, on parle alors d’un WordPress, Dotclear, Blogspot…
Faut il donc les laisser de côté, car c’est du grand n’importe quoi (même si, c’est trop rare, mais il existe des perles sur Skyblog), ou bien les considérer comme membres de la blogosphère, et ainsi les faire participer à ce futur du blog français? Car il est trop peu souvent question d’eux, et même si cela peut paraître insensé pour certains, il ne faut pas ce le cacher, mais “ils” représentent la grosse majorité de la blogosphère.
Je confirme pour les “moments de solitude”…
La jalousie et la médiocratie n’a pas de limite.
Supprimer les commentaires peut être salvateur…. ou pas. J’adore ton idée de “contrat de lecture”.
En même temps, cette jalousie et cette incompréhension me font penser à la politique française : vous ne croyez pas qu’un homme/une femme politique se sent seul(e) quand il/elle se fait lincher par des millions de citoyens alors qu’ils n’ont même pas lu le texte, ils ne l’ont pas compris, ils n’en savent rien, cela ne les concerne pas, les médias l’ont déformé, et, pire, cette personne (qui a été à l’origine du texte) est honnêtement convaincue que ce texte n’apportera que du bien à la société !
Et bien c’est pareil.
Bref : cette situation n’est pas liée à une “maturité de l’ère des blogs”, mais pus à une évolution de la consommation de l’internet.
Ce qu’il y a, c’est qu’un blog n’est pas un “média” traditionnel. Quand on n’apprécie pas la programmation d’une chaîne de TV, on zappe. Au pire on écrit un courrier, mais l’impact n’est pas le même que des commentaires désagréables ou des billets assassins.
Pourrait-on parler de harcèlement moral ?
Bon, bon, bon…
En réalité, les blogueurs ne sont pas les seuls à souffrir de ce type de comportements. Non, en réalité, toutes les personnes dites publiques peuvent en dire autant. A partir du moment où l’on est vu, où l’on est lu, on attire beaucoup de gens d’horizons différents et, dans le lot, on trouve forcément des gars moins sympathiques que d’autres.
Le truc, c’est que les “stars” (écrivains, musiciens, acteurs, etc…) sont préparés à ce genre de choses. Ils savent très bien que plus ils seront connus, plus ils seront la cible des jaloux, des envieux et des… euh… des méchants ? C’est un peu comme si cette mention apparaissait dans leur contrat.
Le blogueur, lui, n’est pas préparé à affronter tout ça. La plupart du temps, il s’agit d’un type normal, un Monsieur Tout-le-monde, qui se trouve très vite dépassé par la situation et qui ne sait jamais trop comment l’affronter. Dans ce contexte, il faut toujours garder à l’esprit qu’on ne peut pas se prémunir efficacement des râleurs et autres frustrés de la vie qui n’ont qu’une chose en tête : trouver une cible et se défouler dessus.
En ce qui me concerne, je n’ai ni l’audience ni la réputation d’un Presse-Citron, d’un Versac ou d’un Frédéric Cavazza. Non, moi je suis un petit blogueur de rien du tout, un anonyme de la blogosphère et je commence déjà à m’en prendre plein la gueule. Alors, forcément, j’imagine très bien ce que vous devez ressentir puisque je n’ai qu’à multiplier que je ressens moi-même par 10 ou par 100.
Ce que je pense, c’est qu’il ne faut pas prêter attention à ce genre de choses. C’est difficile, délicat même, mais si vous montrez à ces personnes que leurs propos vous touchent, alors vous leur conférez un certain pouvoir sur vous. Et ça, on le sait, plus les gens ont de pouvoir sur quelque chose, plus ils cherchent à en user et à en abuser.
Ce « changement d’époque » ne concerne que 0,001 % des blogueurs, non ?
Peut-être un travail à réaliser de manière collaborative ????
Combien de blogs en France, combien de blogueurs touchés par cet “âge de fer” comme tu l’écris ?
C’est peut-être aussi pour celà, que les blogueurs qualifiés d’influents s’en prennent plein la gueule : ils ont une fâcheuse tendance à généraliser leur situation.
Et puis traditionnellement, les blogueurs dits “influents” (d’où vient ce terme, au fait ?) ont une cour à leurs pieds. Celui qui s’écarte du point de vue du chef de meute est en général pris à parti par les sujets de son altesse et chassé du terrain.
Désormais la tendance s’inverse. Les blogueurs “influents” sont des personnes semi-publiques : on parle d’eux, on les cite, on les invite à des manifestations, c’est la contrepartie de la visibilité. Bienvenue dans la vraie vie point com, avec des points de vue opposés, des détracteurs, des critiques, des cons (il y en a aussi).
Pourquoi une charte ? Je suis désolé Fred, mais je ne commercialise pas mes idées et le principe originel du blog est simplement de s’exprimer. Libre aux autres de lire, écouter et voir ce que l’on dit. Cela fait déjà un bout de temps que je ne cherche plus à fidéliser un lectorat, car finalement je tiens à jour mon blog pour moi. Je suis un blogueur égoïste et je l’assume !
J’appelle d’ailleurs ce dernier, mon blog-notes. Il est certes accessible à tous, et les gens sont libres de revenir ou pas. Je dispose de pub google, mais j’ai franchement autre chose à faire que de faire des stats pour déterminer le sujet des billets qui pourraient me rapporter le plus de clics sur mes adsense. Je ne m’impose pas une fréquence précise pour publier un billet. certes, cela n’aide pas à augmenter le trafic et alors ?
Je crois que l’intérêt des blogs, les vrais, ceux qui sont écrits par une personne précise, et non ceux écrits par des rédacteurs pour le compte de telle ou telle entité, seront toujours lus parce que leur amateurisme leur procure une fraicheur et une tonalité propre.
Les blogueurs ont succombés à l’appel de l’argent en se disant : “c’est génial, je vais enfin pouvoir gagner de l’argent”. Alors que c’est faux, vous gagnerez un peu d’argent de poche et encore. Tu fais partie des rares qui ont su, il faut le reconnaître, passer du stade amateur à professionnel. Tu ne gagnes pas d’argent directement avec ton blog, mais c’est devenu ton élément de prescription commerciale numéro 1.
Tu risques bien de passer du blog au site corporate pour promouvoir ton activité, même s’il se compose d’actualités. Mais les autres blogueurs, dans notre grande majorité, nous resterons des amateurs, sans argent :-) mais avec la liberté de dire ce que l’on pense.
La liberté de penser à un prix …