Saviez-vous que le premier email avait été envoyé durant les années 60, soit il y a plus de 40 ans. 40 ans… et une bonne partie de notre activité quotidienne en ligne repose toujours sur les emails. Entre temps il y a eu de nombreuses révolutions technologiques ou des usages (web, intranets, web 2.0, médias sociaux…) mais les messages, eux, n’ont pas beaucoup changé dans leur mode de fonctionnement : un expéditeur, un destinataire, un objet et un corps. Avec le temps, les messages sont devenus plus riches (nombreuses possibilités de formatage ou de pièces jointes) mais le fonctionnement est toujours le même.
Là où ça devient problématique c’est quand :
- Plus des 2/3 des messages échangés sur la planète sont du spam ;
- Il existe une multitude de moyens de communication (tweets, systèmes de messagerie des plateformes sociales…) et que ces derniers font saturer votre attention ;
- Votre activité en ligne est répartie entre différents ordinateurs / terminaux.
À partir de ce constat, il devient plus qu’urgent de revoir le mode de fonctionnement de ces messages et de passer à autre chose. Cet autre chose, ce sont les conversations : les conversations privées ou publiques, indexables et archivables, enrichies ou non (contenus riches, fichiers joints, modules applicatifs encapsulés…), éditables ou non.
En fait, quand on y réfléchit bien, le point de bascule est déjà dernière nous avec l’apparition de messages structurés en conversations dans Gmail :
Mais ceci n’était qu’un début car les conversations sont petit à petit passées au centre des attentions et ne font qu’entamer un long processus d’évolution.
Et les conversations deviennent publiques
La déferlante des médias sociaux a ainsi apportée une dimension “sociale” aux conversations en les rendant publiques, comprenez par là que certains sites comme Facebook ou Twitter sont devenus des lieux de rencontre où il faut être vu et où chacun écoute les conversations des autres. Les public walls ont donc ressuscité les livres d’or (“guest book” en anglais) des sites perso pour en faire quelque chose de résolument plus intuitif, distribué, visible… plus social quoi ! Notons que ce principe de public wall fonctionne aussi dans le monde professionnel avec les réseaux sociaux d’entreprise.
De même, Twitter a intensifié cette pratique en y rajoutant une dimension temporelle importante avec les conversation publiques en quasi-temps réel (par l’usage des @ et #). Sur ce terrain là, signalons un petit nouveau (Nurphy) qui propose un service de conversation en ligne permettant de mieux gérer les aspects privé / public : Nurphy Wants to Replace Email with Conversations.
Outre les réseaux sociaux, une partie des conversations sont également hébergées par les blogs et leurs commentaires. Pas étonnant que dans cette mouvance nous avons également vu naitre et croitre des services d’agrégation de commentaires comme BackType (cf. Les commentaires au centre de votre graph social) ou Echo (cf. Vers des commentaires distribués pour les blogs ?).
Mais il y a une limite à cette visibilité à outrance : l’éparpillement. De fait, la prochaine étape de la transformation des conversations va être de les regrouper.
Des conversations unifiées
La messagerie unifiée n’est pas une nouveauté dans le monde de l’entreprise car voilà des années que l’on en parle. Le principe étant de regrouper en un seul endroit les messages (et conversations) en provenance de différents supports : email, messages téléphoniques, SMS… Avec l’avènement des médias sociaux, ce besoin d’unification va se faire également sentir sur le plan personnel. Comprenez par là que nous sommes maintenant saturés d’alertes et autres simili-spams en provenance de réseaux sociaux qui noient notre capacité à répondre à des messages plus importants (provenant de “vrais” amis ou de la famille).
D’où l’intérêt d’unifier tous les messages, alertes, stimuli en provenance des multiples plateformes sociales (email, réseaux sociaux, tweets, messagerie instantanée…) pour pouvoir les trier et surtout les classer. Le but de l’exercice étant de faire ressortir ceux en provenance d’interlocuteurs de choix (votre conjoint, mère…) ou nécessitant une réponse urgente. Un tel système permettrait également de garder le fil d’une conversation s’étalant sur différents supports (démarrée par email puis au téléphone…).
Rajoutez à cela la possibilité d’agréger les messages de tous vos terminaux (ordinateurs, netbook, smartphone, nabaztag…) ainsi que d’y accéder avec n’importe quel terminal et vous obtenez un sacré casse-tête ! Mais à coeur vaillant rien d’impossible, c’est en tout cas ce que se sont dit les équipes de Mozilla qui travaillent sur un projet de messagerie unifiée : Raindrop.
Parler de messagerie unifiée pour ce projet est très réducteur, les équipes le définissent plutôt comme un nouveau système de communication où vous connectez différentes sources (emails, Facebook, Twitter, Skype…), vous définissez des règles de traitement et vous greffez des extensions pour automatiser certaines tâches. Plus d’infos ici : First look: inside Mozilla’s Raindrop messaging platform. Pour le moment ce projet n’en est qu’à ses balbutiements mais il démontre une grande valeur ajoutée et préfigure ce que pourrait être l’avenir de la messagerie unifiée : 4 Reasons Why Mozilla’s Raindrop Matters.
L’avenir de la messagerie unifiée ? Oui à condition d’avoir fait le lien entre messages textuels et messages vocaux. Un mariage à priori impossible tant les difficultés technologiques sont nombreuses. Mais là encore, à co(d)eurs vaillants rien d’impossible puisque Google est en train de déployer aux États-Unis son service Google Voice qui vous propose de retranscrire les messages vocaux en texte : Google Voice Can Now Take Control Of Your Mobile Voicemail.
Très pratique pour unifier toutes les formes de conversations, mais également effrayant car la retranscription ne prend pas en compte l’intonation, elle supprime le contexte.
Comme nous l’avons vu un peu plus haut, agréger les conversations n’est que la première étape. Le plus grand bénéfice d’une telle opération est de pouvoir traiter ces conversations voir de les enrichir.
Vers des conversations enrichies
C’est là que rentre en scène Google Wave, le fameux service dont on a beaucoup de mal à faire une définition courte. Et pour cause, Wave se situe à la croisée de nombreux usages et peu être exploitée de nombreuses façons : Google Wave = Email + IM + Wiki + Mashup. En fait il serait très réducteur de considérer Wave comme une évolution de l’email car c’est en fait un projet bien plus ambitieux que ça : Google Wave’s unproductive email metaphors.
Dans le contexte de la conversation, Wave vous permet de rendre une discussion active en autorisant l’édition, la gestion des modifications et la publication (par encapsulation dans une page web). Nous avons donc un usage plus proche du wiki.
Mais Wave vous permet également d’insérer des modules dans les discussions pour pouvoir l’enrichir et lui donner une dimension applicative : carte, slideshow, sondage… En fait il est possible de créer une infinité d’extensions et de mettre en place des robots auquel vous attribuez des permissions pour pouvoir faire tout un tas de chose à votre place. D’ailleurs nous ne devrions pas tarder à voir apparaitre une place de marché d’extensions pour Wave : Google Wave team talk shop and future.
Mélangez le potentiel des agents intelligents avec la possibilité de publier une discussion sur une page web et vous obtenez une authentique révolution dans votre façon de communiquer, d’interagir, de collaborer, de partager… Si vous avez la chance d’avoir une invitation pour Wave, je vous invite à tester le service en profondeur pour bien vous rendre compte du potentiel disruptif de cette technologie.
Conclusion
Donc au final, l’email est-il mort ? Non bien au contraire, il ne fait qu’entamer une longue série de mutations pour en faire l’outil de communication du 21ème siècle. N’oublions pas que derrière chaque email il y a un ingrédient essentiel (un utilisateur), et cette longue évolution ne devra en aucun cas le perdre en route. Lequel des usages pro ou perso va accélérer cette évolution ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais dans tous les cas de figure l’email est condamné à évoluer à moyen terme. Qui s’en plaindra ?
A propos de la présentation par conversation dans GMail :
C'est tellement agréable que cela devient frustrant quand il casse automatiquement un fil en deux (ça m'arrive souvent quand je change l'objet… — ou alors je suis vraiment mauvais utilisateur de GMail, ce qui est possible aussi). J'ai constaté un phénomène équivalent dans les google-groupe… (surtout quand il y a des débutants dans le groupe — par exemple des personnes qui répondent à une discussion dans une autre).
Bref souvent je regrette que ces outils ne laissent pas (ou pas facilement) "modérer" ou réorganiser les conversations… On est un petit peut victime des algorithme de tri.
***
Le projet Raindrop me fait penser à ces logiciels de messageries instantanée qui essayent de proposer un client universel (compatible avec plusieurs protocole). Certain protocoles nécessitant même un reverse engineering.
Bref c'est pas évident de garder une compatibilité à ce niveau là. Alors ajouter le Mail, twitter, etc dans tout cela, et on se dit que ça risque d'être très difficile…
D'autant que si je ne m'abuse Twitter sert a plusieurs choses :
– Faire de la conversation (là OK, ça a toute sa place dans un client de messagerie ou de conversation)
– Faire de la veille (et la il vaudrait mieux le coupler a un lecteur de flux RSS étendu qui serait capable de faire ressortir les sujets "à ne pas manquer")
– …
On doit trouver le même genre de parallèle avec les outils ou moyens de conversation (email, SMS, …)
Du coup on se retrouve coincé :
* soit les clients se spécialisent dans un coeur d'utilisation (ex: la conversation) et ne traitent que les éléments (messages, twitt, etc) en rapport avec cette utilisation, en laissant à d'autres logiciels le soin de traiter le restant (typiquement pour l'exemple: cela veut dire que les mails de confirmation de rendez vous sont laisser a l'application calendrier) — peut réaliste non ?
* soit ils sont condamner a vouloir tout gérer (comme outlook la fait en voulant gérer les messages, les newsgroup, les calendriers, …) mais alors c'est sans fin.
.
Concernant Twitter, je trouve justement que l'approche à date est encore très… antique en terme de conversation.
Bien que ce soit possible via des services utilisant l'API (whoops, ne me souviens plus du nom, mais search.twitter.com regroupe parfois les échanges en conversations), les conversations ne sont pas affichées en mode conversation, mais simplement jetées dans la masse, tant et si bien que si nous ne suivons pas les 2 (ou plus) interlocuteurs, le suivi est quasiment impossible. ie : @robert dit : "Qui est déjà allé à Paris" . @patrick répond : "@robert Moi !"
Moi qui ne suis que Patrick, impossible de savoir de quoi il retourne.
L'ajout de cette fonction, qui va pleinement dans le sens de cet article, pour passer du simple message à la conversation, est pour moi un point clé pour apporter une meilleure lisibilité aux échanges twitteristiques !
Billet très instructif et très bien détaillé Fred. Ca donne vraiment le courage de lire jusqu'au bout.
L'idée de conversations enrichies est d'une très grande utilité pour l'utilisateur. Une seule interrogation à mon niveau se situe au niveau de la gestion de la vie privée. Certes avec on aura la possibilité de gérer les permissions des robots mais cela ne reste pas suffisant.
Aussi, comment une start-up peut-elle untilser tous ces outils de conversations enrichies dans sa communication (surtout externe)?
@ Jean-Paul > Et pourquoi pas gérer la confidentialité en paramétrant un robot qui va détecter les contenus "sensibles" (sur le même principe que Gmail est capable de te dire que tu as oublié de mettre un fichier en pièce jointe).
/Fred
Wow ! Excellente analyse de synthèse mon cher Fred, je parlais récememment dans une série de billets que je viens de débuter et qui s'intitule "People Are Content", des types de créateurs de contenus sur le Web, les classant en 2 catégories, soit Dauphins et Chiens; tu es véritablement un dauphin (qui apporte une vision originale et qui nous rend meilleur). Je vais te citer et référencer cet article dans mon prochain billet ou le suivant, dans lequel je vais essayer de circonscrire l'ampleur mais aussi la nature de la tâche de "gérer nos contenus/conversations" !!!
Au plaisir,
Fred
@ Denis > Hum… je suis flatté d'être comparé à un dauphin (l'espèce la plus intelligente de la planète selon le Guide du Voyageur Galactique).
/Fred
PS : 42
Tu l'as bien dit, mon cher Fred et c'est bien mérité.
Excellent travail de synthèse Fred! J'ai beaucoup appris en te lisant. Merci
Très très bon billet Fred, vraiment.
Je partage totalement ton analyse : la multiplication des canaux et des supports de communication a pour principal enjeu la préservation et la localisation de l’information.
Le développement de services tels que Twitter, Facebook ou Wave a deux conséquences : une augmentation de la masse de nos échanges et une segmentation de nos communications en fonction de leur nature et de leur objectif (informelles vs. officielles, immédiates vs. différées, publiques vs. bidirectionnelles ou collaboratives, etc.). L’information liée à une conversation ou un contact devient alors extrêmement difficile à retrouver, de par le volume de données à traiter, la diversité des formats et leurs lieux d’hébergement. J’ai récemment écrit deux billets à ce sujet, dans lesquels tu retrouveras pas mal d’analogies avec ton article : “Nope, this is not the end of the email era” (http://blog.silentale.com/2009/10/) et “There is no worthless message” (http://blog.silentale.com/2009/10/16/there-is-no-worthless-message/).
Cette problématique de fragmentation de l’information liée à nos conversations est au coeur d’un nouveau marché très prometteur sur lequel se positionne Silentale, startup française pour laquelle j’ai la chance de travailler.
Nous construisons de façon automatique et silencieuse (d’où notre nom) une archive structurée de l’ensemble des conversations digitales d’un utilisateur, en provenance de tous ses moyens de communication : email, réseaux sociaux, twitter, sms, etc. Cette archive est hébergée dans le nuage et accessible via notre interface web et notre API ouverte, sur laquelle peuvent se construire des applicatifs et extensions permettant d’accéder directement aux données en fonction du contexte.
Actuellement en Beta privée, nous pouvons fournir des codes d’invitation à tous ceux de tes lecteurs qui seraient intéressés à tester le service et/ou l’API (ainsi qu’à toi bien sûr). Il leur suffit juste de tweeter :
Excellent post de @fredcavazza “Les conversations remplaceront-elles les messages?” http://tinyurl.com/ylcef32 via @silentale #invitation
Malgré tout, l’email garde une propriété essentielle : il est simple d’utilisation et l’information utile est accessible rapidement.
Il n’est pas prêt de mourir à mon sens.
Passer à autre chose, on aimerait bien, mais comment faire pour ne pas être distrait par toutes ces sollicitations dès qu’on allume son ordinateur ?
On ne peut pourtant pas se passer d’ordinateur, c’est difficile de faire des choix.
Christian Binot
Encore bravo Fred pour cette analyse. Je n’ai pas l’habitude de lire un poste de plus de 10 lignes mais là je suis allé jusqu’au bout ;)
Cette analyse me touche d’autant plus que cela fait plus de deux que je travaille sur cette problématique avec mon associé.
Notre approche se base sur une question centrale et simple : comment rendre plus dynamique une conversation sur la Web ? En observant l’émergence des réseaux sociaux, de la solution Twitter, de Seesmic, etc et en constatant l’essoufflement de l’utilisation de la boite mails par la jeune génération, on s’est dit que l’enjeu principal, dans un futur très proche, va être de fusionner ces solutions tout en gardant le meilleur de chacun. Comme tu as très bien résumé dans ton analyse.
Nous avons donc décidé de proposer au marché une solution intégrée (full web) qui est la synthèse entre Skype, facebook, twitter, seesmic et gmail. De ces solutions nous n’avons gardé que leurs forces.
La solution propose une gamme de services allant de la visioconférence jusqu’au boite mail en passant par un micro-blog. Le projet s’appelle PixarUs (www.pixarus.com) et tourne depuis le mois de juillet (ouvert au public). Nous avons actuellement environ une centaine d’utilisateurs qui nous font un retour sur les points positifs et ceux à améliorer.
Je pense que sur cette problématique il y aura de plus en plus de solutions qui vont émerger et Google a pris une petite longueur d’avance. Comme d’habitude.
Cependant le champ d’action est immense. Les jeux sont ouverts et le challenge enthousiasmant !!!
Article intéressant qui nous conduit vers Google Wave.
Le problème reste toujours qu’une utilisation généralisée de Google wave & Co est de la musique d’avenir. Personnellement, Je m’oblige à rester sur le système de mail traditionnel avec le principe d’inbox zero car je n’ai rien trouvé de plus productif à l’heure actuelle. Mais, on va suivre ça de prêt :-)
Nous sommes dans l’ère de la conversation et clairement, les outils proposés arrivent à nous accompagner dans ce mode qui fût à la base de l’évolution de l’humanité. J’ai fait un billet qui semble un peu rétrograde mais qui remets le courriel comme outil de base dans la conversation: Votre stratégie web commence d’abord avec un courriel! (http://www.bloguemarketinginteractif.com/votre-strategie-web-commence-d’abord-avec-un-courriel/)
Je crois que malgré tout les outils proposés, il y a des bases qui sont oubliés par grands nombres d’entreprises et les conversations qu’ils croient avoir sont trop souvent à sens unique. Espérons que ce comportement forcera rapidement les entreprises à réaligner leur vision.